Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

           

Date : 20030530

Dossier : IMM-5250-02

Référence : 2003 CFPI 682

ENTRE :

                                                              XING YI DENG

                                                                                                                                 demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU


[1]                 Il s'agit d'une demande présentée conformément à l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, en vue du contrôle judiciaire de la décision par laquelle la section du statut de la Commission de l'Immigration et du statut de réfugié (la Commission) avait conclu, le 4 septembre 2002, que la demanderesse n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]                 La demanderesse est née en Chine le 14 janvier 1968; elle est citoyenne de ce pays. Elle affirme craindre d'être persécutée du fait de ses opinions politiques et de sa religion.

[3]                 La demanderesse déclare qu'en Chine, elle exploitait une entreprise de vente de matériaux de construction avec un associé, M. Chen. Au mois de décembre 2000, le Bureau de la sécurité publique (le BSP) a visité les lieux et a perquisitionné les bureaux. On a également interrogé M. Chen au sujet des activités du Falun Gong, qu'il pratiquait.

[4]                 La demanderesse a par la suite appris que son associé, M. Chen, avait été arrêté. Elle déclare que le BSP avait continué à se présenter à son bureau et à l'interroger au sujet des adeptes du Falun Gong. Elle déclare qu'on la soupçonnait de participer aux activités du groupe du Falun Gong à cause des activités de son associé et qu'on lui a demandé de se présenter au BSP chaque semaine. À cause des interrogatoires hebdomadaires auxquels elle était soumise de la part du BSP, la demanderesse s'est cachée et, pendant qu'elle se cachait, le BSP l'a trouvée et l'a accusée d'avoir omis de se présenter, et ce, en vue d'éviter d'être punie. La demanderesse estimait ne pas avoir d'autre choix que celui de quitter le pays.

[5]                 La demanderesse est arrivée au Canada et a présenté une demande en vue d'obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention. Dans sa décision, la Commission a conclu que la demanderesse n'était pas un témoin crédible et a refusé la revendication.

[6]                 J'ai minutieusement examiné les documents versés au dossier, y compris la décision du tribunal, ainsi que les arguments oraux que les parties ont présentés à l'audience qui a eu lieu devant moi, et je suis convaincu que la décision de la Commission devrait être annulée.

[7]                 La principale question sur laquelle la Commission a fondé sa décision relative à la crédibilité découle d'une contradiction perçue entre les renseignements contenus dans une demande de visa et le FRP de la demanderesse. La demande de visa, soumise par la demanderesse environ trois ou quatre ans avant qu'elle ait tenté d'entrer au Canada pour visiter sa mère, indique qu'elle était sans emploi. D'autre part, son FRP révèle qu'elle était dans les affaires.

[8]                 Dans sa décision, la Commission a rejeté toute la preuve documentaire soumise par l'intéressée à cause de la contradiction susmentionnée. Toutefois, la Commission n'a jamais fourni à la demanderesse, au cours de l'audience, la possibilité d'offrir une explication pour justifier l'incohérence. En outre, la Commission n'a pas elle-même fourni d'explication au sujet de la raison pour laquelle elle rejetait des éléments de preuve pertinents tels que le certificat de propriétaire d'entreprise ainsi que le rapport de cinq pages préparé par le comptable de la demanderesse.


[9]                 Je souscris à l'avis selon lequel le tribunal peut à bon droit examiner les documents et les admettre ou les rejeter, mais le tribunal ne peut pas simplement omettre de tenir compte de la preuve sans offrir d'explication au sujet de la raison pour laquelle il a rejeté ces documents étant donné qu'il s'agissait d'éléments cruciaux aux fins de la détermination de la crédibilité.

[10]            De fait, selon l'interprétation que je donne à la décision ainsi qu'à tous les autres documents, je ne puis conclure que la demanderesse a bénéficié dans ce cas-ci d'une audience équitable et impartiale. Ainsi, la conclusion de la Commission selon laquelle la demanderesse n'était pas crédible et digne de foi lorsqu'elle a témoigné avoir participé à une manifestation à Toronto parce qu'elle n'avait pas produit de copie du feuillet qui avait été distribué est tout simplement intenable. Il en va de même pour la conclusion de la Commission selon laquelle la demanderesse ne s'est pas rendue aux bureaux d'Amnistie Internationale à Toronto, alors qu'elle disposait d'éléments de preuve indiquant le contraire. La Commission a conclu que la demanderesse n'était pas crédible parce que, dans son FRP, elle n'avait pas indiqué que, lorsque les représentants du BSP s'étaient présentés à son bureau pour le fouiller, ils avaient des mandats de perquisition. L'explication de la demanderesse, à savoir qu'elle ne savait pas ce qu'était un mandat de perquisition, est tout à fait raisonnable, mais le tribunal l'a carrément rejetée.

[11]            Dans l'ensemble, il y a de nombreux exemples de ce genre d'erreur et d'incohérence de la part de la Commission. Il convient certes d'annuler la décision et de renvoyer l'affaire à un tribunal nouvellement constitué pour que celui-ci entende de nouveau l'affaire et rende une nouvelle décision.

[12]            J'ai minutieusement lu la décision du tribunal, certains extraits de la transcription et certains éléments de la preuve documentaire, et je suis convaincu que le tribunal ne satisfait pas au critère et que les conclusions de fait qu'il a tirées sont manifestement déraisonnables.

[13]            Le tribunal n'a pas confronté la demanderesse sur un élément crucial, à savoir sa demande de visa. Il n'a pas tenu compte du fait que la demanderesse s'était rendue aux bureaux d'Amnistie Internationale ou n'a absolument pas cru celle-ci sur ce point alors qu'en fait un document a été produit à l'appui de son assertion. Le tribunal a ouvertement donné à entendre que les documents qui avaient été produits pour attester que la demanderesse était chrétienne étaient fabriqués. Le tribunal n'a pas tenu compte du certificat de propriétaire, sans offrir d'explication à l'appui de la conclusion selon laquelle il s'agissait d'un faux, et il n'a pas fait mention de la preuve du rapport d'examen du capital préparé par un comptable.

[14]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est par les présentes renvoyée pour qu'un tribunal différemment constitué entende de nouveau l'affaire.

                     « P. Rouleau »                         

    Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 30 mai 2003

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                               IMM-5250-02

INTITULÉ :                                                              XING YI DENG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    LE MARDI 13 MAI 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                     MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

DATE DES MOTIFS :                                            LE 30 MAI 2003

COMPARUTIONS :

Mme Carla Sturdy                                                        POUR LA DEMANDERESSE

Mme Angela Marinos                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis et associés                                                         POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


Date : 20030530

Dossier : IMM-5250-02

OTTAWA (Ontario), le 30 mai 2003

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge Rouleau

ENTRE :

                                                              XING YI DENG

                                                                                                                                 demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                              ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est par les présentes renvoyée pour qu'un tribunal différemment constitué l'entende de nouveau.

                   « P. Rouleau »                  

      Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.