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Date : 19980116


IMM-117-98

ENTRE :

     MANICKAVASAGAM SURESH,


requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,


intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER :

[1]      Il s'agit d'une demande de sursis du renvoi du requérant du Canada jusqu'à l'issue de sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire.

[2]      Dans sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire, le requérant conteste la décision du ministre portant que, selon elle, le requérant constitue un danger pour la sécurité du Canada au sens de l'alinéa 53(1)b) de la Loi sur l'immigration1 (la Loi), ainsi que sa décision de le renvoyer au Sri Lanka, son pays d'origine. C'est cette dernière décision qui est visée par la demande de sursis.

[3]      Le requérant, un Tamoul du Sri Lanka, est arrivé au Canada le 5 octobre 1990 et il s'est vu reconnaître le statut de réfugié en avril 1991. En 1995, le solliciteur général du Canada et le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration ont délivré une attestation en vertu du paragraphe 40.1(1) de la Loi portant que le requérant était inadmissible au Canada pour des raisons de sécurité, parce qu'il appartenait aux catégories de personnes décrites dans les dispositions 19(1)e)(iv)(C), 19(1)f)(ii) et 19(1)f)(iii)(B) de la Loi.

[4]      L'opinion des ministres se fondait sur un rapport secret en matière de sécurité émanant du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et informant les ministres de l'existence de motifs raisonnables de croire que le requérant était membre des Tigres libérateurs de l'Eelam Tamoul (LTTE).

[5]      En raison de l'attestation délivrée contre lui, le requérant a été détenu en vertu de l'article 40.1 de la Loi. Il a également fait l'objet d'une audition devant le juge Teitelbaum, qui a conclu que la délivrance de l'attestation contre le requérant était raisonnable. À la suite de la décision de la Cour, le requérant a fait l'objet d'une enquête et une mesure d'expulsion a été prise contre lui le 17 septembre 1997.

[6]      Le requérant a également été avisé que les représentants du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration avaient l'intention de demander au ministre de déclarer, en vertu du paragraphe 53(1) de la Loi, que le requérant constituait un danger pour la sécurité du Canada. Cet avis précisait qu'il avait le droit de présenter des observations, droit dont il s'est prévalu. Le requérant a été informé de vive voix, le 8 janvier 1998, que le ministre était d'avis qu'il constituait une menace pour la sécurité du Canada et qu'il serait renvoyé au Sri Lanka.

[7]      Pour qu'il soit sursis à son renvoi, le requérant doit satisfaire au critère comportant trois volets énoncé dans l'arrêt Toth c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration2.

[8]      Le requérant doit d'abord établir que sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire soulève une question sérieuse qui doit être tranchée. Le bien-fondé de son recours est alors évalué de façon préliminaire et la norme applicable à cette étape est peu exigeante.

[9]      La demande soulève plusieurs questions. Le requérant soutient notamment que son renvoi au Sri Lanka viole les droits que lui garantissent les articles 7 et 12 de la Charte parce qu'il risquerait réellement de subir un préjudice dans le pays dont il est citoyen.

[10]      Dans l'arrêt Kindler c. Canada (Ministre de la Justice)3, la Cour suprême du Canada a statué que l'extradition d'une personne vers un pays dans lequel elle risque la peine de mort n'est pas contraire à la Charte. À première vue, je ne vois pas comment l'expulsion d'un terroriste vers un pays dans lequel il risque de subir un préjudice moindre, comme je l'explique plus loin dans les présents motifs, pourrait être contraire à la Charte.

[11]      Toutefois, compte tenu de l'arrêt Sivakumar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)4 prononcé par la Cour d'appel, je suis prête à tenir pour acquise l'existence d'une question sérieuse à trancher.

[12]      Quant au deuxième volet du critère, je ne puis conclure que le requérant subirait un préjudice irréparable compte tenu de l'assurance donnée par le haut commissaire du Sri Lanka au Canada, le plus haut représentant du Sri Lanka au Canada, que le requérant ne sera pas torturé ni tué s'il retourne au Sri Lanka.

[13]      L'avocate du requérant presse la Cour de n'accorder aucun poids à cette assurance compte tenu de l'attitude générale du Sri Lanka en matière de droits de la personne. Je ne puis acquiescer à cette demande. À mon avis, l'intérêt marqué que les médias portent à l'engagement du gouvernement du Sri Lanka met en jeu sa réputation internationale, de sorte qu'il est raisonnable de conclure que les autorités prendront les mesures nécessaires pour s'assurer de respecter leur engagement.

[14]      Enfin, je souscris à l'opinion de mon collègue, le juge Muldoon, qui estime que [Traduction] " le Canada ne doit pas devenir un refuge pour les terroristes "5. L'intérêt public, qui commande l'exécution des mesures d'expulsion des personnes dont on conclut qu'elles constituent un danger pour la sécurité du Canada, l'emporte nettement sur les intérêts privés du requérant.

[15]      En conséquence, la demande de sursis de la mesure de renvoi est rejetée.

                         "Danièle Tremblay-Lamer"

                                 JUGE

Toronto (Ontario)

16 janvier 1998

Traduction certifiée conforme                                   François Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

NUMÉRO DU GREFFE :              IMM-117-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :          MANICKAVASAGAM SURESH
                         - et -
                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
                         ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDITION :              15 JANVIER 1998

LIEU DE L'AUDITION :              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :              16 JANVIER 1998

ONT COMPARU :

                         M e Barbara Jackman
                             Pour le requérant
                         M e Cheryl D. Mitchell
                             Pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

                         Jackman, Waldman & Associates
                         avocats
                         281, avenue Eglinton est     
                         Toronto (Ontario)
                         M4P 1L3
                             Pour le requérant
                         George Thomson
                         Sous-procureur général du Canada
                             Pour l'intimé

COUR FÉDÉRALE DU CANADA


Date : 19980116


IMM-117-98

ENTRE :

MANICKAVASAGAM SURESH,

     requérant,

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE


__________________

1      L.R.C. (1985), ch. I-2.

2      (1988), 86 N.R. (C.A.F.)

3      "1991 > 2 R.C.S. 779.

4      [1996 > 2 C.F. 872 (C.A.).

5      Tejinder Pal Singh c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (22 décembre 1997), IMM-5294-97, à la p. 1 (C.F. 1re inst.).

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