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Date : 20010716

Dossier : T-483-01

Référence : 2001 CFPI 803

Vancouver (Colombie-Britannique), le lundi 16 juillet 2001

ENTRE :

                                                                    VICTOR UNGER

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                             TELUS ENTERPRISE SOLUTIONS INC.

                                            AUTREFOIS CONNUE SOUS LE NOM DE

                                                    ISM INFORMATION SYSTEMS

                                             MANAGEMENT (B.C.) CORPORATION

                                                                                                                                               défenderesse

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE


[1]                 Par voie de requête, le demandeur sollicite la production d'un dossier que la défenderesse se serait abstenue de communiquer et qui ne ferait donc pas partie de la décision faisant l'objet d'un contrôle judiciaire, soit la décision de la Commission canadienne des droits de la personne. Cette allégation se fonde sur une conversation que le demandeur prétend avoir eue avec un enquêteur de la Commission canadienne des droits de la personne, même si cet élément n'est pas mentionné dans son affidavit, mais plutôt dans ses observations écrites :

[Traduction] 1.              Marke Earle, de la Commission canadienne des droits de la personne (un enquêteur travaillant sur la plainte que j'ai déposée devant la Commission) m'a mentionné, au cours d'une conversation téléphonique que j'ai eue avec lui, que Telus avait négligé de fournir certains renseignements qui lui avaient été demandés pendant l'enquête menée sur ma plainte en matière de droits de la personne, dossier numéro W47865.

4.              Certains renseignements ont été fournis, mais AUCUN ne provient : A) de mon dossier personnel; B) de courriels; C) des procès-verbaux des réunions; D) des notes. Tous des éléments pertinents à mon relevé d'emploi ou ma cessation d'emploi.

Malheureusement, dans son rapport, la Commission canadienne des droits de la personne ne fait aucune allusion à cette prétendue lacune.

[2]                 Au début, le demandeur invoquait la règle 233 qui prévoit la production de documents en la possession d'une personne qui n'est pas partie à l'action, c'est-à-dire de Telus Enterprise Solutions Inc., ou de la société qu'elle a remplacée, étant donné qu'à ce moment-là, la seule défenderesse était la Commission canadienne des droits de la personne. Mis à part que l'actuelle défenderesse, Telus Enterprises Solutions Inc., à qui s'adresse la présente requête, est maintenant une partie, il reste que la règle 233 s'applique seulement aux actions, non aux demandes de contrôle judiciaire comme en l'espèce. C'est pourquoi c'est la règle 317 qui est maintenant en cause.


[3]                 La règle 317 exige la production de documents qui sont en la possession du tribunal dont la décision fait l'objet d'un contrôle judiciaire. En fait, la règle vise à garantir la production de documents qui étaient soumis à l'auteur de la décision au moment de rendre celle-ci; cette règle ne vise pas à permettre la communication préalable de tous les documents qui auraient pu se trouver en la possession de l'auteur de la décision : voir par exemple l'arrêt 1185740 Ontario Ltd. c. MNR (1999) 247 N.R. 287 (C.A.F.) aux pages 288 et 289 et la décision Canada (P.G.) c. Canada (Commissaire à l'information) [1998] 1 C.F. 337 aux pages 355 et 356.

[4]                 La décision Hui c. MCI, une décision non publiée rendue le 28 février 2000 dans le dossier T-1338-99, est aussi décisive quant à la présente requête :

[4]       La règle 317 permet d'obtenir un document d'un tribunal, mais pas d'un intimé. Je m'en remettrai au concept voulant qu'il y ait une distinction à faire entre un intimé dans une demande de contrôle judiciaire et un tribunal dont la décision est contestée. Cette distinction a été abordée par le protonotaire Morneau dans Desrochers c.Procureur général du Canada, une décision non publiée rendue le 13 novembre 1998 dans le dossier T-1567-98. M. Morneau a souligné que la règle 317 permet à un requérant d'avoir accès à des documents dont il n'a pas copie et dont le tribunal a possession et non pas, dans cette affaire-là, des documents qui sont en la possession du procureur général du Canada.

[5]      De plus, la règle 317 n'a pas pour objet de permettre à une partie d'être relevée de son incapacité de présenter toute preuve pertinente qui aurait pu ou aurait dû être produite au tribunal : voir par exemple Postes Canada c. AFPC (1999), 164 F.T.R. 288, une brève décision dans laquelle le juge Gibson renvoie à une décision antérieure non publiée du juge Denault dans Territoires du Nord-Ouest c. Alliance de la fonction publique du Canada, T-2411-98.


[5]                 En l'espèce, les éléments fournis par M. Unger ne constituent pas une preuve établissant qu'un document pertinent détenu par la société qu'a remplacée Telus Enterprises Solutions Inc. n'aurait pas été communiqué à la Commission canadienne des droits de la personne. L'allégation de non-divulgation se trouve plutôt, je le répète, dans son argumentation écrite. Toutefois, s'il existe une preuve de non-divulgation, elle peut amener la Cour à tirer une conclusion défavorable à la défenderesse et, sur ce point, je pense à l'affaire Parveen c. Canada (1999) 168 F.T.R. 103, une décision de madame le juge Reed. Dans cette affaire, le dossier du défendeur était incomplet, ayant été dépouillé suivant une politique de « dossier mince » . L'insuffisance du dossier était évidente. Le juge a fait remarquer que le défendeur était maître du dossier et que ce fait pouvait non seulement être interprété contre le défendeur mais, dans certaines circonstances, constituer un motif d'annulation de la décision faisant l'objet d'une demande de contrôle judiciaire :

Je pense qu'il est suffisant de noter que c'est le défendeur qui est maître du dossier présenté à la Cour. Ainsi, tout différend qui survient à cause de lacunes dans le dossier devrait, en général, être interprété contre le défendeur plutôt qu'en sa faveur. À vrai dire, je pense qu'un dossier incomplet pourrait, dans certaines circonstances, constituer un motif suffisant en soi d'annulation d'une décision faisant l'objet d'une demande de contrôle judiciaire. (page 105)

Dans l'affaire Parveen le contrôle judiciaire a donné lieu à l'annulation de la décision, qui a été renvoyée à l'auteur de la décision initiale afin d'être réexaminée.


[6]                 Dans le présent cas, il est fort possible que la défenderesse ait négligé de produire certains éléments pertinents devant la Commission canadienne des droits de la personne, mais, à l'étape où nous en sommes, cela n'est pas prouvé. Si ce défaut de produire était établi à une date ultérieure, il reviendra alors au juge saisi du contrôle judiciaire de la présente affaire de tirer la conclusion qui convient pour en arriver à la décision appropriée. Aussi, la présente requête est-elle rejetée. Les dépens suivront le sort de la cause.

(signé) « John A. Hargrave »

Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 16 juillet 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DE DOSSIER :    T-483-01

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          Victor Unger c. Telus Enterprise Solutions Inc.

                                                         

REQUÊTE TRANCHÉE SUR LA BASE DES PRÉTENTIONS ÉCRITES CONFORMÉMENT À LA RÈGLE 369

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS par le protonotaire Hargrave, en date du 16 juillet 2001.

OBSERVATIONS ÉCRITES SOUMISES PAR :

Victor Unger                                                                      POUR LE DEMANDEUR

Judith A. Macfarlane                                                          POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Victor Unger                                                                      POUR LE DEMANDEUR

Farris, Vaughan, Wills & Murphy                                     POUR LA DÉFENDERESSE

Vancouver (C.- B.)

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