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Date : 20001215

Dossier : T-1001-99

ENTRE :

                          DEK-BLOCK PRODUCTS LTD.

                                                                                    demanderesse

                                                     (défenderesse reconventionnelle)

                                                  - et -

                             PATIO DRUMMOND LTÉE

                                                                                      défenderesse

                                                   (demanderesse reconventionnelle)

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

[1] Le 8 juin 1999, Dek Block Products Ltd., demanderesse-défenderesse reconventionnelle-intimée (l'intimée), a déposé une déclaration contre Patio Drummond, défenderesse-demanderesse reconventionnelle-requérante (la requérante), à l'égard de la contrefaçon du brevet canadien redélivré no 1,338,454.


[2] Le 21 décembre 1999, la requérante a déposé une requête en jugement sommaire dans laquelle elle a demandé à la Cour de rejeter la déclaration de l'intimée, de déclarer nul et non avenu le brevet canadien redélivré no 1,338,454 et de faire droit à la demande reconventionnelle.

LES FAITS

[3] La requérante est une société qui a été constituée et existe sous le régime des lois de la province de Québec et dont le principal établissement se trouve au 8435, boulevard St-Joseph, Drummondville (Québec). La requérante fabrique et vend des blocs de béton au Canada.

[4] L'intimée est une société qui a été constituée et existe sous le régime des lois de la province de l'Ontario et dont le principal établissement se trouve à Cobourgh (Ontario). L'intimée fait affaires dans le domaine des blocs de béton au Canada.

[5] L'intimée est le titulaire du brevet canadien redélivré no 1,338,454 établi le 16 juillet 1996 (brevet canadien modifié no 1,297,260). Le brevet porte sur un élément de construction permettant de fixer ou d'assujettir d'autres éléments de constructions à une base (base ou bloc de béton). Selon le brevet, les inventeurs sont Paul Hoffman et Sam Bright.


[6]         Dek Block Ontario Ltd., le prédécesseur en titre des brevets et dessins industriels appartenant maintenant à l'intimée, a présenté au Bureau des brevets une demande de redélivrance du brevet canadien no 1,297,260, parce que le brevet en question comportait apparemment une restriction non nécessaire exigeant une douille centrale rectangulaire pour la base de béton. Le brevet couvre maintenant des bases de béton munies d'une douille centrale de forme non rectangulaire.

[7]         Jusqu'au 17 mars 2009, l'intimée et ses représentants légaux ont le droit et le privilège exclusifs de fabriquer, de construire, d'utiliser et de vendre à des tiers l'invention visée par le brevet.

[8]         En 1992, la requérante a conçu une base de béton munie d'une douille centrale rectangulaire appelée Patio Bloc, dont le concept et la fonction étaient semblables à ceux de la base de béton de l'intimée qui est visée par le brevet.

[9]         Le 8 mai 1992, après avoir été prévenue des droits de propriété intellectuelle de l'intimée, la requérante a modifié unilatéralement le concept du Patio Bloc afin d'y inclure une douille centrale circulaire.


[10]       Lorsque la défenderesse a fait valoir pour la première fois ses droits en 1992, les avocats des deux parties ont discuté de la possibilité d'un règlement. Au cours des discussions, l'avocat de l'intimée a fait savoir que sa cliente n'estimait pas que le Patio Bloc muni d'une douille centrale circulaire constituait une contrefaçon de son brevet.

[11]       Lorsque le brevet canadien no 1,297,260 a été modifié (pour devenir subséquemment le brevet canadien redélivré no 1,338,454), la requérante a été prévenue à nouveau des droits de propriété intellectuelle de l'intimée, d'où la présente action.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[12]       Pour trancher la présente requête en jugement sommaire, la Cour doit décider s'il existe des points véritables à instruire en ce qui concerne les deux questions soulevées en l'espèce :

           a)         Les parties ont-elles conclu avant la redélivrance une entente obligatoire qui s'applique de façon à empêcher l'intimée d'intenter la présente action en contrefaçon du brevet?

           b)         La demande de redélivrance était-elle fondée sur des déclarations frauduleuses au sujet de l'invention alléguée?


ANALYSE

     Applicabilité du jugement sommaire

[13]       Dans l'arrêt Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd.[1], j'ai résumé comme suit les principes généraux applicables au jugement sommaire :

1.              ces dispositions ont pour but d'autoriser la Cour à se prononcer par voie sommaire sur les affaires qu'elle n'estime pas nécessaire d'instruire parce qu'elles ne soulèvent aucune question sérieuse à instruire (Old Fish Market Restaurants Ltd. c. 1000357 Ontario Inc. et al.);

2.              il n'existe pas de critère absolu (Feoso Oil Ltd. c. Sarla (Le)), mais le juge Stone, J.C.A. semble avoir fait siens les motifs prononcés par le juge Henry dans le jugement Pizza Pizza Ltd. v. Gillespie. Il ne s'agit pas de savoir si une partie a des chances d'obtenir gain de cause au procès, mais plutôt de déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d'être examinée par le juge des faits dans le cadre d'un éventuel procès;

3.              chaque affaire devrait être interprétée dans le contexte qui est le sien (Blyth et Feoso);

4.              les règles de pratique provinciales (spécialement la Règle 20 des Règles de procédure civile de l'Ontario [R.R.O. 1990, Règl. 194]) peuvent faciliter l'interprétation (Feoso et Collie);

5.              saisie d'une requête en jugement sommaire, notre Cour peut trancher des questions de fait et des questions de droit si les éléments portés à sa connaissance lui permettent de le faire (ce principe est plus large que celui qui est posé à la Règle 20 des Règles de procédure civile de l'Ontario) (Patrick);

6.              le tribunal ne peut pas rendre le jugement sommaire demandé si l'ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour lui permettre de trancher les questions de fait ou s'il estime injuste de trancher ces questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire (Pallman et Sears);


7.              lorsqu'une question sérieuse est soulevée au sujet de la crédibilité, le tribunal devrait instruire l'affaire, parce que les parties devraient être contre-interrogées devant le juge du procès (Forde et Sears). L'existence d'une apparente contradiction de preuves n'empêche pas en soi le tribunal de prononcer un jugement sommaire; le tribunal doit « se pencher de près » sur le fond de l'affaire et décider s'il y a des questions de crédibilité à trancher (Stokes)[2].

     Entente alléguée

                      a)         Arguments invoqués par la requérante

[14]       La requérante soutient d'abord que les règles de droit applicables à l'affaire sont celles qui sont énoncées dans le Code civil du Québec[3], parce que l'entente est davantage rattachée à la province de Québec en ce qui a trait à l'échange de lettres, à la formation et à l'exécution du contrat ainsi qu'au principal établissement de la requérante.

[15]       De l'avis de la requérante, les lettres en date du 26 mars 1992 (offre présumée de l'intimée), du 1er mai 1992 (contre-offre présumée de la requérante) et du 1er septembre 1992 (acceptation présumée de l'intimée) constituent une entente exécutoire qui lie les parties et qui permet à la requérante de fabriquer et de vendre des bases de béton munies d'une douille centrale circulaire.


[16]       La requérante estime que la lettre en date du 26 mars 1992 (lettre de mise en demeure de l'intimée) constituait une offre de règlement comportant deux conditions indépendantes, une qui concerne l'avenir, selon laquelle la requérante s'est engagée à s'abstenir de vendre et de fabriquer des bases de béton munies d'une douille centrale rectangulaire (reconnaissance de droits) et une qui concerne le passé, selon laquelle la requérante devait verser un dédommagement à l'égard des pertes découlant de la vente de bases munies d'une douille centrale rectangulaire (préjudice antérieur ou divulgation du chiffre de ventes).

[17]       La requérante considère la lettre en date du 1er mai 1992 comme une contre-offre à l'égard de la condition concernant la reconnaissance de droits, selon laquelle la requérante avait cessé de fabriquer des bases de béton comportant une douille centrale rectangulaire et soumettrait des dessins en vue d'obtenir l'approbation d'une base de béton qui serait munie d'une douille centrale circulaire et qui ne constituerait pas une contrefaçon du brevet.

[18]       De l'avis de la requérante, la lettre du 1er septembre 1992 constitue une acceptation de la condition relative à la reconnaissance de droits, étant donné que l'intimée a confirmé qu'une base de béton munie d'une douille centrale circulaire ne constituait pas une contrefaçon de ses droits découlant du brevet. La requérante invoque les extraits suivants de la lettre pour conclure à l'existence d'une entente :


[TRADUCTION] Par suite de la réception de la base de béton modifiée de votre cliente dont il est fait mention dans votre lettre en date du 25 mai 1992, notre cliente désire vous informer, après avoir consulté son avocat de brevets régulier à ce sujet, qu'elle ne considère pas ladite base modifiée comme une contrefaçon des brevets et dessins industriels enregistrés de notre cliente.

[...]

Votre cliente ayant maintenant adopté, avec notre approbation, un nouveau concept à l'égard de la base de béton, il semblerait souhaitable de régler la présente affaire à l'amiable[4].

[19]       La requérante allègue que cette acceptation n'était pas assujettie à la condition que les parties s'entendent au sujet de la condition concernant le préjudice antérieur ou la divulgation du chiffre de ventes.

[20]       Étant donné que l'intimée a explicitement reconnu qu'une base de béton munie d'une douille centrale circulaire ne constituait pas une contrefaçon du brevet canadien no 1,297,260, la requérante fait valoir qu'il en va de même pour toute redélivrance du brevet.

[21]       En ce qui a trait à la condition concernant le préjudice antérieur ou la divulgation du chiffre de ventes, que l'intimée a réitérée dans sa lettre du 1er septembre 1992, la requérante souligne qu'elle a répondu, dans sa lettre du 19 avril 1993, qu'elle n'avait fait aucun bénéfice par suite de la vente de bases de béton munies d'une douille centrale rectangulaire et que, par conséquent, elle n'était pas tenue de verser quelque montant que ce soit, mais que l'intimée pourrait communiquer avec elle si elle n'était pas satisfaite de ces renseignements. Apparemment, l'intimée ne l'a pas fait.


[22]       Subsidiairement, s'il n'existe pas d'entente au sujet des deux conditions indépendantes, la requérante fait valoir qu'il existe, à tout le moins, une entente partielle à l'égard des bases de béton munies d'une douille centrale circulaire (condition relative à la reconnaissance de droits). En tout état de cause, la requérante allègue que l'intimée ne peut exercer aucun recours à l'égard des bases de béton en question (la condition concernant le préjudice antérieur ou la divulgation du chiffre de ventes), parce que ce recours est prescrit.

                      b)         Arguments invoqués par l'intimée

[23]       L'intimée allègue d'abord que les règles de droit applicables à la question, si une entente existe, sont celles de la province de l'Ontario, parce que la Cour devrait considérer la requérante comme un titulaire de licence et donner effet à l'intention sous-entendue de l'intimée quant à l'application des lois de l'Ontario à toutes les licences visées par le brevet.

[24]       L'intimée soutient qu'au cours de la période pertinente, les parties n'ont nullement considéré l'échange de correspondance comme une offre, une contre-offre ou une acceptation.


[25]       Selon l'intimée, la lettre en date du 26 mars 1992 ne peut être considérée comme une offre, parce qu'elle ne comportait aucune allégation de contrefaçon du brevet, mais uniquement une allégation de contrefaçon du dessin industriel no 61629.

[26]       L'intimée ne considère pas la lettre en date du 1er mai 1992 comme une contre-offre, parce que la requérante a refusé de reconnaître ses droits en continuant à vendre son stock courant de bases de béton munies d'une douille centrale rectangulaire et parce que la lettre elle-même ne comporte pas la moindre allusion à la question du préjudice antérieur ou de la divulgation du chiffre de ventes, laquelle question ne pouvait être séparée de celle de la reconnaissance de droits.

[27]       L'intimée ajoute que les parties n'ont conclu aucune entente exécutoire étant donné que, selon la lettre du 1er septembre 1992, la requérante devait remplir une condition avant que la question puisse être réglée :

[TRADUCTION] Nous demanderons également, dans l'entente de règlement, une clause par laquelle votre cliente et ses principaux dirigeants s'engagent à s'abstenir de fabriquer, de vendre ou de distribuer, directement ou indirectement, les blocs visés par l'objection tant et aussi longtemps que le dessin industriel et les brevets s'y rapportant sont valables et opposables[5].

[28]       L'intimée explique que cette condition était essentielle à l'existence d'une entente, parce que la requérante avait refusé de reconnaître ses droits. Apparemment, la requérante n'aurait pas respecté cette condition.


[29]       L'intimée allègue également que la lettre en date du 1er septembre 1992 ne peut être considérée comme une acceptation, parce qu'elle exigeait également de la requérante qu'elle paie le coût du préjudice antérieur ou qu'elle révèle son chiffre de ventes. L'intimée souligne qu'aucun élément n'indique que la condition concernant le préjudice antérieur ou la divulgation du chiffre de ventes pouvait être dissociée ou que l'intimée voulait que les deux conditions soient indépendantes l'une de l'autre.

[30]       L'intimée ajoute que l'absence d'entente est confirmée dans une lettre en date du 7 octobre 1992 que la requérante n'a pas produite et dans laquelle l'avocat de celle-ci indique qu'il attendait des directives et des commentaires de sa cliente.

[31]       En tout état de cause, si l'intimée avait accepté la contre-offre de la requérante, l'entente se serait appliquée uniquement au brevet canadien no 1,297,260 et non au brevet canadien redélivré no 1,338,454, parce que celui-ci n'y est pas expressément mentionné.

                      c)         Commentaires

[32]       Les parties n'ont pas exprimé explicitement leur intention dans leur correspondance au sujet des règles de droit applicables à l'entente alléguée. La Cour doit donc déterminer leur intention implicite. Voici le texte des articles 3077 et 3112 du Code civil du Québec[6] :



3077. Lorsqu'un État comprend plusieurs unités territoriales ayant des compétences législatives distinctes, chaque unité territoriale est considérée comme un État.

[...]

3112. En l'absence de désignation de la loi dans l'acte ou si la loi désignée rend l'acte juridique invalide, les tribunaux appliquent la loi de l'État qui, compte tenu de la nature de l'acte et des circonstances qui l'entourent, présente les liens les plus étroits avec cet acte.

3077. Where a country comprises several territorial units having different legislative jurisdictions, each territorial unit is regarded as a country.

[...]

3112. If no law is designated in the act or if the law designated invalidates the juridical act, the courts apply the law of the country with which the act is most closely connected, in view of its nature and the attendant circumstances.


[33]       Un examen de la nature de l'entente alléguée et des circonstances environnantes indique à la Cour que l'entente en question renvoie à des bases de béton comportant une douille centrale circulaire qui ne constituent pas une contrefaçon du brevet, ce qui est confirmé dans la lettre en date du 1er mai 1992 de l'intimée.

[34]       Contrairement à ce que soutient l'intimée, la Cour ne peut présumer qu'un lien concédant de licence-titulaire de licence découle de l'entente alléguée. Aucune des lettres que les parties se sont échangées ne permet à la Cour de conclure que l'entente en question constituait ou comprenait un accord de licence.

[35]       Il appert des lettres en date des 26 mars, 1er mai et 1er septembre 1992 que la contrefaçon reprochée, la revendication de droits ainsi que la formation et l'exécution de l'entente alléguée se rattachent à la province de Québec, sauf en ce qui a trait à l'établissement principal de l'intimée (qui n'est pas déterminant).


[36]       Compte tenu de ces observations, il semblerait que les règles de droit applicables à la question sont celles du Code civil du Québec. La Cour doit maintenant décider si l'entente existe ou non et, dans l'affirmative, si elle couvre ou non la redélivrance du brevet.

[37]       Pour décider si une entente existe entre les parties, en supposant que l'offre et la contre-offre présumées étaient valables, la Cour doit examiner l'acceptation alléguée de l'intimée. Voici le texte de l'article 1393 du Code civil du Québec[7] :


L'acceptation qui n'est pas substantiellement conforme à l'offre, de même que celle qui est reçue par l'offrant alors que l'offre était devenue caduque, ne vaut pas acceptation

Elle peut, cependant, constituer elle-même une nouvelle offre.

Acceptance which does not correspond substantially to the offer [or counteroffer] or which is received by the offeror after the offer has lapsed does not constitute acceptance.

It may, however, constitute a new offer.


[38]       Il est bien reconnu que la Cour fédérale du Canada peut appliquer une entente conclue entre les parties à un litige, mais cette possibilité existe lorsque les conditions sont certaines et complètes[8].


[39]       Dans la présente affaire, l'offre alléguée de l'intimée portait sur les deux conditions mentionnées au cours des discussions concernant le règlement, soit la condition relative au préjudice antérieur ou à la divulgation du chiffre de ventes et celle de la reconnaissance de droits.

[40]       La contre-offre présumée de la requérante portait sur la reconnaissance de droits seulement.

[41]       En ce qui concerne l'acceptation présumée de la part de l'intimée, elle portait sur les deux conditions et imposait également à la requérante l'obligation de s'engager à s'abstenir de fabriquer ou de vendre des bases de béton munies d'une douille centrale rectangulaire.

[42]       Même si les deux conditions étaient considérées comme des conditions indépendantes l'une de l'autre, il est douteux qu'il y ait eu rencontre des volontés des parties au sujet de l'une ou l'autre, parce que l'acceptation présumée ne correspondait pas, pour l'essentiel, à la contre-offre présumée.

[43]       De plus, la preuve déposée en l'espèce ne permet pas de dire si la condition de l'acceptation présumée quant à l'engagement que la requérante devait fournir était essentielle à l'existence de l'entente alléguée.


[44]       Étant donné que j'en suis arrivée à la conclusion qu'il ne semble pas y avoir d'entente entre les parties, il n'est pas nécessaire que j'examine la question de savoir si l'entente présumée couvre la redélivrance du brevet.

[45]       Pour ces seuls motifs, la présente requête en jugement sommaire fondée sur la radiation de l'action en raison de l'entente présumée devrait être rejetée, parce que la preuve n'indique pas clairement si les parties ont conclu une entente exécutoire ni même si elles en ont eu l'intention.

     Validité de la redélivrance

[46]       Le paragraphe 47(1) de la Loi sur les brevets[9] permet la délivrance d'un brevet nouveau ou modifié dans des circonstances particulières :



Lorsqu'un brevet est jugé défectueux ou inopérant à cause d'une description et spécification insuffisante, ou parce que le breveté a revendiqué plus ou moins qu'il n'avait droit de revendiquer à titre d'invention nouvelle, mais qu'il apparaît en même temps que l'erreur a été commise par inadvertance, accident ou méprise, sans intention de frauder ou de tromper, le commissaire peut, si le breveté abandonne ce brevet dans un délai de quatre ans à compter de la date du brevet, et après acquittement d'une taxe réglementaire additionnelle, faire délivrer au breveté un nouveau brevet, conforme à une description et spécification rectifiée par le breveté, pour la même invention et pour la partie restant alors à courir de la période pour laquelle le brevet original a été accordé.


[47]          Le commissaire peut redélivrer un brevet lorsque le brevet original était défectueux parce qu'il ne comportait pas une description complète de l'invention que l'inventeur voulait dévoiler ou protéger[10].

[48]          La requérante fait valoir que la redélivrance du brevet canadien no 1,297,260 (maintenant le brevet canadien no 1,338,454) est nulle et non avenue, parce qu'elle était fondée sur un affidavit frauduleux de l'un des inventeurs, M. Hoffman, ce dernier n'ayant jamais envisagé une base de béton munie d'une douille centrale circulaire. Selon la requérante, M. Hoffman a été mis au courant de l'existence d'une base de béton de cette nature uniquement par suite de la production du produit de l'intimée et a été encouragé par celle-ci, qui lui verse des redevances, à se rappeler qu'il avait envisagé la possibilité de concevoir une base de béton munie d'une douille centrale circulaire. Toutefois, l'affidavit de M. Hoffman va à l'encontre de cette allégation.

[49]          En fait, M. Hoffman affirme dans son affidavit qu'il est faux de dire que l'idée d'une forme circulaire pour la douille centrale de son bloc de béton venait de Patio Drummond, société qui ne lui est pas familière et dont il ne connaît pas les produits.


[50]          De plus, en contre-interrogatoire, M. Hoffman confirme qu'il en était arrivé de lui-même à une configuration d'une douille circulaire avant Patio Drummond, mais qu'il a exclu la forme circulaire de la douille centrale à l'étape de l'élaboration. Il confirme également qu'il n'avait pas entendu parler de Patio Drummond à la date de la redélivrance.

[51]          Toute la cause de la requérante repose sur la présomption selon laquelle M. Hoffman a menti au sujet de l'élaboration antérieure de la forme circulaire de la douille centrale et selon laquelle il a été mis au courant de l'existence d'un bloc de béton muni d'une douille de cette nature uniquement en raison des activités de Patio Drummond. Cette allégation soulève indéniablement une importante question concernant la crédibilité. Je ne puis conclure à ce stade-ci que M. Hoffman a menti alors qu'il était sous serment. Il appartient au juge qui instruira l'affaire d'en arriver à cette conclusion.

[52]          Je suis également troublée par l'allégation de la requérante selon laquelle M. Smith, le mandant de Dek-Block, a indéniablement encouragé M. Hoffman à se « rappeler » qu'il avait sûrement envisagé une forme circulaire pour la douille centrale lorsqu'il a élaboré son invention.

[53]          Un examen attentif de la preuve dont je suis saisie ne me permet pas d'en arriver à cette conclusion. Encore là, cette allégation soulève une importante question de crédibilité. Selon une règle de droit claire à ce sujet, aucune conclusion concernant la crédibilité ne devrait être tirée dans le cadre d'une requête en jugement sommaire. La question concernant la validité du brevet canadien redélivré no 1,338,454 doit être tranchée par un juge appelé à présider l'instruction.


[54]          La requête en jugement sommaire est rejetée. Les frais suivront l'issue de la cause.

                                                                                                « Danièle Tremblay-Lamer »

JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 15 décembre 2000

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                           COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                    T-1001-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :DEK-BLOCK PRODUCTS LTD. c. PATIO DRUMMOND LTÉE

                                                                       

LIEU DE L'AUDIENCE :                      MONTRÉAL

DATE DE L'AUDIENCE :                     6 DÉCEMBRE 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

EN DATE DU :                                       15 DÉCEMBRE 2000

ONT COMPARU:

Me RONALD DIMOCK

Me BRUCE STRATTON                                                       POUR LA DEMANDERESSE

Me FRANÇOIS GUAY

Me MARC-ANDRÉ HUOT                                                  POUR LA DÉFENDERESSE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DIMOCK STRATTON CLARIZIO

TORONTO                                                                                             POUR LA DEMANDERESSE

SMART & BIGGAR

MONTRÉAL                                                                                          POUR LA DÉFENDERESSE


Date : 20001215

Dossier : T-1001-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 15 DÉCEMBRE 2000

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

                          DEK-BLOCK PRODUCTS LTD.

                                                                                    demanderesse

                                                     (défenderesse reconventionnelle)

                                                  - et -

                             PATIO DRUMMOND LTÉE

                                                                                      défenderesse

                                                   (demanderesse reconventionnelle)

                                        ORDONNANCE

La requête en jugement sommaire est rejetée. Les frais suivront l'issue de la cause.

« Danièle Tremblay-Lamer »

JUGE              

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.



[1]            [1996] 2 C.F. 853 (C.F. 1re inst.).

[2]            Ibid, p. 859-860.

[3]            L.Q. 1991, ch. 64.

[4]            Dossier de requête de la requérante, vol. 3, onglet 16, p. 421.

[5]            Ibid, p. 422.

[6]            Supra, note 3.

[7]            Ibid.

[8]               Voir, p. ex., Bandag Inc. c. Vulcan Equipment Co. Ltd. (1977), 32 C.P.R. (2d) 1, p. 4, [1977] 2 C.F. 397 (C.F. 1re inst.).

[9]            L.R.C. (1985), ch. P-4.

[10]              Voir, p. ex., Mobile Oil Corp. c. Hercules Canada Inc. (1995), 63 C.P.R. (3d) 473 (C.A.F.).

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