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Date : 20210817


Dossier : IMM‑3379‑20

Référence : 2021 CF 844

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Montréal (Québec), le 17 août 2021

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

ADOUM OUMAR OUMAR

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 7 juillet 2020 par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) a confirmé le rejet de sa demande d’asile au motif qu’il n’avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger aux termes de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

[2] Le demandeur, un citoyen du Tchad, a présenté une demande d’asile parce qu’il craint d’être exposé à une menace à sa vie ou à un risque de préjudice grave aux mains des autorités compte tenu de ses activités politiques auprès de l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau. Il a demandé l’asile au Canada en avril 2017, après avoir transité par les États‑Unis le mois précédent.

[3] La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté sa demande d’asile pour manque de crédibilité. La SAR a confirmé cette décision et a conclu que le demandeur n’avait pas établi qu’il avait une crainte prospective de retourner dans son pays d’origine.

[4] Le présent contrôle judiciaire porte sur le caractère raisonnable de la décision de la SAR eu égard à la preuve. Comme l’explique la Cour suprême au paragraphe 85 de l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, « une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti ».

[5] Le demandeur soutient que la SAR a procédé à un examen à la loupe de la preuve lorsqu’elle a écarté, déformé, dénaturé ou déprécié son récit concernant ses activités politiques et une demande d’asile similaire qu’il avait présentée antérieurement en France et qui avait été rejetée en raison des activités de son oncle. Il affirme que la SAR a, de la même manière, écarté ses explications concernant le fait qu’il n’avait pas de carte de membre du parti et qu’il n’avait pas invoqué le harcèlement attribuable à son origine ethnique comme motif de sa demande d’asile, de même que ses explications sur les incohérences relevées dans les déclarations qu’il a faites au point d’entrée.

[6] En toute déférence, les arguments du demandeur ne font guère plus qu’exprimer sa désapprobation à l’égard de l’évaluation effectuée par la SAR et proposer d’autres façons d’interpréter la preuve en invitant la Cour à en faire une nouvelle appréciation, ce qui est contraire à son rôle en matière de contrôle judiciaire (voir Brar c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] ACF no 346 (CA).

[7] Les conclusions relatives à la crédibilité sont suffisantes pour influer sur l’ensemble de la demande d’asile. Il ne suffit pas de souligner que des conclusions différentes auraient pu être tirées au vu de la preuve pour que la Cour intervienne. Il faut plutôt prouver que les conclusions ont été tirées de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments dont le décideur disposait (Zhu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1139 aux para 47, 49).

[8] La question déterminante était celle de la crédibilité parce qu’un grand nombre d’omissions, de contradictions et d’incohérences dans les éléments de preuve du demandeur se sont accumulées tout au long du dossier, ce qui a eu une incidence sur le cœur de sa demande d’asile (voir Occean c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2019 CF 1234 au para 43).

[9] Par exemple, des incohérences marquées ont été constatées entre le formulaire Fondement de la demande d’asile du demandeur, son récit et les déclarations qu’il a faites au point d’entrée au sujet de la demande d’asile présentée en France et les circonstances de celle-ci, déclarations qui ont été examinées et confirmées le jour suivant; ces éléments étaient pertinents pour la nature et la gravité des menaces, ainsi que pour le récit du demandeur dans son ensemble. Des contradictions ont également été relevées en ce qui concerne les activités politiques du demandeur, notamment la question de savoir s’il a participé à une manifestation ou s’il a seulement participé à une réunion afin de préparer ladite manifestation. En outre, pendant toute la durée de l’audience devant la SPR, le demandeur n’a pas une seule fois invoqué son origine ethnique comme motif de sa demande d’asile.

[10] Il était loisible à la SAR de comparer les déclarations faites au point d’entrée et le témoignage du demandeur et de tirer des conclusions défavorables fondées sur les incohérences, les contradictions et les écarts relevés, en particulier parce qu’il s’agissait d’éléments essentiels de la demande d’asile et que l’explication fournie a été jugée déraisonnable (voir Neame  c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 378 aux para 20‑21).

[11] Qui plus est, le tribunal avait le droit, compte tenu des conclusions lourdes de conséquences qui ont été tirées en matière de crédibilité dans la présente affaire, d’accorder peu ou pas de valeur probante à la documentation sur la crainte prospective du demandeur; cependant, cet élément est à lui seul insuffisant pour justifier un autre résultat que celui du tribunal, selon son raisonnement (Ogaulu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 547 au para 26; Alba c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1116 au para 21; Lawani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 924 au para 24). En outre, la SAR a jugé que le témoignage du demandeur était répétitif et qu’il manquait de détails; le demandeur n’a pas établi que son profil l’exposait à un risque de persécution au Tchad en raison de ses activités politiques.

[12] Compte tenu des différents récits faits par le demandeur lui‑même à son arrivée, dans son formulaire Fondement de la demande d’asile et devant le tribunal, ainsi que des divergences importantes relevées dans l’ensemble de la preuve, la SAR n’a pas accordé de crédit à la demande d’asile du demandeur. La décision contestée portant sur la crédibilité est raisonnable. Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM‑3379‑20

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a pas de question grave de portée générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

Karine Lambert


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3379‑20

 

INTITULÉ :

ADOUM OUMAR OUMAR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 août 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge Shore

 

DATE DES MOTIFS :

Le 17 août 2021

 

COMPARUTIONS :

Stéphanie Valois

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Simone Truong

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Stéphanie Valois

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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