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Date : 20040531

Dossier : IMM-4899-03

Référence : 2004 CF 785

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

ENTRE :

                                                                  UUDO KLAIS

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]         Le demandeur fonde sa demande de contrôle judiciaire sur la question de savoir si le défendeur a à bon droit rejeté sa demande fondée sur des considérations humanitaires (la demande CH). Parmi les questions soulevées, on compte l'effet des politiques gouvernementales et le fait que l'on se fonde sur ces politiques ainsi que l'appréciation correcte de la perte d'un établissement commercial et d'une relation intime comme fondements à une allégation de difficultés particulières qui permettraient de justifier une exemption à l'obligation de demander le statut de résident permanent à partir de l'étranger.


Historique

[2]                M. Klais est un citoyen de l'Estonie qui est arrivé comme visiteur au Canada en juillet 1998. Il a demandé le statut de réfugié mais il se l'est vu refuser. Sa demande d'autorisation de contrôle judiciaire a également été refusée.

[3]                Une mesure de renvoi conditionnel a été prise contre lui en vertu de la Loi sur l'immigration. Dans l'intervalle, soit jusqu'à la date de sa plus récente demande de rester au Canada, il est devenu le propriétaire de son propre studio de mode qui emploie présentement quatre personnes et il a investi plus de 200 000 $ dans son entreprise. Récemment, il a aussi entamé une relation homosexuelle.

[4]                M. Klais a présenté une demande fondée sur des considérations humanitaires au motif qu'il possède une entreprise et qu'il prétend avoir qualité en vertu des lignes directrices relatives à l'établissement. Il a aussi prétendu vivre une relation homosexuelle et il a de plus avancé qu'il craignait d'être persécuté par le parti nazi estonien s'il était renvoyé dans son pays d'origine.

[5]                Il a également présenté une demande d'examen des risques avant renvoi fondée sur cette crainte. Cette demande a été rejetée; sa demande de contrôle judiciaire a été rejetée et fait l'objet de motifs distincts dans le dossier numéro IMM-9756-03.

[6]                La demande CH a été rejetée au motif que l'agente d'immigration a conclu que le demandeur ne subirait pas de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s'il demandait la résidence permanente à partir de l'étranger.


[7]                L'agente a tiré les conclusions suivantes relativement aux liens du demandeur avec le Canada et avec l'Estonie, à sa relation homosexuelle et à son niveau d'établissement au Canada :

[traduction] Le niveau d'établissement au Canada du sujet est reconnu. Toutefois, la question qui nous occupe concerne le niveau de difficultés particulières que vivrait le sujet si on lui demandait de quitter le Canada et de faire une demande à partir de l'étranger. Le fait que le sujet soit en mesure de s'établir au Canada ne l'exempte pas des exigences normales liées au processus (c'est-à-dire de présenter une demande et d'obtenir la résidence permanente avant de venir au Canada). Je constate que le sujet a établi son entreprise alors qu'il se savait visé par une mesure de renvoi et qu'il connaissait les conséquences de cette mesure.

Je reconnais la crainte exprimée par le sujet de rentrer en Estonie et les difficultés particulières qu'elle entraîne. La présente affaire a été renvoyée à un agent d'ERAR pour obtenir une opinion d'expert. Je suis d'accord avec l'opinion de cet agent. Je constate également que le sujet avait fait l'objet de décisions défavorables à la fois de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et de l'agent qui a étudié la demande de DNRSRC.

Questions en litige

[8]                Le demandeur soulève les motifs suivants :

a)          Le défaut de l'agente d'apprécier la cause conformément aux directives du ministère, en particulier sur la question de l'établissement du demandeur au Canada.

b)          Le défaut de divulguer le fondement de la décision.

c)          Le défaut d'apprécier les conséquences du renvoi pour le demandeur.

Analyse

Question 1 - Lignes directrices


[9]                Même si la Cour suprême du Canada dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, a tenu compte de l'importance de directives, rien dans cet arrêt ne s'écarte du principe que des directives sont des règles empiriques qui ne peuvent être appliquées automatiquement de manière à entraver l'exercice du pouvoir discrétionnaire. Voir : Yhap c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 1 C.F. 722.

[10]            Je ne connais aucune source doctrinale ou jurisprudentielle pour étayer l'argument que présente le demandeur selon lequel un agent d'immigration doit renvoyer aux directives pertinentes dans la décision relative à une demande CH. Aucune source n'a été citée.

[11]            Un examen de la décision confirme que l'agente a effectivement tenu compte du temps que le demandeur a passé au Canada, de son entreprise, de son investissement, de ses compétences, de ses aptitudes et de son initiative ainsi que de ses autres liens avec le Canada. Toutefois, le degré d'établissement n'est pas déterminant pour une demande CH. Je ne trouve aucune erreur susceptible de contrôle sur cette question.

Question 2 - Motifs suffisants

[12]            Le demandeur se plaint que l'agente n'a pas répondu à sa propre question concernant le niveau de difficultés particulières que vivrait le demandeur. Pour cette raison et vu le défaut d'avoir bien analysé la question de « l'établissement » , le demandeur dit que les motifs sont insuffisants.

[13]            Avec égards, cet argument ne tient pas compte de l'ensemble des motifs et se fonde sur des fragments des motifs pour construire un argument selon lequel les motifs sont insuffisants.


[14]            L'agente a reconnu tous les éléments relatifs aux difficultés particulières mais elle a simplement conclu qu'ils ne s'élevaient pas, qu'ils soient pris individuellement ou cumulativement, à un niveau qui justifierait une exemption relativement aux exigences normales liées au processus.

[15]            Le demandeur s'est beaucoup appuyé sur le fait qu'il avait établi une entreprise et que, par conséquent, les difficultés particulières qu'entraînerait la perte étaient plus importantes pour lui qu'elles ne le seraient dans une situation où un autre demandeur perdait seulement son poste en tant qu'employé.

[16]            Lorsque le demandeur laisse entendre que sa perte reliée à la valeur de son entreprise constitue un motif d'exemption parce que cette perte est plus importante que la perte d'un simple emploi, il ignore le fait que quelqu'un qui perd un emploi est peut-être le soutien d'une famille et qu'il n'y a pas une loi qui s'applique aux bien nantis et une autre loi qui s'applique aux démunis.

[17]            L'agente a aussi tenu compte des difficultés particulières soulevées par la séparation du demandeur d'avec son partenaire du même sexe. L'agente a exprimé ses doutes relativement à l'intensité de cette relation, donnant ouverture à une question tout à fait raisonnable concernant la preuve qu'il est divorcé de son épouse estonienne. Ce genre de question n'a rien d'inapproprié.

[18]            Le témoignage du partenaire du demandeur soulève la question de la nature et de l'intensité de la relation et se termine sur une note d'espoir que la relation puisse devenir permanente. Il est évident qu'une telle relation en est à ses débuts et rien ne démontre qu'elle est permanente ou qu'il est probable qu'elle le devienne.

[19]            Il était loisible à l'agente de tirer les conclusions qu'elle a tirées relativement aux difficultés particulières qu'engendrerait une séparation pour le demandeur et son partenaire.

[20]            En me fondant sur les conclusions précitées, je conclus que l'agente n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucune question ne sera certifiée.

                                                                           « Michael L. Phelan »          

                                                                                                     Juge                        

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.

                                                                                                           


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-4899-03

INTITULÉ :                                                    UUDO KLAIS

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 19 AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                                   LE 31 MAI 2004

COMPARUTIONS :

Lorne Waldman                                                 POUR LE DEMANDEUR

Marcel Larouche                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates                                     POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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