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Date : 20000818


Dossier : IMM-5093-99

Entre :

     AZRA BATOOL QURESHI

     BILAL PERVEZ QURESHI

     Partie demanderesse

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     Partie défenderesse



     MOTIFS DE L"ORDONNANCE



LE JUGE TREMBLAY-LAMER:


[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire à l"encontre de la décision de Mme Martine Beaulac, agent de révision des revendications refusées, rendue le 5 octobre 1999 selon laquelle les demandeurs ne sont pas membres de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (ci-après "DNRSRC") telle que définie au paragraphe 2(1) du Règlement sur l"immigration, 19781.


[2]      L"agent réviseur a conclu que les demandeurs n"étaient pas membres de la catégorie des DNRSRC au motif qu"il n"existe pas de risques objectivement identifiables auxquels ne sont généralement pas exposées d"autres personnes provenant du Pakistan.

[3]      Celle-ci fonde sa décision essentiellement sur (i) le manque de crédibilité constaté par la Section du statut en ce qui a trait à l"implication politique de la demanderesse, (ii) sur le fait que la demanderesse, femme instruite, travailleur indépendant vivant dans un centre urbain, ayant pu retourner dans son pays et en mesure de revenir au Canada sans difficulté, ne se trouve pas dans une situation vulnérable, et (iii) sur le fait que les allégations de problèmes dues à la religion des demandeurs ne sont pas établies par les documents de référence.

[4]      Les demandeurs soumettent que l"agent réviseur aurait été influencé par des éléments extérieurs au dossier, à savoir que le mari de la demanderesse était en situation illégale au Canada.

[5]      Effectivement, dans l"évaluation des risques de retour et plus particulièrement sous la rubrique intitulée "risque(s) identifié(s) par le(s) requérant(s)", l"agent a noté ce qui suit dans ses notes:

[...] je constate que les sujets i.e. madame et son enfant, avaient quitté le Canada le 24 janvier 1994 et étaient retournés au Pakistan et ils sont revenus le 10 février 1998 et ont soumis une nouvelle demande de statut de réfugié au Canada. L"époux de madame était resté au Canada et est toujours recherché par les services d"immigration.2 [nos italiques]

[6]      À mon avis, ces remarques ne peuvent être considérées comme étant une preuve extrinsèque puisque la décision défavorable rendue à l"égard des demandeurs selon laquelle ils ne font pas face à des risques de retour au Pakistan n"est aucunement basée sur les commentaires reliés au mari.

[7]      Les demandeurs soutiennent de plus qu"il y a une apparence de partialité du fait que l"agent réviseur ait effectué deux évaluations de risque de retour concernant les demandeurs. Je ne suis pas de cet avis.

[8]      Dans l"affaire Arthur c. M.E.I.3, le juge MacGuigan de la Cour fédérale d"appel a énoncé clairement que le seul fait qu"une seconde audience soit tenue devant le même arbitre, sans plus, ne suscite pas de crainte raisonnable de partialité4. Cette affaire touchait une décision quasi judiciaire. A fortiori ce principe s"appliquera dans le cadre d"une décision administrative dont les exigences de justice naturelle sont moindres.

[9]      Quant aux commentaires sur la présence au Canada de certains membres de la famille des demandeurs, la décision de l"agent réviseur ne porte que sur les risques de retour. Bien que je trouve ces commentaires superflus, ils ne portent pas sur la question en litige et donc ils n"ont aucun impact sur la décision rendue concernant les risques de retour.

[10]      Comme il l"a déjà fait par le passé, le procureur de la partie demanderesse a tenté à l"audience de soulever de nouveaux arguments lesquels n"apparaissent aucunement dans son mémoire principal ainsi que dans son mémoire en réplique. J"ai refusé d"entendre ses arguments. À mon avis, une telle démarche par le procureur n"est pas acceptable puisqu"elle préjudicie la partie adverse qui est évidemment prise par surprise. De plus, il est évident que la Cour n"est pas en mesure d"apprécier pleinement le mérite d"un nouveau motif soulevé soudainement à l"audience. Cette pratique est d"autant plus étonnante qu"il est permis en vertu de la règle 13 des Règles de 1993 de la Cour fédérale en matière d"immigration5 de déposer un mémoire en réplique suite au dépôt du mémoire du défendeur ainsi qu"un mémoire supplémentaire en vertu de la règle 15.

[11]      Dans l"affaire Lanlehin v. Canada (M.E.I.)6 la Cour d"appel fédérale a refusé d"entendre l"appelante sur des questions qui n"avaient pas été soulevées dans son mémoire. Plus récemment le juge Richard s"est appuyé sur cette décision pour refuser lui aussi d"entendre un nouveau motif à l"audience qui ne figurait pas dans le mémoire7. J"accepte qu"il puisse exister des circonstances très particulières où il soit dans l"intérêt de la justice d"entendre un demandeur sur un nouveau motif. Une telle situation requiert, à mon avis, un ajournement afin de permettre au défendeur de se préparer adéquatement. Mais, une telle situation ne peut être qu"exceptionnelle puisqu"il suffirait à un procureur de se présenter le jour de l"audition avec une nouvelle argumentation et ainsi se voir accorder un ajournement qu"il n"aurait pu obtenir s"il s"était tenu au motif qui figurait dans son mémoire.

[12]      Une dernière observation: l"économie des Règles de la Cour fédérale 19988 prévoit le dépôt du mémoire à l"appui des motifs invoqués par un demandeur au soutien de la demande d"autorisation et de la demande de contrôle judiciaire. C"est sur la base des motifs soulevés dans ce mémoire et le cas échéant dans le mémoire du défendeur ainsi que le mémoire en réplique que la demande d"autorisation sera ou ne sera pas accordée par un juge de la Cour. Sauf dans des cas exceptionnels, c"est une raison de plus pour laquelle il n"est donc pas approprié, à mon avis, d"écarter les arguments qui ont fait l"objet de l"autorisation pour en présenter de nouveaux à l"audition sans que ceux-ci n"aient fait l"objet du même examen au moment de la demande d"autorisation.

[13]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.





     "Danièle Tremblay-Lamer"

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 18 août 2000

__________________

1      SOR/78-172.

2      Décision de l"agent réviseur, dossier de la partie demanderesse à la page 8.     

3      [1993] 1 C.F. 94.

4      Ibid. aux pages 103 et 105.

5      DORS/93-22.

6      (le 2 mars 1993), A-610-90 (C.A.F.).

7      Kioroglo c. Canada (M.C.I.) (1994), 86 F.T.R. 87.

8      DORS/98-106.

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