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Date : 20031203

Dossier : T-806-02

Référence : 2003 CF 1415

Ottawa (Ontario), le 3 décembre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL                               

ENTRE :

                                                 MONTAGUE INDUSTRIES INC.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                               DINGWELL'S MACHINERY AND SUPPLY LIMITED

                                                                                                                                      défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une requête en vue d'obtenir, conformément aux règles 51 et 399(2) des Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles), une ordonnance annulant ou modifiant l'ordonnance de la protonotaire, M. Tabib, en date du 4 novembre 2003. Cette ordonnance est rédigée comme suit:

[traduction ]

« 1.      La demanderesse doit, dans les 30 jours de la présente ordonnance, signifier à la défenderesse :

a)         une copie de chaque dessin, livre comptable, rapport d'usine, liste des composants, journal machine, manuel d'utilisation et catalogue du fabricant sur lesquels s'appuie la demanderesse pour alléguer que la défenderesse a violé son droit d'auteur;


b)         les détails permettant d'identifier chaque oeuvre au sujet de laquelle la demanderesse allègue que la défenderesse a violé son droit d'auteur, la date de création des oeuvres, le nom de chaque auteur, la citoyenneté ou le lieu de résidence de chaque auteur au moment de la création des différentes oeuvres, le nom de l'employeur de chaque auteur présumé au moment de la création des oeuvres ainsi que l'année du décès de tout auteur mort il y a plus de cinquante ans au jour du début de l'instance;

c)         pour chaque oeuvre, les détails permettant d'identifier la nature des actes sur lesquels s'appuie la demanderesse pour alléguer la violation de son droit d'auteur par la défenderesse, à savoir, en particulier, si la défenderesse a fait des copies en deux ou trois dimensions et si ces copies ont été faites à partir d'oeuvres en deux ou trois dimensions.

                                                                             

2.         Les dépens suivront l'issue de l'affaire. »

[2]                Cette ordonnance faisait suite à une requête visant à obtenir une dispense de production de certains documents auxquels renvoit la déclaration de la demanderesse, et faisait suite à une requête de la défenderesse visant à obtenir la radiation complète de la déclaration. Subsidiairement, la défenderesse sollicite une ordonnance radiant les sous-alinéas 1b)(I), 1b)(ii) et le paragraphe 1(I) de la déclaration; subsidiairement encore, elle sollicite une ordonnance exigeant que la demanderesse soumette des documents et détails ayant trait aux allégations contenues dans la déclaration.

[3]                Le 22 mai 2002, la demanderesse a produit une déclaration alléguant la violation du droit d'auteur quant à des dessins de génie, lesquels concernaient le remplacement de pièces pour un type de machinerie lourde connue sous le nom de broyeur de bois à pâte, et comprenant des documents comme les livres comptables, la liste des composants, le journal machine, les manuels d'utilisation et les catalogues du fabricant. La déclaration se rapporte à 1000 composantes du broyeur, mais ne contient pas de liste des dessins ou documents en question. De plus, la déclaration ne comporte pas l'identification des dessins et pièces par numéro et date; elle n'inclut pas non plus des dessins; en fait, aucun dessin n'a été produit lorsque les requêtes ont été plaidées initialement.

[4]                Dans un affidavit en date du 6 août 2003 et produit comme partie intégrante du dossier de requête de la demanderesse, M. Thomas Rogers, vice-président de la demanderesse, a affirmé que l'objet du litige touchait un recueil de plus de 80 000 dessins de génie (paragraphe 19 de l'affidavit), que les coûts de reproduction de ces dessins s'élèveraient à 250 000 dollars américains, que le temps nécessaire à l'opération serait d'un minimum de trois mois (paragraphe 20 de l'affidavit), et que le travail requis pour indiquer la date de création et autres détails qu'on retrouve dans le cartouche des dessins nécessiterait des mois et coûterait des milliers de dollars (paragraphe 21 de l'affidavit).

[5]                À aucun moment mentionne-t-on dans l'affidavit de M. Rogers que la tâche était impossible. Les seules réserves formulées voulaient qu'il s'agisse d'une lourde tâche demandant à la fois beaucoup de temps et d'argent.


[6]                Dans l'argumentation écrite de la demanderesse (paragraphes 33 à 35) qui a été présentée à la protonotaire, l'avocat soutient que, en vertu de la règle 206, la Cour jouit d'une entière discrétion pour dispenser les parties du fardeau de production de documents. La demanderesse s'appuie sur la décision U.S. Surgical Corp. c. Douns Surgical Can. Ltd., (1981) Carswell Nat 126 afin de démontrer comment cette discrétion peut être exercée lorsqu'il est physiquement ou mécaniquement difficile, sinon impossible, de produire une copie complète d'un document.

[7]                La règle 206 exige qu'une copie de chaque document mentionné dans un acte de procédure soit signifiée dans les dix jours suivant la signification de celui-ci à moins que la partie qui en reçoit signification ne renonce à son droit ou que la Cour n'en ordonne autrement. En l'espèce, aucune copie des documents n'a été signifiée dans les dix jours. Plus d'un an après la production de la déclaration à la Cour, aucune copie des documents n'a encore été signifiée.

[8]                La norme de contrôle applicable à un appel d'une décision d'un protonotaire a été bien établie dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd. (1993), 149 N.R. 273 à la page 295 (C.A.F.). Essentiellement, le juge saisi de l'appel contre une ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants: 1) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits, ou 2) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue de la cause.

[9]                J'ai examiné l'ordonnance de la protonotaire, et je ne vois aucune raison pour intervenir. Elle n'a pas commis d'erreur flagrante en ordonnant la production de documents en vertu de la règle 206, et je note que la demanderesse n'a pas fourni des raisons valables justifiant une dispense de l'obligation de fournir des documents. Le dossier de requête se passe de commentaires. Qui plus est, l'ordonnance ne soulève pas de questions ayant une influence déterminante sur l'issue de la cause. Un demandeur a l'obligation d'informer le défendeur de la cause d'action, et la production de documents est un moyen d'y parvenir sauf si la Cour en décide autrement. L'ordonnance de la protonotaire reconnaît cette obligation.

[10]            On m'a également demandé d'examiner une requête visant à modifier l'ordonnance exigeant la production de documents dans les 30 jours conformément à la règle 399(2). La demanderesse a produit l'affidavit de M. Shaun Mousseau, lequel affirme notamment que la production de documents est en cours, mais que plus de 30 jours seront nécessaires afin de compléter le travail. Cette affirmation repose sur des faits nouveaux recueillis après que l'ordonnance a été rendue (voir, entre autres, les paragraphes 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10 et 11 de l'affidavit). Puisque ces faits sont postérieurs au prononcé de l'ordonnance, j'autoriserai la requête visant à modifier l'ordonnance exigeant la production des documents dans les 30 jours.

[11]            J'ai lu la documentation, considéré la quantité de documents à produire, l'étendue du travail à accomplir de même que le temps requis, et j'ai pris en considération le fait que la déclaration a été présentée le 22 mai 2002 en plus du fait que déjà un mois s'est écoulé depuis que l'ordonnance a été signée. En conséquence, j'ai décidé que le 31 mars 2004 serait la date limite pour signifier et produire les documents auxquels on se reporte dans la déclaration.

[12]            Enfin, si les parties ne parviennent pas à une entente quant aux dépens afférents aux requêtes, elles pourront revenir devant moi pour débattre de la question à l'égard de chacune.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE :

-           la requête visant à annuler l'ordonnance de Mme M. Tabib, protonotaire, en date du 4 novembre 2003, est rejetée;

-           la requête visant à modifier l'ordonnance afin de permettre la production de documents est accueillie et le 31 mars 2004 sera la date pour se conformer à la présente ordonnance.

              « Simon Noël »                 

         Juge

Traduction certifiée conforme

Évelyne Côté, LL.B., D.E.S.S. trad.


                                                                                       COUR FÉDÉRALE

                                                                      SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                               T-806-02

INTITULÉ :                                                              Montague Industries Inc. c. Dingwell's Machinery and Supply Limited

LIEU DE L'AUDIENCE :                                       Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                     le 27 novembre 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                        le juge Simon Noël

DATE DES MOTIFS :                                            le 3 décembre 2003

COMPARUTIONS :

Norman BowleyPOUR LA DEMANDERESSE

David W. AitkenPOUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

BOWLEY KERR COLLINSPOUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)

OSLER, HOSKIN & HARCOURT s.r.l.POUR LA DÉFENDERESSE

Ottawa (Ontario)

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