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Date : 20030306

Dossier : IMM-2091-02

Toronto (Ontario), le jeudi 6 mars 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE GIBSON

ENTRE :

RAJVINDER SINGH SIDHU

                                                                                                                                                      demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                                     ORDONNANCE

La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui était visée est annulée et l'affaire est renvoyée à cette dernière pour qu'un tribunal différemment constitué procède à une nouvelle audition et rende une nouvelle décision.

Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                                                 « Frederick E. Gibson »        

                                                                                                                                                                 Juge                        

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20030306

Dossier : IMM-2091-02

Référence neutre : 2003 CFPI 280

ENTRE :

                                                         RAJVINDER SINGH SIDHU

                                                                                                                                                      demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

Introduction


[1]                 Les présents motifs concernent une demande de contrôle judiciaire visant la décision de la Section d'appel de l'immigration (la SAI) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié de rejeter l'appel interjeté par le demandeur relativement au rejet de la demande parrainée de résidence permanente au Canada présentée par Gurdip Kaur Sidhu (la conjointe du demandeur) et ses trois enfants à charge. La SAI a confirmé le rejet de la demande parrainée au motif que la conjointe du demandeur n'était pas un « parent » au sens du paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978[1], du fait du paragraphe 4(3) de ce règlement, lequel prévoit :

4(3) La catégorie des parents ne comprend pas le conjoint qui s'est marié principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada à titre de parent et non dans l'intention de vivre en permanence avec son conjoint.

4(3) The family class does not include a spouse who entered into the marriage primarily for the purpose of gaining admission to Canada as a member of the family class and not with the intention of residing permanently with the other spouse.

Le critère relatif à l'application du paragraphe 4(3) du Règlement sur l'immigration de 1978 et la décision de la SAI

[2]                 Le critère qui sert à déterminer si une personne est exclue de la catégorie des parents est bien établi. Dans la décision Horbas c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)[2], M. le juge Strayer a écrit, à la page 368 :

... l'agent des visas doit tenir compte de deux critères : il doit se demander premièrement si le conjoint s'est marié principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada, et deuxièmement si le conjoint parrainé a l'intention de vivre en permanence avec son conjoint.


[3]                 Après avoir résumé la preuve qui lui avait été présentée, la SAI l'a longuement analysée afin de déterminer si le demandeur et sa conjointe s'étaient mariés principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada. La SAI a fait remarquer que ni le demandeur ni sa conjointe « ne m'ont semblé particulièrement crédibles lorsqu'ils décrivaient les arrangements qui ont précédé le mariage ou la naissance d'une relation entre eux » . Elle a conclu que le demandeur et sa conjointe s'étaient mariés principalement dans le but d'obtenir l'admission de cette dernière au Canada.

[4]                 La SAI a disposé rapidement de la deuxième question dont elle était saisie, soit celle de savoir si l'immigrante éventuelle - la conjointe du demandeur - avait l'intention de vivre en permanence avec le conjoint répondant. Elle a écrit : « À partir des mêmes éléments de preuve, je conclus également, selon la prépondérance des probabilités, que la requérante ne compte pas vivre en permanence avec l'appelant en tant que conjointe. »

Analyse

[5]                 Malgré ce que l'avocat du demandeur prétend, je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle dans le raisonnement adopté par la SAI pour conclure que le demandeur et sa conjointe se sont mariés principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada. Par contre, j'estime que la SAI a commis une erreur susceptible de contrôle en concluant que, au moment de leur mariage, la conjointe du demandeur n'avait pas l'intention de vivre en permanence avec celui-ci.

[6]                 J'ai écrit au paragraphe [14] de la décision Meelu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[3] :


... peut-on raisonnablement dire que la conjointe du demandeur aurait pu avoir un autre objectif que celui de vivre en permanence avec ce dernier si elle venait s'établir au Canada? Le Canada représenterait certainement un environnement fort étranger par rapport à son expérience, et on peut raisonnablement imaginer qu'elle s'y adapterait difficilement même avec l'aide de son conjoint. Si le tribunal avait examiné cette question à fond, il pourrait tout à fait arriver à la conclusion qu'il a tirée. Mais il n'y a pas de preuve consignée au dossier, notamment dans les motifs du tribunal, qui indique qu'il s'est livré à un tel examen ou à une telle analyse. Dans les circonstances, le fait de ne pas avoir procédé à cette analyse et de s'être appuyé uniquement sur l'analyse portant sur l'aspect valable du mariage pour tirer une conclusion quant à l'intention de vivre avec son conjoint m'indique clairement qu'il y a une erreur ouvrant droit au contrôle.

[7]                 Je suis convaincu que l'on pourrait dire exactement la même chose en l'espèce. La conjointe du demandeur vient d'une petite collectivité du Penjab, en Inde. Elle est peu instruite et est illettrée. Rien dans le dossier ne me permet de croire qu'elle connaît le Canada, son climat, ses traditions, sa culture. Rien n'indique qu'elle possède des compétences professionnelles qui lui permettraient de subvenir à ses besoins et à ceux de ses trois enfants. Outre son conjoint, elle n'a aucun parent au Canada. La SAI ne semble pas avoir tenu compte de ces faits dans son analyse.

[8]                 L'avocat du défendeur a porté à mon attention la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Draper[4], où Mme le juge Simpson a écrit, au paragraphe 12 :

J'ai décidé que la CISR ne pouvait pas conclure que Mme Peng avait l'intention de vivre en permanence avec M. Draper après son arrivée au Canada. J'en suis venue à cette conclusion à cause de la quantité d'éléments de preuve inexpliqués et contradictoires, de la conclusion de l'agent des visas selon laquelle Mme Peng avait été évasive lors de son entrevue et de la preuve circonstancielle suggérant que Mme Peng, tout comme sa soeur, qui s'était mariée le même jour, ne vivrait pas avec son nouveau mari.


[9]                 Je suis convaincu que l'affaire Draper est différente de l'espèce. Il est vrai que, comme dans Draper, la conclusion de la SAI s'explique par une « quantité d'éléments de preuve inexpliqués et contradictoires » en l'espèce, mais contrairement à Draper, la preuve circonstancielle pourrait bien ici mener à la conclusion que la conjointe du demandeur n'aurait essentiellement d'autre solution, si elle était autorisée à venir au Canada, que de vivre avec son conjoint et que, le sachant ou, à tout le moins, en ayant l'impression au moment de son mariage, elle avait l'intention alors de vivre en permanence avec le demandeur.

Conclusion

[10]            La présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie sur la foi de la brève analyse qui précède. La décision visée sera annulée et l'affaire sera renvoyée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour qu'un tribunal différemment constitué procède à une nouvelle audition et rende une nouvelle décision.

[11]            Les avocats n'ont proposé aucune question à des fins de certification lorsqu'ils ont été informés de ma décision. Je suis convaincu que la présente décision s'explique largement par les

faits en cause et que ceux-ci ne soulèvent pas une question grave de portée générale pouvant être certifiée. Aucune question ne sera donc certifiée.

                                                                             « Frederick E. Gibson »         

                                                                                                             Juge                         

Toronto (Ontario)

Le 6 mars 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-2091-02

INTITULÉ :                                                        RAJVINDER SINGH SIDHU

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le mercredi 5 mars 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :            Monsieur le juge Gibson

DATE DES MOTIFS :                                     Le jeudi 6 mars 2003

COMPARUTIONS :

J. S. Mangat                                                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Lorne McClenaghan                                                                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

Mangat & Company                                                                                    POUR LE DEMANDEUR

Avocats

7420, chemin de l'Aéroport

Bureau 202

Mississauga (Ontario)

L4T 4E5

Morris Rosenberg                                                                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

            Date : 20030306

        Dossier : IMM-2091-02

ENTRE :

RAJVINDER SINGH SIDHU

                                             demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                              défendeur

                                                                                       

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                       



[1]DORS/78-172.

[2][1985] 2 C.F. 359 (1re inst.).

[3](2000), 180 F.T.R. 309.

[4][2002] A.C.F. no 38 (1re inst.).

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