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Date : 20030528

Dossier : IMM-5353-02

Référence : 2003 CFPI 671

Ottawa (Ontario), le 28 mai 2003

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge James Russell

ENTRE :

                                                              BHARAT RAM

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                 Il s'agit d'une demande présentée en vertu de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985) ch. I-27 (la Loi) en vue de l'examen d'une décision d'une agente des visas. Le demandeur s'est vu refuser la résidence permanente par N. M. Egan (l'agente des visas) au Centre régional des programmes d'immigration, à Buffalo (New York). Le refus est fondé sur le fait que l'agente des visas n'a attribué que 45 points au demandeur.

Les faits

[2]                 Le demandeur est un citoyen de l'Inde âgé de 35 ans qui est au Canada depuis environ le mois d'avril 1997. Depuis lors, il a travaillé dans deux restaurants spécialisés dans la cuisine indienne grâce à des permis de travail valides de Citoyenneté et Immigration Canada. Il a commencé à travailler au restaurant The HOST, à Toronto, grâce à un permis de travail valide, au mois de décembre 1999.

[3]                 Avant d'arriver au Canada, la demandeur avait travaillé comme chef spécialisé dans les mets étrangers à Berlin, en Allemagne, pendant trois ans, grâce également à un permis de travail valide. Avant de quitter l'Inde, le demandeur travaillait également comme cuisinier.

[4]                 Le demandeur parle l'anglais; il est marié et a deux enfants. Son employeur actuel, le restaurant The HOST, a soumis avec la demande une lettre indiquant qu'un emploi serait disponible pour le demandeur une fois qu'il aurait obtenu le statut de résident permanent.


[5]                 La lettre de refus de l'agente des visas N. M. Egan a été envoyée au demandeur le 23 septembre 2002. La lettre indiquait que le demandeur appartenait à la catégorie de personnes visées à l'alinéa 19(2)d) de la Loi étant donné qu'il ne remplissait pas toutes les conditions de la Loi, de sorte qu'il n'était pas admissible au Canada. La lettre était en partie ainsi libellée :

[TRADUCTION] Je vous ai apprécié à l'égard de la profession [de chef, no 6241.3 de la CNP], comme vous l'avez demandé dans votre demande, profession que vous pouvez raisonnablement envisager d'exercer au Canada. Lorsque vous avez été apprécié dans cette profession, vous n'avez pas obtenu un nombre suffisant de points d'appréciation pour être admissible à titre d'immigrant au Canada. Je suis convaincue que les points que vous avez obtenus reflètent d'une façon exacte les chances de réussir votre installation au Canada.

[6]                 La lettre de refus a été envoyée sans que l'agente des visas accorde d'entrevue. Le règlement exige uniquement qu'une entrevue soit tenue lorsque l'appréciation effectuée avant l'entrevue indique que le demandeur obtiendra au moins 60 points.

Les points litigieux

[7]                 Le demandeur déclare que les trois questions dont la Cour est ici saisie sont les suivantes :

1.         L'agente des visas a commis une erreur en n'attribuant pas de points au demandeur pour son emploi réservé au restaurant The HOST;

2.         L'agente des visas a commis une erreur en n'attribuant pas de points au demandeur pour la personnalité;

3.         Étant donné que le demandeur avait terminé ses études secondaires, l'agente des visas a commis une erreur en ne lui attribuant pas de points pour les études.


[8]                 Le défendeur souligne qu'afin d'avoir gain de cause dans cette demande, le demandeur doit obtenir une décision favorable pour chacune des trois questions qu'il a soulevées.

Les dispositions législatives pertinentes

[9]                 Les parties pertinentes de l'article 19 de la Loi sont ainsi libellées :

19.(2) Appartiennent à une catégorie non admissible les immigrants et, sous réserve du paragraphe (3), les visiteurs qui :

[...]

d) soit ne se conforment pas aux conditions prévues à la présente loi et à ses règlements ou aux mesures ou instructions qui en procèdent, soit ne peuvent le faire.

(3) L'agent principal ou l'arbitre peut, lorsque les motifs de la demande lui semblent justifier l'admission, accorder l'autorisation de séjour à des personnes faisant partie de l'une des catégories non admissibles visées au paragraphe (2), sous réserve des conditions qu'il juge appropriées et pour une durée maximale de trente jours.

19.(2) No immigrant and, except as provided in subsection (3), no visitor shall be granted admission if the immigrant or visitor is a member of any of the following classes :

. . .

(d) persons who cannot or do not fulfil or comply with any of the conditions or requirements of this Act or the regulations or any orders or directions lawfully made or given under this Act or the regulations.

(3) A senior immigration officer or an adjudicator, as the case may be, may grant entry to any person who is a member of an inadmissible class described in subsection (2) subject to such terms and conditions as the officer or adjudicator deems appropriate and for a period not exceeding thirty days, where, in the opinion of the officer or adjudicator, the purpose for which entry is sought justifies admission.


Analyse

La norme de contrôle

[10]            Ni l'une ni l'autre partie n'a examiné la norme de contrôle pertinente à appliquer en l'espèce. La Cour fédérale n'a pas toujours déterminé d'une façon uniforme la norme de contrôle appropriée à appliquer à la décision d'un agent des visas. Dans certains cas, les juges ont appliqué la norme de la décision manifestement déraisonnable, alors que dans d'autres cas, les juges ont utilisé la norme de la décision raisonnablesimpliciter, en suivant la décision rendue par Madame le juge Reed dans l'affaire Hao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 296 (1re inst.). Dans cette décision, le juge a appliqué l'approche pragmatique et fonctionnelle énoncée dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, et a conclu qu'étant donné qu'il n'y avait pas de clause privative, mais qu'un droit d'appel était prévu par la loi, la balance penchait du côté de la décision raisonnable simpliciter.

[11]            Dans la décision Yin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 985 (1re inst.), Monsieur le juge O'Keefe a également utilisé comme suit l'approche pragmatique ou fonctionnelle; il a tiré une conclusion similaire au paragraphe 20 :

1. Il n'y a pas de clause privative et il n'est pas nécessaire d'obtenir une autorisation avant de pouvoir présenter une demande de contrôle judiciaire [...]. Ces faits tendent à indiquer que la Cour doit faire preuve d'une moins grande retenue à l'égard de la décision de l'agent des visas.


2. En l'espèce, l'auteur de la décision est un agent d'immigration qui a été désigné par le ministre en vertu du paragraphe 109(2) de la Loi. Comme l'agent d'immigration est, dans le cas qui nous occupe, postée à l'extérieur du Canada, elle est désignée sous l'appellation d'agent des visas. Les agents des visas examinent régulièrement des demandes de visa et possèdent de vastes connaissances spécialisées dans ce domaine. Ces facteurs tendent eux aussi à indiquer que la Cour doit faire preuve d'un plus grande retenue à l'égard de la décision de l'agent des visas.

3. Aux termes de l'article 11 et de l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978, l'agent des visas doit décider si le demandeur remplit les conditions requises pour obtenir un visa pour entrer au Canada. L'agent des visas dispose d'un large pouvoir discrétionnaire, mais il doit se guider sur l'annexe I. Il s'ensuit selon moi que la décision de l'agent des visas a droit à une plus grande retenue de la part de la Cour, mais pas à une retenue totale.

4. Le débat en l'espèce porte sur la constatation des faits et sur l'application de ces faits aux balises proposées par le Règlement. Ainsi, la question est une question mixte de droit et de faits et, pour cette raison, le degré de retenue judiciaire qu'il convient d'appliquer est celui du caractère raisonnable simpliciter.

[12]            Le juge O'Keefe a donc conclu que la norme de contrôle de la décision prise par un agent des visas à l'égard d'une demande de résidence permanente est celle du caractère raisonnable simpliciter.

[13]            En général, c'est la norme de contrôle qui est appropriée, à mon avis, aux fins de l'examen des décisions fondées sur des questions de fait et de droit prises par l'agente des visas dans ce cas-ci.

Emploi réservé

[14]            Dans son affidavit, l'agente des visas a expliqué pourquoi elle n'avait pas attribué de points au demandeur dans cette catégorie :

[TRADUCTION] Afin d'avoir droit à des points additionnels pour l'emploi réservé, M. Ram devrait avoir un permis de travailleur étranger permanent, ce qui veut dire que son employeur aurait dû demander ce document par l'entremise du centre de développement des ressources humaines. Étant donné que l'employeur ne l'a pas fait, et qu'il n'existe au dossier rien qui montre que pareille demande est en cours de traitement, M. Ram ne pouvait pas obtenir de points additionnels pour ce facteur.


[15]            L'avocat du demandeur signale que le demandeur travaille comme chef à Toronto depuis 1997 et que, pendant cette période, il a été en possession de quatre permis de travail valides. Le demandeur était en possession d'un permis de travail valide au moment où la demande a été soumise et examinée. Le demandeur affirme qu'il a donc droit à dix points pour ce facteur et que l'agente des visas n'a pas tenu compte de la preuve dont elle disposait au sujet de l'emploi réservé.

[16]            L'avocat du défendeur souligne que même si l'employeur du demandeur a fait savoir que le demandeur exercerait un emploi à plein temps dans son établissement si la résidence permanente lui était accordé, il n'a pas indiqué qu'il soumettrait une offre d'emploi permanente pour que le service national de placement procède à une évaluation. Tous les permis de travail du demandeur étaient de nature temporaire. Selon le facteur 5 de l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978, pour que des points puissent être attribués, il faut obtenir une évaluation du poste permanent par le service national de placement plutôt qu'un permis de travail temporaire.

[17]            Le facteur 5 de l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978 exige, entre autres choses, ce qui suit :


5.a) le requérant a, au Canada un emploi réservé qui, d'après les renseignements fournis par le service national de placement, offre des perspectives de durée raisonnablement bonnes et des conditions de travail et un salaire de nature à attirer des citoyens canadiens ou des résidents permanents pour qu'ils exercent et continuent d'exercer l'emploi en question [...]

5.(a) the person has arranged employment in Canada that, based on the information provided by the National Employment Service, offers reasonable prospects of continuity and wages and working conditions sufficient to attract and retain in employment Canadian citizens or permanent residents...

[18]            Dans la décision D'Souza c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1990), 12 Imm. L.R. (2d) 268, la Cour a clairement dit qu'il n'existe aucune exigence découlant implicitement de la Loi ou du Règlement voulant qu'un agent des visas consulte de son propre chef le service national de placement. Il incombe au demandeur de démontrer à la satisfaction de l'agent des visas que les critères d'admission ont été respectés.

[19]            En l'espèce, même si le demandeur a travaillé au Canada en vertu de permis de travail consécutifs valides, rien ne montre que l'on ait remis à l'agente des visas l'évaluation requise du service national de placement ou que les conditions prévues selon le facteur 5 de l'annexe I aient été remplies. Il n'est donc pas possible de reprocher à l'agente des visas la décision qu'elle a prise à cet égard.

Études

[20]            Le facteur Études posait également des problèmes. Sur ce point, l'agente des visas a dit ce qui suit dans son affidavit :


[TRADUCTION] Dans sa demande, M. Ram a déclaré qu'il avait effectué deux années d'études secondaires. Il n'a pas établi que cela représentait des études secondaires complètes ou que deux années d'études secondaires lui permettaient de s'inscrire au collège ou à l'université.

[21]            Le demandeur déclare avoir soumis une preuve documentaire montrant qu'il avait terminé ses études secondaires, de sorte qu'il aurait dû obtenir cinq points.

[22]            Le défendeur signale que la documentation qui a été versée au dossier au sujet du temps que le demandeur avait passé à l'école secondaire montre que celui-ci avait uniquement suivi six cours. La documentation ne montre pas que le demandeur a terminé ses études secondaires.

[23]            Selon la demande qui a été soumise le 15 août 2001, le demandeur a [TRADUCTION] « effectué dix années d'études et a obtenu un certificat d'examen ou certificat d'examen officiel d'études secondaires » . Selon le formulaire IMM 0008 (10-1999) DEMANDEUR INDÉPENDANT, le demandeur avait effectué huit années d'études élémentaires ou primaires et deux années d'études secondaires.


[24]            Selon le premier facteur de l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978, aucun point d'appréciation n'est attribué lorsqu'un diplôme d'études secondaires n'a pas été obtenu ou, lorsqu'un diplôme d'études secondaires a été obtenu, cinq points seulement peuvent être attribués si le diplôme ne rend pas le titulaire admissible à des études universitaires et ne lui confère pas de qualification de membre d'un corps de métier ou d'un groupe professionnel dans le pays où il a été obtenu.

[25]            Un certificat non traduit qui, selon le demandeur, est son diplôme d'études secondaires, est versé dans le dossier certifié du tribunal. Le défendeur signale que la partie de ce diplôme qui est rédigée en anglais énumère simplement six cours suivis par le demandeur. Il n'y a rien qui soit rédigé en anglais qui montre que le demandeur a terminé ses études secondaires.

[26]            Le demandeur affirme que l'agente des visas aurait dû renvoyer ce certificat à un agent des visas compétent pour en éclaircir le sens et obtenir des conseils à ce sujet. Le défendeur affirme que le Guide applicable prévoit simplement que l'agent des visas devrait renvoyer un document de cette nature pour obtenir des conseils. L'agente des visas n'était pas tenue de le faire et, de toute façon, l'omission de suivre cette ligne de conduite n'est pas susceptible de révision.


[27]            Les décisions Ho c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 88 F.T.R. 146 (1re inst.) et Cheng c. Canada (Secrétaire d'État) (1994), 25 Imm. L.R. (2d) 162 (1re inst.) indiquent que même si les lignes directrices sont importantes, elles n'ont pas force de loi et l'omission de les suivre ne constitue pas en soi une erreur suffisante afin de renvoyer l'affaire pour qu'une nouvelle décision soit prise. En outre, la décision Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 152 F.T.R. 316 (1re inst.) semble faire autorité à l'appui de la thèse selon laquelle, devant une ambiguïté, il n'incombe pas à l'agent des visas d'enquêter plus à fond, à condition que l'agent ait agi de bonne foi et qu'il ne se soit pas volontairement montré aveugle. En l'espèce, l'agente des visas a signalé dans son affidavit que, dans sa demande, le demandeur avait déclaré avoir effectué deux années d'études secondaires, mais qu'il n'avait pas établi que cela représentait des études secondaires complètes ou que deux années d'études lui permettraient de s'inscrire au collège où à l'université. Encore une fois, il est difficile de blâmer l'agente pour l'approche qu'elle a adoptée ou de conclure que ses conclusions sont déraisonnables.

[28]            Cela étant, il serait inutile d'examiner l'affaire plus à fond compte tenu des questions soulevées par le demandeur.

[29]            La demande de contrôle judiciaire est par conséquent rejetée.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucune question ne sera certifiée.

                          « James Russell »                  

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                               IMM-5353-02

INTITULÉ :                                                              BHARAT RAM c. MCI

DATE DE L'AUDIENCE :                                    Le 23 avril 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                      Monsieur le juge James Russell

DATE DES MOTIFS :                                            Le 28 mai 2003

COMPARUTIONS :

M. David Yerzy                                                           POUR LE DEMANDEUR

M. Martin Anderson                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. David Yerzy                                                          POUR LE DEMANDEUR

14, avenue Prince

Bureau 108

Toronto (Ontario)

M5R 1A9

M. Martin Anderson                                                   POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

Bureau régional de l'Ontario

The Exchange Tower

130, rue King ouest

Bureau 3400, C.P. 36

Toronto (Ontario)

M5Z 1K6


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Date : 20030528

Dossier : IMM-5353-02

ENTRE :

BHARAT RAM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                                 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                 

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