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Date : 19990222


Dossier : IMM-572-98

Entre :

OMAR MARTIN FARRO RIVERA

JOSE LUIS FARRO RIVERA

LUIS MIGUEL FARRO RIVERA

GLADYS PAOLA FARRO RIVERA

     Demandeurs

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     Défendeur

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER :

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire à l"encontre de la décision de la Section du statut à l"effet que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention en l"absence de fondement objectif à la crainte alléguée.

[2]      Les demandeurs sont citoyens péruviens. Les frères Farro ont déjà revendiqué le statut de réfugié au Canada en 1994. La Section du statut rejetait leur revendication en juin 1995 pour cause d"absence de crédibilité. En novembre 1996 il quittait le Canada pour y revenir le 14 février 1997.

[3]      Les demandeurs relatent les faits suivants :

         Le père des requérants était officier de l"armée péruvienne et c"est pour cela que les enfants Farro sont persécutés au Pérou. Le père des Farro a été écarté de son poste dans l"armée en 1993. Il a été mis à la retraite par la suite car il n"était pas d"accord avec la politique militaire dictatoriale de Fujimori et on lui a enlevé le droit de demeurer dans la Cité militaire ;                 
         L"oncle maternel des requérants, qui travaillait dans la municipalité de San Juan et se chargeait de la sécurité de la population de ce district, a été assassiné le 5 octobre 1993. On soupçonne fortement le Sentier Lumineux ;                 
         Un autre oncle des requérants a été intercepté par une patrouille du MRTA en décembre 1993 et a été séquestré. Ce n"est qu"après qu"une importante rançon ait été payée qu"il a été libéré ;                 
         Les Farro ont tous reçu beaucoup de menaces du Sentier Lumineux. Le 4 février 1994, des terroristes ont tenté de séquestré Omar Martin Farro. Bien que le père des requérants ait dénoncé cet incident à la police, celle-ci n"a rien fait pour les protéger. Elle a conseillé aux Farro de ne pas sortir de la Cité militaire ;                 
         Quelques semaines après, les frères Farro ont appris que des personnes demandaient des renseignements à leur sujet à des amis, telles leurs heures de sorties de la Cité militaire. Les parents des requérants ont eu peur et ont décidé d"envoyer leur fils au Canada ;                 
         À leur retour du Canada en novembre 1996, les Farro ont continué à subir la même persécution, les menaces ont même doublé parce qu"ils étaient revenus au Pérou. La famille Farro a dû déménager souvent pendant l"absence des frères Farro pour éviter d"être repérée par les terroristes. La soeur des requérants, qui n"étudiait plus au sein de la cité militaire, subissait les mêmes persécutions que ses frères ;                 
         Le 28 décembre 1996, Luis Miguel a reçu une lettre de menaces de mort de la part du Sentier Lumineux. En février 1997, Omar a été intercepté par des inconnus à cagoule armés. En mars 1997, un inconnu a arrêté Paola dans la rue en la prenant par le bras et en la menaçant de mort. Toute la famille a reçu des menaces par téléphone. Bien que la famille Farro ait dénoncé certains de ces incidents à la police, aucune mesure n"a été prise pour les protéger ;                 
         Ainsi, les requérants ont décidé de quitter le Pérou à nouveau. Ils sont arrivés au Canada à des dates différentes au début de l"année 1997.                 

[4]      Les demandeurs soutiennent d"abord que la Section du statut a erré en concluant que les événements rapportés par ceux-ci ne comportaient pas l"élément de répétition nécessaire pour démontrer les actes de persécution passés. Je suis de cet avis.

[5]      En effet, la preuve au dossier fait état au contraire d"éléments de répétition. Chaque enfant a eu des problèmes avec le Sentier Lumineux et ce avant leur premier départ pour le Canada et après leur retour au Pérou. De plus, la famille a dû déménager souvent pour fuir les menaces. Un oncle maternel fut assassiné et un autre enlevé par le mouvement terroriste. Compte tenu du fait que les demandeurs sont les enfants d"un ancien militaire, le meurtre d"un oncle militaire est sûrement un élément pertinent pour évaluer l"importance du danger que courent ceux-ci. Face à ces éléments de preuve la Section du statut ne pouvait pas conclure que l"élément de répétition était totalement absent. Néanmoins puisque le tribunal concluait à la crainte subjective des demandeurs et fondait essentiellement sa décision sur la protection de l"état, cette erreur n"était pas concluante.

[6]      La Section du statut concluait que ceux-ci n"avaient pas démontré par une preuve claire et convaincante le refus ou l"incapacité de l"État d"assurer leur protection.

[7]      Cette conclusion m"apparaît non fondée à la lumière de la preuve au dossier :

     1)      Les témoignages de toute la famille ainsi que la lettre du père qui relataient les nombreux incidents où les demandeurs furent constamment menacés et ce malgré les plaintes à la police;
     2)      la situation particulière des demandeurs comme enfants d"un ancien officier de l"armée qui en font une cible particulière du Sentier Lumineux;
     3)      la preuve documentaire qui fait état d"une part de la difficulté des autorités péruviennes à contrôler les agissements du Sentier Lumineux toujours présent au pays et d"autre part du traitement subi par de nombreux militaires en désaccord avec la politique actuelle de répression du terrorisme des mains des autorités.

[8]      Tous ces faits démontrent, à mon avis, de façon convaincante que la protection de l"État n"est pas disponible dans la situation des demandeurs.

[9]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accordée. La décision de la Section du statut est cassée et le dossier retourné pour redétermination devant un panel nouvellement constitué.

[10]      Aucun des avocats n"a recommandé la certification d"une question en l"espèce.

     "Danièle Tremblay-Lamer"

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 22 février 1999.

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