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Date : 0702000


T-1542-96

E n t r e :

     JANSSEN PHARMACEUTICA INC. et

     JANSSEN PHARMACEUTICA naamloze vennootschap

     demanderesses

     - et -

     APOTEX INC. et

     MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL

     défendeurs



     MOTIFS DE L"ORDONNANCE


LE JUGE NADON


[1]      Par avis de requête introductif d"instance déposé le 11 juillet 1996, les demanderesses sollicitent une ordonnance interdisant au ministre de la Santé (le ministre) de délivrer un avis de conformité à la défenderesse Apotex Inc. (Apotex) à l"égard d"un médicament, le cisapride.

[2]      La demande des demanderesses est présentée en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement). Aux termes du paragraphe 6(2) du Règlement, je dois interdire au ministre de délivrer un avis de conformité à Apotex si je conclus que les allégations faites par Apotex conformément à l"article 5 du Règlement ne sont pas fondées. Les allégations d"Apotex qui sont en litige en l"espèce sont celles qui figurent dans son avis d"allégation du 24 mai 1996, dont voici le libellé :

     [TRADUCTION]     
     Le présent avis d"allégation fait suite à l"avis d"allégation que nous avons donné le 4 juillet 1994 conformément à l"alinéa 5(3)b) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) en réponse auquel vous avez présenté une demande d"interdiction dans le dossier T-1970-94. Dans cette demande, vous affirmez maintenant que l"envoi de notre premier avis d"allégation était prématuré et que notre allégation n"est donc pas fondée en raison du fait que le procédé de fabrication du monohydrate de cisapride qui fait l"objet de l"allégation doit, à la date de l"avis d"allégation, avoir été porté à la connaissance du ministre dans une présentation de drogue nouvelle.

     [...]

     Bien que nous contestions le bien-fondé de votre thèse, pour accélérer l"audition de l"affaire sur le fond, nous avons proposé, par la voix de notre avocat, de nous désister de la demande en instance dans le dossier T-1970-94, ainsi que vous l"aviez proposé en séance publique, et de présenter un nouvel avis d"allégation. Or, vous avez repoussé cette proposition malgré le fait qu"elle a été faite à votre suggestion.
     Dans ces conditions, malgré le fait que nous contestions le bien-fondé de votre thèse, nous vous envoyons le présent nouvel avis d"allégation par mesure de prudence pour le cas où notre premier avis d"allégation serait effectivement prématuré.
     En ce qui concerne le brevet 1183847, nous alléguons qu"aucune revendication portant sur le médicament lui-même ou sur son utilisation ne serait contrefaite par suite de la fabrication, de la production, de l"utilisation ou de la vente par nous de comprimés comprenant du monohydrate de cisapride.
     Voici les moyens de droit et de fait invoqués au soutien de cette allégation :
     Le brevet ne comporte aucune revendication portant sur l"utilisation du médicament. Il comporte une revendication portant sur le médicament lui-même, mais cette revendication se limite au médicament lui-même lorsqu"il est produit selon les procédés décrits et revendiqués ou selon leurs équivalents chimiques manifestes. Le procédé qui sera utilisé pour la production de notre monohydrate de cisapride ne tombe pas sous le coup de la portée du brevet 1183847.

     Plus particulièrement, le procédé qui sera utilisé est celui que nous avons révélé dans le dossier T-1970-94, en l"occurrence celui qui est divulgué aux annexes 1 et 2 de l"affidavit souscrit le 3 avril 1996 par Jan Oudenes. Nous joignons aux présentes d"autres copies des annexes 1 et 2 qui représentent le schéma du procédé employé pour fabriquer le monohydrate de cisapride que nous utiliserons pour fabriquer nos comprimés de monohydrate de cisapride. Ces schémas sont communiqués sous réserve du respect de leur confidentialité, étant entendu que ces schémas ne devront pas être déposés dans toute autre instance que vous pourriez introduire sauf en conformité avec l"ordonnance conservatoire au prononcé duquel nous consentirons et dont le libellé sera identique à celui de l"ordonnance conservatoire prononcée dans le dossier T-1970-94.
     Nous souhaitons que la question de la contrefaçon soit jugée sur le fond le plus rapidement possible. Nous vous avons communiqué une première allégation, que vous prétendez prématurée, ainsi que la présente allégation, qui n"est de toute évidence pas prématurée, si l"on suit votre raisonnement. Vous connaissez maintenant notre point de vue sur le fond, que notre premier avis d"allégation ait été ou non prématuré.
     Pour favoriser l"examen de la présente affaire sur le fond dans les meilleurs délais possibles, nous vous demandons de renoncer à votre prétention selon laquelle le procédé doit avoir été porté à la connaissance du ministre au moment de la signification de l"avis d"allégation, auquel cas nous nous engagerons à ne pas invoquer notre nouvel avis d"allégation. Cette mesure vous évitera de devoir signifier un autre avis de requête introductif d"instance.
     À titre subsidiaire, si vous le désirez, nous pourrions nous désister de la première demande, ainsi que nous vous l"avons déjà proposé, auquel cas vous pourriez présenter une nouvelle demande en réponse au présent avis d"allégation.
     Si vous n"êtes pas disposé à procéder selon l"une ou l"autre des deux façons susmentionnées et si vous désirez présenter une nouvelle demande d"interdiction sur le fondement du présent avis d"allégation, nous présenterons une requête en vue de joindre les deux instances ou de prendre toute autre mesure visant à faire instruire l"affaire sur le fond sans que soient soulevées d"exceptions de forme qui n"ont pas rapport à la question de la contrefaçon.
     Comme le ministre est maintenant au courant du procédé, la présentation d"une nouvelle demande et la jonction des instances auront le même effet que si vous renoncez à votre thèse que le procédé doit avoir été porté à la connaissance du ministre à la date de l"avis d"allégation. Votre refus de renoncer à cette thèse aura uniquement pour effet d"occasionner des frais inutiles aux deux parties. Nous vous exhortons une fois de plus à renoncer à ce moyen de manière à nous permettre de passer à l"instruction de l"affaire sur le fond.

[3]      Il est acquis au débat que les allégations formulées par Apotex dans son avis d"allégation en date du 24 mai 1996 sont identiques à celles qu"elle a exposées dans son avis d"allégation du 4 juillet 1994 qui sont en litige dans le dossier T-1970-94. Dans la présente instance et dans celle qui a été introduite dans le dossier T-1970-94, Apotex allègue que le procédé qu"elle utilisera pour fabriquer son cisapride, c"est-à-dire le procédé Torcan, ne tombe pas sous le coup du brevet canadien 1183847 (le brevet 847).

[4]      Aux termes de leur avis de requête introductif d"instance, les demanderesses sollicitent également une ordonnance déclarant que l"avis d"allégation du 24 mai 1996 d"Apotex est nul et de nul effet et qu"il n"a pas été déposé en conformité avec le Règlement.

[5]      Au paragraphe 18 de leur exposé des faits et du droit sur l"abus de procédure, les demanderesses affirment ce qui suit :

     [TRADUCTION]
     18.      Compte tenu du fait que le procédé dont il est question dans le second avis d"allégation est identique ou pratiquement identique au procédé exposé dans le premier avis d"allégation, si la première et la seconde instance font toutes les deux l"objet d"une instruction sur le fond, la Cour sera appelée dans chaque cas à trancher précisément la même question, en l"occurrence celle de savoir si le procédé Torcan révisé1 contrefait la revendication du brevet. En résumé, l"objet du litige est le même dans les deux cas.


[6]      Les demanderesses soutiennent par conséquent que l"avis d"allégation du 24 mai 1996 d"Apotex constitue un abus de procédure. Les demanderesses soutiennent que [TRADUCTION] " la Cour ne devrait pas être contrainte de se prononcer sur la même question dans le cadre d"instances différentes mettant en cause les mêmes parties et le même procédé de fabrication d"un médicament ". En conséquence, les demanderesses prient la Cour de déclarer que l"avis d"allégation du 24 mai 1996 est nul et de nul effet et qu"il n"est pas conforme au Règlement. Les demanderesses réclament par ailleurs les dépens extrajudiciaires.


[7]      Apotex ne conteste pas le fait que la présente instance et celle qui a été introduite dans le dossier T-1970-94 soulèvent la même question litigieuse et mettent en cause les mêmes parties et le même procédé de fabrication d"un médicament, le cisparide. Apotex affirme toutefois que la signification de l"avis d"allégation du 24 mai 1996 [TRADUCTION] " a été faite de bonne foi et à des fins légitimes ". Au paragraphe 110 de son exposé des faits et du droit, Apotex déclare ce qui suit :

     [TRADUCTION]
     110.      En outre, ainsi qu"il ressort à l"évidence de ce qui précède, ce sont les agissements de Janssen et plus particulièrement son refus de justifier l"introduction de deux instances, qui sont à l"origine des deux instances en cours qui, selon ce qu"elle a depuis reconnu, portent sur des procédés identiques.             


[8]      Dans l"arrêt Apotex Inc. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) , la Cour d"appel fédérale a statué qu"il est possible de soumettre des allégations successives. La Cour d"appel a toutefois nuancé cette affirmation en ajoutant ce qui suit :

     [...] Je souscris aux vues exprimées dans les nombreuses décisions que le juge des requêtes a citées et dans lesquelles la Section de première instance a affirmé qu"il est possible de soumettre des allégations successives et que chacune doit être traitée indépendamment, à condition qu"elle soit distincte des autres et que sa présentation devant la Cour ne puisse être considérée comme un abus de procédure.



[9]      Dans le jugement Apotex Inc. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (1997), 72 C.P.R. (3d) 421, à la page 428, le juge en chef adjoint Jerome a fait observer ce qui suit :

     À mon avis, la jurisprudence de la présente Cour a reconnu que plusieurs avis d"allégation pouvaient être déposés, à la condition qu"un avis d"allégation ultérieur ne soit pas pratiquement identique à celui déposé antérieurement : [...]

[10]      Dans le jugement Schering Canada Inc. c. Nu-Pharm Inc., (1994), 58 C.P.R. (3d) 14, à la page 20, le juge Rothstein a jugé que le Règlement ne permettait pas de produire un second avis d"allégation. Pour en arriver à cette conclusion, le juge Rothstein a formulé les observations suivantes :

     Il y a une autre raison pour laquelle je ne pense pas que le Règlement prévoit un second avis d"allégation dans des circonstances comme celles dont il est question en l"espèce. Schering [la première personne] a déposé relativement au second avis d"allégation un avis d"ordonnance de prohibition identique à celui qu"elle avait présenté relativement au premier avoir d"allégation ainsi que les mêmes éléments de preuve. Une fois que la cour se sera prononcée sur la première demande de prohibition, l"affaire aura été tranchée au fond. Même si Nu-Pharm [la seconde personne] n"a pas produit d"éléments de preuve, cela ne change rien au fait que la Cour aura rendu une décision sur le fond de l"affaire, en se fondant sur les éléments de preuve dont elle avait été saisie. Par suite de cette décision, la demande d"ordonnance de prohibition deviendra chose jugée. Il ne sera pas possible d"engager une deuxième procédure à ce stade parce qu"une décision finale aura déjà été rendue.
     L"avocat de Nu-Pharm affirme que la Cour pourrait ordonner le regroupement des demandes pour surmonter cette difficulté. Certes, elle pourrait peut-être le faire, mais il s"agit d"une demande de regroupement tout à fait exceptionnelle. Habituellement, il y a regroupement des demandes lorsque deux demandes ou plus, normalement présentées par des parties différentes, sont pendantes devant la Cour. En l"espèce toutefois, il s"agit de deux demandes identiques présentées par la première personne parce que la seconde personne a laissé les délais expirer dans la première demande. À mon avis, on ne peut pas considérer que le Règlement prévoit qu"il est possible de déposer un second avis d"allégation sous réserve d"une ordonnance de regroupement des demandes pour empêcher qu"il y ait une chose jugée, à la demande de la seconde personne [...]

[11]      Vu sa conclusion que la question litigieuse soulevée par le premier et le second avis d"allégation serait examiné dans le cadre de l"instance introduite par suite du dépôt du premier avis d"allégation, le juge Rothstein s"est dit d"avis qu"il n"était pas nécessaire qu"il décide si le second avis d"allégation constituait un abus de procédure.

[12]      Je suis d"accord avec les demanderesses pour dire, pour les motifs exposés par le juge Rothstein dans le jugement Schering , que je ne devrais pas être contraint de rendre une décision au sujet du prononcé d"une ordonnance d"interdiction dans les deux instances. Tout comme le juge Rothstein dans le jugement Schering , je suis d"avis que la question soulevée en l"espèce et dans l"instance introduite dans le dossier T-1970-94 devrait être jugée sur le fond dans le cadre de l"instance découlant du premier avis d"allégation, en l"occurrence l"avis d"allégation en date du 4 juillet 1994. J"ai rendu aujourd"hui même une ordonnance motivée dans le dossier T-1970-94. J"ai fait droit à la demande présentée par les demanderesses et j"ai en conséquence rendu une ordonnance interdisant au ministre de délivrer à Apotex un avis de conformité relativement au cisapride.

[13]      Je ne rendrai donc pas d"ordonnance sur le bien-fondé de la question de fond soulevée dans la présente instance.

[14]      Il reste toutefois un point litigieux à trancher, en l"occurrence la question de savoir si je devrais rendre une ordonnance d"adjudication des dépens. Les demanderesses sollicitent une telle ordonnance au motif que l"avis d"allégation du 24 mai 1996 d"Apotex constitue un abus de procédure. Pour sa part, Apotex sollicite une ordonnance d"adjudication des dépens au motif que la présente instance résulte de l"abus de procédure dont les demanderesses se seraient rendues coupables.

[15]      À la suite de l"instance introduite sous le numéro du greffe T-1970-94 en réponse à son avis d"allégation du 4 juillet 1994, Apotex a déposé en novembre 1994 un exposé détaillé des faits et du droit. En plus de son exposé détaillé, Apotex a déposé les affidavits de M. Robert McClelland et de Mme Veronica Scherrer-Pangka. Par ces affidavits et son exposé détaillé, Apotex a fait état du procédé présumément non contrefait dont elle se servait pour fabriquer de la cisparide, en l"occurrence le procédé Torcan.

[16]      Au cours de son contre-interrogatoire, la directrice de la fabrication des produits chimiques chez Torcan Chemical Ltd., Mme Scherrer-Pangka, a déclaré que le procédé Torcan avait été porté à la connaissance du ministre dans le dossier principal de Torcan qui avait été déposé à l"appui de la présentation de drogue nouvelle (PDN) de Torcan. Après avoir interrogé Mme Scherrer-Pangka, les demanderesses ont réclamé et obtenu de notre Cour une ordonnance enjoignant au ministre de déposer devant la Cour une copie certifiée conforme de la PDN d"Apotex. À la suite de ces démarches, les demanderesses ont découvert que le procédé synthétique dont il était question dans la PDN d"Apotex n"était pas le procédé Torcan. Il est acquis aux débats que le procédé porté à la connaissance du ministre au moment où Apotex a signifié son avis d"allégation du 4 juillet 1994 contrefaisait le brevet 847.

[17]      Au paragraphe 37 de l"affidavit qu"il a souscrit le 18 septembre 1996, le président du conseil d"administration d"Apotex, M. Bernard Sherman, explique dans les termes suivants ce qui s"est produit :

     [TRADUCTION]
                         [...]
     a)      Lorsque la présentation de drogue nouvelle d"Apotex a été déposée, elle était fondée sur le procédé contrefait de Torcan. Aucun avis d"allégation n"a été envoyé à cette époque, étant donné qu"il n"existait aucun procédé non contrefait.
     b)      À la suite de la mise au point du procédé non contrefait de Torcan, Apotex a signifié son premier avis d"allégation. Apotex n"avait pas encore mis à jour sa présentation de drogue nouvelle, de sorte que le procédé contrefait initial faisait toujours partie de sa présentation.
     c)      Le procédé Torcan a été légèrement révisé et a été divulgué aux demanderesses lors du contre-interrogatoire de Mme Scherrer-Pangka. Il s"agit du même procédé que celui sur lequel Apotex se fondait dans son second avis d"allégation. Il s"agit du même procédé que celui qui avait été porté à la connaissance du ministre à la date prévue de la mise à jour et qui fait maintenant partie de la présentation de drogue nouvelle d"Apotex.


[18]      En raison de leur découverte des éléments d"information susmentionnés, les demanderesses ont modifié leur avis de requête introductif d"instance pour soulever une objection procédurale au sujet de l"avis d"allégation du 4 juillet 1994 d"Apotex. En bref, les demanderesses soutiennent que, comme le procédé qui avait été porté à la connaissance du ministre au moment où Apotex a signifié son avis d"allégation du 4 juillet 1994 n"était pas celui sur lequel Apotex se fondait pour formuler son allégation de non-contrefaçon, l"avis d"allégation n"était pas fondé, étant donné qu"il est admis que le procédé soumis à l"examen du ministre contrefaisait le brevet 847.

[19]      Au paragraphe 10a. de l"avis de requête introductif d"instance qu"elles ont déposé en l"espèce, les demanderesses soulèvent une objection semblable en ce qui concerne l"avis d"allégation du 24 mai 1996 :

     [TRADUCTION]
     a.      Le procédé exposé dans le second avis d"allégation n"est pas celui qui est décrit dans la PDN d"Apotex. Le fournisseur d"Apotex ne sera don pas légalement en mesure d"utiliser le procédé exposé dans le second avis d"allégation pour fabriquer du cisapride destiné à être vendu au Canada en vertu de l"avis de conformité délivré à Apotex. Le second avis d"allégation ne correspond pas au procédé qui peut être employé si un avis de conformité est délivré en réponse à une demande d"avis de conformité. L"allégation n"est donc pas fondée, car si un avis de conformité doit être délivré, Apotex ne serait pas autorisée à fabriquer, à produire, à utiliser ou à vendre des comprimés fabriqués selon le procédé exposé dans le second avis d"allégation.


[20]      Le 3 mai 1996, l"avocat d"Apotex a écrit la lettre suivante à l"avocat des demanderesses :

     [TRADUCTION]
     La présente fait suite à l"ordonnance de Mme le juge McGillis en vertu de laquelle vous avez obtenu des extraits de la présentation de drogue nouvelle d"Apotex.
     Vous vous souvenez sans doute qu"au cours de l"audience présidée par Mme le juge McGillis, qui était saisie d"une requête visant à contraindre Apotex à vous communiquer sa présentation de drogue nouvelle, vous avez fait valoir que la meilleure façon de procéder consistait pour Apotex à retirer son allégation et à signifier et à déposer une nouvelle allégation. Vous avez précisé que c"était la bonne façon de procéder compte tenu du fait que le procédé de fabrication du cisapride avait été " altéré " et que le procédé actuel n"avait pas été versé au dossier de la DGPS au moment où Apotex avait déposé son allégation.
     Ma cliente est prête à procéder selon la façon que vous avez présentée à la Cour comme étant la bonne façon d"agir. Je vous écris donc pour confirmer que les demanderesses se désisteront de la présente instance lorsqu"Apotex aura retiré son allégation et aura déposé une nouvelle allégation. Par la suite, nous procéderons tout simplement sur la base de la nouvelle allégation, compte tenu du fait que tous les éléments de preuve vous ont déjà été communiqués lors du contre-interrogatoire de Mme Veronica Scherrer-Pangka.
     Auriez-vous l"obligeance de me confirmer par télécopieur votre adhésion à ce qui précède.


[21]      Par lettre en date du 13 mai 1996, l"avocat des demanderesses a informé Apotex que les demanderesses n"étaient pas disposées à procéder selon les propositions contenues dans la lettre du 3 mai 1996.

[22]      Par suite de ce qui précède, Apotex a signifié aux demanderesses son avis d"allégation du 24 mai 1996. J"ai déjà reproduit le texte intégral de cette lettre. Je tiens simplement à revenir sur les quatrième et cinquième paragraphes de la page 2 de l"avis d"allégation :

     [TRADUCTION]
     Pour favoriser l"examen de la présente affaire sur le fond dans les meilleurs délais possibles, nous vous demandons de renoncer à votre prétention selon laquelle le procédé doit avoir été porté à la connaissance du ministre au moment de la signification de l"avis d"allégation, auquel cas nous nous engagerons à ne pas invoquer notre nouvel avis d"allégation. Cette mesure vous évitera de devoir signifier un autre avis de requête introductif d"instance.
     À titre subsidiaire, si vous le désirez, nous pourrions nous désister de la première demande, ainsi que nous vous l"avons déjà proposé, auquel cas pourriez présenter une nouvelle demande en réponse au présent avis d"allégation.

[23]      Au paragraphe 113 de son exposé, l"avocat d"Apotex déclare ce qui suit :

     [TRADUCTION]
     113.      Il ressort à l"évidence des faits de la présente instance [T-1542-96] que la seconde allégation ne visait pas à permettre à Apotex de plaider deux fois la question de fond de la non-contrefaçon, mais plutôt de lui permettre de la plaider une seule fois . La seconde allégation a été signifiée pour s"assurer que, dans la première ou la seconde instance, la question de fond de la non-contrefaçon soit examinée sur le fond.

L"avocat poursuit, aux paragraphes 116 à 121, en formulant les observations suivantes :

     [TRADUCTION]
     116.      À notre humble avis, il ressort d"une interprétation raisonnable des faits à l"origine de la présente instance que, si une partie est coupable d"un abus de procédure, c"est bien Janssen. Plus particulièrement, Janssen avait la possibilité d"éviter la multiplication des instances dont elle se plaint maintenant. Au lieu de justifier les instances au moment où la seconde allégation a été signifiée, Janssen, sans explication ou justification, a adopté le point de vue selon lequel il était absolument nécessaire que les deux instances soient instruites.
     117.      Maintenant que la seconde instance en est rendue à l"étape de l"audition, Janssen semble enfin prête à renoncer aux moyens procéduraux qu"elle avait invoqués dans le cadre de la première instance. C"est précisément ce qu"Apotex avait invité Janssen à faire au moment de la signification de la seconde allégation.


[24]      Dans leur exposé des faits et du droit en date du 1er juin 1988 qui a été déposé devant la Cour dans le dossier T-1970-94, les demanderesses n"abordent et ne débattent pas la question qui a amené Apotex à signifier l"avis d"allégation du 24 mai 1996. En d"autres termes, les demanderesses ont finalement renoncé aux objections qu"elles avaient soulevées après avoir découvert que le procédé Torcan n"avait pas été porté à la connaissance du ministre au moment où Apotex a signifié l"avis d"allégation daté du 4 juillet 1994.

[25]      Au paragraphe 46 de leur exposé, les demanderesses affirment que l"avis d"allégation du 24 mai 1996 n"aurait jamais dû être envoyé. Voici le texte du paragraphe 46 :

     [TRADUCTION]
     Les raisons déclarées pour lesquelles Apotex a envoyé son second avis d"allégation étaient qu"elle était préoccupée par le caractère prématuré du premier avis d"allégation. Compte tenu de l"arrêt rendu par la Cour d"appel fédérale dans l"affaire Eli Lilly c. Apotex [et sous réserve des modifications récentes apportées au Règlement qui ne s"appliquent pas à la présente instance], il semble être acquis en droit qu"une seconde personne peut envoyer un avis d"allégation avant que les moyens de fait ne se retrouvent dans sa PDN, à condition qu"ils y soient articulés au moment de l"audition. En d"autres termes, le moment précis de l"insertion des allégations dans la PDN permettant à la première personne de recevoir un exposé détaillé ainsi que la signification de l"avis, n"a aucun caractère obligatoire mais seulement un caractère indicatif. En conséquence, la signification du second avis d"allégation n"était pas obligatoire. Apotex insiste toutefois pour faire instruire la seconde instance.


[26]      À mon avis, on ne peut reprocher entièrement à Apotex ce qui s"est produit. La proposition formulée par l"avocat dans sa lettre du 3 mai 1996 adressée aux demanderesses constituait, à mon avis, une façon sensée de résoudre le problème. J"ignore pourquoi les demanderesses ont rejeté l"offre d"Apotex, mais, à mon avis, cette offre était tout à fait raisonnable. En outre, aux termes de l"avis d"allégation du 24 mai 1996 qu"elle a signifié aux demanderesses, Apotex a réitéré son offre de retirer l"avis d"allégation du 4 juillet 1996 ou l"avis d"allégation du 24 mai 1996. En d"autres termes, Apotex proposait que le bien-fondé de la question de fond, en l"occurrence celle de savoir si le procédé Torcan tombe sous le coup du brevet 847, soit débattue dans l"une ou l"autre des deux instances.

[27]      Dans ces conditions, je ne puis conclure, comme les demanderesses voudraient que je le fasse, qu"Apotex s"est rendue coupable d"un abus de procédure. À mon avis, Apotex a fait des offres raisonnables aux demanderesses pour éviter un procès dans deux dossiers différents. Ainsi que je viens de le préciser, j"estime que les offres d"Apotex étaient raisonnables et qu"elles auraient dû être acceptées. Après avoir attentivement examiné la question, je suis d"avis qu"il était incontestablement déraisonnable de la part des parties de passer à l"étape de l"instruction dans deux dossiers distincts dans lesquels la question de fond à trancher était la même. Si les demanderesses avaient accepté les offres qu"Apotex leur faisait en vue de résoudre le problème, il n"y aurait eu procès que dans un seul dossier.

[28]      Ainsi que je l"ai également déjà déclaré, la seule question que les demanderesses ont débattue lors de l"audition de l"affaire T-1970-94 était la question de fond, en l"occurrence celle de savoir si le procédé Torcan contrefaisait le brevet 847. Au paragraphe 117 de son exposé, l"avocat d"Apotex fait valoir ce qui suit :

     [TRADUCTION]
     117.      Maintenant que la seconde instance en est rendue à l"étape de l"audition, Janssen semble enfin prête à renoncer aux moyens procéduraux qu"elle avait invoqués dans le cadre de la première instance. C"est précisément ce qu"Apotex avait invité Janssen à faire au moment de la signification de la seconde allégation.


[29]      Je suis par conséquent d"avis que les dépens devraient être adjugés à Apotex. Apotex aura droit à une somme qui correspond à 40 pour 100 des dépens payables aux demanderesses aux termes de l"ordonnance que j"ai rendue dans le dossier T-1970-94.

[30]      Comme la question de fond soulevée dans la présente instance est devenue purement théorique, aucune ordonnance ne sera rendue au sujet de la demande d"ordonnance d"interdiction présentée par les demanderesses. En ce qui concerne la demande présentée par les demanderesses en vue d"obtenir un jugement déclarant nul et de nul effet l"avis d"allégation daté du 24 mai 1996, cette demande est accueillie. Toutefois, ainsi que je viens de le dire, les dépens seront adjugés à Apotex.


     Marc Nadon

     _________________________

     JUGE

CALGARY (Alberta)

Le 7 février 2000.



Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L




Date : 0702000


T-1542-96

CALGARY (ALBERTA), LE 7 FÉVRIER 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NADON

E n t r e :

     JANSSEN PHARMACEUTICA INC. et

     JANSSEN PHARMACEUTICA naamloze vennootschap

     demanderesses

     - et -

     APOTEX INC. et

     MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL

     défendeurs


     ORDONNANCE

     La Cour déclare nul et de nul effet l"avis d"allégation en date du 24 mai 1996 signifié par la défenderesse Apotex Inc. relativement au cisapride. La défenderesse Apotex Inc. a droit à une somme équivalant à 40 pour 100 des dépens payables aux demanderesses en vertu de l"ordonnance que j"ai rendue dans le dossier T-1970-94.

     Marc Nadon

     _________________________

     JUGE


Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              T-1970-94/T-1542-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Janssen Pharmaceutica Inc. et autre c. Apotex Inc. et autre
LIEU DE L"AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)
DATES DE L"AUDIENCE :      15 décembre 1998 - 18 décembre 1998 - 14 janvier 1999 - 15 janvier 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE      prononcés par le juge Nadon en date du lundi 7 février 2000

ONT COMPARU :

Me Anthony Creber                  pour la demanderesse

Me Jennifer Wilkie

Me Harry Ramonski                  pour la défenderesse Apotex Inc.

Me Ivor Hughes

Me R. Woyiwada                  pour le ministre défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling, Strathy & Henderson          pour la demanderesse

Ottawa (Ontario)

Goodman, Phillips & Vineber          pour la défenderesse Apotex Inc.

Toronto (Ontario)

Me Maurice Rosenberg              pour le ministre défendeur

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

__________________

1      En l"espèce, le procédé Torcan révisé et le procédé Torcan sont un seul et même procédé.

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