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Date : 20031219

Dossier : IMM-6192-02

Référence : 2003 CF 1507

Ottawa (Ontario), le 19 décembre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MICHEL BEAUDRY

ENTRE :

PATRICK UDEAGBALA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                             

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire déposée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), concernant la décision prise en date du 8 novembre 2002 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) de ne pas reconnaître au demandeur la qualité de réfugié au sens de la Convention dont il est question à l'article 96 de la LIPR.


QUESTIONS EN LITIGE

[2]                La Cour doit examiner les questions suivantes en l'espèce :

1.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n'était pas crédible?

2.         La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant de tenir compte de certains éléments de preuve?

3.         La Commission a-t-elle contrevenu à la Charte canadienne des droits et libertés et aux traités internationaux en rejetant la demande du demandeur?

[3]                À mon avis, toutes ces questions doivent recevoir une réponse négative et la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

FAITS

[4]                Le demandeur, un citoyen du Nigéria âgé de 31 ans, revendique la qualité de réfugié au sens de la Convention en raison de sa religion et de son appartenance à un groupe social. Il prétend plus particulièrement craindre avec raison d'être persécuté par les autorités et les extrémistes musulmans parce qu'il a participé à une manifestation organisée par la Christian Association of Nigeria (CAN), pour protester contre l'introduction de la loi islamique (la charia) dans l'État de Kaduna en février 2000. Il allègue en outre qu'il est une personne à protéger.


[5]                Le demandeur allègue qu'il est membre de l'Evangelical Fellowship in the Anglican Ecumenical (EFAC) à Showar, à la cathédrale St. Joseph. Il allègue également que son père, le chef James Udeagbala, était membre de la CAN dans l'État de Kaduna et président du Church Building Committee à la cathédrale St. Joseph, tandis que son frère aîné, Kutun, était le catéchiste de l'église. Sa mère, Angelina, était membre du cercle paroissial et de l'union des mères de l'Église.

[6]                Le 20 février 2000, alors qu'il assistait à un service religieux, le demandeur a été invité à participer à une manifestation organisée par la CAN pour protester contre l'introduction de la charia dans l'État de Kaduna. Le lendemain, la manifestation s'est déroulée pacifiquement jusqu'à ce que des fondamentalistes musulmans commencent à attaquer les manifestants chrétiens avec des machettes, des arcs, des flèches, des poignards et des armes à feu.

[7]                Le demandeur a quitté la manifestation après avoir vu son ami John Nwosu se faire abattre. Il a couru jusque chez lui pour informer ses parents de la situation régnant dans les rues. À son arrivée, il a été sidéré de voir la maison en feu et de voir le corps de son père à demi calciné ainsi que les corps de sa mère et de deux de ses soeurs.


[8]                Le demandeur a alors été attaqué par son voisin, Mohammed Alhaji Sunni. Il a pris la fuite vers un poste de contrôle policier mobile et a été emmené au poste de police de Todona Wella. Lorsque les policiers ont trouvé dans son portefeuille sa carte de membre de l'EFAC et 2 000 naira, ils ont pris l'argent et l'ont arrêté pour avoir pris part à une manifestation non autorisée ayant donné lieu à la destruction de biens de l'État ainsi qu'à des voies de fait. Il a en outre été accusé de pillage et de meurtre. Malgré le fait qu'il clamait son innocence, la police l'a placé en détention.

[9]                Il a été détenu pendant deux mois, au cours desquels il a été transporté dans une clinique parce que sa santé se détériorait.

[10]            Le demandeur s'est enfui de l'hôpital le 1er mai 2000 avec l'aide du Dr Baba et du pasteur Mike Obi, de l'Église Truth and Life Gospel. Il a fui le Nigéria le 11 mai 2000. Il est arrivé au Canada le 17 mai suivant et a immédiatement revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention.

DÉCISION FAISANT L'OBJET DU CONTRÔLE

[11]            La Commission a considéré que le demandeur n'était pas crédible. Selon elle, l'incapacité du demandeur de donner les dates de naissance de ses frères et soeurs était suspecte. Elle a jugé que l'explication du demandeur selon laquelle les anniversaires ne sont guère célébrés en Afrique de l'Ouest et il n'est pas rare, pour une personne de cette région, de ne pas connaître la date de naissance de ses frères et soeurs n'était pas crédible.


[12]            Le demandeur a déclaré que son père était âgé de 69 ans et sa mère, de 60 ans environ. Or, la preuve documentaire indiquait que le père du demandeur avait 96 ans et sa mère, 80. La Commission n'a pas cru qu'il s'agissait d'erreurs typographiques comme le demandeur le prétendait.

[13]            La Commission n'a pas cru non plus que personne n'aurait communiqué avec un avocat afin d'aider le demandeur à obtenir sa libération. Étant donné que le père du demandeur était un chef local, il était invraisemblable que ni les membres de sa famille ni les partisans de son père n'aient tenté de l'aider.

[14]            Bien qu'il ait prétendu avoir été recherché par les autorités après son évasion, le demandeur n'a pas essayé de savoir si un mandat d'arrestation avait été lancé contre lui par les autorités nigérianes. Ce fait jetait également un doute sur sa crédibilité.

[15]            Le demandeur a indiqué dans son témoignage que des inconnus étaient allés à la maison familiale pour le voir. Or, cette information ne figurait pas dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), ce qui minait aussi sa crédibilité.


[16]            La Commission a considéré que le témoignage du demandeur au sujet de son séjour à l'hôpital posait problème. Le demandeur prétendait avoir subi une blessure à la tête le 21 février 2000. Cette blessure, qui n'aurait jamais été soignée, le faisait apparemment encore souffrir lorsqu'il a été hospitalisé en avril 2000. N'ayant relevé aucune cicatrice, la Commission doutait de la véracité de ces allégations.

[17]            Enfin, la Commission a rappelé que le demandeur affirmait que son père avait été tué le 21 février 2000, alors que, selon la preuve documentaire, ses funérailles auraient eu lieu les 1er et 2 août 2000. Elle n'a pas jugé crédible l'explication du demandeur selon laquelle des personnes importantes comme son père sont souvent enterrées plusieurs mois après leur décès.

[18]            Ayant conclu que le demandeur n'était pas crédible, la Commission n'a accordé aucune valeur probante à sa preuve documentaire.

[19]            La Commission a donc décidé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR

[20]            Le demandeur prétend que la Commission n'a pas tenu compte de certains documents produits en preuve qui décrivaient l'importance de la violence religieuse et ethnique qui est exercée au Nigéria.

[21]            Il prétend également que la Commission n'a pas tenu compte des pièces d'identité et des rapports médicaux qu'il a déposés. La Commission a ainsi commis une erreur puisqu'elle a l'obligation d'évaluer les éléments de preuve importants qui lui sont présentés. Il invoque les décisions Lai c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 8 Imm. L.R. (2d) 245 (C.A.F.), et Vijayarajah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 167 F.T.R. 295 (C.F. 1re inst.), au soutien de sa prétention.

[22]            Le demandeur soutient aussi que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a évalué sa crédibilité. Selon lui, les raisons qu'il a données pour expliquer pourquoi il ne se rappelait pas les dates de naissance de ses frères et soeurs sont crédibles. La Commission a rejeté ses explications sans raison valable.

[23]            Le demandeur soutient que la conclusion de la Commission selon laquelle il était invraisemblable qu'aucun membre de sa famille n'ait entrepris les démarches juridiques nécessaires pour qu'il soit libéré n'était pas raisonnable puisque tous les membres de sa famille avaient été tués.

[24]            Le demandeur prétend que la conclusion de la Commission selon laquelle il n'a rien fait pour trouver une preuve corroborante n'est pas exacte puisqu'il a présenté à la Commission une preuve assez abondante.

[25]            Le demandeur fait valoir qu'il était déraisonnable que la Commission tienne compte d'une contradiction entre son FRP et son témoignage parce que, premièrement, il n'avait appris le renseignement en question qu'après avoir déposé son FRP et, deuxièmement, il avait présenté la lettre contenant ce renseignement.

[26]            Le demandeur soutient qu'il a une cicatrice, qu'il l'a montrée à la Commission et que celle-ci a rejeté à tort cet élément de preuve et les nombreuses photos le montrant alors qu'il était hospitalisé.

[27]            L'ensemble de ces erreurs est suffisant pour vicier la décision. Le demandeur s'appuie à cet égard sur l'arrêt Salamat c. Canada (Commission d'appel de l'immigration) (1989), 8 Imm. L.R. (2d) 58 (C.A.F.).

[28]            Le demandeur soutient que la Commission n'a pas bien compris les coutumes africaines puisqu'elle a mis en doute le fait que les funérailles de son père ont eu lieu six mois après son décès. Il cite à ce sujet les décisions Divsalar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 653, [2002] A.C.F. no 875 (1re inst.) (QL), Ansong c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 9 Imm. L.R. (2d) 94 (C.A.F.), et Ahortor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 65 F.T.R. 137 (C.F. 1re inst.).

[29]            Le demandeur soutient en outre que la Cour peut infirmer la décision de la Commission si la conclusion relative au manque de crédibilité n'est pas étayée par la preuve dont celle-ci disposait (Yada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 140 F.T.R. 264 (C.F. 1re inst.)).

[30]            Le demandeur soutient finalement que la décision de la Commission porte atteinte aux droits qui lui sont garantis aux articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés et par les différents traités internationaux puisqu'elle entraînera son expulsion vers le Nigéria, où il sera persécuté.

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR


[31]            Le défendeur soutient que la Commission n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle en concluant que le demandeur n'était pas crédible. La Commission a donné de nombreuses raisons valables pour expliquer pourquoi elle doutait de la véracité du témoignage du demandeur : il y avait des lacunes dans son témoignage et le demandeur ignorait des choses graves et importantes. La Commission avait le droit de ne pas ajouter foi aux explications du demandeur concernant les défauts de son témoignage. Le défendeur se fonde sur les décisions suivantes : Castro c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 787 (1re inst.) (QL), Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), Rokni c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 182 (1re inst.) (QL), et Baines c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 603, [2002] A.C.F. no 805 (1re inst.) (QL).

[32]            Le défendeur soutient également que la Commission pouvait bien douter du témoignage du demandeur puisque ce dernier avait omis d'inscrire des renseignements importants dans son FRP ou n'avait pas modifié celui-ci au début de l'audience. Il cite les décisions Mostajelin c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 28 (C.A.) (QL), Basseghi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1867 (1re inst.) (QL), Lobo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 597 (1re inst.) (QL), et Kutuk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 1754 (1re inst.) (QL), au soutien de sa prétention.

[33]            Le défendeur soutient aussi que la Commission pouvait tenir compte du fait que le demandeur n'avait pas produit une preuve corroborant sa prétention selon laquelle il était recherché par les autorités au Nigéria. Il se fonde sur les décisions suivantes à cet égard : El Jarjouhi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 466 (1re inst.) (QL), Kante c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1994] A.C.F. no 525 (1re inst.) (QL), et Perez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 92 F.T.R. 131 (C.F. 1re inst.).

[34]            Le défendeur fait valoir que les motifs de la Commission montrent qu'elle a pris en considération l'ensemble des documents produits en preuve à l'audience et qu'elle n'a commis aucune erreur lorsqu'elle les a évalués.

[35]            De plus, étant donné qu'elle avait déterminé que le demandeur n'était pas crédible, la Commission pouvait n'accorder aucune valeur probante aux documents qu'il avait produits en preuve. Au soutien de cette prétention, le défendeur invoque les décisions Songue c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 1020 (1re inst.) (QL), Vassilieva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1323 (1re inst.) (QL), Danailov c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 1019 (1re inst.) (QL), Hamid c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 1293 (1re inst.) (QL), et Syed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 597 (1re inst.) (QL).

[36]            Le défendeur soutient aussi que, suivant l'arrêt Sheikh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 3 C.F. 238 (C.A.), une conclusion générale de manque de crédibilité peut s'appliquer au témoignage dans son ensemble et l'on ne peut pas présumer que la situation décrite dans la preuve documentaire s'applique au demandeur si celui-ci n'est pas crédible. Ce principe est applicable en l'espèce.

[37]            Le défendeur mentionne que le demandeur prétend, dans son mémoire et affidavit, qu'il n'a pas eu droit à une audition équitable car, selon lui, la Commission ne cherchait pas la vérité mais plutôt des raisons de ne pas le croire. Il fait valoir que le critère servant à déterminer si une crainte de partialité raisonnable existe consiste à se demander si une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, conclurait que, selon toute vraisemblance, le décideur, consciemment ou non, rendra une décision injuste (Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l'énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, à la p. 394). Les allégations d'injustice du demandeur sont vagues et ne satisfont pas à ce critère.

[38]            En outre, il incombait au demandeur de soulever la question de l'existence d'une crainte raisonnable de partialité à la première occasion, soit, en l'espèce, au cours de l'audience. Cette allégation devrait être rejetée si l'on se fie à la décision Wu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 81 F.T.R. 33 (C.F. 1re inst.).


[39]            Le défendeur soutient également que la prétention du demandeur selon laquelle les agissements de la Commission ont suscité une crainte raisonnable de partialité devrait être rejetée car la Commission est tout à fait justifiée de signaler les contradictions et les incohérences contenues dans le témoignage d'un demandeur, et qu'un interrogatoire comme celui qu'elle a effectué donne en fait au demandeur la possibilité de faire sur la preuve des commentaires qui pourraient autrement être considérés comme problématiques. Le défendeur invoque à cet égard l'arrêt Mahendran c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 134 N.R. 316 (C.A.F.). C'est exactement ce qu'a fait la Commission en l'espèce et elle n'a commis aucune erreur.

[40]            En réponse à l'allégation du demandeur selon laquelle la décision de la Commission et l'expulsion qui s'en suivra portent atteinte à différents droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés et des traités internationaux, le défendeur fait valoir que la Cour a décidé, dans Barrera c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 2 C.F. 3 (C.A.), Nguyen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 1 C.F. 696 (C.A.), et Plecko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 114 F.T.R. 7 (C.F. 1re inst.), que la compétence de la Commission se limite à déterminer si l'asile devrait être accordé, et que les questions concernant le renvoi du demandeur sont prématurées.

ANALYSE

Crédibilité


[41]            Dans une large mesure, les prétentions du demandeur ne sont pas convaincantes. Le demandeur prétend que la Commission n'a pas bien compris les coutumes africaines lorsqu'elle a considéré qu'il était invraisemblable que son père ait été enterré six mois après son décès. La Commission a cependant exprimé un certain nombre de doutes au sujet de cet élément de preuve. Elle a fait remarquer que le corps du père du demandeur ne présentait aucun signe de décomposition. Elle a aussi indiqué qu'il était difficile de croire que des partisans du père du demandeur aient pu retrouver le corps alors que ce dernier avait apparemment été tué alors que sévissait un désordre indescriptible. Ces doutes sont raisonnables et ne s'expliquent pas par une ignorance des coutumes africaines. La conclusion tirée par la Commission sur ce point n'est pas erronée.

[42]            Le demandeur soutient également que les membres de sa famille ne pouvaient pas tenter d'obtenir sa libération puisqu'ils avaient tous été tués. Il s'agit d'une mauvaise description de la preuve présentée à la Commission et des conclusions de celle-ci. Les membres de la famille immédiate du demandeur avaient peut-être été tués, mais sa grand-mère était toujours vivante selon son témoignage. La Commission avait donc une raison valable de demander au demandeur pourquoi un membre de sa famille, sa grand-mère par exemple, n'aurait pas tenté d'obtenir sa libération. Elle ne s'est pas seulement demandé pourquoi la famille du demandeur n'avait pas communiqué avec un avocat en son nom, mais aussi pourquoi les nombreux partisans de son père ne l'avaient pas fait non plus. Selon le demandeur, son père était un homme connu et respecté. Ainsi, il n'était pas manifestement déraisonnable que la Commission se demande pourquoi ces fidèles partisans auraient laissé le demandeur se morfondre en prison pendant deux mois.


[43]            Le demandeur dénature la conclusion de la Commission lorsqu'il dit que celle-ci a déclaré à tort qu'il n'avait rien fait pour trouver une preuve corroborante. En fait, la Commission n'a pas dit que le demandeur n'avait rien fait pour trouver une telle preuve. Elle a plutôt indiqué que le demandeur n'avait fait aucun effort pour trouver un élément de preuve précis, à savoir un mandat d'arrestation lancé par les autorités au Nigéria. Il n'était pas manifestement déraisonnable que la Commission considère que ce fait avait une incidence défavorable sur la crédibilité du demandeur.

[44]            La Commission n'a pas non plus agi de manière manifestement déraisonnable lorsqu'elle a déterminé que l'explication donnée par le demandeur relativement à la contradiction entre son FRP et son témoignage n'était pas crédible. Il est possible que le demandeur ait appris le renseignement additionnel après avoir déposé son FRP, mais il aurait pu modifier ce document afin que le renseignement y soit ajouté. De surcroît, même si le renseignement pouvait se trouver ailleurs dans la preuve documentaire, il était important que le demandeur l'inscrive dans son FRP.

[45]            Le demandeur soutient également que la Commission n'aurait pas dû mettre en doute son témoignage au sujet de sa blessure à la tête. Selon lui, il y a bien une cicatrice sur sa tête, même si l'on ne pouvait pas la voir. La Cour fait montre de la plus grande retenue à l'égard des conclusions de fait tirées par la Commission. Cela est particulièrement vrai en l'espèce où le demandeur demande à la Cour de contredire des faits observés directement par la Commission. Il n'y a aucune raison que la Cour ait des doutes sur ces faits. Cette conclusion ne sera pas non plus modifiée.


[46]            Enfin, le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a conclu qu'il n'était pas crédible notamment parce qu'il était incapable de se rappeler les dates de naissance des membres de sa famille. Je suis d'accord avec lui sur ce point. Le demandeur a expliqué à la Commission que, étant donné que les naissances ne se déroulent pas dans des hôpitaux et que les anniversaires ne sont pas célébrés en Afrique de l'Ouest, il est rare que les personnes se rappellent la date de naissance exacte de leurs frères et soeurs. La Commission a rejeté cette explication. Il est toutefois raisonnable qu'une date, qui n'est pas importante ou marquante d'une quelconque façon, soit oubliée. Je crois que la Commission a examiné cette question d'un point de vue occidental. Dans l'arrêt Ye c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1992] A.C.F. no 584 (C.A.) (QL), la Cour d'appel a statué que la Commission commet une erreur en agissant ainsi. Ainsi, la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a jugé invraisemblable le fait que le demandeur ne pouvait se rappeler les dates de naissance approximatives de ses frères et soeurs.

[47]            La Commission n'a cependant pas fondé sa conclusion relative à la crédibilité uniquement sur l'incapacité du demandeur de se rappeler les dates de naissance de ses frères et soeurs. Elle a constaté que le témoignage du demandeur était incohérent et imprécis sur un certain nombre de points et a conclu, sur la foi de l'ensemble de la preuve, que le demandeur n'était pas crédible. Cette unique erreur n'est pas importante et ne justifie donc pas que la décision soit infirmée.


Éléments de preuve omis

[48]            J'estime que les prétentions du défendeur sur ce point sont convaincantes. Les décisions Songue, précitée, Vassilieva, précitée, Danailov, précitée, Hamid, précitée, et Syed, précitée, indiquent clairement que la Commission a le droit de n'accorder aucune valeur probante aux documents produits en preuve par le demandeur si elle considère que celui-ci n'est pas crédible. De plus, la revendication du demandeur était fondée sur le fait qu'il est un chrétien. La Commission ayant rejeté son témoignage sur ce point, la preuve documentaire décrivant les conflits religieux qui sévissent au Nigéria n'était pas pertinente. La Commission n'a pas commis d'erreur en n'évaluant pas une grande partie de la preuve documentaire qui lui avait été présentée.

[49]            La Commission a-t-elle contrevenu à la Charte canadienne des droits et libertés et à des traités internationaux en rejetant la demande du demandeur?

[50]            J'estime encore une fois que le défendeur apporte une réponse complète à la prétention du demandeur. La Cour a décidé, dans Barrera, précité, et Nguyen, précité, que la compétence de la Commission se limite à décider si l'asile devrait être accordé. La Commission ne détermine pas si le demandeur devrait être expulsé. Aussi, les questions relatives à la constitutionnalité du renvoi éventuel du demandeur du Canada sont prématurées.


[51]            Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[52]            Les parties ont eu la possibilité de soumettre une question à des fins de certification, et elles ne l'ont pas fait. Je suis convaincu que la présente affaire ne soulève aucune question grave de portée générale. Aucune question ne sera donc certifiée.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

           « Michel Beaudry    »              

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                             

DOSSIER :                                                             IMM-6192-02

INTITULÉ :                                                            PATRICK UDEAGBALA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    LE 11 DÉCEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                           LE JUGE MICHEL BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                           LE 19 DÉCEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

Stewart Istvanffy                                                        POUR LE DEMANDEUR

Sylviane Roy                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Istvanffy                                                        POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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