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Date : 20030224

Dossier : IMM-4541-01

Référence neutre : 2003 CFPI 231

ENTRE :

                                                 LUBOMIR DANTCHEV NIKOLOV,

LILIA MILENOVA NIKOLOVA et

OLEG LUBOMIROV NIKOLOV

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]                 Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire et l'annulation de la décision de la Section du statut de réfugié (la SSR), rendue en date du 16 août 2001, par laquelle les revendications du statut de réfugié au sens de la Convention qu'ils avaient présentées ont été refusées.


[2]                 Les demandeurs sont les membres d'une famille, soit Lubomir Nikolov, l'époux, le père et le revendicateur principal, Lilia Nikolova, l'épouse et la mère, et Oleg Nikolov, le revendicateur mineur, un enfant de la famille. Ils sont tous des Roms, citoyens de Bulgarie, qui sont entrés au Canada en janvier 2000 et qui ont, peu après leur arrivée, revendiqué le statut de réfugié au motif qu'ils sont des personnes qui craignent avec raison d'être persécutées du fait de leur origine ethnique et nationalité. Les agents de persécution sont soi-disant le gouvernement de Bulgarie, les skinheads de Bulgarie et la population bulgare en général.

[3]                 Le revendicateur principal était le représentant désigné de l'enfant Oleg dont la revendication, comme celle de sa mère, était fondée sur la revendication de Lubomir Nikolov. Je remarque que la famille comporte un deuxième enfant né à Toronto en mai 2000, un membre de la famille dont le statut n'a pas été soulevé devant la SSR ou dans la présente instance.

[4]                 Le revendicateur principal et l'épouse ont subi de la discrimination à l'école du fait de leur origine ethnique, discrimination que Lubomir a continué à subir durant son service militaire et que les revendicateurs adultes ont continué à subir au travail. En 1998, les murs de l'immeuble où vivaient les revendicateurs ont été couverts de graffitis injurieux et menaçants. Le revendicateur principal a soumis la question aux policiers qui ont refusé de s'occuper de la plainte. Le père du revendicateur principal, qui vivait dans le même immeuble, a été accosté et poussé physiquement par un voisin dans l'immeuble. Les policiers ont refusé de s'occuper de la plainte du père du revendicateur et l'ont expulsé du poste de police. Par la suite, le même voisin a physiquement agressé le revendicateur principal et son épouse. Le revendicateur principal a été hospitalisé en raison de l'agression. L'épouse, l'enfant Oleg et les parents du revendicateur ont déménagé chez la grand-mère du revendicateur qui vivait dans un village voisin. Le revendicateur les a rejoints à sa sortie de l'hôpital.


[5]                 Alors qu'ils vivaient dans ce village, les parents du revendicateur principal ont commencé à recevoir des appels téléphoniques menaçants et leur chien a été tué. Les revendicateurs croyaient que les menaces avaient augmenté après leur arrivée dans le village et qu'elles provenaient de skinheads, même s'ils ne savaient pas de quelle façon les skinheads pouvaient savoir où ils vivaient à ce moment.

[6]                 Le tribunal de la SSR (le tribunal) a reconnu que, selon la prépondérance des probabilités, le revendicateur principal et l'épouse avaient subi de la discrimination et du harcèlement en Bulgarie parce qu'ils étaient des Roms. Le tribunal a en outre accepté le récit des problèmes vécus par les revendicateurs dans l'immeuble où ils vivaient et où ils avaient été agressés. Mais le tribunal n'a pas accepté, selon la prépondérance des probabilités, les prétentions des revendicateurs selon lesquelles ils avaient subi des menaces après leur déménagement dans le village voisin.

[7]                 Le tribunal, même s'il jugeait digne de foi le récit selon lequel les policiers n'étaient pas intervenus à la suite des plaintes du revendicateur principal et de son père à l'égard des graffitis et de l'agression subie par le père, a fait remarquer que le revendicateur n'avait pas signalé aux policiers l'agression qu'il avait subie et qui avait entraîné son hospitalisation et l'avait amené en fin de compte, selon ce qu'il déclarait, à quitter la Bulgarie.

[8]                 Dans sa décision, le tribunal a conclu que le témoignage du revendicateur principal à l'égard des événements survenus après le déménagement de la famille dans le village était contradictoire. En outre, il n'était pas mentionné précisément que les menaces étaient faites à l'endroit des revendicateurs eux-mêmes. Les menaces étaient plutôt faites à l'endroit des parents du revendicateur principal ou à l'endroit de toute la famille. Effectivement, le revendicateur principal a reconnu que, selon ce qu'il savait, personne parmi ceux qui auraient pu les menacer n'était au courant de sa présence, de celle de son épouse et de son fils dans le village. Il croyait que les menaces téléphoniques étaient faites à son endroit et que le langage utilisé donnait à penser qu'elles étaient proférées par des skinheads, mais il a reconnu que les menaces étaient proférées à l'endroit de toute la famille, incluant ses parents. En outre, ses parents ont continué à vivre dans le village malgré les menaces téléphoniques continuelles.


[9]                 Bien que le tribunal ait reconnu le fait que le revendicateur principal et son épouse avaient été agressés pendant qu'ils vivaient dans leur appartement et avaient auparavant subi de la discrimination en Bulgarie, il n'a pas accepté leur témoignage selon lequel ils avaient subi des menaces continuelles après leur déménagement dans le village. Le tribunal a conclu qu'il ne croyait pas que les revendicateurs avaient subi de la persécution en Bulgarie du fait de leur origine ethnique. Selon le tribunal, il n'existait pas de preuve digne de foi qui amenait à conclure qu'il y avait plus qu'une simple possibilité que les revendicateurs soient persécutés s'ils retournaient en Bulgarie. Le tribunal a renvoyé à de la preuve documentaire qui mentionnait que les Roms en Bulgarie étaient parfois la cible d'agressions par des skinheads et qu'il y avait de la discrimination à l'égard des Roms dans la population bulgare, mais il s'est fondé sur une publication datée de juin 1999 se rapportant aux Roms de Bulgarie qui concluait qu'à cette date les incidents violents par la population bulgare étaient assez occasionnels.

[10]            Selon les demandeurs, deux questions en litige sont soulevées : (1) la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a commis une erreur lorsqu'elle a omis d'évaluer l'effet cumulatif des divers incidents auxquels les demandeurs ont fait référence; (2) la Commission de l'immigration et du statut de réfugié n'a pas tenu compte de la revendication de l'enfant, Oleg.

[11]            Je ne suis pas convaincu que le tribunal a effectivement omis d'évaluer l'effet cumulatif des incidents auxquels les demandeurs ont fait référence et qui ont été acceptés comme des éléments de preuve dignes de foi par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Dans sa décision, le tribunal a examiné ces incidents et a généralement accepté le témoignage des revendicateurs à l'égard des événements survenus jusqu'à ce qu'ils déménagent dans le village où vivait de la grand-mère du revendicateur. Le tribunal n'a pas accepté le témoignage à l'égard des incidents qui sont survenus après le déménagement. Il est exact que la décision réfère à l'incident principal, l'agression des revendicateurs dans leur appartement, qui a amené à la conclusion selon laquelle les revendicateurs vivaient dans le « mauvais immeuble résidentiel et qu'ils avaient un mauvais voisin, et que les revendicateurs auraient pu déménager afin d'éviter ce voisin » . Néanmoins, le tribunal, après avoir examiné les incidents auxquels avaient fait référence les revendicateurs dans leur témoignage, a conclu que la preuve n'amenait pas à tirer une conclusion selon laquelle les revendicateurs étaient des personnes qui craignaient avec raison d'être persécutées. Cette conclusion, à mon avis, était appuyée par la preuve dont disposait le tribunal.

[12]            Je remarque que le tribunal, dans sa décision, déclare en fait expressément que le revendicateur principal était le représentant désigné de l'enfant mineur et a conclu qu'aucun des demandeurs, incluant Oleg Nikolov (aussi connu sous le nom de Oleg Lubomirov Nikolov), n'était un réfugié au sens de la Convention. Cette conclusion est reprise à la fin de la décision. Dans l'avis de sa décision, la SSR a nommé individuellement les revendicateurs et elle déclare expressément que ces revendicateurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.

[13]            Dans les circonstances, je ne partage pas l'opinion selon laquelle le tribunal n'a pas tenu compte de la revendication faite au nom de l'enfant, Oleg, ou a omis de traiter de cette revendication. En outre, il ressort clairement de la transcription que le tribunal était conscient que sa tâche consistait à trancher séparément les revendications de chacun des trois revendicateurs. En nommant le père à titre de représentant désigné de son enfant, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a déclaré que cela signifiait qu'il devrait agir dans l'intérêt supérieur de son enfant lors de l'audience. Mon examen de la transcription confirme que le revendicateur principal a effectivement exprimé une crainte pour ses enfants s'ils devaient retourner en Bulgarie, mais il n'a pas autrement donné de détails à l'égard de cette crainte. Pendant toute l'audience, l'avocat des revendicateurs et le tribunal ont traité de la revendication de l'enfant, Oleg, et de celle de sa mère en les fondant principalement sur celle du père et époux. Il s'agit de la procédure habituelle de traitement de revendications du statut de réfugié présentées pour des familles qui comportent des enfants mineurs.

[14]            Dans les circonstances, je ne suis pas convaincu que le tribunal a commis une erreur lorsqu'il a omis de mentionner dans sa décision les motifs précis pour lesquels il avait traité de la revendication d'Oleg séparément de celle de ses parents.


[15]            Les demandeurs s'appuient sur la décision Khosravi et al. c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2002] C.F.P.I. 352 (C.F. 1re inst.). Dans cette décision, M. le juge Lemieux a accueilli la demande de contrôle judiciaire d'une décision par laquelle « le Tribunal n'a tout simplement pas statué sur les revendications des enfants mineurs, lesquelles avaient été jointes à la revendication de la mère » . Faisant remarquer que le Tribunal pouvait rejeter les revendications des demandeurs mineurs, le juge Lemieux a déclaré que le Tribunal devait dire ce qu'il avait décidé et, dans cette affaire précédemment mentionnée, il ne l'avait pas fait. Ce n'est pas la situation en l'espèce.

[16]            Pour les motifs énoncés, la demande est rejetée. Aucune question n'a été proposée aux fins de la certification et aucune question ne sera certifiée.

« W. Andrew MacKay »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 24 février 2003

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-4541-01

INTITULÉ :                                                  LUBOMIR DANTCHEV NIKOLOV

          LILIA MILENOVA NIKOLOVA et

          OLEG LUBOMIROV NIKOLOV

                   - et -

           LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

           ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                   

LIEU DE L'AUDIENCE :                            Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                         Le jeudi 16 mai 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :            Le juge MacKay

DATE DES MOTIFS :                                 Le lundi 24 février 2003

COMPARUTIONS :

           Michael Crane

POUR LES DEMANDEURS

           Greg George

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

                                                              

           Micheal Crane

           166, rue Pearl, bureau 100

           Toronto (Ontario)

           M5H 1L3

POUR LES DEMANDEURS

           Morris Rosenberg, c.r.

           Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR


Date : 20030224

Dossier : IMM-4541-01

Ottawa (Ontario), le 24 février 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :

                                                 LUBOMIR DANTCHEV NIKOLOV,

LILIA MILENOVA NIKOLOVA et

OLEG LUBOMIROV NIKOLOV

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                     ORDONNANCE

                    VU la demande de contrôle judiciaire et d'annulation de la décision rendue par la Section du statut de réfugié, en date du 16 août 2001, selon laquelle les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention suivant la définition contenue à l'article 2 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, et modifications;


                    VU les représentations des avocats des parties faites à Toronto le 16 mai 2002, date à laquelle j'ai sursis au prononcé de l'ordonnance, et après examen des observations écrites et de celles soumises de vive voix lors de l'audience;

                       LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée.

« W. Andrew MacKay »

Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.

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