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Date : 20041115

 

Dossier : IMM-3873-04

 

Référence : 2004 CF 1588

 

 

Ottawa (Ontario), le 15 novembre 2004

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

 

ENTRE :

 

                                                               AKBAR KALABI

NARGES HABIBI NASRABADI

 

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

 

 

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

                                                                                                                                           défendeur

 

 

 

                                MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision d’une agente d’immigration, datée du 15 avril 2004, dans laquelle la demande des demandeurs visant à obtenir le statut de résidents permanents pour des raisons d’ordre humanitaire a été rejetée.

 

[2]               La question en litige dans le cadre de la présente demande est de savoir si l’agente d’immigration a omis de prendre en compte l’intérêt supérieur du neveu des demandeurs lorsqu’elle a rendu sa décision.

 

 

LES FAITS

 

[3]               Les demandeurs sont des citoyens de l’Iran et sont mariés. Akbar Kalabi est âgé de 32 ans et son épouse, Narges Habibi Nasrabadi, est âgée de 27 ans. Ils n’ont pas d’enfant.

 

[4]               Les demandeurs sont arrivés au Canada en octobre 2000 et ont demandé l’asile. Leur demande a été rejetée et, en juillet 2002, ils ont présenté une demande visant à obtenir le statut de résidents permanents pour des raisons d’ordre humanitaire (la demande CH). À l’époque où ils ont formulé leur demande CH, les demandeurs ont mentionné que, s’ils devaient retourner en Iran, ils seraient exposés au risque d’être tués, d’être soumis à la torture, de subir des traitements inhumains ou de se voir imposer des sanctions sévères et qu’ils avaient réussi leur installation au Canada.

 


[5]               En février 2004, les demandeurs ont présenté des renseignements supplémentaires, concernant la relation existant entre M. Kalabi et son neveu (alors) âgé de dix ans, pour qu’ils soient étudiés par l’agente d’immigration. Ils ont fait état du fait que la soeur et le neveu de Mme Nasrabadi s’étaient vus accorder le statut de réfugiés au sens de la Convention en juillet 2003 et que les demandeurs étaient les seuls parents que la soeur et le neveu avaient au Canada. Ils ont ajouté que M. Kalabi et son neveu avaient une relation particulièrement étroite et que M. Kalabi était devenu comme un père pour son neveu dont le père était décédé en Iran. Les demandeurs ont prétendu que ce serait terrible pour leur neveu s’ils devaient être séparés de lui.

 

 

LA DÉCISION

 

[6]               Le 15 avril 2004, une agente d’immigration a rejeté la demande CH des demandeurs. Dans ses motifs, l’agente déclare qu’elle a examiné et pris en compte l’ensemble des observations présentées par les demandeurs, y compris les renseignements supplémentaires fournis en février 2004. Voici les commentaires faits par l’agente concernant la relation entre les demandeurs et leur neveu :

[traduction]

 

Les membres de la famille des clients au Canada sont la soeur et le neveu de Narges, de même que sa tante et son cousin.

 

Dans une lettre de présentation datée du 2 février 2004, le conseil affirme qu’une « relation étroite » s’est développée entre Siavash (le neveu de Narges, âgé de 10 ans) et Akbar et que « ce serait terrible pour Tahereh (la soeur de Narge) et son fils de se retrouver seuls ».

 

Il est noté qu’il existe une relation entre Siavash et Akbar; néanmoins, c’est sa mère qui l’élève et qui subvient à son entretien.

 

La soeur et le neveu de Narge sont entrés au Canada et ils ont présenté des demandes d’asile le 17 août 2001, à l’aéroport international Lester B. Pearson. Narges et Akbar sont arrivés au Canada le 11 octobre 2000, laissant derrière eux le neveu et la soeur en Iran, ce qui a occasionné une séparation d’environ un an. Comme le mentionne la demande CH, Narges a une tante et un cousin de 41 ans, lesquels résident dans la région de Kitchener. Ces parents sont également liés à sa soeur et à son neveu.

 

 

[7]               L’agente a conclu que la situation personnelle des demandeurs était telle que le fait de formuler une demande de statut de résidents permanents de l’extérieur du Canada ne représenterait pas de difficultés inhabituelles ou disproportionnées pour eux et que, par conséquent, ils n’étaient pas admissibles à une exemption pour des motifs d’ordre humanitaire.

 

 

LA QUESTION EN LITIGE

 

[8]               La seule question en litige est celle de savoir si l’agente d’immigration a omis de prendre en compte l’intérêt supérieur du neveu des demandeurs lorsqu’elle a rendu sa décision.

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[9]               La norme de contrôle applicable aux décisions discrétionnaires d’un agent d’immigration dans le contexte d’une demande CH est celle de la décision raisonnable simpliciter (voir l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817). Par conséquent, la Cour ne devrait modifier la décision que si elle n'est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé (voir l’arrêt Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247).

 


La position des demandeurs

 

[10]           Les demandeurs soutiennent que l’agente d’immigration a omis de prendre en compte l’impact que leur départ aurait sur leur neveu comme l’exigent l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Baker, précitée, et l’arrêt Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2002), 212 D.L.R. (4th) 139 (C.A.F.). Ils affirment que l’agente a omis de prendre en compte la nature de la relation entre M. Kalabi et son neveu et que, en fait, elle l’a banalisée. Ils soulignent également qu’elle a commis une erreur factuelle en présumant qu’un cousin de Mme Nasrabadi était lié au neveu, ce qui n’est pas le cas.

 

La position du défendeur

 

[11]           Le défendeur convient que l’intérêt supérieur du neveu constituait un facteur à prendre en compte dans le cadre de la demande CH. Toutefois, à son avis, l’agente a soupesé adéquatement ce facteur et les autres facteurs pertinents. Le défendeur soutient que la relation existant entre les demandeurs et leur neveu ne constituait pas un facteur décisif en l’espèce et que la Cour ne devrait pas procéder à un nouvel examen du poids accordé par l’agente aux différents facteurs.

 

 

 

 


ANALYSE

 

[12]           La Cour ne devrait pas procéder à un nouvel examen du poids donné aux différents facteurs par un agent d’immigration et sa décision ne devrait pas être examinée à la loupe (voir l’arrêt Legault, précité, au paragr. 11, et la décision Jones c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 157 (C.F. 1re inst.), au paragr. 14). Comme l’a mentionné la Cour d’appel fédérale dans les arrêts Legault, précité, et Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] A.C.F. no 1687, il ne suffit par qu’un agent fasse simplement mention d’un enfant, l’intérêt de celui‑ci doit être examiné et soupesé.

 

[13]           En l’espèce, l’agente a reconnu qu’il existait une [traduction] « relation étroite » entre M. Kalabi et son neveu. Ses mots exacts ont été : [traduction] « il est noté qu’il existe une relation entre Siavash et Akbar; néanmoins, c’est sa mère qui l’élève et qui subvient à son entretien ».

 


[14]           La Cour convient que l’agente CH n’a pas apprécié adéquatement l’intérêt supérieur de l’enfant ni ensuite soupesé ce facteur et les autres facteurs comme la politique générale. Toutefois, je ne peux pas blâmer l’agente CH parce que les demandeurs ont fondé leur demande CH sur le « risque », et non pas sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Lorsque l’avocate des demandeurs a reçu l’évaluation des risques défavorable, elle a transmis deux lettres contestant cette évaluation et elle a ajouté un court paragraphe à la fin de la dernière lettre affirmant qu’il existait [traduction] « une relation particulièrement étroite » entre le demandeur et son neveu au Canada, comme père et fils. Aucun élément de preuve n’a été présenté relativement à l’effet sur l’enfant. On n’a formulé aucune demande claire visant à évaluer l’intérêt supérieur de l’enfant. Comme l’a décidé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Owusa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] 2 RCF 635, les demandeurs ont le fardeau de faire la preuve d’une allégation CH fondée sur l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

[15]           En l’espèce, les demandeurs n’ont présenté aucun élément de preuve pour appuyer l’allégation. Le principal motif de l’allégation CH était le risque de préjudice en cas de retour en Iran. De l’avis de la Cour, la demande CH n’a pas soulevé adéquatement la question de l’impact sur l’intérêt supérieur de l’enfant de manière à ce que l’agente d’immigration n’ait d’autre choix que de mieux évaluer l’intérêt supérieur de l’enfant et de soupeser ensuite ce facteur et les autres facteurs comme la politique générale.

 

[16]           Lors de l’audience, le défendeur a déclaré que les demandeurs pouvaient déposer une nouvelle demande CH qui aborderait la question de l’intérêt supérieur de l’enfant de manière adéquate. L’avocate compétente des demandeurs a mentionné qu’ils présenteraient une telle demande sans délai.

 

[17]           Pour ces motifs, la présente demande doit être rejetée.

 

[18]           Les avocates n’ont proposé aucune question en vue de la certification.


                                                                ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

                                                   « Michael A. Kelen »                                                                                                     _______________________________

                 Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-3873-04

 

INTITULÉ :                                                               AKBAR KALABI ET AL

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 10 NOVEMBRE 2004

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                               LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 15 NOVEMBRE 2004

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Chantal Desloges                                                          POUR LES DEMANDEURS

 

Anshumala Juyal                                                           POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Chantal Desloges                                                          POUR LES DEMANDEURS

Green and Spiegel

Toronto (Ontario)

M5H 2Y2

 

Ministère de la Justice                                       POUR LE DÉFENDEUR

130, rue King Ouest

Bureau 3400, boîte 36

Toronto (Ontario)

M5X 1K6

 

 

 


                         COUR FÉDÉRALE

 

 

                                                         Date : 20041115

 

                                            Dossier : IMM-3873-04

 

 

ENTRE :

 

 

AKBAR KALABI

NARGES HABIBI NASRABADI

 

demandeurs

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

                                                    

 

 

MOTIFS DE LORDONNANCE

ET ORDONNANCE

 

                                                 

 

                                         

 

 

 

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