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     Date : 19980122

     Dossier : IMM-5510-97

ENTRE

     RYSZARD PASZKOWSKI,

     demandeur,

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION et

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

         défendeurs.

     ORDONNANCE ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]      Il s'agit d'une demande, fondée sur la règle 469(1) des Règles de la Cour fédérale, d'injonction interlocutoire en attendant qu'il soit statué sur une action intentée par le requérant par voie de déclaration déposée le 30 décembre 1997. L'action tend à l'obtention d'un jugement déclaratoire portant que le requérant a reçu le statut d'immigrant ayant obtenu le droit d'établissement le 11 décembre 1984, et qu'il a le droit d'entrer et de demeurer au Canada.

[2]      Au début de janvier 1998, le juge Nadon de la Cour a accordé une injonction provisoire permettant de surseoir à l'exécution des procédures d'expulsion contre le requérant. À la suite de cette audition et par voie de téléconférence, il a ordonné en outre que toute la preuve sous forme d'affidavit, ainsi que les dossiers des requêtes respectives des parties, fussent déposées au plus tard le 15 janvier 1998.

[3]      À cette date, la Couronne a déposé l'affidavit de M. Anthony Hannaford, et elle a fait savoir que Sa Majesté ne déposerait pas d'autres affidavits. Toutefois, le 20 janvier 1998, la Couronne a déposé son dossier des requêtes et y a inclus l'affidavit de Robert Ferguson établi le 5 novembre 1996, accompagné de pièces.

[4]      Au début de l'audition tenue devant moi, l'avocat du requérant s'est opposé au dépôt tardif de cet affidavit, invoquant le motif que cela n'était pas conforme à l'ordonnance du juge Nadon. Il a en outre prétendu qu'une grande partie du mémoire de l'intimé reposait sur ce document. Il a soutenu qu'étant donné le caractère dilatoire du dépôt de ce document, il serait préjudiciable pour son client de l'admettre.

[5]      Après avoir entendu les arguments invoqués, j'ai ordonné que l'affidavit de M. Ferguson et toutes les pièces qui y étaient jointes fussent supprimés. En outre, j'ai ordonné que les paragraphes allant de 4 à 11, ainsi que les paragraphes allant de 16 à 21 fussent radiés du mémoire de l'intimé. La Couronne n'a simplement pas pu m'expliquer de façon satisfaisante son comportement.

[6]      J'ai alors abordé le fond de la présente demande. J'ai dit à l'audience que j'étais convaincu qu'il existait une question sérieuse à trancher, et que les avocats avaient seulement à aborder les questions du préjudice irréparable et de la prépondérance des inconvénients.

[7]      L'avocat de la Couronne a néanmoins soulevé une question relative au pouvoir de la Cour, alléguant que la Cour n'avait pas compétence pour accorder la réparation demandée puisqu'il s'agissait d'une affaire d'immigration et que, en conséquence, la procédure appropriée était le contrôle judiciaire. Je ne suis pas en désaccord avec la jurisprudence sur laquelle l'avocat s'est appuyé pour étayer son argument. Toutefois, ces décisions se distinguent clairement de l'espèce. Il s'agissait d'affaires où des décisions avaient été rendues par un tribunal administratif en vertu de la Loi sur l'immigration, et qui étaient donc soumises aux Règles en matière d'immigration exigeant qu'on procède par voie de contrôle judiciaire après avoir obtenu l'autorisation à cet égard. Ce n'est pas la situation dont je suis saisi. En l'espèce, il n'existe aucune décision contestée qui n'ait déjà été tranchée dans des procédures antérieures. La question qui se pose dans la présente action porte sur le statut permanent du requérant. Il s'agit là d'une question qui n'a jamais été débattue, et il n'a pas non plus été rendu une décision dont on pouvait demander le contrôle judiciaire. Le seul recours dont M. Paszkowski puisse se prévaloir est la voie de la déclaration.

[8]      Pour ce qui est du préjudice irréparable, le requérant soutient qu'il existait une certaine menace pour sa sécurité et son bien-être dans l'éventualité de son renvoi en Pologne. En réponse, la Couronne s'est appuyée sur l'affidavit de M. Hannaford où était jointe une lettre du premier secrétaire de l'Ambassade polonaise au Canada affirmant que, dans l'éventualité du renvoi du requérant en Pologne, il ne courrait aucun danger physique, qu'il obtiendrait des documents de voyage polonais et qu'il ne serait pas poursuivi, puisque toute allégation de méfait de sa part était maintenant prescrite par la loi.

[9]      Pour ce qui est de la prépondérance des inconvénients, l'avocat du requérant souligne que M. Paszkowski est un résident de ce pays depuis douze ans, est marié, que sa femme a obtenu le statut de réfugié, qu'ils ont deux fils qui sont nés au Canada, qu'au cours des années, il a obtenu des permis de travail et occupe un emploi tout le temps, qu'il n'y a pas eu d'allégation de méfait

et qu'il ne constitue pas non plus une menace pour la sécurité du Canada.

[10]      La Couronne a répondu que le renvoyer en Pologne n'empêcherait pas le déroulement ultérieur de la présente action et que, s'il était en fin de compte décidé en sa faveur, M. Paszkowski serait libre de revenir au pays.

[11] Même si je devais reconnaître que si le requérant était renvoyé en Pologne, il n'existerait aucune menace pour sa sécurité ou liberté, et que si l'issue du présent litige se révélait favorable à son égard, il serait autorisé à revenir, je dois toujours peser cela par rapport au fait qu'il est ici depuis douze ans, qu'il y a un emploi, qu'il n'a rien fait de mal et qu'il a une femme et deux enfants qui résident au Canada.

[12]      La question qui se pose en l'espèce n'est pas de savoir si

M. Paszkowski a été impliqué dans des activités illégales en Pologne ou en Allemagne. La question fondamentale soulevée par la déclaration de M. Paszkowski est de savoir s'il a en fait eu le statut d'immigrant ayant obtenu le droit d'établissement le

11 décembre 1984, et a donc le droit de revenir et de demeurer au Canada, en application de l'article 4 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

[13]      Si j'avais des doutes dans mon esprit quant à une conclusion favorable au requérant fondée sur la prépondérance des inconvénients, ils sont dissipés par l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Turbo Resources Ltd. c. Petro Canada Inc., 24 C.P.R. (3d) 1, où le juge Stone, J.C.A., s'est prononcé en ces termes à la page 20 :

         ...lorsque les autres facteurs en jeu tendent à s'équilibrer, il est prudent de prendre des mesures qui préserveront le statu quo;

[14]      Par ces motifs, l'injonction interlocutoire est accordée et demeure en vigueur jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur le fond de l'espèce.

[15]      Le défendeur a jusqu'au 15 février 1998 pour déposer sa défense.

                                 P. Rouleau

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 22 janvier 1998

Traduction certifiée conforme

Tan Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-5510-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Ryszard Paszkowski c. Sa Majesté la Reine et al.
LIEU DE L'AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 21 janvier 1998

ORDONNANCE ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU                      22 janvier 1998

ONT COMPARU :

    Graham Garton                      pour le demandeur
    Robert M. Nelson                  pour les défendeurs                     

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Gowling, Strathy & Henderson          pour le demandeur
    George Thomson
    Sous-procureur général du Canada
                                 pour l'intimé

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