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                                                                                                                                           Date : 20030915

                                                                                                                             Dossier : IMM-3844-03

                                                                                                                         Référence : 2003 CF 1060

Ottawa (Ontario), le 15 septembre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

ENTRE :

                                                                      SAI YIN ZHOU

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

Introduction


[1]                 Le demandeur présente une requête conformément à l'article 51(1) des Règles de la Cour fédérale (1998) DORS/98-106 (les Règles), en appel de la décision rendue le 5 août 2003 par le protonotaire Lafrenière de rejeter la requête présentée par le demandeur en vue de soumettre d'autres éléments de preuve et d'autres arguments à l'appui d'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire. L'article 51(1) des Règles prévoit que l'ordonnance d'un protonotaire peut être portée en appel par voie de requête présentée à un juge de la Section de première instance de la Cour fédérale. Le demandeur sollicite une ordonnance accueillant l'appel et autorisant la présentation d'autres éléments de preuve et d'autres arguments à l'appui de sa demande d'autorisation.

Historique

[2]                 Le 23 mai 2003, le demandeur a déposé sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire concernant une décision défavorable prise par l'agent d'examen des risques avant le renvoi (ERAR) le 25 mars 2003. Le demandeur a mis en état sa demande le 20 juin 2003, en signifiant et en déposant le dossier de sa demande. Il a ensuite présenté une requête en sursis de son renvoi, que le juge Noël a accueillie le 25 juin 2003.

[3]                 Le 18 juillet 2003, le défendeur a signifié et déposé son exposé des arguments en réponse au dossier que le demandeur avait déposé. Puis, le 21 juillet 2003, le demandeur a présenté une requête en vue de déposer d'autres éléments de preuve et d'autres arguments à l'appui de sa demande d'autorisation. Les nouveaux éléments de preuve qu'il voulait introduire comprennent des pièces déposées dans le cadre de sa requête en sursis qui a fait l'objet du débat du 25 juin. Le demandeur a soutenu qu'il était dans l'intérêt de la justice qu'il soit autorisé à introduire ces éléments de preuve et ces arguments.


[4]                 Dans l'ordonnance du 5 août 2003, le protonotaire Lafrenière a rejeté la requête, concluant que le demandeur n'avait pas démontré que les _traduction_ _ autres éléments de preuve et _..._ autres arguments _ n'étaient pas disponibles au moment où il a mis en état son dossier, ou qu'il n'aurait pas pu les produire plus tôt. Il a motivé sa décision comme suit :

_traduction_

Le demandeur fait valoir qu'il est dans l'intérêt de la justice qu'il soit autorisé à introduire ce qu'il décrit comme étant _ d'autres éléments de preuve et d'autres arguments _. Le demandeur n'a toutefois pas réussi à prouver que les éléments de preuve en question n'étaient pas disponibles au moment où il a mis en état son dossier, ou qu'il n'aurait pas pu les présenter plus tôt, même s'il avait fait preuve de plus de diligence. De plus, le demandeur ne donne aucune explication justifiant son retard à soumettre la présente requête. Il semblerait que le demandeur disposait des _ autres _éléments de preuve dès le 25 juin 2003. Or, ce n'est que presque un mois plus tard et, comme par hasard, seulement quatre jours après avoir reçu le mémoire des arguments du défendeur qu'il a pris des mesures pour demander l'autorisation d'introduire d'autres éléments de preuve.

[5]                 Le protonoraire a invoqué l'arrêt Nguyen c. MCI, [1999] A.C.F. no 1343 (QL), pour affirmer que si un demandeur est autorisé à présenter un nouvel affidavit et un exposé du droit et des faits complémentaire après que l'avocat du ministre a répondu au dossier original de la demande, cela peut conférer un avantage indu au demandeur. Le protonotaire a rejeté la requête au motif que le demandeur n'avait pas justifié son retard et que le défendeur pourrait subir un préjudice si la requête était accueillie.

Norme de contrôle


[6]                 Le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf si l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits ou qu'elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue de la cause. Dans pareilles circonstances, le juge doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début : Canada v. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.). Il est clair que la requête ne porte pas sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue de la demande d'autorisation. Il faut donc prouver que le protonotaire a commis une erreur manifeste.

Analyse

[7]                 L'essentiel de l'argument du demandeur concernant cet appel est que le protonotaire a mal interprété la preuve dont il disposait. Le demandeur soutient qu'il ne cherchait pas à présenter de nouveaux éléments de preuve. Il demandait tout simplement l'autorisation de soumettre d'autres arguments sur les éléments de preuve dont la Cour était déjà saisie, notamment des diapositives tirées d'une bande vidéo qui étaient entre les mains de l'agent d'ERAR. Par conséquent, le demandeur fait valoir que le protonotaire a commis une erreur en concluant que le demandeur n'avait pas réussi à établir que _ les éléments de preuve en question _ n'étaient pas disponibles au moment où il a mis son dossier en état, ou qu'il n'aurait pas pu les présenter plus tôt, même s'il avait fait preuve de plus de diligence.


[8]                 Peu importe que les diapositives aient été ou non déposées en preuve au moment où la requête visant la présentation d'autres éléments de preuve a été déposée, les pièces en cause, décrites par le demandeur comme étant _ d'autres éléments de preuve et d'autres arguments _ étaient clairement à sa disposition au moment où la requête en sursis a fait l'objet de délibérations le 25 juin 2003. Pourtant, le demandeur a attendu un mois avant de présenter une requête sollicitant l'autorisation de soumettre ces autres pièces documentaires, et ce, seulement après que le défendeur ait déposé ses pièces documentaires. L'article 10(1) des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 (les Règles), prévoit qu'un demandeur doit mettre en état sa demande dans les 30 jours suivant le dépôt de sa demande, ou dans les 30 jours suivant la réception des motifs écrits de la décision. En l'espèce, la période de 30 jours expirait le 23 juin 2003, un mois après le dépôt de l'avis de demande d'autorisation. Le demandeur a décidé de mettre son dossier en état le 20 juin 2003, ce qui indiquait que son dossier était complet.

[9]                 Pour obtenir une ordonnance de prorogation du délai prévu pour déposer un dossier de demande complémentaire, le demandeur doit justifier son retard. Le demandeur prétend que, parce qu'il a mis son dossier en état très tôt, il était en position de se défendre adéquatement contre le défendeur qui essayait de l'expulser le 25 juin 2003, et par conséquent d'obtenir un sursis d'exécution d'une ordonnance d'expulsion. Le demandeur ajoute que le défendeur avait pris connaissance des autres arguments juridiques puisque ceux-ci avaient été présentés oralement et par écrit dans le cadre de sa demande de sursis, et que le défendeur ne subirait donc aucun préjudice par suite de l'introduction de ces nouvelles pièces documentaires.


[10]            Même si j'acceptais la prétention du demandeur voulant que le défendeur est déjà au courant des arguments qu'il souhaite introduire au moyen d'un mémoire des faits et du droit complémentaire, cela n'aiderait pas la cause du demandeur. Aux termes des Règles, les parties n'ont qu'une occasion de présenter leur cause et c'est quand elles déposent leurs dossiers respectifs. Une fois que le demandeur a déposé son dossier, le défendeur devrait avoir une connaissance complète des éléments de preuve et des arguments du demandeur et il devrait être en position de préparer une réponse informée. Dans les circonstances de l'espèce, permettre au demandeur de déposer une argumentation complémentaire après que le défendeur a déposé son dossier reviendrait à permettre au demandeur de _ diviser son affaire _. Pour éviter que le défendeur ne subisse un préjudice, il faudrait lui accorder un droit de réplique, ce qui n'est pas prévu dans les Règles. Un pareil élargissement du processus n'est pas prévu dans les Règles et irait à l'encontre de l'esprit de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et des Règles de la Cour qui est de traiter sommairement et rapidement les instances de contrôle judiciaire de décisions rendues par des tribunaux administratifs.

[11]            À mon avis, le protonotaire n'a pas commis d'erreur en exerçant son pouvoir discrétionnaire. En l'absence d'une explication parfaitement convaincante du retard, le protonotaire ne s'est pas trompé en se prononçant comme il l'a fait. L'évitement de retards dans le traitement des instances de contrôle judiciaire et le préjudice que pourrait subir le défendeur sont des éléments valides dont le protonotaire a adéquatement tenu compte.

[12]            Le demandeur n'a pas réussi à prouver que le protonotaire a commis une quelconque erreur de droit ou que la requête soulève des questions ayant une influence déterminante sur l'issue de la cause.

Conclusion

[13]            Pour les motifs exposés ci-dessus, la requête sera rejetée.


                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.        La requête du demandeur soumise conformément à l'article 51(1) des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, en appel de la décision du protonotaire Lafrenière rendue le 5 août 2003, soit rejetée.

                                                                        _ Edmond P. Blanchard _             

                                                                                                             Juge                                

Traduction certifiée conforme

Josette Noreau, B.Tra.


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                     IMM-3844-03

INTITULÉ :                                    Sai Yin Zhou c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :            Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 25 août 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET

ORDONNANCE :                       LE JUGE BLANCHARD

DATE :                                             Le 15 septembre 2003

COMPARUTIONS :

POUR LE DEMANDEUR

Sally Thomas                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Joel Etienne                                       POUR LE DEMANDEUR

Bureau 601-B - 1280, av. Finch Ouest

Toronto (Ontario)    M3J 3K6

Morris Rosenberg                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général

Ministère de la Justice

3400 - 130, rue King

Toronto (Ontario)    M5X 1K6


Dossier : IMM-3844-03

ENTRE :

                   SAI YIN ZHOU

demandeur

                              - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

         ET DE L'IMMIGRATION

                                                 défendeur

                                                                                          

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                             


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