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Date : 20031216

Dossier : IMM-5544-02

Référence : 2003 CF 1473

Ottawa (Ontario), le 16 décembre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MICHEL BEAUDRY

ENTRE :

                                                         SUKHWINDER SING TOOR

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d'une décision qu'a rendue la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) le 28 octobre 2002. Dans cette décision, la Commission a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger.


QUESTION LITIGIEUSE

[2]                 La Commission a-t-elle rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait?

[3]                 Après une analyse attentive des arguments des parties et de la preuve au dossier, je réponds à cette question par la négative.

FAITS

[4]                 Le demandeur est un citoyen de l'Inde de religion sikhe. Il prétend craindre avec raison d'être persécuté par la police indienne du fait des opinions politiques qu'elle lui impute et de son appartenance à un groupe social, soit les Sikhs que la police soupçonne de collaborer avec des militants. Le demandeur soutient également être une personne à protéger au sens du paragraphe 97(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).


[5]                 Le demandeur prétend que sa famille et lui étaient harcelés par la police. Ce harcèlement aurait commencé par un incident, en novembre 1990, où il aurait été battu par des policiers après que ceux-ci eurent découvert des militants cachés près de sa maison. Les policiers lui auraient alors cassé un bras. Le demandeur prétend qu'à cause de cette blessure, il a dû subir une greffe de peau, parce que son bras avait reçu des coups tellement violents qu'il s'était infecté et que la peau ne s'était pas guérie.

[6]                 Le demandeur soutient que son frère aîné et son cousin étaient membres de l'association appelée All India Sikh Students Federation (la AISSF). Le cousin du demandeur a été tué lors d'une manifestation en 1986 et le demandeur prétend que son frère a été arrêté et torturé par la police à de nombreuses reprises dans les années 90. La police a accusé le frère du demandeur d'avoir organisé avec des militants un attentat à la bombe dans une gare ferroviaire.

[7]                 Le demandeur prétend qu'il a été arrêté et torturé par la police en février 1998, et qu'on l'a interrogé au sujet des liens qu'on soupçonnait son frère et son oncle d'avoir avec des militants. Sa famille a obtenu sa libération par le versement d'un pot-de-vin. Le demandeur soutient que, par la suite, la police faisait une descente dans sa maison familiale à tous les mois ou à tous les deux mois.

[8]                 En 1999, le demandeur et son frère ont ouvert un restaurant. Le demandeur prétend que, le 22 août 1999, la police a fait une descente dans son restaurant, a battu ses employés et a interrogé ses clients. Son frère et lui ont alors été arrêtés et interrogés au sujet de leurs liens avec des militants qui auraient apparemment mangé à leur restaurant. Le demandeur soutient avoir encore une fois été torturé.

[9]                 Selon le demandeur, la police a continué de harceler sa famille chez lui et à son restaurant. En mars 2000, la police a découvert près du restaurant du demandeur une voiture volée, qui, selon les allégations, appartenait à des militants. Elle a alors arrêté le frère du demandeur. Le demandeur soutient que la police a continué ce harcèlement pendant toute l'année 2000, ce qui a nuit à son restaurant. Le 28 janvier 2001, le demandeur a essayé de porter plainte auprès du « Khalra Action Committee » relativement au harcèlement des policiers. Cependant, leurs bureaux étaient fermés ce jour-là.

[10]            Le lendemain, des policiers ont fait une descente à son domicile. Le demandeur n'était pas chez lui à ce moment-là. Ils ont toutefois arrêté son frère. Ils ont alors dit à sa mère qu'ils le tueraient si le demandeur essayait de prendre des mesures contre eux. Le demandeur n'est pas retourné chez lui et est resté chez quelqu'un qu'il connaissait. Le demandeur prétend que la police est retournée à sa maison familiale en février 2001 et a battu sa mère. Le demandeur a appelé sa famille, a appris que son frère n'avait pas été libéré et a décidé qu'il fallait qu'il quitte l'Inde.

[11]            Le demandeur a quitté l'Inde le 22 mai 2001 et est arrivé au Canada le même jour. Le 23 mai 2001, il a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. L'audience devant la Commission a eu lieu le 23 septembre 2002.


DÉCISION DE LA COMMISSION

[12]            En ce qui a trait aux opinions politiques imputées, la Commission a conclu, après avoir analysé la preuve documentaire, qu'il n'était pas plausible que le demandeur soit pris pour cible par la police indienne pour quoi que ce soit lié à l'AISSF. La Commission a conclu que la preuve documentaire indiquait que la police indienne ne percevait plus l'AISSF comme exerçant des activités violentes ou relevant du militantisme. La Commission a conclu que ni le cousin du demandeur, qui avait été tué lors d'une manifestation en 1986, ni le frère du demandeur, n'étaient des membres très en vue d'organisations politiques. La Commission a conclu que ces membres de la famille du demandeur ne présentaient pas un profil politique susceptible d'exposer le demandeur à un risque de persécution.

[13]            Pour ce qui est de l'allégation que le demandeur serait persécuté en raison de sa collaboration perçue avec des militants qui avaient mangé à son restaurant, la Commission a conclu que, compte tenu de la preuve documentaire actuelle, il n'était pas plausible que les autorités indiennes le prennent pour cible. La Commission a conclu aux pages 1 et 2 de ses motifs :


En ce qui a trait à la seconde question, à savoir que le demandeur aurait été pris pour cible parce que des militants avaient mangé à son restaurant et à cause d'un incident relatif à une voiture volée que l'on a retrouvée dans le parc de stationnement du restaurant, le tribunal a examiné la preuve documentaire et considère que ce n'est pas plausible que les autorités aient pris le demandeur pour cible. D'après la preuve documentaire, le mouvement militant avait en fait été maté par la police vers la fin de 1992 et le début de 1993. Par la suite, la police et l'armée se sont surtout occupées d'opérations isolées, ainsi que du dépistage des quelques militants notoires restants. La pièce A-11 est explicite dans ses conclusions : les familles ne se font pas demander de fournir à des militants de la nourriture, un toit ou des moyens de transport. Les allégations du demandeur selon lesquelles il avait été pris pour cible par la police parce que des militants avaient mangé à son restaurant ne reflètent pas la situation actuelle.

[Renvoi omis.]

ARGUMENTS DU DEMANDEUR

[14]            Le demandeur soutient que la Commission n'a pas compris le fondement de sa demande, savoir qu'il était pris pour cible par la police indienne parce qu'elle le soupçonnait d'avoir aidé des militants. Le demandeur prétend que la Commission a compris à tort que sa demande était fondée sur l'appartenance de son frère à l'AISSF, plutôt que sur une série d'autres incidents qui remontaient à novembre 1990 et où la police le soupçonnait de collaboration avec des militants.

[15]            Le demandeur prétend également que la Commission n'a pas examiné un autre motif invoqué à l'appui de son allégation de persécution, savoir qu'il avait essayé de porter plainte contre la police en janvier 2001. Le demandeur s'appuie sur la preuve documentaire dont était saisie la Commission et qui traite de cas où des familles qui avaient essayé de déposer des plaintes officielles avaient fait l'objet de harcèlement par la police.

[16]            Le demandeur maintient ensuite que la décision de la Commission repose sur des conclusions de non-plausibilité, plutôt que sur des conclusions de non-crédibilité. Le demandeur soutient que cela exige que la Cour fasse preuve d'une moins grande retenue dans le cadre d'un contrôle judiciaire : Giron c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 143 N.R. 238 (C.A.F.).

[17]            Le demandeur soutient que la Commission n'a pas examiné l'ensemble de la preuve dont elle était saisie et qu'elle a fondé ses conclusions sur une interprétation sélective de la preuve. Le demandeur prétend que la preuve relative à la situation particulière d'un demandeur ne peut être considérée non plausible du seul fait qu'elle est contraire à la preuve documentaire générale sur un pays. À l'appui de cet argument, le demandeur invoque les décisions Irripugge c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 182 F.T.R. 47 (C.F. 1re inst.), et Karamjit Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 344, [2001] A.C.F. no 604 (1re inst.) (QL).

[18]            Le demandeur prétend que la Commission a reconnu que la preuve documentaire d'expert était partagée quant à savoir si les Sikhs étaient toujours en danger au Penjab et que, même si la preuve documentaire indiquait que la situation générale en matière de respect des droits de la personne au Penjab s' « améliorait » , la Commission n'avait pas envisagé que la situation pouvait toujours être dangereuse. Le demandeur soutient également que la conclusion de la Commission suivant laquelle « la militance a été pratiquement supprimée » au Penjab ne tient pas compte de la question de savoir si la police continue de traiter durement les personnes qu'elle soupçonne de se livrer à des activités militantes.


[19]            Le demandeur maintient que la Commission a conclu que la preuve démontrait que certains groupes de personnes étaient toujours en danger, soit ceux que la police associait aux « militants très en vue » . La preuve sur laquelle s'est appuyée la Commission, en particulier un rapport du Danemark, confirme que la police se livrait régulièrement à des actes de torture contre des suspects afin d'obtenir des renseignements. Le demandeur ajoute que la Commission a dit que la preuve montrait que « les membres de la famille d'une personne soupçonnée d'être un militant pourraient avoir des problèmes avec la police » . La Commission a conclu que, comme le demandeur n'avait jamais été quelqu'un de politiquement engagé et qu'il n'y avait contre lui aucune accusation officielle, il n'aurait aucun problème avec la police. Le demandeur affirme qu'il s'agit là d'une erreur, sa demande portant sur les liens qu'on le soupçonnait d'avoir avec des militants.

[20]            Enfin, le demandeur soutient que la Commission n'a tenu aucun compte de certains éléments de preuve dont elle était saisie, savoir les photos qu'il avait déposées et qui montraient les cicatrices qu'il portait sur le corps. Bien que la Commission ne soit pas tenue de commenter chacun des éléments de preuve, le demandeur soutient qu'elle doit le faire dans certains cas. La preuve était objective et [traduction] « corrobor[ait] fortement » les allégations du demandeur. Selon le demandeur, la Commission aurait donc dû en prendre acte et la commenter dans ses motifs. À cet égard, le demandeur s'appuie sur les décisions Numbi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 163 F.T.R. 319 (C.F. 1re inst.), Atwal c. Canada (Secrétaire d'État) (1994), 82 F.T.R. 73 (C.F. 1re inst.), et Ijagbemi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 883, [2001] A.C.F. no 1266 (1re inst.) (QL).


ARGUMENTS DU DÉFENDEUR

[21]            Le défendeur soutient que, pour que la Cour puisse intervenir, le demandeur doit faire plus que simplement exprimer son désaccord avec les conclusions de la Commission quant à la crédibilité. Le demandeur doit démontrer que les conclusions de la Commission quant à la crédibilité sont manifestement déraisonnables : Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982. La Cour ne devrait pas intervenir relativement à des conclusions de la Commission quant à la plausibilité ou à la crédibilité, à moins que celles-ci ne soient « déraisonnables au point » d'attirer son intervention :Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (C.A.) (QL). Le défendeur s'appuie également sur la décision Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CAF 39, [2003] A.C.F. no 108 (C.A.) (QL), où la Cour d'appel fédérale a récemment conclu qu'il fallait appliquer une norme de contrôle empreinte de retenue à l'égard des conclusions de fait de la Commission, savoir la norme de la décision manifestement déraisonnable.


[22]            Le défendeur soutient que la Commission est autorisée à préférer la preuve documentaire au témoignage du demandeur. À l'appui de cet argument, le défendeur invoque l'arrêt Zhou c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1087 (C.A.) (QL). En outre, la Cour doit tenir compte du fait que la Commission possède une expertise pour évaluer l'ensemble de la preuve dont elle est saisie : Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 989 (1re inst.) (QL), et Ganiyu-Giwa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 506 (1re inst.) (QL).

[23]            Le défendeur affirme que la Commission n'a pas fondé sa décision uniquement sur l'allégation que le demandeur serait pris pour cible en raison des activités politiques de sa famille, mais qu'elle a également tenu compte de l'allégation du demandeur suivant laquelle la police considérait qu'il collaborait avec des militants. Le défendeur soutient aussi qu'étant donné qu'elle n'avait pas jugé crédibles les incidents de persécution allégués par le demandeur, la Commission n'avait pas à tenir compte, comme autre motif de persécution, du fait que le demandeur avait essayé de porter plainte contre la police.

[24]            Le défendeur avance que la Commission n'a pas besoin de mentionner chacun des éléments de preuve dans sa décision, parce qu'elle est présumée avoir apprécié et examiné tous les éléments de preuve dont elle est saisie, jusqu'à preuve du contraire : Florea c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.) (QL). En l'espèce, la Commission n'était pas tenue de parler des photos des cicatrices sur le corps du demandeur. Le défendeur soutient qu'il n'a même pas été confirmé qu'il s'agissait de photos du demandeur et qu'il n'a pas été confirmé non plus que les cicatrices étaient le résultat de la torture infligée par la police.

[25]            Le défendeur prétend que le demandeur n'a pas établi que la Commission avait tiré ses conclusions de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait. En conséquence, le défendeur soutient que la présente affaire ne justifie pas l'intervention de la Cour.   

ANALYSE      

[26]            La norme de contrôle applicable aux conclusions de fait de la Commission est la décision manifestement déraisonnable : voir la décision Conkova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 300 (1re inst.) (QL). S'appuyant sur l'arrêt Giron, précité, le demandeur soutient que les conclusions de non-plausibilité de la Commission commandent l'application d'une norme empreinte d'une moins grande retenue que ses conclusions de non-crédibilité. Je ne puis accepter cet argument, à la lumière du commentaire de la Cour d'appel fédérale au sujet de l'arrêt Giron dans l'arrêt Aguebor, précité. Dans l'arrêt Aguebor, précité, la Cour d'appel fédérale a dit ce qui suit aux paragraphes 3 et 4 :

Il est exact, comme la Cour l'a dit dans Giron, qu'il peut être plus facile de faire réviser une conclusion d'implausibilité qui résulte d'inférences que de faire réviser une conclusion d'incrédibilité qui résulte du comportement du témoin et de contradictions dans le témoignage. La Cour n'a pas, ce disant, exclu le domaine de la plausibilité d'un récit du champ d'expertise du tribunal, pas plus qu'elle n'a établi un critère d'intervention différent selon qu'il s'agit de « plausibilité » ou de « crédibilité » .


Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron, la Cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées par le tribunal ne pouvaient pas raisonnablement l'être. L'appelant, en l'espèce, ne s'est pas déchargé de ce fardeau.

[27]            L'argument du demandeur que la Commission n'a pas tenu compte du moyen portant qu'il risquait d'être persécuté parce que la police le soupçonnait d'aider des militants est sans fondement. Dans ses motifs, la Commission traite expressément de cette allégation et dit préférer la preuve documentaire au témoignage du demandeur.

[28]            Est également sans fondement l'argument du demandeur que la Commission n'a pas tenu compte, comme autre motif de persécution, du fait qu'il avait essayé de porter plainte contre la police en janvier 2001. Selon la Commission, les incidents décrits par le demandeur ne sont pas plausibles, compte tenu de la preuve documentaire sur la situation au Penjab à la fin des années 90. Le fait que la Commission n'a pas dit qu'il n'était pas plausible selon elle que le demandeur ait essayé de déposer une plainte relativement à la conduite de la police, conduite qu'elle avait d'ailleurs jugée non plausible, ne constitue pas une erreur susceptible de contrôle.

[29]            À mon avis, il faut faire preuve de beaucoup de retenue relativement aux conclusions de non-plausibilité de la Commission; toutefois, la Commission doit expliquer dans ses motifs pourquoi elle conclut à la non-plausibilité du témoignage du demandeur. La Commission est autorisée à préférer la preuve documentaire au témoignage du demandeur (arrêt Zhou, précité), mais elle doit justifier cette décision en termes clairs (voir la décision Karajmit Singh, précitée, et voir aussi l'arrêt Okyere-Akosah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] A.C.F. no 411 (C.A.) (QL).


[30]            En l'espèce, la Commission a expliqué dans ses motifs pourquoi elle a jugé non plausibles les allégations du demandeur à la lumière de la situation actuelle dans le pays. La Commission s'est référée à la preuve documentaire qui indiquait que la police, après le début de 1993, s'intéressait principalement au dépistage des quelques militants notoires restants, et que le mouvement militant avait en fait été maté par la police au début de 1993. Elle a donc jugé non plausible l'allégation suivant laquelle la police prendrait pour cible le demandeur parce que des militants avaient mangé à son restaurant. La Cour ne peut intervenir lorsqu'une telle conclusion est suffisamment expliquée dans les motifs de la Commission; la conclusion de la Commission n'est donc pas manifestement déraisonnable.


[31]            Pour ce qui de l'argument portant sur l'omission de la Commission de parler des photos soumises par le demandeur, j'estime que le demandeur n'a pas établi que cette preuve était si importante et « directement applicable à la question [...] fondamentale » de sa demande (décisions Atwal, précitée, par. 10, et Ijagbemi, précitée, par. 7) que l'omission de la Commission d'en parler dans ses motifs faisait naître la crainte qu'elle n'en avait pas tenu compte pour parvenir à sa décision. Ces photos montraient effectivement que le demandeur avait dû subir une importante greffe de peau par le passé, et, à cet égard, elles confirmaient apparemment la persécution qu'il avait subie, mais elles ne pouvaient en rien influer sur l'appréciation faite par la Commission de la situation actuelle au Penjab. La Commission a souligné que les allégations du demandeur n'étaient pas représentatives de la situation actuelle dans le pays; la confirmation des actes de persécution commis par le passé n'était donc pas directement pertinente quant à la question fondamentale de la demande du demandeur, savoir s'il serait persécuté au Penjab aujourd'hui.

[32]            En conclusion, le demandeur n'a pas établi que la Commission avait commis une erreur susceptible de contrôle en l'espèce.

[33]            Les parties ont eu la possibilité de soulever une question grave de portée générale et ne l'ont pas fait. Aucune question grave de portée générale ne sera certifiée.

                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

« Michel Beaudry »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                                                 COUR FÉDÉRALE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                   

DOSSIER :                                           IMM-5544-02

INTITULÉ :                                        SUKHWINDER SING TOOR

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                 MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :              LE 11 DÉCEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE MICHEL BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                      LE 16 DÉCEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

Jean-François Bertrand                         POUR LE DEMANDEUR

Claudia Gagnon                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jean-François Bertrand                         POUR LE DEMANDEUR

Bertrand, Deslauriers

Montréal (Québec)                               

Morris Rosenberg                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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