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Date : 20030515

Dossier : IMM-289-02

Référence neutre : 2003 FCT 597

Ottawa (Ontario), le 15 mai 2003

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

                                             MARIA CLARA PRADO MANRIQUE

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                          - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                En vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, la Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision en date du 10 décembre 2001, par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) a arrêté que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention.

[2]                La demanderesse souhaite que la demande de contrôle judiciaire soit accordée, que la décision de la Commission soit annulée et que la revendication du statut de réfugié soit renvoyée pour être tranchée par une nouvelle formation de la Commission agissant selon les directives établies par la Cour.

Rappel des faits

[3]                La demanderesse est citoyenne de la Colombie. Elle vivait à Santiago de Cali et travaillait six jours sur sept à Ginebra, Valle, à une quarantaine de minutes de son lieu de résidence.

[4]                La demanderesse a entretenu une relation de six ans avec Jorge Alberto Lopez. Jorge avait pour cousin et associé Ricardo Echeverry; ensemble ils importaient des pièces de mécanique automobile.

[5]                Le 10 septembre 1999, Jorge a disparu. La demanderesse avance qu'il aurait été enlevé par les guérilléros des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). La demanderesse craint d'être persécutée par les FARC du fait qu'ils exigent d'elle une rançon de 150 000 $ (américains) en échange de la libération de Jorge.


[6]                Le 24 octobre 1999, la demanderesse a décidé de visiter sa tante à Ginebra. Sur son chemin, un camion l'a interceptée et sept hommes en tenue de camouflage (vêtements souvent utilisés par les FARC) sont sortis du camion. Ils l'ont insultée, ont exigé qu'elle trouve l'argent de la rançon et l'ont frappée. Un des hommes l'a violée. Après avoir regagné Cali, elle a séjourné deux jours dans une clinique médicale où sa mère l'avait reconduite. À sa sortie de la clinique, la demanderesse a décidé de quitter la Colombie.

[7]                Le 2 décembre 1999, la demanderesse est arrivée à Miami. Le 18 juillet 2000, après l'expiration de son visa américain, elle est venue au Canada et a revendiqué le statut de réfugié à la frontière.

[8]                La demanderesse prétend que même après son départ de Colombie, elle a reçu des appels menaçants à son domicile. De fait, même en avril 2001, elle aurait été appelée par les FARC pour l'obtention d'une rançon en échange de la libération de Jorge.

Motifs de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (Section du statut de réfugié)

[9]                L' audition de l'affaire a été tenue les 28 août et 26 octobre 2001 par un des membres de la Commission. Dans ses motifs, en date du 10 décembre 2001, la Commission a décidé que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention.

[10]            La Commission a conclu qu'il n'y avait pas d'éléments de preuve crédibles pour décider que la demanderesse faisait face à une possibilité sérieuse de persécution pour un motif prévu dans la Convention dans l'éventualité où elle retournerait en Colombie. Dans sa décision, la Commission a apprécié la crédibilité de l'ensemble de la preuve et a examiné les cas des personnes qui se sont trouvées dans une situation similaire.

[11]            La Commission a conclu que la preuve de la demanderesse [TRADUCTION] « n'était pas conforme à la vérité dans un cas de cette nature puisqu'il faut déterminer si le témoignage est compatible avec celui qu'une personne sensée et informée, selon la prépondérance des probabilités, reconnaîtrait d'emblée comme un témoignage raisonnable, compte tenu des conditions et de l'endroit » .

[12]            La Commission a conclu que Ricardo Echeverry était une personne dans une situation similaire. Si ce n'est des notes et des appels reçus des FARC, on ne lui a pas causé de tort et, contrairement à la demanderesse, il n'a pas subi de pressions pour verser la rançon. La Commission n'a pas cru la demanderesse lorsqu'elle a avancé que cela pouvait peut-être s'expliquer du fait que Ricardo tentait de rassembler la somme à même l'argent de la compagnie. La Commission a tiré une inférence défavorable du fait qu'on n'a pas causé de tort à Ricardo et a conclu que la crédibilité de la preuve de la demanderesse était atteinte.

[13]            La Commission a aussi considéré invraisemblable que les FARC n'aient causé de tort à aucun des membres de la famille immédiate de Jorge ou soumis ceux-ci à des pressions injustifiées et, de ce fait, la Commission a tiré une conclusion défavorable.

[14]            La Commission n'a pas trouvé plausible l'allégation de la demanderesse selon laquelle elle rencontrait Jorge trois fois par semaine même pendant leur dernière année de relation alors qu'elle vivait à 40 minutes du travail et qu'elle travaillait de longues heures. La Commission a considéré invraisemblable que les FARC aient causé un tort et fait subir des pressions injustifiés à la demanderesse afin que Jorge soit relâché.

[15]            La Commission a considéré que le comportement de la demanderesse à l'audience confirmait l'absence de relation profonde entre elle et Jorge; en effet, la demanderesse n'a pas manifesté d'émotions relativement à l'enlèvement de Jorge jusqu'à ce qu'on le lui ait fait remarquer à la deuxième séance d'audience. La Commission a relevé que la demanderesse n'avait avec elle aucune photo de Jorge; la Commission a ajouté que, lorsqu'elle a quitté la Colombie, sa relation avec Jorge était en fait terminée.

[16]            La Commission a trouvé invraisemblable que, après près d'un an et demi d'absence de la Colombie, les FARC continueraient d'appeler les membres de la famille de la demanderese pour les menacer et exiger d'eux de l'argent pour que Jorge soit relâché.

[17]            La demanderesse a fourni une preuve médicale corroborant son viol, mais la Commission a estimé que cette preuve n'était pas convaincante quant à l'identité du violeur et de sa motivation. La Commission a considéré que la lettre de la mère de la demanderesse était une preuve intéressée et non convaincante.

[18]            La Commission n'était pas convaincue que la demanderesse a fait preuve de diligence raisonnable pour obtenir les lettres exigeant une rançon et les notes envoyées à Ricardo par les FARC. La Commission a estimé que la demanderesse aurait facilement pu obtenir ces documents de Ricardo et a tiré une conclusion négative du fait de l'incapacité de la demanderesse à fournir des éléments de preuve apportant une corroboration.

[19]            La Commission aurait de plus reçu des éléments de preuve incohérents en ce qui concerne le présumé commerce de Jorge. La Commission a rejeté l'explication de la demanderesse portant sur la raison pour laquelle l'entreprise de Jorge n'était pas répertoriée et a tiré une conclusion négative de ce qu'elle considère être des incohérences.


[20]            À l'audience, l'avocat de la demanderesse a présenté des éléments de preuve relativement à l'enlèvement du beau-frère de celle-ci en 1995 et au lien possible entre cet incident et ses craintes actuelles. Apparemment, lors de cet incident, la demanderesse aurait été accusée d'avoir gardé une partie de la rançon; pour cette raison, elle prétend que les FARC la connaissent. La Commission n'a pas estimé cet argument convaincant. Le beau-frère de la demanderesse a été libéré. Aussi, la Commission voit-elle dans cet incident tout au plus une « tentative pour brouiller les pistes » ; de fait, il n'y a pas d'éléments de preuve permettant de conclure à un quelconque tort causé à la demanderesse par les FARC entre 1995 (année de l'enlèvement de son beau-frère) et 1999 (année de l'enlèvement de Jorge).

[21]            La Cour est saisie en l'espèce du contrôle judiciaire de la décision de la Commission de ne pas reconnaître à la demanderesse le statut de réfugié au sens de la Convention.

Prétentions de la demanderesse

[22]            La demanderesse soutient que l'ensemble des conclusions défavorables de la Commission quant à sa crédibilité sont abusives et non fondées selon la preuve au dossier. Elle avance que la Commission n'avait aucun motif raisonnable pour rejeter son témoignage.

[23]            La demanderesse prétend que la Commission ne peut s'appuyer sur la preuve pour conclure que Ricardo se trouvait dans une situation similaire et qu'il aurait été normal de s'attendre à ce qu'on lui cause un tort au même titre qu'à la demanderesse. La demanderesse a déclaré que, la dernière fois qu'elle a parlé à Ricardo, c'était en février 2000, et qu'elle ne sait comment il se porte depuis. Jusqu'à cette date, Ricardo aurait reçu des menaces et subi des pressions injustifiées des FARC.

[24]            La demanderesse soutient qu'elle a été attaquée et violée et qu'elle est encore recherchée par les FARC du fait qu'elle était celle qui vivait maritalement avec Jorge et qu'elle demeure concernée par son sort. La demanderesse avance qu'il faut préférer son explication à celle de la Commission. Selon la demanderesse, si on n'a pas causé de tort à Ricardo, c'est parce qu'il est la personne-contact des FARC pour éventuellement obtenir la rançon visant à faire libérer Jorge.

[25]            Pour la demanderesse, il est abusif de la part de la Commission de croire qu'il aurait été plausible qu'on lui ait non seulement causé un tort mais également qu'on ait porté atteinte à la famille immédiate de Jorge. Il est avancé que la demanderesse aurait dit qu'elle ignorait si on avait oui ou non causé un tort à la mère de Jorge.

[26]            Selon la demanderesse, considérant la preuve, il n'y a rien d'invraisemblable quant à la fréquence des rencontres entre elle et Jorge. La demanderesse prétend que la Commission a démontré une insensibilité envers les normes culturelles colombiennes de savoir-vivre lorsqu'elle a relevé que la demanderesse ne restait pas dormir toute la nuit au domicile de Jorge.

[27]            La demanderesse soutient que la Commission a ignoré un témoignage non contredit lorsque celle-ci a conclu qu'il était [TRADUCTION] « invraisemblable que les FARC aient causé un tort et fait subir des pressions injustifiés à l'endroit de la revendicatrice afin que Jorge soit relâché » .

[28]            Selon la demanderesse, le rejet de la preuve médicale par la Commission était abusif et déraisonnable compte tenu que ce type de preuve indique rarement l'identité du violeur et le motif de son acte. La demanderesse ajoute qu'elle s'est acquittée par un témoignage non contredit de la charge d'établir qui l'avait violée et pourquoi.

[29]            La demanderesse affirme qu'il était abusif de la part de la Commission de rejeter la lettre de sa mère sous prétexte que cette lettre dénotait un avantage personnel; selon la demanderesse, la Commission se devait de motiver en termes clairs et explicites sa position quant à ses conclusions défavorables en ce qui a trait à la crédibilité de la preuve présentée.

[30]            La demanderesse expose que la conclusion de la Commission relative à sa conduite au cours de l'audience était erronée. De plus, elle a fait valoir qu'à la première séance, elle s'est retenue d'exprimer sa peine lorsqu'on l'a interrogée sur l'enlèvement de Jorge; elle a plus tard éclaté en sanglots lorsqu'elle a témoigné à propos de son viol et à propos de la rançon exigée pour relâcher Jorge. La demanderesse soutient qu'à la deuxième séance, elle a aussi laissé voir ses émotions et a pleuré. Sans égard à ses sentiments actuels pour Jorge, la demanderesse prétend que les FARC la considèrent toujours comme étant amoureuse de Jorge.


[31]            La demanderesse avance que la Commission s'est trompée en concluant qu'elle n'avait pas avec elle de photo de Jorge. La Commission aurait dit à l'avocat de la demanderesse qu'il n'était pas nécessaire de fournir une photo; de fait, la Commission avait indiqué qu'elle croyait que la demanderesse avait avec elle une photo de Jorge comme elle l'avait affirmé. On a fait valoir que la Commission a reconnu que [TRADUCTION] « Jorge faisait partie de sa vie » . Pourtant, une grande partie de la décision est fondée sur le constat que la relation affective avec Jorge n'était pas aussi intense que la demanderesse l'avait indiqué. On prétend que la Commission a violé les règles de justice naturelle lorsque, après avoir reconnu l'existence d'une relation amoureuse entre Jorge et la demanderesse, elle a rejeté la revendication de la demanderesse en niant justement le lien qui les unissait.

[32]            La demanderesse affirme que la Commission s'est trompée en concluant que le lien qui l'unissait à Jorge était trop ténu pour que les FARC la choisissent comme cible. Elle soutient que que la preuve au dossier ne permet pas d'étayer la conclusion de la Commission selon laquelle la demanderesse et Jorge avaient déjà rompu lorsqu'elle a quitté la Colombie.

[33]            La demanderesse soutient que la Commission s'est trompée en mettant l'accent sur les sentiments subjectifs de la demanderesse et sur sa relation affective avec Jorge plutôt que sur la perception qu'avait les FARC de cette relation.


[34]            Il est allégué qu'il était abusif de conclure, comme l'a fait la Commission, que la demanderesse n'a pas fait preuve de diligence raisonnable afin d'obtenir les notes concernant la rançon que les FARC auraient envoyées à Ricardo. La demanderesse prétend que rien n'autorise la Commission à douter que Ricardo ait reçu des notes de menaces des FARC. La demanderesse fait observer que son témoignage sous serment n'a pas à être corroboré pour être cru et que, de toute façon, elle a fourni une explication raisonnable pour justifier son incapacité à obtenir les notes en question.

[35]            La demanderesse soutient que la Réponse à la demande d'information (RDI) n'était pas déterminante quant à savoir si l'entreprise de Jorge existait au moment de son enlèvement ou du départ de la demanderesse; elle ajoute que la Commission ne pouvait tirer d'inférence défavorable d'une prétendue incohérence entre la RDI et son témoignage.

[36]            La demanderesse expose que les notes de menaces qu'elle a reçues en 1995 démontrent qu'elle était déjà connue des FARC avant l'enlèvement de Jorge et que la probabilité qu'on la prenne pour cible s'est accrue avec l'enlèvement de ce dernier.

Les prétentions du défendeur

[37]            Le défendeur affirme que la Commission n'a pas commis d'erreur susceptible de révision en concluant que la demanderesse n'est pas une réfugiée au sens de la Convention.

[38]            Il est allégué que la norme de contrôle en l'espèce veut qu'on détermine si la Commission a agi de manière manifestement déraisonnable.

[39]            Le défendeur prétend que la Commission n'a pas commis d'erreur susceptible de révision en concluant que la demanderesse n'était pas crédible. L'analyse globale de la Commission, dit-il, n'était pas déraisonnable au point d'autoriser l'intervention de la Cour. Selon le défendeur, les conclusions d'invraisemblance de la Commission ne sont pas déraisonnables dans le contexte de la preuve; de fait, même si le cousin de Jorge subissait des pressions relativement à la rançon, on ne lui a pas causé de tort pas plus qu'à la mère de Jorge. Le défendeur soutient que la Commission pouvait conclure que la demanderesse n'a pas réussi à s'acquitter de son fardeau de la preuve, à savoir d'établir grâce à une preuve digne de foi que le viol qu'elle a décrit est arrivé du fait de sa relation avec Jorge.

[40]            Le défendeur fait valoir qu'il était loisible à la Commission de conclure que la demanderesse avait exagéré l'intensité de sa relation avec Jorge compte tenu de son incapacité à expliquer son manque d'émotions et compte tenu de son témoignage contradictoire quant à ses sentiments.

[41]            Selon le défendeur, le fait de convenir que Jorge avait été enlevé n'empêchait pas la Commission de considérer invraisemblable le témoignage de la demanderesse. Même en concluant à l'existence d'une relation entre la demanderesse et Jorge, la Commission, dit-il, pouvait inférer que cette relation n'expliquait pas pourquoi elle aurait été persécutée alors que la preuve ne révéle aucune persécution à l'égard de la famille de Jorge.   

[42]            Le défendeur soutient que la Commission pouvait conclure comme elle l'a fait, à savoir que la demanderesse ne faisait pas face à une possibilité sérieuse de persécution pour un motif prévu à la Convention, étant donné que les FARC n'avaient causé de tort à aucun des proches parents de Jorge ou ne leur avaient fait subir des pressions injustifiées.

[43]            Même si la Cour considérait qu'il y a violation de la justice naturelle dans la présente affaire du fait que la Commission a refusé à la demanderesse la possibilité de produire une photo de la victime et du fait qu'elle ensuite tiré une conclusion défavorable de cette absence de production, le défendeur prétend qu'une pareille violation serait sans importance. Le défendeur fait valoir que, en ce qui a trait à la relation unissant la demanderesse à Jorge, il existe suffisamment d'éléments de preuve pour permettre à la Commission de conclure que la demanderesse n'a pas de crainte fondée de persécution pour un motif prévu à la Convention. Selon le défendeur, il serait inutile de renvoyer l'affaire pour être tranchée de nouveau.

[44]            Le défendeur allègue que, même si la Commission avait fait des erreurs relativement à la preuve portant sur la relation unissant la demanderesse à Jorge, celles-ci seraient sans importance.


[45]            Étant donné que la Commission s'est appuyée sur plusieurs motifs pour ne pas considérer la demanderesse crédible, le défendeur affirme qu'aucun facteur isolé n'était détermninant. Selon le défendeur, c'est la preuve dans son entier qui a mené à la conclusion que la demanderesse n'était pas crédible. Le défendeur prétend que la conclusion d'absence de crédibilité de la demanderesse n'est pas déraisonnable au point de nécessiter l'intervention de la Cour. À son avis, il appert de la lecture des motifs considérés dans leur ensemble que la Cour a compris les faits entourant la revendication de la demanderesse et a conclu que la preuve était insuffisante pour justifier une décision favorable.

Question

[46]            Les conclusions défavorables de la Commission concernant la crédibilité sont-elles abusives et arbitraires ou encore induites sans égard à la preuve présentée?


Disposition législative pertinente

[47]            Le paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, dispose :

« réfugié au sens de la Convention » Toute personne:

a) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

"Convention refugee" means any person who

(a) by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) is outside the country of the person's nationality and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country, or

(ii) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner;

(ii) not having a country of nationality, is outside the country of the person's former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to return to that country, and

b) qui n'a pas perdu son statut de réfugié au sens de la Convention en application du paragraphe (2).

b) has not ceased to be a Convention refugee by virtue of subsection (2),

Sont exclues de la présente définition les personnes soustraites à l'application de la Convention par les sections E ou F de l'article premier de celle-ci dont le texte est reproduit à l'annexe de la présente loi.

but does not include any person to whom the Convention does not apply pursuant to section E or F of Article 1 thereof, which sections are set out in the schedule to this Act;


Analyse et décision

[48]            Question

Les conclusions défavorables de la Commission concernant la crédibilité sont-elles abusives et arbitraires ou encore induites sans égard à la preuve présentée?

Dans sa décision, la Commission a tiré un certain nombre de conclusions portant sur la crédibilité. À la page 2, on y lit :

En évaluant la crédibilité ou la fiabilité des éléments de preuve, j'ai tenu compte de la totalitédes preuves [...]

[49]            À la page 3 de ses motifs, la Commission a déclaré :

Lorsqu'on lui a demandé de présenter une photo de Jorge, elle a répliqué qu'elle n'en avait aucune au Canada. Par conséquent, je réitère ma conclusion précédente, selon laquelle la relation que la revendicatrice a entretenue avec Jorge n'est pas aussi solide qu'elle le prétend.

[50]            J'ai examiné la transcription de la deuxième journée d'audience et je suis d'avis que la Commission se trompait en déclarant que la demanderesse n'avait pas avec elle de photo de Jorge. La demanderesse a témoigné qu'elle avait au pays une photo de Jorge, photo qu'elle a décrite en détail (voir pages 220 et 225 du dossier du tribunal).


[51]            À la page 4 de sa décision, la Commission indique :

La revendicatrice a fourni une preuve d'ordre médical[1] attestant son viol. Toutefois, cette preuve n'est pas convaincante pour ce qui est de l'auteur et du motif du viol.

[52]            La demanderesse expose qu'il s'agit là d'une conclusion abusive, car il est rare qu'on puisse identifier un violeur et sa motivation. J'endosse le point de vue de la demanderesse selon lequel le fait de ne pas considérer la preuve convaincante pour ce motif est abusif.

[53]            Dans sa décision, la Commission a conclu qu'on lui a présenté des éléments de preuve incompatibles pour ce qui est du commerce de Jorge. Aux pages 4 et 5 de sa décision, la Commission affirme :

Dans une demande d'information reçue par l'ACR1, le document indique que le personnel de la chambre de commerce de Cali n'a trouvéaucune mention d'une entreprise d'importation et d'exportation à Cali portant le nom de " Lopez Echeverry " (nom que m'a fourni la revendicatrice) et que ni les pages blanches ni les pages jaunes du bottin téléphonique de la ville de Cali n'en font mention non plus. Lorsqu'on a présenté ce document àla revendicatrice en lui demandant une explication, celle-ci a répliqué qu'elle ne sait pas pourquoi l'entreprise de Jorge n'est pas inscrite, mais qu'elle est certaine qu'elle existait et que sa mère lui a dit que l'entreprise a fermé ses portes. Je n'admets pas les explications de la revendicatrice. L'entreprise existait jusqula fin 1999 (lorsqu'elle a quittéla Colombie) et notre recherche remonte jusqu1992. Je tire donc une conclusion négative de cette incohérence qui, à mon avis, diminue la crédibilité du témoignage de la revendicatrice.


[54]            Dans la RDI, laquelle se trouve à la page 139 du dossier du tribunal, il est dit :

[TRADUCTION] Lors d'une conversation téléphonique tenue le 10 octobre 2001, après avoir fait des recherche dans le registre des entreprises, un membre du personnel de la chambre de commerce de Cali a indiqué que les dossiers remontaient avant 1992 et qu'aucune entreprise faisant affaires sous le nom de « Lopez Echeverry » n'y apparaissait. Toutefois, l'employé questionné a précisé que la chambre de commerce ne consignait pas nécessairement à son registre toutes les entreprises de la ville pour un secteur d'activités donné. [Non souligné dans l'original.]

La RDI ajoute :

[TRADUCTION] Le 10 octobre 2001, un employé de l'ambassade de Colombie à Ottawa n'a pu trouver dans les annuaires téléphoniques de Cali une entreprise d'import-export faisant affaires sous le nom de « Lopez Echeverry » .

[55]            La demanderesse a indiqué que l'entreprise « Lopez Echeverry » existait en 1999, mais la Commission a fait observer à cet égard que le nom de l'entreprise n'apparaissait ni dans les pages blanches ni dans les pages jaunes de l'année 2001. Cela n'est pas obligatoirement incohérent dans la mesure où il y aurait eu fermeture avant 2001, ce que la mère de la demanderesse lui a d'ailleurs assuré. La Commission a de plus considéré le témoignage de la demanderesse incohérent du fait que l'entreprise n'a pu être repérée au registre de la chambre de commerce de Cali. Pourtant, la preuve indique que ce ne sont pas toutes les entreprises qui sont répertoriées à la chambre de commerce et, de ce fait, il n'y a pas nécessairement d'incohérence. Je suis d'avis que la Commission s'est trompée sur ce point.


[56]            Puisque la Commission a considéré l'ensemble de la preuve pour trancher la question de la crédibilité de la demanderesse, j'estime que les conclusions erronées dont j'ai fait état précédemment ont joué un certain rôle dans l'appréciation de la crédibilité. Je ne sais pas dans quelle mesure ces conclusions erronées ont influencé le verdict de la Commission sur la question de la crédibilité, mais je suis en désaccord avec l'affirmation voulant que ces conclusions soient sans importance quant à l'issue de cette affaire. La décision de la Commission doit être annulée et l'affaire doit être renvoyée pour être tranchée par une autre formation de la Commission.

[57]            Les parties ne souhaitent pas proposer de questions à étudier en vue de la certification, en tant que questions graves de portée générale.


ORDONNANCE

[58]            IL EST ORDONNÉ que la décision de la Commission soit annulée et que l'affaire soit renvoyée pour être tranchée par une autre formation de la Commission.

                                                                            « John A. O'Keefe »              

Juge                   

Ottawa (Ontario)

15 mai 2003

Traduction certifiée conforme

Évelyne Côté


                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-289-02

INTITULÉ :               MARIA CLARA PRADO MANRIQUE c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

                                                     

LIEU D'AUDIENCE :                                    Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Mercredi, 8 janvier 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : le juge O'Keefe

DATE DES MOTIFS :                                   Jeudi, 15 mai 2003

COMPARUTIONS :

M. Neil Cohen

POUR LA DEMANDERESSE

Mme Rhonda Marquis

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Neil Cohen

2, College Street

bureau 115

Toronto (Ontario)

M5G 1K3

POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR



[1]           Pièce C-2.

1           Pièce C-4.


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