Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20211020


Dossier : T-197-20

Référence : 2021 CF 1102

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 octobre 2021

En présence de monsieur le juge Norris

ENTRE :

CECILLE JIAJIA XU

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. APERÇU

[1] En 2005, la demanderesse, alors une citoyenne chinoise de vingt-quatre ans qui étudiait au Canada, a épousé un citoyen canadien. Parrainée par son mari, la demanderesse a obtenu le statut de résidente permanente du Canada en 2006. Ils ont divorcé peu de temps après. La demanderesse a obtenu sa citoyenneté canadienne en 2010.

[2] En réalité, le mariage était une imposture, que la demanderesse avait conclu dans le seul but d’obtenir le statut de résidente permanente au Canada. Quand le fait a été révélé en 2013, Citoyenneté et Immigration Canada (aujourd’hui Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC)) a entamé une procédure en révocation de la citoyenneté de la demanderesse au motif que celle-ci avait obtenu la résidence permanente au Canada au moyen d’une fausse déclaration, par fraude ou par la dissimulation intentionnelle de faits essentiels : voir la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C-29 au paragraphe 10(1) et à l’article 10.2. (Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites à l’annexe jointe à la présente décision.)

[3] Lorsqu’elle a finalement été mise devant cette allégation, la demanderesse a admis que le mariage était une imposture. Elle a invoqué des circonstances atténuantes et exprimé un profond remords à leur égard. Elle a soutenu que sa citoyenneté ne devrait pas être révoquée au motif que sa situation personnelle justifie la prise de mesures spéciales, à la lumière de toutes les circonstances de l’affaire, et parce qu’elle serait rendue apatride si elle perdait sa citoyenneté canadienne : voir Loi sur la citoyenneté, alinéa 10(3.1)a) et paragraphe 10(3.2).

[4] Dans une décision datée du 8 janvier 2020, un analyste principal d’IRCC, agissant en qualité de délégué du ministre, a révoqué la citoyenneté de la demanderesse en raison des fausses déclarations de celle-ci concernant des aspects clés de sa demande de résidence permanente, à savoir le défaut de divulgation du mariage contracté par raison de convenance dans le seul but d’obtenir le statut d’immigrante au Canada. L’analyste principal a conclu que la situation personnelle de la demanderesse ne justifiait pas la prise de mesures spéciales à l’encontre de la révocation, compte tenu de la gravité des fausses déclarations faites par la demanderesse. L’analyste principal a également estimé que, puisque la demanderesse a perdu sa citoyenneté chinoise lorsqu’elle est devenue citoyenne canadienne, la révocation de sa citoyenneté canadienne la rendrait apatride; toutefois, l’analyste a estimé que ce facteur était insuffisant pour justifier une dispense de révocation, compte tenu des circonstances.

[5] La demanderesse sollicite maintenant le contrôle judiciaire de cette décision en vertu de l’article 22.1 de la Loi sur la citoyenneté. Elle demande que la décision soit annulée et que l’affaire soit renvoyée pour réexamen, au motif que la décision est déraisonnable. Plus particulièrement, elle soutient que le décideur a adopté une interprétation déraisonnablement étroite des situations personnelles particulières à prendre en compte pour décider si la prise de mesures spéciales est justifiée en vertu de l’alinéa 10(3.1)a) de la Loi sur la citoyenneté. En outre, la demanderesse fait valoir que même si l’interprétation du décideur quant à la portée de l’alinéa 10(3.1)a) est raisonnable, cette disposition a été appliquée de manière déraisonnable à sa situation personnelle.

[6] Pour les motifs qui suivent, la présente demande est accueillie. Je ne suis pas d’accord avec la demanderesse pour dire que l’interprétation par l’analyste principal de sa situation personnelle, sur laquelle repose la décision de révocation de sa citoyenneté, est déraisonnable. Cependant, je suis convaincu que l’analyste principal n’a pas fait une application raisonnable de l’alinéa 10(3.1)a) de la Loi sur la citoyenneté dans son examen des questions d’apatridie et d’établissement, dans le contexte des circonstances atténuantes invoquées par la demanderesse. L’affaire doit donc être réexaminée par un autre décideur.

II. CONTEXTE

[7] La demanderesse est née en juin 1981 dans la province du Zhejiang, en Chine. Elle est entrée au Canada le 14 avril 2000 et a obtenu un permis d’études. Elle a maintenu son statut de résidente temporaire au Canada en renouvelant ses autorisations d’études jusqu’au 11 octobre 2005, date à laquelle son dernier permis d’études est venu à expiration.

[8] Le 9 décembre 2005, la demanderesse a épousé un citoyen canadien, que je désignerai GLJ dans les présents motifs, après quoi GLJ a parrainé la demande de résidence permanente de la demanderesse. La demanderesse a obtenu le statut de résidente permanente du Canada le 10 novembre 2006. Elle et GLJ ont divorcé peu de temps après.

[9] La demanderesse a demandé la citoyenneté canadienne en février 2009. Sa demande a été approuvée et elle est devenue citoyenne canadienne le 8 janvier 2010. La loi chinoise ne reconnaissant pas la double nationalité, la demanderesse a perdu sa citoyenneté chinoise du fait de son acquisition de la citoyenneté canadienne.

[10] Entre-temps, en décembre 2008, l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) avait ouvert une enquête, désignée « Projet lune de miel », sur un individu soupçonné d’arranger des mariages entre des citoyens canadiens et des ressortissants étrangers chinois pour que ceux-ci acquièrent le statut de résidents permanents au Canada. Dans le cadre de cette enquête, l’ASFC a questionné GLJ en avril 2013. Dans une déclaration solennelle fournie à l’ASFC, GLJ a confirmé avoir reçu une somme d’argent pour épouser la demanderesse et la parrainer dans la catégorie du regroupement familial, en vue de lui donner le statut de résidente permanente. En conséquence de ces renseignements, le dossier de la demanderesse a été transmis à Citoyenneté et Immigration Canada pour examen plus approfondi et possible révocation.

[11] Le 22 février 2017, IRCC a envoyé à la demanderesse un avis de l’intention de révoquer sa citoyenneté. Toutefois, cet avis a été annulé le 10 juillet 2017 en raison de la décision rendue par la Cour fédérale dans la décision Hassouna c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 473 (publiée le 10 mai 2017), où il a été déclaré que certaines dispositions de la Loi sur la citoyenneté relatives à la révocation de la citoyenneté sont incompatibles avec la Déclaration canadienne des droits, LC 1960, c 44. En outre, le 25 février 2016, le gouvernement du Canada avait présenté des modifications à la Loi sur la citoyenneté dans le projet de loi C-6, « Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et une autre loi en conséquence ». Ce projet de loi a finalement reçu la sanction royale le 19 juin 2017. Les dispositions pertinentes en l’espèce sont entrées en vigueur en janvier 2018. (L’historique législatif du projet de loi C-6 est détaillé ci-dessous.)

[12] La procédure en révocation de la citoyenneté canadienne de la demanderesse a été relancée en février 2018. Finalement, le 11 juillet 2018, IRCC a envoyé à la demanderesse un nouvel avis d’intention de révocation de citoyenneté, où il était précisé que les renseignements au dossier révélaient que la demanderesse avait peut-être contracté un mariage de convenance en vue d’obtenir le statut de résidente permanente au Canada. L’avis faisait référence à la demande de résidence permanente présentée par la demanderesse grâce au parrainage de son mari, GLJ, et mentionnait également ceci : [traduction] « Toutefois, les éléments de preuve figurant au dossier donnent à penser que le but premier de cette relation était d’acquérir le statut de résidente permanente pour vous-même, en contrepartie d’une compensation financière pour [GLJ]. Par conséquent, il semble que vous ayez obtenu le statut de résidente permanente, puis la citoyenneté canadienne, au moyen de fausses déclarations ou par fraude, ou en dissimulant intentionnellement des faits essentiels ». L’avis expliquait que cela pouvait constituer un motif de révocation de la citoyenneté canadienne de la demanderesse, mais aussi lui offrait la possibilité de présenter des observations écrites et des preuves documentaires concernant cette allégation et la révocation potentielle de sa citoyenneté. Enfin, l’avis indiquait que si, après examen des observations de la demanderesse, IRCC décidait de poursuivre la révocation de la citoyenneté, l’affaire serait soumise à la décision de la Cour fédérale, à moins que la demanderesse décide de demander qu’elle soit tranchée par le ministre.

[13] Le 31 août 2018, la demanderesse a choisi de faire trancher la question de la révocation par le ministre plutôt que par un juge de la Cour fédérale. Elle a fourni des observations écrites complètes, et des preuves à l’appui, que IRCC a reçues le 18 septembre 2018.

[14] Les preuves à l’appui comprenaient un affidavit de la demanderesse, daté du 31 août 2018, dans lequel la demanderesse admet sans équivoque avoir obtenu le statut de résidente permanente au moyen d’une fausse déclaration, c’est-à-dire son omission de divulguer que son mariage avec GLJ était un mariage de convenance conclu dans le seul but d’obtenir le statut de résidente permanente au Canada. La demanderesse y exprime un profond remords et des regrets pour ses actions, et reconnaît ses torts. En outre, elle explique comme suit les circonstances qui l’ont amenée à agir de la sorte.

[15] En 2000, alors qu’elle était âgée de 18 ans, les parents de la demanderesse l’ont envoyée étudier au Canada après qu’elle eut échoué l’examen d’entrée à l’université en Chine. La demanderesse s’est inscrite à l’université mais, connaissant très peu l’anglais, elle a eu du mal à suivre les cours. Elle déclare dans son affidavit : [traduction] « Mais pire que mes problèmes linguistiques, je suis subitement passée de ma petite vie tranquille de lycéenne vivant avec ses parents en Chine à l’obligation de me débrouiller toute seule comme une adulte. Mes premières années au Canada ont été marquées par les difficultés. Je ne m’étais jamais sentie aussi seule de toute ma vie. »

[16] Au printemps 2002, la demanderesse a rencontré une autre étudiante chinoise, que je désigne TDL dans les présents motifs. Elles sont vite devenues amies. La demanderesse explique que c’était en partie parce qu’elles étaient toutes les deux originaires de Chine, mais surtout parce que, de son point de vue, TDL était [traduction] « une personne vraiment spéciale qui m’a offert un refuge tant mental que physique ». Leur amitié s’est muée en une relation romantique après qu’elles sont devenues colocataires. C’était pour chacune d’elles la première relation entre personnes du même sexe. La demanderesse déclare : [traduction] « J’aimais Terry plus que je n’ai jamais aimé auparavant et [nous] étions vraiment compatibles. »

[17] La demanderesse explique dans son affidavit qu’il était difficile, tant pour elle que pour TDL, de se trouver dans une relation homosexuelle. Toutes deux appartenaient à des familles qui [traduction] « non seulement niaient l’existence de relations entre personnes de même sexe, [mais] de plus méprisaient l’homosexualité ». En 2004, la demanderesse et TDL ont décidé d’informer leurs familles respectives de leur relation. Les deux familles ont mal réagi. La famille de TDL a menacé de la tuer. Le père de la demanderesse a menacé de lui casser une jambe et de l’enfermer, et aussi de la renier si elle poursuivait sa relation avec TDL. Sa mère avait d’inconsolables pleurs. La demanderesse déclare : [traduction] « C’est un sentiment vraiment dévastateur de savoir que votre propre famille vous déteste. Et pourquoi? À cause de la personne que vous avez choisi d’aimer. »

[18] Les preuves des conditions de vie du pays, qui ont été fournies au ministre à l’appui des observations de la demanderesse, démontrent que l’homosexualité est stigmatisée en Chine et que ceux qui ont une orientation sexuelle non conforme subissent beaucoup de discrimination et de violence intrafamiliale.

[19] La demanderesse explique qu’en raison de la réaction de sa famille à sa révélation, elle souhaitait désespérément rester au Canada. Elle a continué de s’inscrire à des cours d’anglais langue seconde afin de pouvoir conserver son statut temporaire, mais il lui fallait trouver une solution plus permanente.

[20] C’est un ami qui a orienté la demanderesse vers une personne susceptible de l’aider. La demanderesse a d’abord cru que cette personne était un avocat, mais il s’agissait en fait d’un consultant en immigration. Le consultant l’a informée que le seul moyen d’obtenir un statut sûr au Canada était d’épouser un citoyen canadien, puis lui a proposé de s’occuper de tous les documents nécessaires moyennant 2 500 dollars. Le dossier n’est pas tout à fait clair à ce sujet, mais il semble que le consultant en question ait travaillé avec l’individu qui était le chef présumé des opérations faisant l’objet d’une enquête relevant du projet Lune de miel.

[21] La demanderesse déclare dans son affidavit qu’elle et TDL voulaient désespérément être ensemble et qu’elles ont donc imprudemment suivi les conseils du consultant. Elles ont décidé de s’adresser à GLJ, une connaissance universitaire de la demanderesse, personne que la demanderesse considérait aimable et compatissante, et qui avait exprimé sa sympathie pour les difficultés rencontrées par les couples de même sexe. GLJ a accepté d’épouser la demanderesse et de la parrainer par la suite pour qu’elle puisse obtenir la résidence permanente. TDL et la demanderesse ont convenu de lui verser 5 000 $ en plusieurs versements.

[22] À l’époque, la demanderesse était consciente qu’ils agissaient mal, mais, comme elle l’explique dans son affidavit, TDL et elle [traduction] « [étaient] tellement malheureuses et désireuses de trouver moyen de demeurer ensemble que cela leur semblait la seule solution qui s’offrait ». La demanderesse exprime un profond remords pour ses actes. Elle déclare dans son affidavit [traduction] : « Peu importe mon désespoir, je ne crois pas que j’ai bien agi. J’espère simplement que le gouvernement canadien comprendra mes circonstances et me donnera une nouvelle chance. »

[23] La demanderesse et GLJ se sont mariés à l’hôtel de ville de Toronto le 9 décembre 2005, avec TDL comme témoin. GLJ a par la suite parrainé la demande de résidence permanente de la demanderesse. Ils n’ont jamais cohabité et les documents présentés à l’appui du parrainage (p. ex. des renseignements sur l’emploi de GLJ) étaient frauduleux. La demanderesse est devenue résidente permanente le 10 novembre 2006. Elle et GLJ ont divorcé peu de temps après.

[24] GLJ fait un récit similaire dans la déclaration solennelle qu’il a fournie à l’ASFC en avril 2013. Il explique qu’il a rencontré la demanderesse à l’Université de Toronto au cours de l’été 2005; il ne se souvient pas si c’était par l’intermédiaire d’amis ou au gymnase. Après qu’ils se soient vus une ou deux fois, la demanderesse lui a présenté sa partenaire, qu’il connaissait sous le nom de Terry. Dans son témoignage, GLJ raconte : [traduction] « Elles m’ont dit qu’elles étudiaient à l’Université de Toronto et qu’elles seraient poursuivies en Chine si elles y retournaient, en raison de leur relation. Si j’acceptais de les aider, elles me verseraient 5 000 dollars, plus les avantages fiscaux. » GLJ confirme qu’il a accepté de les aider. La demanderesse et lui se sont mariés et il l’a parrainée pour qu’elle puisse obtenir le statut de résidente permanente. Il a ainsi obtenu 5 000 dollars en trois versements. La demanderesse et lui ont divorcé en novembre 2007. Ils n’ont jamais eu d’autre contact depuis lors.

[25] En juin 2009, suite aux pressions exercées par sa famille, TDL a mis fin à sa relation avec la demanderesse et est retournée en Chine. Toutes deux n’ont eu aucun contact depuis leur séparation. La demanderesse a appris par un ami commun que TDL s’était mariée et avait un enfant en Chine.

[26] Lorsque TDL a mis fin à leur relation, la demanderesse a fait une crise de dépression; elle a même tenté de se suicider par pendaison, mais la sangle s’est rompue. Des années plus tard, la demanderesse déclare dans son affidavit : [TRADUCTION] « Je continue d’être incertaine quant à ma sexualité. Ma sexualité est compliquée. Ma culture et mes origines ont leurs griffes enfouies au plus profond de moi, me rendant honteuse de qui je suis. »

[27] La demanderesse est restée à Toronto après le départ de TDL. Elle a lentement reconstruit sa vie. Elle a obtenu un baccalauréat en économie de l’université York en 2015. Elle occupe un poste de négociatrice pour une société de placement privé depuis 2011. Elle apprend à devenir une analyste financière agréée. Elle possède un chien et une maison à Toronto. Elle dispose d’un solide réseau d’amis et de collègues, et s’implique de multiples façons dans sa communauté.

III. LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[28] Dans une décision datée du 8 janvier 2020, un analyste principal d’IRCC, agissant en vertu des pouvoirs délégués par le ministre, a révoqué la citoyenneté de la demanderesse en raison des fausses déclarations faites par celle-ci dans sa demande de résidence permanente, à savoir qu’elle avait contracté un mariage de convenance, violant ainsi le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés.

[29] L’analyste principal a examiné cinq éléments généraux soulevés par la demanderesse dans ses observations écrites : l’apatridie, l’établissement au Canada, les difficultés en cas d’expulsion du Canada, les conditions de vie en Chine et le remords pour ses actions passées.

[30] L’analyste principal a noté tout d’abord que, bien que la demanderesse ait formulé ses observations écrites en termes de « motifs d’ordre humanitaire », cette expression ne figure pas dans la Loi sur la citoyenneté. L’analyste principal a déclaré : [traduction] « [Dans le contexte de la citoyenneté,] nous inscrivons des observations de cette nature comme des situations personnelles, conformément à l’alinéa 10(3.1)a) de la Loi sur la citoyenneté. Par conséquent, je déciderai désormais si vos observations justifient la prise de mesures spéciales à la lumière de toutes les circonstances de l’affaire, conformément à cette même Loi. »

[31] Ainsi, l’analyste principal a fait les déterminations suivantes :

  • Apatridie : l’analyste principal a conclu que si la demanderesse a perdu sa citoyenneté chinoise en obtenant la citoyenneté canadienne, elle ne deviendrait pas nécessairement apatride, car la Chine dispose d’une procédure légale de demande de rétablissement de statut par les anciens ressortissants. Mais comme on ne peut garantir une conclusion positive à une demande de restauration de la citoyenneté chinoise, l’analyste principal a pris en compte les difficultés possibles pour la demanderesse si la décision la rendait apatride. L’analyste principal a noté que, bien que le Canada soit signataire de la Convention sur la réduction des cas d’apatridie (989 UNTS 175, entrée en vigueur le 13 décembre 1975) de 1961, laquelle oblige généralement un État contractant à ne pas priver une personne de sa nationalité si cela devait la rendre apatride, la Convention prévoit également qu’un État peut le faire « si [la personne] a obtenu cette nationalité au moyen d’une fausse déclaration ou de tout autre acte frauduleux » : voir l’article 8, paragraphes 1 et 2 de la Convention. L’analyste principal a conclu que la situation personnelle de la demanderesse, en ce qui concerne l’apatridie, avait [traduction] « peu de poids ». L’analyste principal a déclaré : [traduction] « Bien que je comprenne vos profondes inquiétudes à l’idée d’être rendue apatride, je dois examiner la gravité de vos actes au regard de l’intégrité de nos programmes d’immigration et de citoyenneté, et je ne crois pas qu’elles justifient une mesure spéciale, à la lumière de toutes les circonstances de votre cas. »

  • Établissement au Canada : l’analyste principal a reconnu que la demanderesse était établie de longue date au Canada (plus de 18 ans au moment de la décision), qu’elle s’était créé une vie stable et qu’elle avait noué des relations durables avec des amis et des collègues. L’analyste principal a toutefois noté que la demanderesse n’avait pas de conjoint(e) ni de famille au Canada et qu’elle semblait avoir des liens familiaux plus forts en Chine (sa mère, son père et une tante). Bien que la demanderesse ait un bon dossier civique, on y a accordé peu de poids [traduction] « car on attend de tous les membres de la société canadienne – qu’ils soient résidents temporaires, résidents permanents ou citoyens – qu’ils respectent les lois du Canada et y adhèrent ». L’analyste principal a conclu que l’établissement de la demanderesse au Canada était insuffisant pour justifier la prise de mesures spéciales, car elle a été en mesure de se construire une vie au Canada uniquement en raison de ses actes frauduleux et de ses fausses déclarations. L’analyste principal a déclaré : [traduction] « Par conséquent, lorsque j’examine votre établissement au Canada à la lumière de vos fausses déclarations devant les agents de la citoyenneté et de l’immigration, je conclus que cela ne justifie pas l’abandon des procédures de révocation de votre citoyenneté. »

  • Difficultés liées à l’expulsion : l’analyste principal a noté que, puisque l’expulsion ne suivrait pas nécessairement la révocation de la citoyenneté, les questions soulevées par la demanderesse concernant les difficultés qu’elle rencontrerait en Chine [traduction] « seraient traitées plus opportunément lors d’une procédure d’expulsion ultérieure, si une telle procédure a lieu ». L’analyste principal a reconnu que la demanderesse semblait souffrir de dépression et que son état [traduction] « pouvait se rattacher à une crise d’identité sexuelle et à l’incertitude de [son] statut de citoyen et de [son] possible renvoi du Canada », mais a ensuite conclu que la [traduction] « maladie mentale de la demanderesse est probable, mais qu’elle est liée à [son] possible renvoi du Canada, et pas nécessairement à la perte de [sa] citoyenneté canadienne ». Cette difficulté, ainsi que toute autre difficulté liée à l’expulsion du Canada, [traduction] « serait mieux évaluée au stade de la procédure d’expulsion, si elle devait avoir lieu ».

  • Conditions de vie en Chine : pour la même raison, l’analyste principal a estimé que cet élément était sans pertinence pour les questions à trancher.

  • Remords : l’analyste principal a reconnu que la demanderesse [traduction] « semblait » avoir assumé ses actes passés et qu’elle [traduction] « avait peut-être agi par désespoir ». Toutefois, il a estimé que ces circonstances [traduction] « ne fournissent pas de preuves suffisantes pour autoriser une exception aux lois sur la citoyenneté du Canada ».

[32] En résumé, après avoir [traduction] « étudié très sérieusement » les observations de la demanderesse et tout en ressentant [traduction] « de la sympathie » quant à sa situation personnelle, l’analyste principal a conclu que cette situation n’était pas [traduction] « de nature à l’emporter sur l’intérêt public, pour le Canada, d’empêcher la révocation de la citoyenneté d’une personne l’ayant obtenue au moyen de fausses déclarations ou par fraude ». Par conséquent, l’analyste principal a révoqué la citoyenneté canadienne de la demanderesse.

IV. LA NORME DE CONTRÔLE

[33] Une question d’interprétation législative est au cœur de la présente demande. Dans son exposé des faits et du droit, la demanderesse a suggéré que la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer à cette question est celle de la décision correcte. Cependant, à l’audience de cette demande, la demanderesse s’est concentrée sur le caractère raisonnable de la décision à tous les égards, y compris l’interprétation par l’analyste principal de la disposition législative principale. Je conviens que c’est en l’espèce la méthode qui convient le mieux.

[34] La présomption est désormais que la norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle applicable aux décisions administratives, de laquelle on ne devrait déroger « que lorsqu’une indication claire de l’intention du législateur ou la primauté du droit l’exige » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 10). Rien ne justifie, en l’espèce, une dérogation à cette présomption. En effet, il convient de noter que le caractère raisonnable est la norme de contrôle appliquée dans l’arrêt Vavilov lui-même – une affaire qui, comme en l’espèce, concernait l’interprétation et l’application des dispositions de la Loi sur la citoyenneté (voir Vavilov, aux para 169-170). Voir également Tran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 215 au paragraphe 24, où le juge Pentney a conclu, postérieurement à l’arrêt Vavilov, que le caractère raisonnable demeurait la norme de contrôle applicable pour une décision de révocation de la citoyenneté (bien qu’il s’agisse d’une décision prise en vertu de l’ancienne procédure).

[35] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable « vise à donner effet à l’intention du législateur de confier certaines décisions à un organisme administratif, tout en exerçant la fonction constitutionnelle du contrôle judiciaire qui vise à s’assurer que l’exercice du pouvoir étatique est assujetti à la primauté du droit » (Vavilov, au para 82). La norme de la décision raisonnable vise à faire en sorte que « les cours de justice interviennent dans les affaires administratives uniquement lorsque cela est vraiment nécessaire pour préserver la légitimité, la rationalité et l’équité du processus administratif » (Vavilov, au para 13).

[36] L’exercice de tout pouvoir public « doit être justifié, intelligible et transparent non pas dans l’abstrait, mais pour l’individu qui en fait l’objet » (Vavilov, au para 95). C’est pourquoi le décideur administratif a l’obligation « de justifier, de manière transparente et intelligible pour la personne visée, le fondement pour lequel il est parvenu à une conclusion donnée » (Vavilov, au para 96). Lorsque la décision a des répercussions graves sur les droits et intérêts de l’individu visé, « les motifs fournis à ce dernier doivent refléter ces enjeux. Le principe de la justification adaptée aux questions et préoccupations soulevées veut que le décideur explique pourquoi sa décision reflète le mieux l’intention du législateur, malgré les conséquences particulièrement graves pour l’individu concerné » (Vavilov, au para 133).

[37] Une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au para 85). La cour de révision doit faire preuve de retenue envers la décision qui présente de tels attributs (ibid).

[38] Lorsqu’elle applique la norme de la décision raisonnable, la cour de révision n’a pas pour rôle d’apprécier ou d’évaluer à nouveau la preuve examinée par le décideur, ni de modifier ses conclusions de faits, à moins de circonstances exceptionnelles (Vavilov, au para 125).

[39] Bien que le contrôle empreint de déférence n’ait jamais voulu dire qu’il faut « respecter aveuglément » les conclusions de décideurs établis par la loi, ni exiger l’« adhésion aveugle » à leurs conclusions (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 48; Lake c Canada (Ministre de la Justice), 2008 CSC 23 au para 41), la Cour, dans l’arrêt Vavilov, « souligne une fois de plus que le contrôle judiciaire concerne non seulement le résultat, mais aussi la justification du résultat » (Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 au para 29). L’appréciation du caractère raisonnable d’une décision doit être sensible et respectueuse, mais aussi rigoureuse (Vavilov, aux para 12-13).

[40] Lorsque, comme en l’espèce, des motifs ont été donnés, c’est dans ces motifs que doit s’amorcer l’examen du caractère raisonnable de la décision. La cour de révision demande : Le décideur a-t-il motivé son choix de façon raisonnée? Le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable « doit s’intéresser à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision » (Vavilov, au para 83). Une cour de révision doit d’abord « examiner les motifs donnés avec une attention respectueuse, et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à sa conclusion » (Vavilov, au para 84; les guillemets dans la citation ont été supprimés). Les motifs doivent être examinés à la lumière de l’ensemble du dossier en tenant dûment compte du régime administratif dans lequel ils ont été donnés (Vavilov, aux para 91-94). Ces motifs méritent une « attention particulière » et doivent être interprétés « de façon globale et contextuelle. L’objectif est justement de comprendre le fondement sur lequel repose la décision » (Vavilov, au para 97).

[41] Cette approche doit également être suivie lorsque la norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle applicable à une question d’interprétation législative (Vavilov, au para 116). La cour de révision ne procède pas à une analyse de novo de la question soulevée ni ne se demande « ce qu’aurait été la décision correcte » (ibid). « Tout comme lorsqu’elle applique la norme de la décision raisonnable dans l’examen de questions de fait ou de questions concernant un pouvoir discrétionnaire ou des politiques, la cour de justice doit plutôt examiner la décision administrative dans son ensemble, y compris les motifs fournis par le décideur et le résultat obtenu » (ibid). Voir également Vavilov, aux paragraphes 120-122, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Mason, 2021 CAF 156 aux paragraphes 41-42.

[42] Il incombe à la demanderesse de démontrer que la décision de l’analyste principal est déraisonnable. Avant de pouvoir infirmer une décision pour ce motif, la cour de révision doit être convaincue « qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, au para 100). Voir également Alexion Pharmaceuticals Inc v Canada (Attorney General), 2021 CAF 15 aux paragraphes 12-13.

V. QUESTIONS EN LITIGE

[43] J’énoncerai ainsi les questions soulevées par la présente demande :

  • a) L’interprétation par l’analyste principal de l’alinéa 10(3.1)a) de la Loi sur la citoyenneté, qui exclut la prise en compte des conséquences du renvoi du Canada, est-elle déraisonnable?

  • b) L’application par l’analyste principal de l’alinéa 10(3.1)a) de la Loi sur la citoyenneté est-elle déraisonnable?

VI. ANALYSE

A. L’interprétation de l’analyste principal de l’alinéa 10(3.1)a) de la Loi sur la citoyenneté, qui exclut la prise en compte des conséquences du renvoi du Canada, est-elle déraisonnable?

[44] Il s’agit essentiellement d’une question d’interprétation législative. Le « principe moderne » d’interprétation législative est que les termes d’une loi doivent être lus « dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd (Re), [1998] 1 RCS 27 au para 21; Bell ExpressVu Limited Partnership c Rex, 2002 CSC 42 au para 26, les deux citant E. Driedger, Construction of Statutes (2e éd. 1983), à la p.87). « [C]’est uniquement à partir du texte de loi, de l’objet de la disposition législative et du contexte dans son ensemble » qu’il est possible de saisir l’intention du législateur (Vavilov, au para 118). Même si l’exercice d’interprétation auquel se livre un décideur administratif peut sembler bien différent de celui effectué par une cour de justice, tous deux doivent appliquer le principe moderne lorsqu’ils interprètent des dispositions législatives (Vavilov, au para 119). La tâche du décideur administratif était donc « d’interpréter la disposition contestée d’une manière qui cadre avec le texte, le contexte et l’objet, compte tenu de sa compréhension particulière du régime législatif en cause » (Vavilov, au para 121). Lors d’un contrôle judiciaire, le tribunal doit déterminer si l’interprétation du décideur est raisonnable, c’est-à-dire si elle repose sur une chaîne d’analyse cohérente et rationnelle qui tienne compte du libellé, du contexte et de l’objet de la disposition concernée.

[45] L’alinéa 10(3.1)a) de la Loi sur la citoyenneté dispose qu’une personne qui a reçu un avis de révocation de sa citoyenneté peut présenter des observations écrites sur les questions énoncées dans l’avis, « notamment toute considération liée à sa situation personnelle – tel l’intérêt supérieur d’un enfant directement touché – justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales ainsi que le fait que la décision la rendrait apatride, le cas échéant ». Le paragraphe 10(3.2) de la Loi exige que le ministre tienne compte toute observation reçue à ce titre avant de rendre une décision sur la révocation de la citoyenneté de la personne.

[46] Comme exposé ci-dessus, la demanderesse a admis qu’elle avait obtenu la résidence permanente au Canada au moyen de fausses déclarations. Elle a toutefois fait valoir que sa situation personnelle justifiait la prise de mesures spéciales et que sa citoyenneté ne devrait donc pas être révoquée, malgré les fausses déclarations sur la foi desquelles cette citoyenneté a été octroyée. Parmi les motifs liés à sa situation personnelle invoqués par la demanderesse figurent les difficultés auxquelles elle disait être exposée si elle devait quitter le Canada pour retourner en Chine, soit ce que la demanderesse désigne globalement comme des « difficultés à l’étranger ». (Entre parenthèses, je note qu’étant donné que la demanderesse a formulé ses observations au ministre en termes de difficultés, la question de savoir s’il est toujours approprié d’appliquer la notion de difficulté ne se pose pas en l’espèce (cf. Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 au para 33).

[47] L’analyste principal a en effet déterminé que de telles difficultés à l’étranger étaient sans pertinence pour l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 10(3.2) de la Loi sur la citoyenneté. L’analyste principal a ainsi expliqué la raison de cette interprétation :

[traduction]
Il faut comprendre que la révocation de la citoyenneté n’entraîne pas automatiquement l’expulsion. La révocation est une procédure distincte qui dépend des décisions prises après la révocation en vertu de la LIPR. Il est à noter que la révocation de votre citoyenneté canadienne est le seul enjeu de cette procédure et que cette révocation est une question distincte, à ne pas confondre avec le renvoi du Canada. Si votre citoyenneté est révoquée, vous aurez le statut de ressortissante étrangère, mais cela ne revient pas à dire que vous serez automatiquement renvoyée du Canada. À l’heure actuelle, il est impossible de prévoir si un renvoi aura lieu à la suite d’une décision de révocation de votre citoyenneté canadienne. Cela dépendra d’un certain nombre de décisions postérieures à la révocation, certaines discrétionnaires et d’autres juridictionnelles. Par conséquent, les questions qui pourraient découler directement d’un renvoi seraient examinées plus opportunément dans des procédures subséquentes relatives à ce renvoi, si ces dernières devaient avoir lieu.

[48] La demanderesse soutient que cette interprétation de l’alinéa 10(3.1)a) de la Loi sur la citoyenneté est indéfendable à la lumière du libellé, du contexte et de l’objet de la disposition. En résumé, elle fait valoir ce qui suit : « toute considération liée à [l]a situation personnelle [...] justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales » (alinéa 10(3.1)a) de la Loi sur la citoyenneté) a le même sens que « des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales » (alinéa 67(1)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR)); les motifs d’ordre humanitaire comprennent les difficultés rencontrées à l’étranger. Donc, en l’espèce, l’analyste principal a commis une erreur en refusant de tenir compte des difficultés à l’étranger. La solidité de l’argument de la demanderesse dépend de la véracité de la première affirmation.

[49] J’observe pour commencer que l’une des difficultés apparentes liées aux observations de la demanderesse est que le législateur n’a pas employé l’expression « considérations d’ordre humanitaire » dans la Loi sur la citoyenneté, mais bien l’expression « situation personnelle ». En effet, il ne s’agissait pas simplement d’un choix délibéré du législateur (ce qui serait présumé, dans tous les cas) : ce choix de libellé a fait l’objet de discussions tant à la Chambre qu’au Sénat. Pour comprendre comment et pourquoi cela s’est produit, il est nécessaire d’en dire un peu plus sur l’historique du projet de loi C-6 et sur l’évolution récente de la révocation de citoyenneté en raison de fausses déclarations.

[50] Avant mai 2015, la procédure de révocation de la citoyenneté pour fausses déclarations comportait deux étapes principales : d’abord, une audience devant la Cour fédérale (si la personne en question en avait fait la demande) au cours de laquelle il était établi si l’acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté de la personne, ou sa réintégration dans celle-ci, était effectivement obtenue par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels; ensuite, si la Cour concluait en ce sens, l’affaire était renvoyée au gouverneur en conseil en fonction d’une recommandation du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration. Voir Ligue des droits de la personne de B’Nai Brith Canada c Odynsky, 2010 CAF 307 au paragraphe 12, et Hassouna, aux paragraphes 13-16. Même si la loi ne le prévoit pas expressément, il est admis que le gouverneur en conseil dispose d’un large pouvoir discrétionnaire de décider de l’opportunité de révoquer la citoyenneté canadienne d’une personne : voir Oberlander c Canada (Procureur général), 2004 CAF 213 aux paragraphes 42-43, et Odynsky, aux paragraphes 81-82. Comme indiqué dans la décision Hassouna, le gouverneur en conseil « pouvait tenir compte des circonstances de l’affaire suivant les principes de l’équité, et disposait du pouvoir discrétionnaire de prendre en considération les motifs d’ordre humanitaire lorsqu’il décidait s’il y avait lieu de révoquer la citoyenneté d’une personne » (para 16).

[51] En mai 2015, le processus a été simplifié de sorte que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration détienne seul le pouvoir de révoquer la citoyenneté canadienne d’une personne en raison de fausses déclarations. Entre autres, la Loi renforçant la citoyenneté canadienne a conféré au ministre le pouvoir de révoquer la citoyenneté d’une personne « lorsqu’il est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté de la personne ou sa réintégration dans celle-ci est intervenue par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels ».

[52] Le législateur est revenu sur les questions relatives à la citoyenneté en février 2016, à la première lecture du projet de loi C-6. Dans sa forme initiale, le projet de loi abordait de nombreux autres points relatifs à la citoyenneté, mais non le processus de révocation de la citoyenneté. Par conséquent, lorsque le projet de loi a été renvoyé de la Chambre des communes au Sénat, le pouvoir exclusif du ministre de révoquer la citoyenneté pour cause de fausses déclarations avait été laissé intact. Le projet ne comportait aucune indication sur la procédure à suivre lorsque le ministre envisageait de révoquer la citoyenneté d’une personne pour ces motifs, et rien n’était indiqué concernant les circonstances dans lesquelles le ministre pouvait refuser de révoquer la citoyenneté d’une personne, même si ce statut avait été obtenu au moyen d’une fausse déclaration, par fraude ou par la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Toutefois, le projet de loi C-6 a fait l’objet d’une révision profonde au Sénat et il a été renvoyé à la Chambre des communes avec des modifications importantes.

[53] La modification qui nous concerne en l’espèce est l’introduction des premières ébauches des actuels paragraphes 10(3), 10(3.1) et 10(3.2) de la Loi sur la citoyenneté. Notamment, la version de l’alinéa 10(3.1)a) proposée par le Sénat prévoyait qu’une personne pouvait « présenter des observations écrites sur ce dont il est question dans l’avis, notamment toute considération d’ordre humanitaire – tel l’intérêt supérieur d’un enfant directement touché justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales ainsi que le fait que la décision la rendrait apatride, le cas échéant » (non souligné dans l’original). Voir Débats du Sénat, 42e législature, 1re session, vol 150, no 108 (4 avril 2017), p 2682-2685. Le Sénat a donc proposé de rendre explicite dans la loi le pouvoir implicite du décideur (auparavant le gouverneur en conseil, aujourd’hui le ministre) de tenir compte de toutes les circonstances, y compris le principe de l’equity, pour décider si une personne devrait être privée de sa citoyenneté en raison d’une fausse déclaration.

[54] Lorsque le projet de loi modifié a été renvoyé à la Chambre des communes, le gouvernement a accepté en substance plusieurs des changements proposés par le Sénat, notamment l’ajout des paragraphes 10(3), 10(3.1) et 10(3.2). Toutefois, en ce qui concerne l’alinéa 10(3.1)a) en particulier, l’honorable Ahmed Hussen, alors ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, a proposé d’informer le Sénat que la Chambre remplacerait les mots « motifs d’ordre humanitaire » par les mots « situation personnelle ». (Le ministre a également proposé d’autres modifications à l’alinéa 10(3.1)a), sans importance aux fins actuelles, ainsi que d’autres modifications d’autres parties du projet de loi modifié). Cette proposition (en plus des autres) a été acceptée par la Chambre des communes et a ensuite été jugée acceptable par le Sénat. Voir Débats de la Chambre des communes, 42e législature, 1re session, vol 148, no 192 (12 juin 2017), p 12514-12516, et les Débats du Sénat, 42e législature, 1re session, vol 150, no 133 (15 juin 2017), p 3461-3466. Dans sa forme modifiée, le projet de loi C-6 a ensuite reçu la sanction royale le 19 juin 2017.

[55] Le ministre Hussen n’a pas exposé ses raisons pour proposer de remplacer « motifs d’ordre humanitaire » par « situation personnelle ». Toutefois, des membres de la Chambre des communes qui se sont exprimés à propos des modifications ont certainement jugé que ces expressions étaient synonymes. Certains membres du Sénat ont exprimé le même point de vue. Il vaut peut-être la peine de noter à ce stade que dans la décision Hassouna, publiée un mois seulement avant que ces débats n’aient lieu, la juge Gagné (son titre à l’époque) avait déclaré :

Selon moi, compte tenu de l’importance de la citoyenneté canadienne et des lourdes conséquences pouvant découler de la perte de cette citoyenneté, les principes de justice fondamentale exigent qu’un examen discrétionnaire de toutes les circonstances d’une affaire soit fait. Cela comprend l’examen des considérations d’ordre humanitaire, des intérêts personnels ou du pouvoir discrétionnaire que confère l’equity, peu importe l’expression privilégiée.

(Hassouna, au para 116; non souligné dans l’original)

[56] Pour en revenir à l’argument de la demanderesse, même si le législateur a décidé d’employer l’expression « situation personnelle » plutôt que « motifs d’ordre humanitaire », cela ne pose peut-être pas un problème aussi important à la demanderesse qu’il n’y paraît de prime abord. Quoi qu’il en soit, les débats à la Chambre et au Sénat donnent à penser que certains des membres étaient d’avis qu’il n’y avait aucune différence importante entre les deux expressions. Personne du côté du gouvernement n’a dit le contraire. La décision Hassouna exprime un point de vue semblable.

[57] Comme le souligne la demanderesse, hormis cette seule différence de libellé, la disposition adoptée par le Parlement présente des similitudes indéniables avec l’alinéa 67(1)c) de la LIPR. Pour un résident permanent qui risque de perdre son statut en raison de fausses déclarations, en vertu de l’alinéa 67(1)c) de la LIPR, la Section d’appel de l’immigration (SAI) doit déterminer « [s’]il y a – compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché – des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales ». De même, dans le cas d’une personne qui risque de perdre sa citoyenneté en raison de fausses déclarations, en vertu de l’application combinée du paragraphe 10(3.2) et de l’alinéa 10(3.1)a) de la Loi sur la citoyenneté, le ministre doit tenir compte de « toute considération liée à [la] situation personnelle [de cette personne] – tel l’intérêt supérieur d’un enfant directement touché – justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales [...] ». Les parallèles entre les deux dispositions et les décisions qu’elles autorisent sont pour le moins évidents.

[58] Ce rapprochement avec la perte du statut de résident permanent revêt un caractère particulièrement fort dans le cas de la demanderesse, car elle risque de perdre non seulement sa citoyenneté canadienne, mais également son statut de résidente permanente (voir l’article 10.2 de la Loi sur la citoyenneté). Ses fausses déclarations ont influé directement sur son admissibilité au statut de résidente permanente, mais indirectement seulement sur son admissibilité à la citoyenneté canadienne. En effet, mis à part le fait d’avoir obtenu le statut de résidente permanente au moyen de fausses déclarations, la demanderesse avait sinon droit à la citoyenneté canadienne lorsque celle-ci lui a été conférée. On peut contraster sa situation à celle d’une personne ayant obtenu le statut de résident permanent de façon légitime, mais ayant fait de fausses déclarations quant à son admissibilité à la citoyenneté (par exemple en lien avec l’obligation de résidence). S’il cela s’avérait, l’intéressé perdrait sa citoyenneté et son statut reviendrait à celui de résident permanent. Contrairement à la demanderesse, l’intéressé ne deviendrait pas ressortissant étranger en vertu de la LIPR.

[59] Selon moi, malgré les parallèles soulignés par la demanderesse, son affirmation que sa « situation personnelle » devrait influer sur la prise de mesures spéciales en vertu de la Loi sur la citoyenneté revient exactement à dire que des « motifs d’ordre humanitaire » devraient influer sur la prise de mesures spéciales en vertu de la LIPR, ce qui constitue la question centrale en l’espèce.

[60] Il est incontestable qu’il existe d’importants points communs entre les types de circonstances qu’englobe chacune des deux expressions, ainsi qu’entre les décisions se rapportant à chaque expression. Dans leurs sphères respectives, toutes deux se rapportent à un vaste pouvoir discrétionnaire et en equity qui permet de soustraire une personne aux conséquences habituelles de la loi. Dans les deux cas, il s’agit de trouver un équilibre entre l’application générale de la loi et la nécessité de faire des exceptions lorsque la situation personnelle et les circonstances le justifient.

[61] La principale référence jurisprudentielle faisant autorité pour l’interprétation de la notion de considérations d’ordre humanitaire dans la LIPR (plus précisément, son emploi au paragraphe 25(1) de cette loi) est l’arrêt Kanthasamy. Dans cette affaire, où le décideur devait établir, à la lumière de toutes les circonstances, si une personne raisonnable vivant dans une communauté civilisée serait portée à soulager les malheurs d’une autre personne, dans la mesure où ces malheurs justifient l’octroi d’une dispense spéciale de l’application habituelle de la législation en cause, la décision en question est décrite comme étant fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Voir Kanthasamy, aux paragraphes 29-31. Selon ses propres critères, une décision qui doit être prise en vertu de l’alinéa 67(1)c) de la LIPR doit aussi tenir compte des considérations d’ordre humanitaire, le cas échéant. L’interprétation de ces considérations et la nature de la décision rendue dans l’arrêt Kanthasamy sont également pertinentes en regard de l’alinéa 67(1)c) de la LIPR : voir, par exemple, Phan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 435 aux paragraphes 19-23.

[62] Il n’est pas contesté que l’alinéa 10(3.1)a) de la Loi sur la citoyenneté sert en equity le même genre d’objectif sous-jacent que l’alinéa 67(1)c) de la LIPR, ni que le pouvoir que ces deux dispositions confèrent aux décideurs est très semblable. Les deux dispositions couvrent un large éventail de circonstances qui influent sur ce qu’une personne raisonnable et impartiale jugerait comme pouvant justifier la prise de mesures spéciales, eu égard à toutes les circonstances d’un cas donné. En fait, bon nombre de circonstances seront pertinentes aux décisions prises tant en vertu de la Loi sur la citoyenneté que de la LIPR, notamment l’intérêt supérieur de tout enfant directement touché par la décision, l’établissement au Canada et l’impact d’une décision défavorable sur la santé physique et mentale et le bien-être général d’une personne. De même, dans les cas de fausses déclarations, chacun des deux décideurs doit tenir compte, entre autres, de la gravité de la fausse déclaration, de la complicité de la personne dans celle-ci, de la preuve que la déclaration ne représentait pas la réalité, de toute circonstance atténuante, et de toute expression de remords, lors de l’exercice du pouvoir en equity conféré au décideur de dispenser une personne des conséquences habituelles de la loi.

[63] À la lumière de ce qui précède, il ne fait aucun doute qu’il existe des parallèles évidents entre les deux déterminations. Selon la demanderesse, cela suppose que si la SAI doit tenir compte des difficultés rencontrées à l’étranger pour décider de l’opportunité de prendre des mesures spéciales, le ministre y est également tenu. Le défaut de l’argument de la demanderesse est que ces parallèles s’effondrent précisément là où l’avait indiqué l’analyste principal. La SAI doit tenir compte des difficultés à l’étranger parce qu’elle examine l’appel d’une décision d’interdiction de territoire qui a donné lieu à une mesure de renvoi. Ainsi, en ce qui concerne la version antérieure de l’alinéa 67(1)c), la Cour suprême du Canada a statué dans l’arrêt Chieu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3, que les difficultés à l’étranger sont une considération pertinente pour la SAI : voir en particulier les paragraphes 1 à 4, 64, 71, 82 et 83. De même, les difficultés à l’étranger sont une considération pertinente lorsqu’on demande au ministre de décider, à la lumière du paragraphe 25(1) de la LIPR, si une personne devrait, pour des motifs d’ordre humanitaire, être dispensée d’une forme d’interdiction de territoire ou de la règle habituelle voulant que la demande de résidence permanente soit obligatoirement faite à partir de l’extérieur du Canada (voir Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 au para 41). En revanche, si la décision de révoquer la citoyenneté canadienne d’une personne entraîne la perte de son droit de demeurer au Canada garanti au paragraphe 6(1) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), il ne s’ensuit pas que cette personne doive quitter le Canada. Il ne s’agit pas d’une décision d’interdiction de territoire, et encore moins d’une mesure de renvoi. L’intéressée n’est pas obligée de quitter le Canada pour se conformer à la décision. Comme le souligne l’analyste principal, une obligation juridiquement exécutoire de quitter le Canada ne naîtra, le cas échéant, qu’à l’issue de procédures distinctes portant sur le renvoi, si de telles procédures ont lieu. Le défendeur souscrit à ce point de vue, soulignant que la révocation de la citoyenneté par le ministre ne déclenche pas automatiquement une procédure de renvoi.

[64] Bref, la nature de la question que chaque décideur doit trancher dicte ce qui est pertinent quant à leurs déterminations respectives. Les difficultés à l’étranger sont une considération pertinente quant à la détermination que la SAI doit faire en vertu de l’alinéa 67(1)c) de la LIPR, puisque l’appel concerne une mesure de renvoi. Elles ne sont pas pertinentes quant à la détermination que le ministre doit faire en vertu de l’alinéa 10(3.1)a) de la Loi sur la citoyenneté parce que, même si la citoyenneté est révoquée, cela n’entraîne pas le renvoi du Canada.

[65] La demanderesse tente de contrer cette conclusion de deux manières. Premièrement, elle fait remarquer qu’en tant qu’étrangère sans statut au Canada, la loi ne lui permet pas d’y rester; elle est obligée de partir. Selon elle, la révocation de sa citoyenneté équivaut donc à une mesure de renvoi. Deuxièmement, elle affirme que dans l’éventualité où elle ferait l’objet d’une procédure de renvoi distincte, celle-ci n’inclurait pas la considération en equity de la question de savoir si les difficultés à l’étranger, seules ou combinées à d’autres facteurs, justifieraient qu’on lui permette de rester au Canada. Si le ministre n’en tient pas compte dans sa décision de révoquer ou non sa citoyenneté, nul autre ne le fera.

[66] Je ne suis pas persuadé que l’une ou l’autre de ces réponses démontre que la conception qu’a l’analyste principal de sa décision est déraisonnable. La demanderesse a inclus dans son dossier une lettre de l’IRCC adressée à une autre personne dont la demande de permis de travail a été refusée. La lettre déclare : [TRADUCTION] « Vous êtes au Canada sans statut juridique et à ce titre vous devez quitter le pays immédiatement. Si vous ne quittez pas le Canada de votre propre gré, des mesures d’application de la loi pourraient être prises à votre égard. » Rien ne prouve cependant que la demanderesse ait reçu une telle lettre ou qu’une mesure d’exécution ait été prise à son encontre. En outre, bien que la demanderesse ait perdu le statut qu’elle avait au Canada, il ne s’ensuit pas nécessairement qu’elle demeurera sans statut. Si elle obtient un autre statut au Canada, elle ne sera pas obligée de partir. Comme le fait remarquer le défendeur, il n’y a aucune raison de penser qu’elle ne pourrait pas essayer d’obtenir du moins un statut temporaire au Canada (par exemple un permis de séjour temporaire), ou même un statut permanent en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR. Si la demanderesse choisissait cette dernière option, les motifs d’ordre humanitaire (y compris les difficultés rencontrées à l’étranger) auraient à être pris en compte s’ils étaient soulevés. Bien sûr, étant donné les fausses déclarations de la demanderesse, une décision favorable n’est pas une certitude, malgré les nombreux autres facteurs positifs et les considérations en equity qui pèsent sans doute en sa faveur. Toutefois, le fait est que, contrairement à ce que soutient la demanderesse, elle dispose d’un moyen par lequel les difficultés étrangères pourraient être prises en compte lors de l’exercice du pouvoir discrétionnaire en equity, même si elle n’est pas assurée d’une décision favorable.

[67] En outre, si une procédure de renvoi est engagée, les difficultés étrangères invoquées par la demanderesse pourraient, du moins dans une certaine mesure, constituer la base d’un examen des risques avant renvoi en vertu de l’article 112 de la LIPR. Je reconnais que cette mesure est plus restreinte que l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire qui serait effectuée par la SAI, un processus auquel la demanderesse, en tant qu’étrangère, n’aurait pas accès si une mesure de renvoi devait être prise à son encontre : voir LIPR, paragraphe 63(3). La demanderesse fait valoir qu’il est absurde qu’elle bénéficie de protections moindres qu’un résident permanent simplement parce qu’elle a fait l’effort supplémentaire d’obtenir la citoyenneté canadienne. Compte tenu des autres options qui restent à la disposition de la demanderesse, du moins en principe, je ne suis pas persuadé que les deux situations soient aussi différentes que celle-ci le donne à croire. S’il y a une lacune dans le système législatif, elle ne peut être comblée que par le législateur. Elle ne peut être comblée, en tant que question d’interprétation législative, par l’élargissement du mandat du décideur en vertu de la Loi sur la citoyenneté de façon qu’il tienne compte de ce qui, au moment de la décision, est au mieux une possibilité hypothétique.

[68] Bien avant l’adoption du projet de loi C-6, le juge Décary a fait remarquer dans l’arrêt Oberlander que « les mots “raisons d’ordre humanitaire” ne figurent pas dans la Loi sur la citoyenneté et qu’ils ne sont pas appropriés puisqu’ils invitent à faire une comparaison, et prêtent à confusion, avec ces mots tels qu’ils sont employés et tels qu’ils ont été interprétés dans d’autres textes de loi » (para 57). Cela est tout aussi vrai aujourd’hui. Bien qu’il existe de nombreuses et d’importantes similitudes entre la notion de motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales en vertu de la LIPR, et la notion de situation personnelle justifiant la prise de mesures spéciales en vertu de la Loi sur la citoyenneté, cela ne doit pas occulter le fait que ces deux concepts s’inscrivent dans des cadres législatifs distincts et, par conséquent, n’englobent pas exactement les mêmes facteurs ou circonstances.

[69] En résumé, la demanderesse ne m’a pas convaincu que l’interprétation par l’analyste principal de l’alinéa 10(3.1)a) de la Loi sur la citoyenneté, selon laquelle les conséquences du renvoi ne sont pas considérées comme faisant partie de la situation personnelle pouvant justifier la prise d’une mesure spéciale, à la lumière de toutes les circonstances de l’affaire, est déraisonnable.

B. L’application par l’analyste principal de l’alinéa 10(3.1)a) de la Loi sur la citoyenneté est-elle déraisonnable?

[70] La perte de la citoyenneté est une question d’une gravité suprême. Comme le précise la Cour suprême dans l’arrêt Divito c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 47 au paragraphe 21, « le “droit d’avoir des droits” découle de la citoyenneté et de l’appartenance à une communauté nationale distincte » (citant une expression inventée par Hannah Arendt dans Les origines du totalitarisme). Ainsi, la citoyenneté canadienne est une condition préalable nécessaire à la jouissance de certains droits fondamentaux garantis par la Charte : voir l’article 3 et le paragraphe 6(1). En outre, c’est généralement par l’exercice du droit d’entrer et de demeurer au Canada, garanti par le paragraphe 6(1) de la Charte, qu’un citoyen canadien est assuré de jouir de la protection de ses autres droits garantis par la Charte et par d’autres lois canadiennes. Dans l’arrêt Benner c Canada (Secrétaire d’État), [1997] 1 RCS 358, le juge Iacobucci, s’exprimant au nom de la Cour, a déclaré : « Je ne puis imaginer d’intérêt plus fondamental que la citoyenneté canadienne pour quiconque veut être membre à part entière de la société canadienne » (para 68). Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Tobiass, [1997] 3 RCS 391, la Cour a déclaré que « [p]our certains, comme ceux qui pourraient devenir apatrides s’ils étaient privés de leur citoyenneté, elle peut être aussi précieuse que la liberté » (para 108). Ces observations ont été citées avec approbation dans l’arrêt Vavilov au paragraphe 191. Voir également Odynsky, au paragraphe 80. Une personne qui, comme la demanderesse, voit sa citoyenneté révoquée et redevient ressortissante étrangère subit des conséquences négatives additionnelles (voir Hassouna, au para 78). Enfin, pour une personne qui, comme la demanderesse, deviendrait apatride si sa citoyenneté était révoquée, les conséquences sont encore plus profondes (voir Hassouna, au para 86).

[71] Les conséquences de la perte de la citoyenneté ne sont pas moins graves lorsque cette citoyenneté a été obtenue au moyen de fausses déclarations. Dans un tel cas, ces conséquences sont généralement considérées comme justifiées étant donné que la personne n’avait pas droit à la citoyenneté en premier lieu, mais également parce qu’elles sont nécessaires pour protéger l’intégrité des processus d’immigration et d’octroi de la citoyenneté. Néanmoins, comme le Parlement l’a reconnu en adoptant l’alinéa 10(3.1)a) de la Loi sur la citoyenneté, ces conséquences ne sont pas justifiées dans tous les cas de fausses déclarations. Parfois, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, elles sont disproportionnées et la prise de mesures spéciales est justifiée malgré le fait que la citoyenneté a été obtenue de façon irrégulière. À la lumière du contexte législatif et jurisprudentiel exposé dans la section précédente des présents motifs, et même si ces termes exacts ne sont pas employés dans la Loi sur la citoyenneté, il ne fait aucun doute qu’un décideur doit prendre cette décision en évaluant toutes les circonstances de l’affaire d’un point de vue humanitaire.

[72] Lorsqu’un décideur conclut que la prise de mesures spéciales n’est pas justifiée, le principe de justification adaptée aux questions et préoccupations soulevées exige que les raisons fournies soient proportionnelles à la gravité des questions en jeu, ainsi qu’aux conséquences qu’aurait une décision défavorable pour la personne concernée. En termes clairs, les motifs doivent expliquer pourquoi la décision répond le mieux à l’intention du législateur (Vavilov, au para 133). Cela doit être fait de manière que les questions clés ou les arguments centraux soulevés par la personne concernée soient abordés concrètement. Un manquement à cette obligation « permet de se demander [si le décideur] était effectivement attentif et sensible à la question qui lui était soumise » (Vavilov, au para 128).

[73] Selon le cadre juridique adopté par le Parlement, la perte de citoyenneté canadienne n’est pas automatique en cas de verdict de fausse déclaration. Le décideur doit plutôt déterminer si cette conséquence est justifiée à la lumière de toutes les circonstances de l’affaire. L’élément central, en fonction de la situation, est de déterminer si la révocation de la citoyenneté d’une personne, lorsqu’obtenue au moyen de fausses déclarations, est une réponse proportionnelle à l’inconduite, et si elle est nécessaire pour protéger l’intégrité des processus d’immigration et de citoyenneté. Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’une décision punitive. Néanmoins, il faut tenir compte de la gravité de la faute et de toutes les circonstances susceptibles d’atténuer le degré de responsabilité de la personne par rapport à cette faute.

[74] En l’espèce, l’analyste principal s’est concentré presque exclusivement sur la gravité de la faute commise par la demanderesse et n’a accordé que peu d’attention à la question de la culpabilité de la demanderesse, bien que celle-ci ait été clairement soulevée dans les preuves et les observations de cette dernière. La demanderesse a reconnu la gravité de sa faute, mais a fait valoir que les circonstances atténuantes dans lesquelles elle avait agi atténuaient le caractère répréhensible de ses actes, de sorte que la perte de son statut au Canada – qui constitue le fondement sur lequel elle avait construit sa vie ici – et l’apatridie qui en résulterait sont des conséquences disproportionnées et donc injustifiées compte tenu de toutes les circonstances. L’analyste principal n’était pas tenu d’accepter cet argument, mais il était tenu de l’examiner en profondeur. Cela n’a pas été fait. Au contraire, à des moments clés de la décision, la culpabilité de la demanderesse est simplement présumée sous prétexte que la faute était grave. Cela est évident, par exemple, dans la conclusion de l’analyste principal que même si une décision défavorable entraînait l’apatridie de la demanderesse, ce résultat serait justifié en raison de la [traduction] « gravité des actes commis [par la demanderesse] contre l’intégrité de nos programmes d’immigration et de citoyenneté ». Aucune considération n’est accordée aux circonstances atténuantes sur lesquelles la demanderesse s’appuyait, ni à la question de savoir si celles-ci réduisaient sa culpabilité de sorte à ne pas justifier cette mesure grave dans son cas.

[75] De même, il a été jugé que l’établissement de la demanderesse au Canada ne justifiait pas l’abandon des procédures de révocation de la citoyenneté [traduction] « à la lumière » de la fausse déclaration de la demanderesse aux agents de la citoyenneté et de l’immigration. Tout en reconnaissant l’argument de la demanderesse qu’elle s’était [traduction] « extraordinairement bien établie ici et intégrée à la société canadienne », l’analyste principal a estimé que [traduction] « la question en jeu, c’est [qu’elle n’ait] été en mesure de le faire qu’à la suite d’une fraude et de fausses déclarations ». Cependant, l’analyste principal ne se penche à aucun moment sur la raison pour laquelle les fausses déclarations ont été faites en premier lieu. Le raisonnement du décideur semble être plutôt que l’établissement d’un individu en fonction de fausses déclarations n’est jamais une considération suffisante pour justifier la prise de mesures spéciales puisque, presque par définition, son établissement n’a été possible que grâce à ces fausses déclarations. Un raisonnement aussi catégorique, qui ne tient pas compte des circonstances particulières de l’affaire – ce qui inclut les raisons pour lesquelles, selon la demanderesse, elle s’est sentie obligée d’induire en erreur les autorités canadiennes de l’immigration lorsqu’elle a demandé la résidence permanente – est l’antithèse du pouvoir discrétionnaire en equity que vise à conférer l’alinéa 10(3.1)a) de la Loi sur la citoyenneté. Même si, comme le soutient le défendeur, c’est un principe bien établi qu’en général, l’établissement dans des circonstances illégales ne devrait pas être « récompensé » (dans le contexte de la LIPR, voir par exemple la décision Semana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1082 au para 48), il incombait au décideur d’expliquer pourquoi ce principe général s’appliquait dans le cas de la demanderesse, cela malgré les circonstances atténuantes dans lesquelles elle soutenait avoir agi (toujours dans le contexte de la LIPR, voir Mitchell c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 190 aux para 23-27, et Damian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1158 au para 26-27, deux cas où est soulignée l’importance d’évaluer les circonstances particulières dans lesquelles la présence illégale de la personne au Canada s’est produite). Cela n’a pas été fait.

[76] L’analyste principal ne traite des circonstances atténuantes invoquées par la demanderesse qu’ailleurs dans la décision, sous la rubrique « Remords ». À peine prises en compte, elles sont largement et sommairement rejetées. L’analyste principal observe simplement que la demanderesse [traduction] « semble » avoir assumé la responsabilité de ses actes passés, et qu’elle [traduction] « a peut-être agi par désespoir ». Toutefois, de l’avis du décideur, les [traduction] « observations de la demanderesse ne fournissent pas de preuves suffisantes pour permettre une exception à l’application des lois sur la citoyenneté du Canada ». Aucune autre explication n’est fournie.

[77] Dans les circonstances de cette affaire, cela est nettement insuffisant pour que la décision soit raisonnable. Le décideur devait, pour rendre une décision raisonnable, se pencher sur les circonstances atténuantes invoquées par la demanderesse pour ensuite décider si les conséquences habituelles d’une fausse déclaration seraient considérées comme injustifiées aux yeux d’un membre raisonnable et impartial de la communauté. Cela n’a pas été fait. Le caractère superficiel de l’analyse fait douter que l’analyste principal ait été attentif et sensible à l’une des questions centrales de cette affaire. Se borner à affirmer que l’inconduite de la demanderesse était grave, sans chercher à en approfondir les raisons, n’explique pas pourquoi la révocation de la citoyenneté de la demanderesse obéit le mieux, en l’espèce, à l’intention du législateur lors de l’adoption des paragraphes 10(1), 10(3.1) et 10(3.2) de la Loi sur la citoyenneté. Par conséquent, la décision est déraisonnable et doit être annulée.

VII. CONCLUSION

[78] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l’analyste principal datée du 8 janvier 2020, révoquant la citoyenneté canadienne de la demanderesse et annulant son certificat de citoyenneté, est annulée. L’affaire est renvoyée pour être réexaminée par un autre décideur.

[79] Par exception, la Cour a convenu de donner aux parties l’occasion d’examiner cette décision avant qu’on leur demande s’il convient de soulever une question grave de portée générale conformément à l’alinéa 22.2d) de la Loi sur la citoyenneté. Les parties sont donc conviées à conférer et, si possible, à communiquer une position commune sur l’opportunité de soulever des questions à certifier et, le cas échéant, sur le libellé de celles-ci. Cette position doit être communiquée à la Cour dans les 14 jours de la date de la présente décision. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre, chacune d’elle devra signifier et déposer des observations écrites à l’appui de sa position respective, cela dans les 14 jours de la date de la présente décision. Ces observations peuvent prendre la forme d’une lettre, et ne peuvent dépasser trois pages à simple interligne. Les mémoires soumis en réplique, sous forme de lettre et ne dépassant pas deux pages à simple interligne, doivent être signifiés et déposés dans les sept jours de l’échange des mémoires principaux des parties. Si un délai supplémentaire est nécessaire pour l’une ou l’autre de ces étapes, les parties peuvent soumettre une demande informelle à la Cour.


JUGEMENT dans le dossier T-197-20

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision de l’analyste principal datée du 8 janvier 2020, révoquant la citoyenneté canadienne de la demanderesse et annulant son certificat de citoyenneté, est annulée. L’affaire est renvoyée pour être réexaminée par un autre décideur.

  3. Savoir si des questions seront soulevées en vertu de l’alinéa 22.2d) de la Loi sur la citoyenneté est mis en délibéré jusqu’à la réception et l’examen des autres observations écrites des parties.

« John Norris »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


Annexe

Loi sur la citoyenneté, LRC (1985), c C-29

Perte de la citoyenneté

Loss of Citizenship

Révocation par le ministre – fraude, fausse déclaration, etc.

Revocation by Minister — fraud, false representation, etc.

10 (1) Sous réserve du paragraphe 10.1(1), le ministre peut révoquer la citoyenneté d’une personne ou sa répudiation lorsqu’il est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté de la personne ou sa réintégration dans celle-ci est intervenue par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

10 (1) Subject to subsection 10.1(1), the Minister may revoke a person’s citizenship or renunciation of citizenship if the Minister is satisfied on a balance of probabilities that the person has obtained, retained, renounced or resumed his or her citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances.

[…]

[…]

Avis

Notice

(3) Avant que la citoyenneté d’une personne ou sa répudiation ne puisse être révoquée, le ministre lui envoie un avis écrit dans lequel :

(3) Before a person’s citizenship or renunciation of citizenship may be revoked, the Minister shall provide the person with a written notice that

a) il l’informe qu’elle peut présenter des observations écrites;

(a) advises the person of his or her right to make written representations;

b) il précise les modalités de présentation des observations;

(b) specifies the form and manner in which the representations must be made;

c) il expose les motifs et les justifications, notamment les éléments de preuve, sur lesquels il fonde sa décision;

(c) sets out the specific grounds and reasons, including reference to materials, on which the Minister is relying to make his or her decision; and

d) il l’informe que, sauf si elle lui demande de trancher l’affaire, celle-ci sera renvoyée à la Cour.

(d) advises the person that the case will be referred to the Court unless the person requests that the case be decided by the Minister.

Observations et demande que l’affaire soit tranchée par le ministre

Representations and request for decision by Minister

(3.1) Dans les soixante jours suivant la date d’envoi de l’avis, ce délai pouvant toutefois être prorogé par le ministre pour motifs valables, la personne peut :

(3.1) The person may, within 60 days after the day on which the notice is sent, or within any extended time that the Minister may allow for special reasons,

a) présenter des observations écrites sur ce dont il est question dans l’avis, notamment toute considération liée à sa situation personnelle – tel l’intérêt supérieur d’un enfant directement touché – justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales ainsi que le fait que la décision la rendrait apatride, le cas échéant;

(a) make written representations with respect to the matters set out in the notice, including any considerations respecting his or her personal circumstances – such as the best interests of a child directly affected – that warrant special relief in light of all the circumstances of the case and whether the decision will render the person stateless; and

b) demander que l’affaire soit tranchée par le ministre.

(b) request that the case be decided by the Minister.

Obligation de tenir compte des observations

Consideration of representations

(3.2) Le ministre tient compte de toute observation reçue au titre de l’alinéa (3.1)a) avant de rendre sa décision.

(3.2) The Minister shall consider any representations received from the person pursuant to paragraph (3.1)(a) before making a decision.

Audience

Hearing

(4) Une audience peut être tenue si le ministre l’estime nécessaire compte tenu des facteurs réglementaires.

(4) A hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required.

Renvoi à la Cour

Referral to Court

(4.1) Le ministre renvoie l’affaire à la Cour au titre du paragraphe 10.1(1) sauf si, selon le cas :

(4.1) The Minister shall refer the case to the Court under subsection 10.1(1) unless

a) la personne a présenté des observations écrites en vertu de l’alinéa (3.1)a) et le ministre est convaincu que :

(a) the person has made written representations under paragraph (3.1)(a) and the Minister is satisfied

(i) soit, selon la prépondérance des probabilités, l’acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté de la personne ou sa réintégration dans celle-ci n’est pas intervenue par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels,

(i) on a balance of probabilities that the person has not obtained, retained, renounced or resumed his or her citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances, or

(ii) soit des considérations liées à sa situation personnelle justifient, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales;

(ii) that considerations respecting the person’s personal circumstances warrant special relief in light of all the circumstances of the case; or

b) la personne a fait une demande en vertu de l’alinéa (3.1)b).

(b) the person has made a request under paragraph (3.1)(b).

Communication de la décision

Notice of decision

(5) Le ministre communique sa décision par écrit à la personne.

(5) The Minister shall provide his or her decision to the person in writing.

[…]

[…]

Présomption

Presumption

10.2 Pour l’application des paragraphes 10(1) et 10.1(1), a acquis la citoyenneté ou a été réintégrée dans celle-ci par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels la personne ayant acquis la citoyenneté ou ayant été réintégrée dans celle-ci après être devenue un résident permanent, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, par l’un de ces trois moyens.

10.2 For the purposes of subsections 10(1) and 10.1(1), a person has obtained or resumed his or her citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances if the person became a permanent resident, within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances and, because of having acquired that status, the person subsequently obtained or resumed citizenship.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-197-20

 

INTITULÉ :

CECILLE JIAJIA XU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 mai 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE LE JUGE NORRIS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 20 octobre 2021

 

COMPARUTIONS :

Neerja Saini

 

Pour la demanderesse

 

Nimanthika Kaneira

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green and Spiegel LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.