Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20030603

Dossier : IMM-820-02

Référence : 2003 CFPI 699

Ottawa (Ontario), le 3 juin 2003

En présence de MONSIEUR LE JUGE O'REILLY                                     

ENTRE :

                                                              MOHAMMAD SOURI                                    

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                            MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                 M. Souri est un fruiticulteur et un horticulteur prospère d'origine iranienne. Il espère devenir résident permanent du Canada et mener des activités semblables ici, probablement dans la région de Niagara. Il a fait une demande de résidence permanente à titre de pépiniériste autonome. Une agente des visas à Paris a évalué sa demande et lui a accordé 66 points, juste en deçà des 70 points qu'elle estimait nécessaires. Il soutient que l'agente a commis deux erreurs graves, d'abord, en exigeant 70 points plutôt que 65, puis en omettant d'évaluer ses compétences dans la profession envisagée. Il demande à la Cour, par voie de contrôle judiciaire, d'ordonner que son dossier fasse l'objet d'un nouvel examen.


I. Les questions en litige

[2]                 Deux questions ressortent de la présente affaire. La première porte sur l'interprétation de la disposition duRèglement sur l'immigration de 1978 concernant les demandeurs qui ont déjà des parents proches au Canada - appelés « parent[s] aidé[s] » . La deuxième porte sur l'obligation qu'a un agent des visas d'évaluer une demande en fonction de la classification professionnelle indiquée par le demandeur.

A. Les parents aidés

[3]                 Il est déclaré dans le Règlement sur l'immigration de 1978 que les agents des visas doivent acquiescer aux demandes provenant de parents aidés, s'ils obtiennent une cote d'au moins 65 points dans le processus d'évaluation (alinéa 10(1)b), voir l'annexe ci-jointe). Cette disposition donne aux parents aidés une légère avance sur les autres demandeurs qui, généralement, doivent atteindre le seuil des 70 points. Si cette disposition s'applique à M. Souri, il aurait dû voir sa demande accueillie puisqu'il a obtenu 66 points.


[4]                 Le Règlement précise à quoi correspond un « parent aidé » . La définition inclut les frères et soeurs, les fils et filles, les oncles et tantes et ainsi de suite, de citoyens ou de résidents permanents canadiens d'âge adulte (article 2). M. Souri a un beau-frère à Vancouver. La définition n'a pas une telle portée, mais la politique du défendeur est de considérer ce degré de relation comme suffisant (voir La politique d'attribution de points supplémentaires aux membres de la catégorie des parents aidés, OP 00-22, 8 juin 2000). Dans la présente affaire, cette question ne fait pas l'objet d'un litige.

[5]                 La vraie raison pour laquelle M. Souri a été exclu de la catégorie des parents aidés est que l'agente des visas qui a évalué sa demande a conclu que, selon le Règlement, les travailleurs autonomes ne peuvent pas être considérés comme des parents aidés.

[6]                 L'avocat du ministre a soutenu que le « rabais » accordé aux parent aidés ne s'applique pas à la situation de M. Souri parce que le Règlement contient une autre disposition qui s'applique expressément aux travailleurs autonomes. L'avocat se réfère au sous-alinéa 9(1)b)(i) (voir l'annexe ci-jointe), qui s'applique aux travailleurs autonomes et dans lequel il est en effet prescrit que pour réussir leur évaluation, les demandeurs doivent obtenir 70 points. Or, il est précisé au début du paragraphe 9(1) que la disposition ne s'applique pas aux parents aidés. Il ressort de de la lecture de cette disposition que les travailleurs autonomes qui ne sont pas des parents aidés doivent obtenir 70 points. Il n'y est pas dit que les travailleurs autonomes ne peuvent pas être considérés comme des parents aidés.

[7]                 J'admets qu'une conclusion contraire a été tirée dans la décision Cao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1077 (QL) (1re inst.), au paragraphe 38. Cependant, je remarque que dans cette affaire, la question n'était pas essentielle au prononcé du jugement et qu'il était donc inutile de l'examiner plus en détail.


Je conclus que l'agente des visas a commis une erreur de droit. La demande de M. Souri aurait dû être traitée comme provenant d'un parent aidé et elle aurait dû être accueillie.

B. L'obligation de l'agent d'évaluer le demandeur en fonction de la profession qu'il a choisie

[8]                 Quand un demandeur précise la profession ou le métier en fonction duquel il souhaite être évalué, l'agent des visas a l'obligation de respecter ce voeu : Uy c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 2 C.F. 201 (C.A.); Issaeva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 1679 (QL) (1re inst.); Crisologo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 382, [2002] A.C.F. no 484 (QL) (1re inst.).


[9]                 Dans une lettre rédigée par son avocat et qui accompagnait sa demande, M. Souri a précisé vouloir être évalué dans la catégorie propriétaires-exploitants et gestionnaires de pépinières et de serres (CNP 8254). Or, l'agente des visas a évalué M. Souri en fonction de la catégorie Exploitants agricoles et gestionnaires d'exploitations agricoles (CNP 8251). Dans son affidavit, elle a expliqué pourquoi elle avait agit ainsi. Elle a affirmé que la demande de M. Souri (contrairement à la lettre d'accompagnement) indiquait que la profession qu'il envisageait occuper était celle de « Travailleur autonome/agriculteur » , autrement dit, sa demande n'était pas précise. Elle a également déclaré avoir eu l'impression que les compétences de M. Souri correspondaient davantage à celles d'un fruiticulteur que d'un pépiniériste. Selon la description officielle, un pépiniériste supervise « les activités des employés de pépinière et de serre » . L'agente des visas a fait remarquer que M. Souri n'avait pas mentionné dans sa demande qu'il prévoyait engager du personnel.

[10]            Il a été établi que la lettre qui accompagnait la demande de M. Souri était très précise. À mon avis, elle créait l'obligation d'évaluer les compétences de M. Souri à titre de pépiniériste. De plus, pour ce qui est de la question de superviser du personnel, il était clair dans la lettre que M. Souri engageait six employés à temps plein sur sa ferme de 2,5 acres et qu'il avait engagé jusqu'à 60 personnes sur une base saisonnière. Dans son affidavit, l'agente des visas a déclaré que M. Souri lui avait dit qu'il prévoyait acheter quelques acres de terrain au Canada et les exploiter lui-même, mais les notes qu'elle a prises pendant l'entrevue avec M. Souri ne disent rien de cela. De plus, dans la description de la profession dont s'est servie l'agente des visas, il est également question de personnes qui « dirigent les activités et les travaux dans une exploitation agricole » . À cet égard, il n'y a pas vraiment de différence entre les deux descriptions et donc, aucune raison de ne pas évaluer la demande de M. Souri en fonction de la profession envisagée de pépiniériste.

II. Dispositif

[11]            Pour les motifs susmentionnés, l'agente des visas a commis une erreur sujette à révision dans son évaluation de la demande de M. Souri. La présente demande de contrôle judiciaire est donc accueillie.

[12]            M. Souri demande que la Cour ordonne que sa demande soit évaluée en fonction de l'ancienne législation plutôt que de la nouvelle. Cependant, son avocat n'a donné aucune explication quant au pouvoir de la Cour de rendre pareille ordonnance, compte tenu de la règle transitoire énoncée à l'article 350 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés. J'autoriserai donc l'avocat à soumettre par écrit ses observations sur cette question dans les cinq (5) jours ouvrables suivant le prononcé des présents motifs. Par ailleurs, le défendeur dispose de trois (3) jours ouvrables supplémentaires s'il souhaite donner une réponse à ces observations. Aucune question de portée générale n'a été proposée pour fins de certification à l'audience, mais les parties, si elles le désirent, peuvent le faire avec les documents supplémentaires qu'elles déposeront.


                                                                        JUGEMENT

PAR LES PRÉSENTES, LA COUR ORDONNE QUE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.          L'avocat du demandeur dispose de cinq (5) jours ouvrables à compter du prononcé du présent jugement pour présenter des observations écrites sur les questions abordées au paragraphe [12] des motifs du jugement, et le défendeur dispose de trois (3) jours ouvrables supplémentaires, au cas où il souhaiterait répondre à ces observations.

                                                                                                                                 « James W. O'Reilly »             

                                                                                                                                                                 Juge                             

Traduction certifiée conforme

Josette Noreau, B.Tra.


                                                                 ANNEXE - ANNEX            


9. (1) Sous réserve du paragraphe (1.01) et de l'article 11, lorsqu'un immigrant, autre qu'une personne appartenant à la catégorie de la famille, qu'un parent aidé ou qu'un réfugié au sens de la Convention cherchant à se réétablir, présente une demande de visa d'immigrant, l'agent des visas peut lui en délivrer un ainsi qu'à toutes personne à charge qui l'accompagne si :

[...]

9. (1)        Subject to subsection (1.01) and section 11, where an immigrant other than a member of the family class, an assisted relative or a Convention refugee seeking resettlement makes an application for a visa, a visa officer may issue an immigrant visa to him and his accompanying dependants if

...

b) lorsqu'ils entendent résider au Canada ailleurs qu'au Québec, suivant son appréciation de l'immigrant ou du conjoint de celui-ci selon l'article 8 :

(b) where the immigrant and the immigrant's accompanying dependants intend to reside in a place in Canada other than the Province of Quebec, on the basis of the assessment of the immigrant or the spouse of that immigrant in accordance with section 8, and

(i) dans le cas d'un immigrant, autre qu'un entrepreneur, un investisseur, ou un candidat d'une province, il obtient au moins 70 point d'appréciation,

(i) in the case of an immigrant other than an entrepreneur, an investor or a provincial nominee, he is awarded at lest 70 units of assessment,

10. (1) Sous réserve des paragraphes (1.1) et (1.2) et de l'article 11, lorsqu'un parent aidé présente une demande de visa d'immigrant, l'agent des visas peut lui en délivrer un ainsi qu'au personnes à charge qui l'accompagne si les conditions suivantes sont réunies :

[...]

10. (1) Subject to subsections (1.1) and (1.2) and section 11, where an assisted relative makes an application for an immigrant visa, a visa officer may issue an immigrant visa to the assisted relative and accompanying dependants of the assisted relative if

...

b) dans le cas du parent aidé qui entend résider au Canada ailleurs qu'au Québec, sur la base de l'appréciation visée à l'article 8, le parent aidé obtient au moins 65 points d'appréciation;

(b) in the case of an assisted relative who intends to reside in a place other than the Province of Quebec, on the basis of an assessment made in accordance with section 8, the assisted relative is awarded at least 65 units of assessment;



                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-820-02

INTITULÉ :                                                        MOHAMMAD SOURI

                                                                                                                                                      demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE JEUDI 1ER MAI 2003

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                                              LE JUGE O'REILLY

DATE :                                                                LE 3 JUIN 2003

COMPARUTIONS :

M. Randolph Hahn                                               POUR LE DEMANDEUR

Mme Angela Marinos                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

M. Randolph Hahn                                               POUR LE DEMANDEUR

Avocat

30, av. St. Clair Ouest

Bureau 606

Toronto (Ontario) M4V 3A1

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.