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Date : 20060207

Dossier : IMM-4920-05

Référence : 2006 CF 139

Ottawa (Ontario), le 7 février 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

AMIT CHOWDHURY

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), qui vise le rejet par Mme Berger de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SPR) de la demande d'asile d'Amit Chowdhury (le demandeur). Dans sa décision datée du 19 juillet 2005, la SPR a décidé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR. La SPR a également déclaré que la Convention relative au statut des réfugiés, R.T. Can. 1969, no 6 (la Convention), annexée à la LIPR conformément aux articles 2 et 98 de la LIPR, n'était pas applicable au demandeur en raison de la disposition 1Fc) de ladite Convention.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[2]                Les questions en litige sont les suivantes :

-                      La SPR a-t-elle commis une erreur dans l'appréciation de la crédibilité du demandeur et en décidant qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger?

-                      La SPR a-t-elle commis une erreur en décidant que le demandeur était exclu de la catégorie des réfugiés?

-                      L'audience a-t-elle été équitable?

CONCLUSION

[3]                Pour les motifs mentionnés ci-dessous, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

LES FAITS ET L'HISTORIQUE DE L'AFFAIRE

[4]                Le demandeur est un citoyen bangladais. En mars 1996, il a adhéré à l'Unité de quartier no 9 de la Ligue Awami à Chittagong, le parti politique qui formait le gouvernement national du Bangladesh à l'époque. Il allègue que le Parti nationaliste du Bangladesh (PNB) a nui à ses activités pendant les élections de juin 1996, au cours desquelles il travaillait pour un candidat de la Ligue Awami. En 1997, il a interrompu ses études pour s'occuper de l'entreprise familiale. En 1999, il est devenu membre de l'exécutif de son unité et il a gravi [traduction] « les échelons dans son parti » , s'occupant activement de recruter de nouveaux membres. En août 2001, des hommes de main du PNB auraient extorqué de l'argent au demandeur, à son magasin. Un des hommes de main a été arrêté, mais il a été immédiatement libéré. Deux jours après que le PNB et les partis alliés (alliance) eurent pris le pouvoir aux élections du 1er octobre 2001, le demandeur a été pourchassé par des hommes de main du PNB et insulté par eux. Pendant les célébrations de la victoire, les partisans du PNB se sont regroupés pour s'en prendre aux magasins et aux résidences des chefs de la Ligue Awami, notamment à celle du demandeur. En décembre 2001, des partisans de la Ligue Awami ont organisé une manifestation qui a été réprimée par la police et les hommes de main de l'alliance. Le 24 mars 2002, le demandeur et quatre autres membres de la Ligue Awami ont été arrêtés et battus par la police avant d'être libérés peu de temps après. Le demandeur a alors été nommé officiellement secrétaire organisateur. Deux ans plus tard, le 26 mars 2004, le demandeur a organisé une assemblée publique pour célébrer le jour de l'indépendance, au cours de laquelle il a pris la parole. En revenant chez lui, il a été pourchassé par des hommes de main du PNB et du Jamaat-e-Islami (JI). Il a couché chez un ami, pendant que les hommes de main se rendaient chez lui à sa recherche. Ils ont vandalisé son magasin. Le demandeur s'est caché jusqu'au 5 mai, date à laquelle il a quitté le Bangladesh. D'après le Formulaire de renseignements personnels (FRP) du demandeur, la police, qui était à sa recherche, est allée voir sa mère le 25 mai 2004.

[5]                Le demandeur a présenté une demande d'asile le 6 mai 2004 à Montréal et sa demande a été rejetée par la SPR le 19 juillet 2005.

LA DÉCISION CONTESTÉE

[6]                Dans sa décision datée du 19 juillet 2005, la SPR n'a pas fait droit à la demande d'asile du demandeur parce qu'elle ne croyait pas à sa version des faits. La SPR a également déclaré que le demandeur était exclu de la catégorie de réfugié aux termes de la disposition 1Fc) de la Convention.

1. L'inclusion

[7]                La décision de la SPR de refuser au demandeur le statut de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger est fondée sur une appréciation de sa crédibilité. D'après la SPR, la crédibilité du demandeur est sujette à caution pour les raisons suivantes :

-                      Le demandeur a eu une attitude évasive et a refusé de collaborer avec l'agent d'immigration;

-                      L'agent d'immigration a estimé que les documents fournis par le demandeur n'étaient pas satisfaisants;

-                      L'expertise effectuée par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a révélé que certains papiers d'identité fournis par le demandeur étaient [traduction] « probablement falsifiés » , et la mission canadienne à Dhaka a formulé des commentaires semblables;

-                      Le demandeur ne savait pas exactement quel était le pays qui avait délivré le faux passeport qu'il affirme avoir utilisé pour se rendre au Canada;

-                      Le demandeur a déclaré qu'il n'avait jamais obtenu un passeport authentique au Bangladesh. Un passeport qui lui a été délivré en 2004 porte un tampon temporaire qui, d'après la preuve, est [traduction] « normalement délivré aux ressortissants bangladais qui ont perdu leur passeport ou qui ne sont pas en mesure de fournir des renseignements précis concernant leur passeport antérieur » . Selon l'opinion de la SPR, le demandeur d'asile a déjà eu en sa possession un passeport bangladais qu'il a décidé de ne pas montrer aux autorités canadiennes;

-                      Le témoignage qu'a livré le demandeur au cours des audiences sur le contrôle des motifs de sa détention était contradictoire, confus et difficile à croire;

-                      La description qu'a donnée le demandeur des déplacements qu'il a effectué lors de sa fuite est contredite par la preuve;

-                      La SPR a jugé invraisemblable que la police ait attendu deux mois après le discours du 26 mars 2004 avant d'aller le chercher chez lui;

-                      Le demandeur a déclaré à l'agent d'immigration au cours de l'entrevue tenue le 21 juillet 2004 que ni le gouvernement ni la police ne le recherchait au Bangladesh et que c'était uniquement au cours de manifestations publiques qu'il faisait face à des problèmes.

-                      Le demandeur n'a pas été en mesure de fournir une explication raisonnable du fait qu'il ait déclaré à deux reprises au cours de l'entrevue avec l'agent d'immigration qu'il avait possédé une carte de membre de la Ligue Awami alors qu'il a affirmé au cours de l'audience de la SPR qu'il n'avait jamais possédé une telle carte et que ces cartes n'existaient pas;

-                      Le demandeur a fait des déclarations contradictoires au sujet de la question de savoir si les dirigeants de la Ligue Awami savaient qu'il avait été arrêté par la police au cours de la manifestation du 24 mars 2002.

[8]                Compte tenu de ces conclusions défavorables au sujet de la crédibilité, la SPR a jugé que les preuves documentaires présentées par le demandeur n'avaient aucune force probante.

2. L'exclusion

[9]                À titre subsidiaire, la SPR a décidé que le demandeur devait être exclu de la catégorie des réfugiés parce qu'elle a considéré qu'il avait été complice d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

[10]            En l'espèce, l'Unité des crimes de guerre de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a informé la SPR qu'elle n'interviendrait pas dans la présente affaire. Après une analyse détaillée de la situation des droits de la personne au Bangladesh ainsi que de la jurisprudence, la SPR en est arrivée à la conclusion que le gouvernement formé par la Ligue Awami avait un lourd dossier en matière de violations des droits de la personne, que le demandeur était membre de la Ligue Awami, qu'il avait personnellement et sciemment participé à ses activités et qu'enfin, il avait omis de se dissocier de l'organisation dès qu'il avait pu le faire.

ANALYSE

1. La norme de contrôle

[11]            Il y a lieu d'appliquer deux normes de contrôle à la présente affaire.

[12]            La décision de la SPR quant au droit du demandeur d'obtenir l'asile est principalement fondée sur la crédibilité de ses allégations. Il est bien établi que la norme de contrôle en matière d'appréciation de la crédibilité d'un demandeur par la SPR est la décision manifestement déraisonnable (voir Thavarathinam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1469, [2003] A.C.F. no 1866 (C.A.F.), au paragraphe 10; Aguebor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.), au paragraphe 4).

[13]            La question de savoir si le demandeur doit être exclu de la catégorie des réfugiés en application de la disposition F de la Convention est une question mixte de fait et de droit sujette à la décision raisonnable simpliciter (Shresta c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 1154, au paragraphe 12; Valère c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 524, [2005] A.C.F. no 643, au paragraphe 12).

2. L'inclusion

[14]            Le demandeur soutient que la SPR a tiré des conclusions de fait erronées au sujet de la crédibilité du demandeur qui justifient l'intervention de la Cour.

[15]            Après avoir examiné soigneusement la décision et la preuve, je constate que la décision qu'a prise la SPR sur la question de la crédibilité est fondée. La SPR a fourni des motifs détaillés et avait plusieurs bonnes raisons de ne pas croire le demandeur. Les contradictions et les invraisemblances graves que contenait la version des faits du demandeur justifient pleinement les conclusions de la SPR au sujet de la crédibilité du demandeur. Certains motifs sont plus convaincants que d'autres mais, dans l'ensemble, la conclusion de la SPR sur la crédibilité doit être confirmée.

3. L'exclusion

[16]            La disposition 1Fc) de la Convention se lit ainsi :

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

[...]

[...]

c) Qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

(c) he has been guilty of acts contrary to the purposes and principles of the United Nations.

[17]            Le demandeur n'a pas contesté que le régime de la Ligue Awami ait commis des actes contraires aux buts et aux principes des Nations Unies et la décision de la SPR est tout à fait explicite sur ce point.

[18]            Il est possible de refuser la protection accordée aux réfugiés à un demandeur d'asile qui a été complice de tels agissements. Le demandeur a cité plusieurs passages du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié et d'autres documents des Nations Unies, qui ne lient pas la Cour, pour établir que les clauses d'exclusion doivent être interprétées de façon restrictive. Même si ces documents appuyaient la position du demandeur, ce qui, à mon avis, n'est pas nécessairement le cas, je ne pense pas qu'ils fassent autorité en droit canadien. Il s'agit d'un guide. (Fernandopulle c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CAF 91, [2005] A.C.F. no 412, au paragraphe 17, autorisation de pourvoir à la S.C.C. refusée, [2005] S.C.C.A. no 222). Je me réfère plutôt à la jurisprudence de la Cour d'appel fédérale pour interpréter la portée de la disposition d'exclusion 1Fc).

[19]            La notion de complicité a été appliquée à la disposition d'exclusion 1Fc) dans de nombreuses affaires (voir Barzagan c. Canada, [1996] A.C.F. no 1209 (C.A.F.); Omar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 861, [2004] A.C.F. no 1061 (C.F.); Mohammad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 1457) (C.F.)).

[20]            La SPR a recensé de façon exhaustive la jurisprudence sur la complicité et noté que trois conditions doivent être remplies pour qu'une personne soit complice pour l'application de la disposition d'exclusion, à savoir :

1.       La personne est membre de l'organisation qui a commis les agissements en question;

2.       La personne y a participé personnellement et sciemment;

3.       La personne en question a omis de se dissocier de l'organisation dès qu'elle a pu le faire.

[21]            Le demandeur n'a pas contesté qu'il avait été membre de la Ligue Awami au cours des cinq années pendant lesquelles le gouvernement de la Ligue Awami avait été au pouvoir (octobre 1996 à juillet 2001). Quant à la participation du demandeur, la SPR a fait les observations suivantes lorsqu'elle a conclu qu'il avait personnellement et sciemment participé aux actes violents commis par le Parti de la Ligue Awami :

-                      Le demandeur a été actif pendant plusieurs années dans la ville de Chittagong, ville où la vie politique est une des plus violentes du Bangladesh;

-                      Il est inconcevable que le demandeur ait été une exception parmi les membres de son parti, compte tenu des antécédents de ce parti en matière d'actes de violence ayant fait des morts et des blessés;

-                      Le demandeur occupait un poste relativement important au sein du parti;

-                      L'information concernant la violence exercée par le gouvernement était largement disséminée au Bangladesh;

-                      Il existe des preuves concernant le rôle que jouaient les militants locaux pour demander à la police d'intervenir et la collaboration qui existait entre la police et les organisations locales de la Ligue Awami;

-                      Le demandeur connaissait les violations des droits de la personne commises par le gouvernement de la Ligue Awami.

[22]            Le demandeur a soutenu que l'extrait suivant de Chowdhury c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 744; [2003] A.C.F. no 958, aux paragraphes 38 et 39 est pertinent quant à la présente affaire :

En se fondant sur la preuve documentaire des exécutions sommaires dont la police s'est faite l'auteur sous le régime de la Ligue Awami, la Commission a conclu que la Ligue était [traduction] « un parti politique qui se livrait à de graves violations des droits de la personne » . Toutefois, en ce qui a trait au demandeur, la preuve a établi qu'il était un des dirigeants de l'aile jeunesse d'une section de la Ligue Awami, qui en compte près de 500 au pays. À mon sens, le fait de décrire le demandeur comme un « membre influent de la Ligue Awami » qui occupait « un rôle important au sein de l'organisation » constitue une conclusion de fait erronée, surtout dans un cas où la complicité du demandeur est établie à partir de violations des droits de la personne qui ont essentiellement été commises par la police sous un gouvernement formé par la Ligue Awami plutôt que par des membres de ce parti ou de son aile jeunesse.

Je conclus que la preuve en l'espèce ne respecte pas le critère établi dans Ramirez, précité. Cette preuve étaye la conclusion que le demandeur était membre du comité exécutif de la section jeunesse du Parti de la Ligue Awami. La Ligue Awami compte environ un million de membres au Bangladesh et près de 500 divisions administratives comprenant des ailes jeunesse ou « thanas » . Il est vrai que la preuve documentaire associe la violence au Bangladesh à la scène politique. Toutefois, il ne s'ensuit pas forcément que quiconque participe au processus politique ou appartient à un parti politique au Bangladesh est de ce fait complice de crimes contre l'humanité. En fait, la preuve tend plutôt à démontrer que seule une minorité de gens s'adonne à des actes de violence. Elle ne permet simplement pas de soutenir que le demandeur partage avec les parties qui commette des actes de persécution une intention commune et une connaissance de ces actes.

[23]            Il ne m'appartient pas de décider si le demandeur a en fait participé personnellement et consciemment aux actes brutaux commis par le Parti de la Ligue Awami mais plutôt s'il était raisonnable que la SPR tire cette conclusion. Je note également qu'il existe des preuves indiquant qu'il est possible d'établir une distinction entre le rôle que jouait le demandeur au sein de la Ligue Awami et celui que jouait M. Chowdhury dans l'affaire citée ci-dessus, notamment le fait qu'il a déclaré dans son FRP qu'il était un [traduction] « dirigeant de la Ligue Awami très populaire » et que sa participation aux activités du parti a pris beaucoup d'importance au cours des années. Les preuves supplémentaires présentées par le demandeur vont dans le même sens : il est qualifié de [traduction] « dirigeant » (page 356) et de [traduction] « dirigeant intransigeant » (page 354 du dossier du tribunal). La SPR n'a pas commis d'erreur de fait lorsqu'elle a décrit le rôle que jouait le demandeur au sein du Parti de la Ligue Awami. L'analyse à laquelle a procédé la SPR appuie, dans l'ensemble, la conclusion selon laquelle il était raisonnable de décider que le demandeur avait participé personnellement et consciemment aux actes commis par le gouvernement de la Ligue Awami.

[24]            La SPR a également conclu que le demandeur avait omis de se dissocier du Parti de la Ligue Awami et était demeuré dans ce parti. La SPR a jugé non crédible le fait que les habitants du quartier du demandeur se soient opposés aux actes de violence commis par le Parti de la Ligue Awami, comme l'allègue le demandeur. Il n'existe donc aucune raison de remettre en question la conclusion de fait selon laquelle le demandeur a omis de se dissocier du parti.

[25]            Je n'ai donc aucune raison d'intervenir sur la question de l'exclusion.

[26]            À l'audience, le demandeur a soutenu que la SPR avait agi de façon arbitraire en concluant, d'un côté, que son récit n'était pas crédible, et de l'autre, qu'il devait être exclu de l'application de la Convention aux termes de la disposition 1Fc) à cause de sa complicité. Le demandeur a cité le passage suivant de Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 836, [2001] A.C.F. no 1198, au paragraphe 21 (juge Heneghan) :

Toutefois, il est arbitraire et abusif de la part de la Commission de fonder sa conclusion concernant l'exclusion sur une conclusion de fait qu'elle n'a pas voulu tirer dans sa décision. Si la Commission ne peut conclure que le demandeur a été membre du PBS, elle ne doit pas fonder une conclusion d'exclusion sur des conjonctures. Sa décision était manifestement déraisonnable.

[27]            Le demandeur a également invoqué la décision Hosseini c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 402, [2002] A.C.F. no 509, dans laquelle le juge Blanchard a écrit, au paragraphe 16 :

La décision que je dois considérer par ce contrôle judiciaire est une décision qui rejette la revendication du demandeur fondée sur l'absence de crédibilité et l'absence de caractère objectif de la crainte de persécution. La Section du statut s'est prononcée sur la non-inclusion et, à mon avis, non sur l'exclusion du demandeur de la protection de la Convention. Pour viser un demandeur par une clause d'exclusion, je suis d'avis que ce devrait être fait de façon explicite. En l'espèce, la Section du statut, dans ses motifs, a clairement déterminé que le témoignage du demandeur était dénué de toute crédibilité, et a remarqué que « ... si le revendicateur avait été crédible, il aurait dû être exclu... » Ce genre d'exclusion conditionnelle ne peut servir à exclure le demandeur de la protection internationale aux termes de l'alinéa 1 Fa) de la Convention.

[28]            Il est possible d'établir une distinction entre ces deux décisions et la présente espèce. Ici, la SPR n'a pas cru que le demandeur avait été persécuté mais a accepté qu'il était membre du Parti de la Ligue Awami et un dirigeant local :

(page 3) D'après le témoignage du demandeur d'asile, j'ai la conviction qu'il était membre de la LA, voire membre de la direction de son unité. Cependant, j'estime que son récit de persécution n'est pas crédible.

Par conséquent, la conclusion tirée dans Khan n'est pas applicable à la présente affaire.

[29]            Dans Hosseini c. Canada, les motifs de la Commission ne contenaient aucune explication concernant la décision relative à l'exclusion. Le juge Blanchard a déclaré qu'une décision relative à l'exclusion doit être justifiée et ne peut être fondée sur des conjectures. En l'espèce, les motifs relatifs à l'exclusion sont très détaillés, ils couvrent 12 pages (pages 7 à 19), et ils sont fondés sur la preuve.

[30]            L'argument du demandeur est par conséquent rejeté.

4. Le caractère équitable de l'audience

[31]            Enfin, le demandeur soutient que l'audience n'a pas été équitable parce que la question de l'exclusion a été soulevée en cours d'audience (voir la transcription de l'audience, à la page 551 du dossier du tribunal), malgré le fait que le solliciteur général se soit abstenu d'intervenir.

[32]            La question de l'exclusion peut être soulevée en cours d'audience, pourvu qu'un avis suffisant soit donné au demandeur. En l'espèce, la question a été soulevée au cours de la séance du 7 février. La SPR a décidé d'accorder un ajournement au demandeur, avec son accord, pour qu'il puisse préparer l'audience sur cet aspect et d'en informer le solliciteur général conformément au paragraphe 23(2) des Règles de la Section de la protection des réfugiés. La séance suivante a eu lieu le 11 mai 2005. Cela constitue un avis suffisant, selon les normes établies par la jurisprudence (voir Yang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 219, [2001] A.C.F. no 412) et le seul fait que le solliciteur général se soit abstenu d'intervenir n'empêche pas un commissaire de décider d'appliquer la clause d'exclusion (Alwan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 807, [2004] A.C.F. no 982).

[33]            De plus, le demandeur soutient que la commissaire était partiale et que son avocat [traduction] « a accusé la commissaire de partialité » . (Le passage pertinent de la transcription se trouve à la page 589 du dossier du tribunal.) Le critère pertinent est exposé dans Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l'énergie), [1978] 1 R.C.S. 369. La Cour doit répondre à la question suivante : « À quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique? »

[34]            Le demandeur soutient que la commissaire [traduction] « a semblé très en colère parce que le demandeur avait demandé un interprète qui parle le dialecte chittagong du bengali » pour appuyer ses affirmations. J'ai examiné la transcription des audiences et je ne pense pas qu'une personne informée aurait pensé que la commissaire était partiale. Plus précisément, j'ai examiné la transcription du 23 novembre 2004 (pages 455 à 474 du dossier du tribunal), qui fait état d'une discussion sur la possibilité de trouver un interprète, ainsi que les pages 475 à 479 de la transcription de la séance du 26 janvier 2005. Le demandeur a étudié l'informatique en anglais pendant trois ans, il a obtenu le droit à un interprète en bengali (le chittagong est un dialecte du bengali) et il a admis qu'il comprenait l'anglais mais qu'il exprimait mieux ses [traduction] « propres sentiments » dans son dialecte. À mon avis, la commissaire a eu une réaction compréhensible et proportionnée. Il n'est pas surprenant qu'elle ait été surprise de constater que le demandeur insistait pour avoir un interprète en chittagong alors qu'il comprenait l'anglais et le bengali. Il n'y a eu aucun problème grave de compréhension pendant l'audience. Lorsqu'il était nécessaire de fournir des explications, la commissaire a demandé au demandeur de confirmer, d'expliquer ou de nuancer ses propos. Dans ce contexte, aucune des interventions de la commissaire ne semble avoir été excessive. Le seul fait qu'un décideur manifeste parfois de l'impatience ne veut pas dire qu'il est partial (voir, par exemple, Mighlin c. Mighlin, 2003 CSC 24, [2003] A.C.S. no 21, au paragraphe 33; Tchiegang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 249, [2003] A.C.F. no 343, au paragraphe 16; Casa c. Télé-Métropole, 2003 CF 811, [2003] A.C.F. no 1082; Cerqui c. Canada, [1994] A.C.F. no 1842, au paragraphe 3).

[35]            Les parties ont été invitées à soumettre une question pour certification. Le demandeur a soumis les questions suivantes :

1.       Une personne privée, par opposition à un représentant de l'État, peut-elle être coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies et donc exclue de l'application de la Convention sur le statut de réfugié de 1951 aux termes de la disposition 1Fc) et, si oui, dans quelles circonstances?

2.       Un membre de la direction d'un parti politique au niveau local peut-il être jugé complice de violations de droits de la personne répétées commises par un gouvernement national composé de membres de ce parti, aux fins de l'exclure de l'application de la Convention relative au statut de réfugié de 1951 aux termes de la disposition 1F?

[36]            À mon avis, ces questions ne répondent pas aux critères exposés dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Liyanagamage, [1994] A.C.F. no 1637, au paragraphe 4. Pour être acceptées pour certification, les questions proposées doivent :

            -           transcender les intérêts des partis au litige;

-            aborder des éléments ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale;

-            être déterminantes quant à l'issue de l'appel.

[37]            La première question soumise a déjà reçu une réponse, pour l'essentiel, de la part de la Cour suprême du Canada dans Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982. De plus, je reconnais avec le défendeur que la Cour d'appel fédérale serait amenée à effectuer une opération purement théorique si elle devait préciser « dans quelles circonstances » une personne privée, par opposition à un représentant de l'État, serait coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unis aux termes de la disposition 1Fc) de la Convention.

[38]            Quant à la seconde question, je reconnais avec le demandeur qu'elle ne reflète pas les faits de l'affaire et qu'elle ne pourrait donc être déterminante quant à l'issue de l'appel. En l'espèce, les violations ont été commises par des représentants de l'État et par des personnes privées. La question de la complicité doit être tranchée selon les faits de chaque affaire et la jurisprudence de la Cour d'appel fédérale et de la Cour fédérale contient déjà suffisamment de directives pour que la SPR puisse décider si un demandeur d'asile doit être exclu de l'application de la Convention aux termes de la disposition 1Fc).

[39]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée et aucune question ne sera certifiée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

-           La demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n'est certifiée.

« Simon Noël »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-4920-05

INTITULÉ :                                        AMIT CHOWDHURY

        c.

        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 26 JANVIER 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE NOËL

DATES DES MOTIFS :                     LE 7 FÉVRIER 2006

COMPARUTIONS :

Zia Zambelli                                           POUR LE DEMANDEUR

François Joyal                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pia Zambelli                                           POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

John H. Sims, c.r.                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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