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Date : 20060103

Dossier : IMM-3003-05

Référence : 2006 CF 5

Ottawa (Ontario), le 3 janvier 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE EN CHEF

ENTRE :

HAYNNER ALBERTO BERMUDEZ BARRANTES,

HEINER ALBERTO BERMUDEZ MUNGUIA,

KEINER ALBERTO BERMUDEZ MUNGUIA et

JULIA AZUCENA MUNGUIA DORAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Haynner Alberto Bermudez Barrentes, 31 ans, et ses deux jeunes enfants sont citoyens du Costa Rica. Sa conjointe de fait, Julia Azucena Munguia Doran, est citoyenne du Nicaragua. Cette dernière se fait également appeler Roxana Vargas Cruz. Elle est la mère des deux demandeurs mineurs. La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision de la Section de la protection des réfugiés, aux termes de laquelle il a été déterminé que les quatre demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger. Les demandeurs n'étaient pas représentés lors de l'audition de leur revendication du statut de réfugié.

[2]                Après avoir suivi une formation de sept mois, M. Bermudez a travaillé comme agent de police à San José, de septembre 2000 à juin 2002. En mars 2001, il a participé à l'arrestation de trafiquants de drogue. Sa photo, avec son nom bien visible sur son insigne de policier, a été publiée dans un quotidien le lendemain de l'arrestation.

[3]                M. Bermudez allègue avoir une crainte fondée de persécution après avoir reçu deux appels anonymes de menaces le 7 décembre 2003, lesquels, selon lui, sont liés à son rôle de policier dans l'arrestation des trafiquants de drogue.

[4]                À l'époque où il a reçu ces appels de menaces, M. Bermudez travaillait à son propre compte dans une poissonnerie dont il était propriétaire. Il avait quitté son poste de policier depuis dix-sept mois environ. Son Formulaire de renseignements personnels (FRP) ne contient aucune mention de sa conversation avec le chef de police.

[5]                Selon son FRP, le lendemain des appels de menaces, il s'est procuré des billets d'avion à destination du Canada, le départ étant prévu pour le 19 décembre 2003. Lors de l'audition de sa revendication du statut de réfugié, il a déclaré qu'il avait rencontré le chef de police pour discuter de cet incident le 9 décembre 2003. Le chef de police lui aurait alors dit qu'il était préférable qu'il « disparaisse » , lui rappelant qu'Osvaldo Madrigal Obando, le fils de trois ans de son ancien coéquipier, avait été enlevé et apparemment assassiné, en juin 2002.

[6]                Selon les retranscriptions des reportages télévisés costaricains en juin 2002, le directeur de l'organisation responsable des enquêtes judiciaires a déclaré qu'une enquête était en cours concernant l'enlèvement de deux autres jeunes enfants en mars 2001 et en février 2002 mais aucun des deux n'avait de liens avec des agents de police. Selon le directeur, l'enlèvement d'Osvaldo n'était pas une menace à l'endroit d'un agent de police mais il n'a pas entièrement écarté cette possibilité.

[7]                Dans ses courts motifs, le tribunal souligne que le demandeur ne mentionne aucune tentative en vue de solliciter la protection de l'État costaricain, dans son FRP. La conversation avec le chef de police n'a pas été divulguée avant l'audience. Le témoignage de M. Bermudez a été jugé peu crédible. Après avoir examiné le dossier, je conclus qu'il n'était pas déraisonnable pour le tribunal de refuser de croire le demandeur concernant sa conversation avec le chef de police.

[8]                Une fois les allégations du demandeur concernant sa conversation avec le chef de police écartées, il restait très peu de preuve, voire aucune, voulant que le demandeur ait tenté de solliciter la protection de l'État. M. Bermudez ne pouvait se contenter de s'appuyer sur sa propre expérience, relatée de manière très générale, en vue de prouver l'inefficacité des enquêtes de la police. Ce témoignage, en l'absence de toute preuve crédible démontrant que le demandeur a sollicité la protection de l'État après les appels de menaces et avant son départ pour le Canada, ne satisfait pas au critère de la preuve « claire et convaincante » qui aurait permis de réfuter la présomption quant à la disponibilité de la protection de l'État.

[9]                Dans ces circonstances, il était également approprié pour le tribunal de s'appuyer sur la décision de la Section de la protection des réfugiés dans C.Q.N. (Re), [2003] D.S.P.R. n ° 6 (TA2-14980), à titre de jurisprudence sur la disponibilité de la protection de l'État pour les revendicateurs costaricains qui cherchent à être protégés en raison de leur crainte d'actes criminels. Selon moi, les faits en l'espèce et ceux visés par la décision citée à titre de jurisprudence sont suffisamment semblables pour justifier la décision du tribunal de s'appuyer sur cette décision. La preuve sur la situation du pays était identique dans les deux affaires. En outre, l'absence de preuve crédible démontrant que M. Bermudez aurait tenté de solliciter la protection de l'État fait que toute tentative d'établir une distinction entre les deux affaires, au motif que dans l'une, l'État aurait « refusé » de protéger le demandeur et dans l'autre, il en aurait été « incapable » , présenterait un intérêt purement théorique.

[10]            De plus, je suis convaincu que l'on peut facilement établir une distinction entre les faits en l'espèce et les décisions de jurisprudence citées par les demandeurs à l'appui de leur cause (en particulier, Bobrik c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. n ° 1364 (QL) (C.F. 1re inst.); Badilla c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 535; Torres c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 660; Shahzada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1176). Dans chacune de ces décisions, il y avait des faits jugés crédibles par la Cour, qui justifiaient de conclure qu'une erreur avait été commise dans l'analyse de la protection de l'État ou dans l'application des principes de la jurisprudence citée à l'appui de la décision.

[11]            Au bout du compte, la demande de contrôle judiciaire de M. Bermudez doit être rejetée car les conclusions négatives sur sa crédibilité, quant à sa rencontre alléguée avec le chef de police, font qu'il reste peu d'éléments de preuve, voire aucun, sur lesquels les demandeurs auraient pu s'appuyer pour contester le bien-fondé de l'analyse sur la protection de l'État ou de l'application des principes de la décision de jurisprudence retenue.

[12]            Suivant le même raisonnement, la demanderesse Julia Azucena Munguia Doran n'a pas réussi à prouver une quelconque erreur justifiant un contrôle judiciaire, dans la conclusion du tribunal voulant qu'elle n'ait aucune raison fondée de craindre de retourner au Nicaragua suite à de graves incidents survenus il y a plus de vingt ans.

[13]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Je suis d'accord avec les avocats des parties que la présente instance ne soulève aucune question grave de portée générale à certifier.

ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE ce qui suit :

            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Allan Lutfy »

Juge en chef

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-3003-05

INTITULÉ :                                        HAYNNER ALBERTO BERMUDEZ BERRANTES ET AL c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 17 novembre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        Le juge en chef Allan Lutfy

DATE DES MOTIFS :                       Le 3 janvier 2006

COMPARUTIONS:

Waikwa Wanyoike                                                                    POUR LES DEMANDEURS

Robert Bafaro                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

WAIKWA WANYOIKE

Toronto (Ontario)                                                                      POUR LES DEMANDEURS

JOHN S. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada                                            POUR LE DÉFENDEUR

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