Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20211105


Dossier : IMM‑3304‑17

Référence : 2021 CF 1190

[traduction française]

Ottawa (Ontario), le 5 novembre 2021

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

DOLMA TSERING

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse est une Tibétaine née en Inde qui sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés [la SPR] rejetant sa demande d’asile présentée au titre des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[2] Comme il est expliqué plus en détail ci‑après, la présente demande est rejetée parce que, après avoir pris en compte les arguments avancés par la demanderesse, je conclus que la décision de la SPR est raisonnable.

II. Contexte

[3] La demanderesse est née en Inde, de parents tibétains. Elle prétend qu’elle n’a pas la citoyenneté indienne, qu’elle est plutôt une citoyenne de la Chine, et que, par conséquent, elle ne peut pas retourner en Inde de crainte d’être déportée en Chine et d’y être persécutée en raison de sa nationalité tibétaine et de ses croyances politiques et religieuses en tant que disciple de Sa Sainteté le Dalaï‑Lama.

[4] Les parents de la demanderesse ont fui le Tibet pour aller en Inde après avoir pris part au soulèvement tibétain de 1959. La demanderesse est née à Kollegal, en Inde, le 14 janvier 1985. Elle a terminé ses études secondaires à Kollegal et a ensuite travaillé à l’exploitation agricole familiale. Elle s’est rendue au Japon en 2012 pour étudier l’agriculture organique pendant un an.

[5] La demanderesse dispose d’un certificat d’enregistrement, mais ne possède pas de passeport indien. Elle n’a pas non plus de certificat de naissance, parce que ses parents n’avaient pas déclaré sa naissance. La demanderesse affirme qu’en 2016, avant son arrivée au Canada, elle avait tenté d’obtenir un passeport indien, mais qu’elle s’était fait dire qu’elle n’avait pas les documents requis, plus particulièrement un certificat de naissance ou une autre preuve de naissance. Elle a aussi consulté un avocat, qui lui avait fait savoir qu’elle n’était pas admissible à la citoyenneté.

[6] La demanderesse a obtenu un visa pour les États‑Unis en 2016, et elle est allée à New York. En janvier 2017, elle est entrée au Canada par voie terrestre et a demandé l’asile. Elle a un frère plus âgé qu’elle, qui est aussi né en Inde, le 21 septembre 1976 et qui a obtenu l’asile au Canada en 2009.

III. Décision de la Section de la protection des réfugiés

[7] Dans une décision datée du 7 juin 2017 [la décision], la SPR a rejeté la demande d’asile de la demanderesse fondée sur les articles 96 et 97 de la LIPR, après avoir conclu qu’elle n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger. Les questions déterminantes étaient celles de l’identité, de la nationalité et du pays de référence de la demanderesse.

[8] En ce qui concerne l’identité, la SPR a accepté l’affirmation de la demanderesse selon laquelle elle était tibétaine, mais elle a conclu que, malgré son identité tibétaine, elle était en droit d’obtenir la citoyenneté indienne. Pour ce qui est de la nationalité, la SPR a fait remarquer que les demandeurs d’asile ne peuvent se voir accorder l’asile lorsqu’ils peuvent obtenir la citoyenneté d’un autre pays et qu’il est en leur pouvoir d’acquérir la citoyenneté de ce pays.

[9] La SPR a invoqué le paragraphe 3(1) de la loi de 2003 sur la citoyenneté (version modifiée) de l’Inde [loi sur la citoyenneté], selon lequel est citoyenne de l’Inde de naissance toute personne née en Inde entre le 26 janvier 1950 et le 1er juillet 1987. Elle a reconnu que, en dépit de cette loi, les autorités indiennes hésitaient à reconnaître comme des citoyens indiens les Tibétains nés pendant la période visée. Toutefois, elle a aussi souligné qu’en 2010, en 2013 et en 2014, les Hautes Cours de Delhi et du Karntaka avaient ordonné aux autorités de délivrer un passeport aux requérants et avaient conclu que les requérants étaient en droit d’obtenir la citoyenneté indienne. De plus, la SPR a signalé une décision de la Haute Cour de Delhi ayant ordonné au ministère des Affaires extérieures de reconnaître en tant que citoyens de l’Inde les Tibétains qui satisfont aux exigences de la loi sur la citoyenneté.

[10] Après avoir conclu que la demanderesse avait vraisemblablement droit à la citoyenneté indienne, la SPR a apprécié les éléments de preuve produits par la demanderesse concernant ses tentatives pour obtenir la citoyenneté. La SPR a accordé peu de poids à un affidavit du cousin de la demanderesse dans lequel il était affirmé que la demanderesse n’avait pas pu obtenir de passeport parce qu’il lui manquait des documents, car, selon elle, le document comportait peu de détails quant aux efforts déployés par la demanderesse pour obtenir les documents exigés.

[11] De même, la SPR a accordé peu de poids à la lettre de l’avocat que la demanderesse avait consulté, selon qui elle ne pouvait pas obtenir la citoyenneté sans certificat de naissance. La SPR a conclu que la date de naissance était l’élément important permettant d’établir l’admissibilité à l’obtention d’un passeport et a renvoyé aux documents produits par la conseil de la demanderesse devant la SPR, selon lesquels un certain nombre de documents peuvent être présentés pour prouver la date de naissance.

[12] La SPR a également apprécié l’affidavit d’une amie de la demanderesse qui avait accompagné celle‑ci au haut‑commissariat de l’Inde à Toronto. Selon l’affidavit, les employés du haut‑commissariat ont fait savoir à la demanderesse qu’ils ne savaient rien de la note ordonnant qu’un passeport soit délivré aux Tibétains nés en Inde pendant la période visée. La SPR a estimé que cet affidavit avait peu de valeur probante parce que le manque de connaissance des employés du haut‑commissariat n’influait pas sur la question de savoir si la demanderesse pouvait demander la citoyenneté. De plus, l’affidavit ne mentionnait pas si la demanderesse disposait de tous les documents voulus.

[13] Enfin, la SPR a apprécié les affidavits de trois autres personnes affirmant avoir tenté sans succès d’obtenir un passeport même si elles avaient les documents exigés. Elle a conclu que, puisqu’il s’agissait de copies de mauvaise qualité ayant été produites après l’audience et qu’elles ne comportaient aucune vérification de l’identité de leurs auteurs, et parce que la poursuite de l’audience n’avait pas été demandée pour vérifier la véracité des affirmations, ils n’avaient aucun poids.

[14] La SPR a souligné que la demanderesse disposait d’une copie de son certificat d’enregistrement, sur lequel figurent sa date et son lieu de naissance, et que, lorsqu’elle était allée au Japon, elle était munie d’un titre de voyage international connu sous le nom de certificat d’identité. Elle a conclu que la demanderesse n’avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il lui fallait un certificat de naissance pour obtenir un passeport et qu’elle avait suffisamment d’éléments de preuve pour établir qu’elle était née en Inde pendant la période visée. Elle a aussi conclu que, comme la demanderesse était instruite et avertie, elle pouvait obtenir l’aide voulue pour présenter une demande de passeport indien.

[15] Après avoir examiné la jurisprudence canadienne pertinente, la SPR s’est penchée sur la question de savoir si la demanderesse avait déployé des efforts raisonnables pour surmonter les prétendus obstacles afin d’exercer son droit à la citoyenneté indienne. En se fondant sur les éléments de preuve documentaire, la SPR a conclu que la demanderesse avait déployé des efforts superficiels et qu’elle n’avait pas produit suffisamment d’éléments de preuve pour établir qu’elle ne pouvait pas demander les documents qu’elle prétendait être nécessaires pour obtenir un passeport. En faisant remarquer que la demanderesse n’était ni peu avertie ni simple, la SPR a conclu que la demanderesse était débrouillarde et qu’elle disposait des ressources nécessaires pour obtenir les documents qui lui permettraient de présenter une demande de passeport.

[16] Par conséquent, la SPR a conclu que le pays de référence de la demanderesse était l’Inde et qu’elle est une citoyenne de ce pays. La demanderesse n’a produit aucune preuve qu’elle risquait de subir un préjudice si elle devait retourner en Inde, puisque ses craintes alléguées ne se rapportaient qu’à l’expulsion vers la Chine. Puisque la SPR a conclu que la demanderesse avait droit à la citoyenneté indienne et qu’elle avait le pouvoir d’exercer ce droit, elle a rejeté la demande d’asile de la demanderesse.

IV. Questions en litige et norme de contrôle

[17] Les parties conviennent que la seule question en litige dans le présent contrôle judiciaire est celle de savoir si la SPR a commis une erreur dans son appréciation de la nationalité. Cette question est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

V. Analyse

[18] La demanderesse a avancé deux grands arguments à l’appui de sa position selon laquelle la décision est déraisonnable. En premier lieu, elle affirme que, comme elle l’a fait savoir devant la SPR, son frère a obtenu l’asile au Canada en 2009. Elle soutient que, en dépit du fait que la situation de son frère et la sienne sont identiques, la SPR a rendu des décisions contraires sans fournir d’explication quant aux résultats différents.

[19] Elle invoque, à l’appui de sa position, la décision Losel c Canada (Citoyenneté et Immigration), IMM‑7989‑14, 9 octobre 2015 [Losel], dans laquelle le juge Brown a affirmé :

[traduction]

Je conçois parfaitement que les demandes d’asile présentées par des membres d’une même famille au titre des articles 96 et 97 de la LIPR puissent avoir des issues différentes. Chaque demande d’asile doit clairement être appréciée de manière indépendante. En règle générale, il faut évidemment effectuer des appréciations du risque distinctes au titre des articles 96 et 97 parce que le risque touche personnellement chaque demandeur d’asile et comporte des considérations tant objectives que subjectives pouvant être différentes d’un demandeur d’asile à l’autre.

Cependant, quand il s’agit d’établir la nationalité de deux membres d’une fratrie qui semblent être dans une situation identique et auxquels les mêmes lois et les mêmes faits s’appliquent, il n’est pas raisonnable que la SPR rende des décisions contraires. Chaque décision doit être raisonnable. Cependant, ces deux décisions, l’une statuant que le demandeur d’asile est un citoyen de l’Inde et l’autre, que sa sœur est une citoyenne de la Chine, ne peuvent pas être toutes les deux raisonnables. L’une des deux est forcément déraisonnable, particulièrement eu égard aux considérations législatives relatives au regroupement familial auxquelles la SPR doit se reporter. Les décisions contraires de ce genre rendues par la SPR peuvent aussi soulever des préoccupations relatives au respect de la primauté du droit, ce qui nécessite l’intervention de la Cour comme il est souligné dans l’arrêt Wilson c Énergie atomique du Canada Limitée, 2015 CAF 17.

Lorsqu’une première décision a déjà été rendue quant à la nationalité d’un membre de la fratrie, la SPR doit apporter une attention particulière quand elle se penche sur la nationalité d’un autre membre de la fratrie se trouvant dans une situation identique dans une affaire subséquente. En l’espèce, la SPR n’a pas pu consulter les éléments de preuve de la sœur qui auraient dû être présentés. La SPR ne disposait pas des motifs pour lesquels la sœur avait obtenu le statut de réfugié, même si le dossier la présentait comme étant Tibétaine/Chinoise.

J’estime qu’un tribunal de la SPR doit respecter la décision prise par un tribunal antérieur quant à la nationalité d’un membre de la fratrie se trouvant dans la même situation qu’un autre membre sauf si le second tribunal établit des distinctions entre les deux cas au moyen de motifs clairs et convaincants, ce qu’il n’a pas fait.

[Passages soulignés par la demanderesse.]

[20] La demanderesse prétend que, au sujet de la situation de son frère, la SPR s’est contentée de souligner qu’il avait demandé l’asile en 2009 et qu’il était désormais un citoyen canadien. Elle soutient que la décision ne renferme pas de motifs clairs et convaincants expliquant la différence dans l’issue des demandes d’asile présentées par son frère et par elle et elle affirme que, vu l’absence de tels motifs, la décision n’est pas transparente, intelligible et justifiée, comme l’exige la norme de la décision raisonnable telle qu’elle est énoncée dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 15 [Vavilov].

[21] Je souscris à l’observation du défendeur selon laquelle le principe énoncé dans la décision Losel n’aide pas la cause de la demanderesse. Comme le soutient le défendeur, la décision reposait en grande partie sur les décisions des Hautes Cours en Inde, qui ont ordonné que des passeports soient délivrés aux résidents tibétains établis en Inde qui sont nés dans ce pays pendant la période spécifique prévue par la loi sur la citoyenneté. Ces décisions ont été rendues en 2010, en 2013, en 2014 et en 2016 et, par conséquent, sont postérieures à la décision rendue par la SPR à l’égard de la demande d’asile présentée par le frère de la demanderesse en 2009.

[22] Je reconnais que, comme l’affirme la demanderesse, la décision ne dit pas expressément que, à cause des décisions rendues par les Hautes Cours dans l’intervalle, la demande d’asile de la demanderesse connaît une issue différente de celle de son frère. Cependant, je ne crois pas que la décision Losel exige qu’il faille le préciser dans les circonstances de l’espèce. Le principe énoncé dans la décision Losel est décrit comme s’appliquant dans le contexte de deux membres d’une fratrie se trouvant apparemment dans des situations identiques et auxquels les mêmes dispositions législatives et les mêmes faits s’appliquaient. Les décisions des Hautes Cours représentent un changement dans le contexte juridique (ou, peut‑être, le contexte factuel représenté par le droit étranger) dans le cadre duquel les deux demandes d’asile ont été tranchées.

[23] De façon plus générale, je considère l’explication présentée dans la décision Losel, soit que la SPR doit fournir des motifs clairs et convaincants quand elle rend des décisions différentes sur la nationalité relativement à deux membres d’une fratrie se trouvant dans la même situation, comme un élément de l’exigence globale voulant que les décisions administratives soient transparentes, intelligibles et justifiées telle qu’elle a été énoncée ultérieurement dans l’arrêt Vavilov. J’estime que cet aspect du raisonnement de la SPR est tout à fait intelligible. Dans le contexte des décisions rendues par les Hautes Cours en Inde, la demanderesse ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer qu’elle ne pouvait pas exercer son droit à la citoyenneté indienne.

[24] Par conséquent, je conclus que le premier argument avancé par la demanderesse ne mine pas le caractère raisonnable de la décision.

[25] En second lieu, la demanderesse prétend que la SPR, en appliquant le critère régissant les obstacles allégués pour faire valoir le droit à la citoyenneté, a omis d’examiner ses attributs particuliers (p. ex. sa scolarisation, son niveau intellectuel, et sa situation financière) et a par conséquent négligé d’effectuer une analyse adéquate de sa situation personnelle lorsqu’elle a apprécié le caractère raisonnable des efforts qu’elle avait déployés pour surmonter les obstacles.

[26] La consultation d’une partie de la jurisprudence applicable nous aidera à comprendre l’argument avancé par la demanderesse. Comme l’a expliqué la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Williams, 2005 CAF 126 au para 27, lorsque la citoyenneté d’un autre pays peut être réclamée, le demandeur est censé entreprendre des démarches pour l’obtenir et il se voit refuser la qualité de réfugié s’il est démontré qu’il était en son pouvoir d’acquérir cette autre citoyenneté. La Cour d’appel fédérale a énoncé le critère applicable dans l’arrêt Tretsetsang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 175 [Tretsetsang] au para 72, en ces termes :

72 Par conséquent, le demandeur qui invoque un obstacle à l’exercice de son droit à la citoyenneté dans un pays donné doit établir selon la prépondérance des probabilités :

a) qu’il existe un obstacle important dont on pourrait raisonnablement croire qu’il l’empêche d’exercer son droit à la protection de l’État que lui confère la citoyenneté dans le pays dont il a la nationalité;

b) qu’il a fait des efforts raisonnables pour surmonter l’obstacle, mais que ces efforts ont été vains et qu’il n’a pu obtenir la protection de l’État.

[27] Il est précisé dans l’arrêt Tretsetsang, au paragraphe 73, que ce qui constitue des efforts raisonnables pour surmonter un obstacle important dans une situation donnée ne peut être déterminé qu’au cas par cas.

[28] Par la suite, la Cour, dans la décision Namgyal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1060 [Namgyal], est revenue sur l’explication fournie dans l’arrêt Tretsetsang quant au second volet du critère en définissant les éléments dont le tribunal a besoin, quand il applique ce volet du critère, pour prendre en compte les attributs particuliers du demandeur. Dans la décision Namgyal, la demanderesse était une femme avec une troisième année de scolarité qui avait reçu des opinions juridiques l’informant qu’elle n’avait pas droit à la citoyenneté indienne en vertu de la loi indienne. La Cour a conclu que la Section d’appel des réfugiés avait commis une erreur en omettant d’effectuer l’analyse au cas par cas prescrite par l’arrêt Tretsetsang, en demandant s’il était raisonnable de s’attendre à ce qu’une personne revêtant les attributs particuliers de la demanderesse, y compris un faible niveau d’instruction, fasse des démarches supplémentaires pour tenter de faire reconnaître sa citoyenneté indienne, une fois qu’elle eut obtenu une opinion juridique défavorable.

[29] En l’espèce, la demanderesse affirme que la décision contient la même erreur que celle qui est soulignée dans la décision Namgyal, soit que la SPR a omis de prendre en compte ses attributs particuliers (une jeune agricultrice avec des études secondaires, comme scolarité, qui a consulté un avocat et obtenu une opinion défavorable) quand elle a conclu qu’elle n’avait pas fait des efforts raisonnables pour faire valoir son droit à la citoyenneté indienne.

[30] Je ne puis conclure que la SPR a commis une erreur dans son analyse ayant trait au second volet du critère énoncé dans l’arrêt Tretsetsang. La SPR a fait remarquer que la demanderesse n’était ni peu avertie ni simple, qu’elle avait voyagé et habité à l’étranger et qu’elle était débrouillarde. Elle a conclu que la demanderesse disposait des ressources nécessaires pour obtenir les documents qui lui permettraient de présenter une demande de passeport et que, si elle avait besoin d’aide pour ce faire, elle disposait des ressources nécessaires pour en obtenir. En dépit du fait que la SPR n’a pas renvoyé à la décision Namgyal, elle a effectué précisément ce type d’analyse au cas par cas, en tenant compte des attributs particuliers de la demanderesse, comme l’exige la décision Namgyal.

[31] En invoquant son travail, son niveau de scolarité et le fait qu’elle a reçu une opinion juridique défavorable, la demanderesse conteste le caractère raisonnable de cette analyse. Elle renvoie aussi aux éléments de preuve qui ont été présentés à la SPR au sujet des efforts déployés en vain par d’autres personnes et par elle pour obtenir la citoyenneté à la suite des décisions rendues par les Hautes Cours indiennes. Cependant, je souscris à la position du défendeur selon laquelle ces arguments équivalent à un désaccord avec l’appréciation de la preuve effectuée par la SPR, ce qui ne constitue pas un fondement permettant à la Cour d’intervenir en contrôle judiciaire.

[32] J’ai pris en compte, en particulier, l’argument avancé par la demanderesse selon lequel la SPR, quand elle a examiné la question de savoir si elle avait déployé des efforts raisonnables pour surmonter les obstacles rencontrés afin de faire reconnaître son droit à la citoyenneté, n’a pas tenu compte de l’opinion juridique défavorable. Je conviens avec la demanderesse que la décision ne renferme pas de mention expresse que le document a été pris en compte dans cette partie de l’analyse. Cependant, ailleurs dans la décision, la SPR renvoie expressément à la lettre de l’avocat, en la décrivant comme mentionnant que la demandeure d’asile ne pouvait pas obtenir la citoyenneté indienne parce que sa naissance n’avait pas été enregistrée, mais elle conclut que d’autres éléments de preuve contredisent cette opinion. Par conséquent, il n’est pas possible de conclure que ces éléments de preuve n’ont pas été pris en compte. Dans les circonstances particulières de la demanderesse, comme l’a conclu la SPR, l’absence d’une mention expresse de la lettre de l’avocat dans l’application du second volet du critère énoncé dans l’arrêt Tretsetsang ne rend pas la décision déraisonnable.

[33] J’ai examiné les arguments de la demanderesse et je n’ai relevé aucune erreur susceptible de contrôle dans la décision. La présente demande de contrôle judiciaire doit donc être rejetée. Aucune partie n’a proposé de question à certifier aux fins d’un appel et aucune n’est énoncée.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM‑3304‑17

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Line Niquet, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3304‑17

INTITULÉ :

DOLMA TSERING c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

audience tenue par VIDéOCONFéRENCE À partir de TORONTO

DATE DE L’AUDIENCE :

le 28 ocTOBRe 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge SOUTHCOTT

DATE DES MOTIFS :

le 5 novembre 2021

COMPARUTIONS :

Richard Wazana

pour la demanderesse

Alex Kam

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat

Toronto (Ontario)

pour la demanderesse

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

pour le défendeur

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.