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Date : 20210923


Dossier : T‑2169‑16

Référence : 2021 CF 987

[TRADUCTION FRANÇAISE]

RECOURS COLLECTIF

ENTRE :

GARRY LESLIE MCLEAN,

ROGER AUGUSTINE,

CLAUDETTE COMMANDA,

ANGELA ELIZABETH SIMONE SAMPSON, MARGARET ANNE SWAN et

MARIETTE LUCILLE BUCKSHOT

demandeurs (intimés)

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, représentée par

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défenderesse (intimée)

et

JESSIE WALDRON et

RANDY KEVIN POOYAK

parties requérantes

et

DELOITTE LLP

intervenante

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

I. Introduction

[1] La présente instance est constituée de deux requêtes par lesquelles deux membres du groupe de personnes inscrites à un recours collectif [Mme Waldron et M. Pooyak] sollicitent l’autorisation de changer le niveau de leurs réclamations précédemment déposées dans le cadre de la Convention de règlement relative aux externats indiens [la CREI] et demandent au nom du groupe un jugement déclaratoire portant qu’il est permis de déposer des documents supplémentaires sur les agressions subies et de changer de niveau de réclamation.

[2] Les deux requêtes sont essentiellement identiques. Les requêtes soulèvent la même question, de sorte qu’elles ont été plaidées et contestées comme si elles avaient été présentées par une seule partie. Les présents motifs s’appliqueront aux deux requêtes.

[3] Les deux requêtes sont présentées par des membres du groupe [les parties requérantes] qui ont engagé leurs propres avocats (souvent appelés les « avocats indépendants » dans le cadre des diverses instances) plutôt que de faire appel aux avocats représentant le groupe (lesquels, en fait, s’opposent aux requêtes, à l’instar de la défenderesse, Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le procureur général du Canada).

[4] Pour les motifs qui suivent, les requêtes seront rejetées, et ce, sans frais, puisqu’aucune partie n’a demandé qu’on lui accorde les dépens.

[5] Les requêtes visent à faire admettre une interprétation de la CREI avec laquelle aucune des parties n’est d’accord et qui n’est pas compatible avec une lecture objective du texte. De plus, l’interprétation proposée ne concorde ni avec le contexte dans lequel le règlement a été conclu ni avec l’objet ou les visées de la CREI, telle que celle‑ci est comprise par les parties.

[6] En fait, accueillir les requêtes aurait pour effet de modifier les modalités de la CREI, une convention que les parties ont conclue et que la Cour a approuvée, la jugeant « juste, raisonnable et dans l’intérêt supérieur » des parties. Bien que la Cour compatisse à la souffrance subie par les survivants des externats, elle ne peut réécrire la CREI.

[7] Le cœur du litige est le droit d’un membre du recours de présenter des faits ou des documents supplémentaires au fil du temps, un processus fréquemment appelé « divulgation progressive ». Ce modèle a l’effet de hausser le niveau de préjudice initialement déclaré – il s’agit d’un élément du Processus d’évaluation indépendant [le PEI], lequel fait partie de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens. Les parties n’ont ménagé aucun effort pour éviter le PEI.

II. Contexte

A. La CREI

[8] L’action sous‑jacente a été intentée en décembre 2016 et autorisée comme recours collectif le 21 juin 2018. Le 12 mars 2019, les parties ont conclu la CREI.

[9] La Cour a tenu une audience d’approbation du règlement à Winnipeg du 13 au 15 mai 2019.

[10] À l’audience, les personnes en faveur du règlement se sont adressées à la Cour, suivies de 13 avocats et de 30 personnes qui s’opposaient à la CREI. Certains des avocats qui appuient la présente requête faisaient partie des 13 avocats qui s’opposaient à la CREI.

[11] M. Racine, au nom de plusieurs opposants, a exprimé la crainte que des membres du groupe se heurtent à des difficultés en tentant de présenter des réclamations des niveaux 2 à 5. Il a aussi soulevé la question de la disponibilité des avocats représentant le groupe.

[12] Mme Sunchild et M. Seed ont comparu au nom de nombreux autres opposants. Mme Sunchild a exprimé la crainte que des survivants aient de la difficulté à révéler qu’ils ont subi une agression sexuelle et que des demandeurs présentent une réclamation de niveau 1 afin d’éviter les difficultés personnelles liées à la révélation d’une agression justifiant une réclamation d’un niveau supérieur.

[13] La Cour a pris en considération ces observations, puis elle a approuvé la CREI le 19 août 2019. Par la suite, elle a fixé la date de mise en œuvre au 13 janvier 2020 et a approuvé le formulaire de réclamation utilisé pour l’administration des indemnités.

[14] La CREI expose un processus de réclamation qui, comme le décrit la convention, doit être « rapide, rentable, convivial et sensible sur le plan culture ». Elle accorde deux ans et demi aux membres du groupe pour présenter leurs réclamations. Chose importante, elle prévoit aussi du soutien émotionnel et juridique offert par l’intermédiaire du bureau de l’administrateur des réclamations, des avocats représentant le groupe (à titre gracieux) ou d’un avocat au choix des membres du groupe.

[15] La CREI est un document détaillé qui traite d’un vaste éventail de considérations et de mécanismes appropriés pour le règlement d’un recours collectif complexe. Les éléments principaux, y compris certaines des positions concurrentes, sont présentés dans l’ordonnance d’approbation et les motifs de la Cour datés du 19 août 2019 (voir McLean c Canada, 2019 CF 1075 [McLean]). L’objectif primordial exprimé par les parties était d’éviter les excès, la complexité et les autres aspects négatifs de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens [la CRRPI] et de ses processus.

[16] Le processus de réclamation et le rôle de l’administrateur des réclamations sont décrits aux articles 9 et 10 de la CREI ainsi qu’à l’annexe B.

[17] À l’article 9, les conditions auxquelles l’administrateur des réclamations verse les indemnités sont énoncées en termes généraux. Il y est confirmé que les décisions de l’administrateur des réclamations et du tiers évaluateur sont définitives, sauf aux conditions prévues dans le processus de réclamation. Les principes régissant l’administration des réclamations y sont aussi décrits.

9.03 Principes régissant l’administration des réclamations

(1) Le processus de réclamation est conçu dans le but d’être rapide, rentable, convivial et sensible sur le plan culture. L’administrateur des réclamations déterminera et mettra en œuvre les délais de service pour le processus de réclamation au plus tard six mois après la date de mise en œuvre.

(2) L’objectif est de réduire au minimum le fardeau impose [sic] aux demandeurs qui formulent leurs réclamations, et d’atténuer toute probabilité de nouveau traumatisme cause [sic] par le processus de réclamation. L’administrateur des réclamations, le tiers évaluateur et le Comite [sic] des exceptions et ses membres doivent, en l’absence de motifs raisonnables du contraire, tenir pour acquis qu’un demandeur agit honnêtement et de bonne foi. Dans l’examen d’une demande, l’administrateur des réclamations, le tiers évaluateur et le comité des exceptions et ses membres tireront toutes les conclusions raisonnables et favorables possibles en faveur du demandeur, en plus de régler tout doute quant à savoir si une réclamation a été établie en faveur du demandeur.

[18] L’article 9.02 stipule que le montant de l’indemnité est établi conformément au processus de réclamation figurant à l’annexe B. À cette annexe, chaque étape du processus de réclamation est décrite, à commencer par la réception des réclamations par l’administrateur des réclamations, sous la rubrique « Étape 1 : Admission » :

1. Le demandeur dépose son formulaire de réclamation et tous les documents justificatifs auprès de l’administrateur des réclamations avant la date limite des réclamations. En présentant cette demande, le demandeur identifie lui‑même le niveau de préjudice qu’il/elle a subi, conformément au tableau de préjudice.

2. L’administrateur des réclamations (i) numérise toutes les réclamations déposées sur support papier et (ii) évalue l’admissibilité du demandeur en tant que membre du groupe. Un demandeur est admissible à une indemnité s’il/elle a fréquenté(e) un externat indien pendant la période couverte par le recours collectif, et si il/elle n’a pas préalablement conclu un règlement avec le Canada pour des préjudices subis dans un externat indien.

3. L’administrateur des réclamations envoie au demandeur l’une des trois lettres suivantes pour accuser réception : (i) une lettre confirmant l’admissibilité du demandeur en tant que membre du groupe; (ii) une lettre refusant l’admissibilité du demandeur en tant que membre du groupe; ou (iii) une lettre demandant des informations supplémentaires pour déterminer l’admissibilité du demandeur en tant que membre du groupe.

4. L’administrateur des réclamations classifie les demandes éligibles en fonction de leur niveau d’identification.

[19] À la rubrique « Étape 2 : Évaluation » de l’annexe B figurent, d’une part, le processus de réclamation de niveau 1 et, d’autre part, celui pour les réclamations des niveaux 2 à 5. Quand la réclamation est de niveau 1, l’administrateur des réclamations vérifie si la réclamation est admissible. Le cas échéant, il l’approuve, et l’indemnité est accordée. Si l’administrateur des réclamations est d’avis que la réclamation remplit les critères d’un niveau supérieur, il en informe le demandeur, lequel peut alors décider de maintenir sa réclamation au niveau 1 ou de la faire reclasser dans un niveau supérieur.

[20] Les réclamations des niveaux 2 à 5 présentées par les membres du groupe, y compris celles ayant été reclassées, sont aussi examinées par l’administrateur des réclamations, mais après que le gouvernement du Canada a eu l’occasion de fournir, à l’égard d’un nombre limité de réclamations, des renseignements supplémentaires concernant l’admissibilité. Si l’administrateur des réclamations juge qu’une réclamation remplit ou surpasse les critères du niveau sélectionné par le membre du groupe, l’indemnité est versée selon le niveau déterminé par l’administrateur. Si une réclamation ne remplit pas les critères, le membre du groupe qui l’a présentée se voit accorder la possibilité de demander une réévaluation.

[21] La CREI expose un processus de réévaluation et, en dernier lieu, un droit de réévaluation par un tiers évaluateur. C’est relativement à cette situation que l’annexe B énonce expressément que les membres du groupe ont la possibilité de fournir des documents supplémentaires à l’appui de leur réclamation.

[22] Parmi les fonctions de l’administrateur des réclamations, lesquelles sont présentées à l’article 10.01 de la CREI, il y a celles de « développer, installer et mettre en œuvre des systèmes, des formulaires, des renseignements, des lignes directrices et des procédures pour le traitement et la prise de décisions relatives aux demandes conformément à la présente Convention ».

[23] En plus du processus de réclamation pour les membres survivants du groupe, la CREI comprend l’octroi à la McLean Day Schools Settlement Corporation d’un fonds des legs de 200 millions de dollars destinés à la réalisation, comme les parties en ont convenu, de projets d’héritage contribuant à la vérité, à la guérison et à la réconciliation. Il est explicitement mentionné dans la CREI que ces projets doivent bénéficier aux membres survivants du groupe et à leur famille (conjoint, ex‑conjoint, enfant, petit‑enfant, frère ou sœur du membre survivant du groupe).

[24] Avant l’audience d’approbation, le 13 mai 2019, les parties ont convenu de modifier la CREI de façon à reporter l’échéance du délai pour présenter une réclamation à deux ans et demi après la mise en œuvre. Les parties ont aussi prolongé le délai d’exclusion, qui est passé de 60 à 90 jours. Ces modifications avaient pour but de répondre à des préoccupations au sujet du délai de réclamation initial d’un an, qui était jugé trop court, puisqu’il était insuffisant pour présenter une réclamation. Les demandeurs ont ainsi obtenu considérablement plus de temps pour rassembler les renseignements et pour présenter leur réclamation.

[25] Pour faciliter le recours à un avocat ne faisant pas partie de ceux du groupe, la Cour a ensuite établi un protocole régissant l’approbation de leurs honoraires.

B. La réclamation de M. Pooyak

[26] M. Pooyak est un survivant du système des externats indiens. Il a présenté une réclamation de niveau 2. Bien que M. Pooyak ait produit une preuve par ouï‑dire sans expliquer l’absence de preuve directe, la Cour accepte sa déposition voulant qu’il lui ait été difficile de révéler l’agression qu’il avait subie (ce qui est fréquent dans les cas d’agression) et qu’il ne soit pas arrivé à détailler sa réclamation. Il ne fait aucun doute que les parties requérantes ont toutes deux bénéficié de la présomption d’honnêteté prévue par la CREI. La question en litige porte sur le droit de présenter des réclamations supplémentaires ou de hausser le niveau d’indemnisation.

[27] Ce n’est que le 15 juillet 2020 que M. Pooyak a retenu les services du cabinet Sunchild Law. En novembre 2020, le cabinet a présenté des documents supplémentaires à l’appui d’une demande d’indemnisation de niveau 5 plutôt que de niveau 2.

[28] Conformément au processus de règlement, la demande de niveau 2 avait déjà été transmise au gouvernement du Canada aux fins d’évaluation. La réclamation de niveau 2 a été acceptée en février 2021, et M. Pooyak a reçu un chèque de 50 000 $.

[29] En réponse à la demande de réévaluation de la réclamation de niveau 5 présentée par Sunchild Law, l’administrateur des réclamations a déclaré qu’il n’était pas permis de présenter des faits supplémentaires après le 15 juin 2020 et que, par conséquent, les documents déposés en novembre 2020 n’étaient pas admissibles à une évaluation du niveau. Cette décision est celle qui fait l’objet de la requête de M. Pooyak.

C. La réclamation de Mme Waldron

[30] Le cabinet de M. Racine, Bergerman Smith LLP, représente « JR », « NS » et Mme Waldron relativement à leurs réclamations dans le cadre de la CREI. Tous les trois ont présenté des demandes d’indemnisation de niveau 1 avant de présenter des demandes d’indemnisation de niveau 4.

[31] JR a déposé sa réclamation de niveau 4 le 28 mai 2020, et elle a été acceptée.

[32] NS, qui avait initialement déposé une réclamation de niveau 1, a ensuite déposé une réclamation de niveau 4 le 17 décembre 2020. Le 4 février 2021, l’indemnité de niveau 1 lui a été versée.

[33] Mme Waldron a initialement déposé une réclamation de niveau 1. Le 2 septembre 2020, le cabinet Bergerman Smith a déposé au nom de Mme Waldron une nouvelle réclamation, celle‑ci faisant état d’agressions de niveaux 3 et 4. Le 18 septembre 2020, l’administrateur des réclamations a indiqué qu’il n’accepterait pas le nouveau formulaire de réclamation ni les nouveaux niveaux de réclamation choisis.

[34] Le 30 septembre 2020, l’administrateur des réclamations a exposé les motifs pour lesquels il avait rejeté la nouvelle réclamation de Mme Waldron :

[traduction]

[…] Bien que les demandeurs soient invités à transmettre des renseignements pour compléter leurs réclamations, il ne leur est pas permis d’en changer le niveau.

Comme il a été mentionné précédemment, le processus de réclamation est élaboré de façon à ce qu’un demandeur ne présente sa réclamation qu’une seule fois. L’échéance du 15 juin a été fixée conformément aux fonctions de l’administrateur des réclamations (article 10.01), à savoir développer, installer et mettre en œuvre des systèmes, des lignes directrices et des procédures pour le traitement et la prise de décisions relatives aux demandes. […]

[35] La réclamation de Mme Waldron a été acceptée en tant que réclamation de niveau 1, et non pas de niveau 4.

[36] En résumé, les parties requérantes n’ont pas obtenu, ou ont choisi de ne pas obtenir, le soutien approprié pour remplir leurs formulaires de réclamation initiaux, et ce, malgré l’existence de mécanismes prévus par la CREI à cette fin.

[37] Les parties requérantes ont éprouvé de la frustration, ont été prises de panique ou ont cherché à expédier le processus de réclamation. Elles ont déposé en connaissance de cause des réclamations qui ne faisaient pas état des préjudices les plus graves qu’elles avaient subis dans les externats.

[38] Après réflexion et quelque peu encouragées par les autres, elles ont regretté leur décision initiale et ont cherché à présenter de nouvelles réclamations, d’un niveau supérieur.

[39] Les parties requérantes ont donc retenu les services d’avocats indépendants afin d’obtenir de l’aide pour présenter leurs nouvelles réclamations d’un niveau d’indemnisation supérieur. Après que l’administrateur des réclamations les a informées que leurs nouvelles réclamations ne seraient pas prises en considération, elles ont déposé les présentes requêtes.

D. La mise en œuvre du règlement et l’échéance du 15 juin 2020

[40] Pour ce qui est de la création d’une exception au processus imposé par la CREI et de l’échéance du 15 juin 2020, la Cour accepte la preuve et les observations des demandeurs, de la défenderesse et, en particulier, de l’administrateur des réclamations, la société Deloitte LLP [Deloitte], désignée comme intervenante dans les présentes, dont le point de vue a été utile à la Cour.

[41] À la suite de l’approbation du règlement, la Cour a approuvé un formulaire de réclamation le 7 janvier 2020. Le processus de réclamation s’est amorcé le 13 janvier 2020. Comme l’a mis en évidence le témoin de l’administrateur des réclamations, le processus a été élaboré de façon à ce que les membres du groupe ne présentent qu’une seule demande d’indemnisation. Les parties et l’administrateur des réclamations ont convenu que, suivant le processus de réclamation approuvé par la Cour, les divulgations progressives ne seraient pas autorisées à l’étape de l’admission.

[42] Cependant, peu après la mise en œuvre, l’administrateur des réclamations a remarqué que des demandeurs déposaient plusieurs formulaires de réclamation, et ce, par divers moyens. Ces formulaires de réclamation comportaient des faits supplémentaires, de nouvelles pièces justificatives et des changements de niveau de réclamation.

[43] La pandémie de COVID‑19 a créé des complications supplémentaires concernant à la fois l’accès des demandeurs à leurs pièces justificatives et la présence des employés de Deloitte à leurs bureaux pour examiner les formulaires de réclamation.

[44] Compte tenu de ces circonstances inhabituelles, l’administrateur des réclamations a accordé, après consultation des parties, une [traduction] « concession ou exception temporaire », selon laquelle un demandeur pouvait modifier sa réclamation si la décision à l’égard de celle‑ci n’avait pas été rendue ou si l’indemnité n’avait pas été versée.

[45] Le 27 mai 2020, l’administrateur des réclamations a informé les parties que cette concession temporaire devait prendre fin. Il a fixé au 15 juin 2020 la date limite à laquelle les demandeurs pouvaient soit fournir des renseignements supplémentaires, soit déclarer leur intention de le faire. Un avis public au sujet de la date d’échéance a été largement diffusé sur Facebook, sur le site Web du recours collectif concernant les externats indiens fédéraux et sur le site Web de l’administrateur des réclamations.

III. La question en litige

[46] La principale question en litige consiste à savoir si les membres du groupe peuvent présenter plus d’une demande d’indemnisation dans le cadre de la CREI.

[47] Les parties requérantes font valoir que le processus utilisé avant le 15 juin 2020 était celui prévu par la CREI et affirment qu’elles ne souhaitent pas modifier celle‑ci. Les parties, pour leur part, affirment que le processus utilisé avant le 15 juin 2020 était une exception à la CREI, qui avait été accordée en raison de la pandémie de COVID‑19 et des circonstances inhabituelles auxquelles elle a donné lieu.

IV. Analyse

A. La compétence de la Cour

[48] La Cour a la compétence permanente et exclusive à l’égard de la mise en œuvre de la CREI. Cependant, en ce qui concerne l’examen d’un règlement et l’administration de celui‑ci, le rôle des tribunaux est grandement limité. Il n’appartient pas à la Cour d’imposer les modalités qui lui semblent appropriées ni de réécrire la CREI. La Cour a traité de ces limites aux paragraphes 68 à 70 et 74 et 75 de la décision McLean.

[49] Dans l’arrêt JW c Canada (Procureur général), 2019 CSC 20 [JW], la Cour suprême du Canada a rappelé à la fois l’obligation qu’ont les tribunaux de surveiller les règlements des recours collectifs et les limites à l’égard de cette surveillance. Un tribunal ne peut intervenir que dans des circonstances très limitées : quand les modalités négociées ne sont pas appliquées ou quand la convention comporte une lacune.

[50] Dans l’arrêt J.W., la juge Abella a reconnu que le caractère définitif des décisions et la célérité du processus sont des objectifs importants, mais elle a conclu qu’il était primordial que les modalités convenues soient appliquées et mises en œuvre (voir para 34). De même, la juge Côté a souligné que le rôle de superviseur attribué à la Cour « est limité et modulé par les modalités de la convention, dès lors que celle‑ci a été approuvée et déclarée juste, raisonnable et dans l’intérêt supérieur du groupe qu’elle vise » (voir para 120).

[51] Bien que la Cour suprême du Canada reconnaisse qu’il est important que les demandeurs reçoivent les avantages d’un règlement, elle a souligné que le processus de supervision et d’interprétation des tribunaux était assujetti aux modalités de la convention de règlement et à l’intention des parties.

[52] En l’espèce, les parties requérantes cherchent à ajouter une clause de « divulgation progressive », qui donnerait la possibilité de présenter plusieurs réclamations de divers niveaux d’indemnisation. Une telle possibilité n’est pas prévue par la CREI et ne concorde pas avec l’intention des parties. Par conséquent, la Cour n’a pas les pouvoirs de supervision requis.

B. La capacité d’agir des parties requérantes

[53] La CREI lie tous les membres du groupe, y compris les parties requérantes. Certaines des questions soulevées en l’espèce l’ont aussi été sous une forme ou une autre lors de l’audience d’approbation du règlement.

[54] Dans la mesure où la réparation ne vise pas uniquement leurs propres réclamations, les parties requérantes demandent également un jugement déclaratoire portant que la CREI autorise les [traduction] « membres survivants du groupe à déposer des documents supplémentaires », tel qu’il a été expliqué précédemment.

[55] Par ce jugement déclaratoire, les parties requérantes cherchent à obtenir une réparation au nom de tous les membres du groupe. Cependant, à mon avis, les parties requérantes et leurs avocats ne peuvent rien ajouter aux responsabilités et aux obligations imposées aux représentants demandeurs et aux avocats représentant le groupe qui ont été approuvées par la Cour.

[56] Les parties requérantes n’ont pas demandé à la Cour l’autorisation d’interjeter appel d’une ordonnance au titre de l’article 334.31 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106. Elles n’ont pas le pouvoir de demander un jugement déclaratoire au nom des membres du groupe. J’aborderai la question de leurs propres réclamations plus loin.

C. La CREI et la divulgation progressive

[57] Les parties requérantes affirment qu’une interprétation appropriée de la CREI force à considérer que la divulgation progressive y est prévue, et ce, à l’étape d’admission du processus de réclamation. Comme la Cour suprême l’a affirmé dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Fontaine, 2017 CSC 47, les dispositions d’une convention de règlement « doivent être interprétées sur le fondement de leur libellé et de l’ensemble du contrat » (voir para 37).

[58] Dans son interprétation de la CREI, la Cour doit prendre en considération le texte, le contexte et les intentions déclarées ou manifestées des parties.

D. L’interprétation textuelle

[59] L’annexe B de la CREI énonce ce qui suit :

Le demandeur dépose […] tous les documents justificatifs auprès de l’administrateur des réclamations avant la date limite des réclamations. En présentant cette demande, le demandeur identifie lui‑même le niveau de préjudice qu’il/elle a subi, conformément au tableau de préjudice.

[60] Rien dans la CREI ne donne à penser que la divulgation progressive ou le droit de présenter une réclamation modifiée y ont été prévus.

[61] Les parties ont fixé l’échéance pour présenter toute réclamation au 13 juillet 2022. Cela ne signifie toutefois pas que les demandeurs doivent être autorisés à présenter une nouvelle réclamation, à modifier celle qu’ils ont présentée ou à en présenter plusieurs avant cette échéance.

[62] Selon le libellé de la CREI, un demandeur présente une demande (ou réclamation, les deux termes étant essentiellement synonymes). L’emploi du singulier, bien qu’il ne constitue pas un facteur déterminant, est conforme à l’interprétation des parties selon laquelle une seule réclamation doit être présentée. Il en va de même de la mention selon laquelle un demandeur dépose son formulaire de réclamation avec « tous les documents justificatifs », qui indique le caractère définitif de la présentation d’une demande. Une évaluation appropriée d’une réclamation ne peut être faite que lorsque l’administrateur des réclamations a reçu tous les renseignements pertinents. Le mécanisme d’évaluation concorde aussi avec l’interprétation selon laquelle un membre du groupe présente une seule réclamation au niveau de préjudice approprié.

[63] En l’absence de quelque autre indication du caractère définitif de la présentation d’une réclamation, aucune réclamation ne pourrait être définitivement réglée dans la période entre sa présentation et le 13 juillet 2022; le traitement de toutes les réclamations serait en suspens tant qu’il serait possible de réclamer une indemnité supérieure. Nulle part dans la CREI il n’est précisé que le versement de l’indemnité est nécessairement définitif, bien que les parties aient proposé un tel mécanisme.

[64] Par conséquent, bien que le libellé de la CREI ne marque pas le caractère définitif, il concorde avec l’interprétation selon laquelle une seule réclamation est présentée. Cette concordance caractérise l’ensemble des considérations relatives au « contexte » et à « l’intention des parties ».

E. Le contexte

[65] Comme il est indiqué dans la décision portant sur l’approbation du règlement, la volonté d’éviter bon nombre des problèmes associés à la CRRPI, y compris le processus d’évaluation indépendant et l’option de la divulgation progressive qu’il offre, était un facteur important de la structure de la CREI.

[66] À l’audience, il a été beaucoup question du processus de réclamation, du soutien offert aux demandeurs potentiels, de la nécessité des documents justificatifs et du souhait que le processus soit expéditif.

[67] Bon nombre d’éléments de preuve et d’observations ont été présentés concernant les formulaires de réclamation, le besoin de soutien émotionnel et juridique, les préoccupations au sujet de la complexité du processus et l’absence d’une disposition portant sur la divulgation continue. Des préoccupations ont été exprimées au sujet de la différence entre la CREI et la CRRPI.

[68] Les avocats des parties requérantes (qui alors ne représentaient pas ces demandeurs) ont exprimé la crainte que des membres du groupe présentent des réclamations d’un niveau qui ne correspondrait pas aux préjudices les plus graves qui leur ont été infligés. L’un de ces avocats avait apparemment prévu la situation qui se serait produite en l’espèce, soit celle d’un demandeur qui choisirait la voie relativement simple consistant à accepter une indemnité de niveau 1 plutôt que de faire les démarches plus fastidieuses requises pour réclamer une indemnité d’un niveau supérieur.

[69] La Cour connaissait les préoccupations soulevées et le souhait d’un processus davantage inspiré de la CRRPI partagé par quelques membres du groupe, mais elle a conclu ce qui suit :

Les écarts par rapport au modèle du RRPI ne peuvent pas être qualifiés de déraisonnables. Il aurait été déraisonnable de perpétuer certains de ses abus et difficultés reconnus. Même des organisations telles que l’Assemblée des Premières Nations ont reconnu un certain nombre de problèmes par rapport au modèle du RRPI. Le modèle des externats indiens adopte une approche différente (McLean au para 134).

[70] Bien que le terme « divulgation progressive » n’ait pas été employé à l’audience d’approbation du règlement, et qu’il soit par conséquent possible que le principe de l’autorité de la chose jugée ne soit pas applicable au sens strict, le processus de réclamation n’a pas été élaboré de façon à offrir cette option. Il serait maintenant incohérent d’interpréter le processus de réclamation de la CREI de façon à rendre effectif cet aspect de la CRRPI. Dans ce contexte, cette interprétation ne serait ni équitable ni raisonnable.

[71] Conformément aux modalités de la CREI, l’administrateur des réclamations avait la responsabilité de :

  • a) développer, installer et mettre en œuvre des systèmes, des formulaires, des renseignements, des lignes directrices et des procédures pour le traitement et la prise de décisions relatives aux demandes conformément à la CREI;

  • b) développer, installer et mettre en œuvre des systèmes et des procédures pour effectuer les paiements d’indemnités conformément à la CREI.

[72] Le formulaire de réclamation a été approuvé par une ordonnance de la Cour datée du 7 janvier 2020. Par cette même ordonnance, la date de mise en œuvre du processus de réclamation a été fixée au 13 janvier 2020.

[73] Conformément aux modalités de la CREI, l’administrateur des réclamations effectue, à partir des renseignements reçus lors de l’admission (l’étape 1), une évaluation initiale de la réclamation présentée par un membre du groupe afin d’en vérifier l’admissibilité. Il vérifie principalement si le demandeur a fréquenté un externat figurant à l’annexe K au cours de la période indiquée et s’il n’est pas inadmissible pour quelque motif, comme celui d’avoir reçu une indemnité dans le cadre d’un règlement antérieur. Ensuite, l’administrateur des réclamations (i) fait parvenir au demandeur une lettre au sujet de son admissibilité en tant que membre du groupe et (ii) classe la réclamation selon le niveau de préjudice que le demandeur a lui‑même sélectionné.

[74] À l’étape d’évaluation du processus de réclamation (l’étape 2), le traitement des formulaires de réclamation varie selon qu’il s’agit d’une réclamation de niveau 1 ou d’une réclamation des niveaux 2 à 5. Pour ce qui est des réclamations des niveaux 2 à 5, la défenderesse est autorisée à fournir à l’administrateur des réclamations des renseignements factuels supplémentaires relativement à une proportion des réclamations qui varie selon le niveau. La défenderesse dispose de 60 jours pour examiner les formulaires de réclamation des niveaux 2 et 3, et de 90 jours pour les formulaires de réclamation des niveaux 4 et 5.

[75] Dans ce contexte, une lecture appropriée de la CREI ne permet pas l’interprétation selon laquelle la divulgation progressive est un concept exécutoire de l’étape d’admission ou de l’étape d’évaluation.

[76] Qui plus est, une telle interprétation est en contradiction avec l’intention des parties, dont témoignent leurs actes et leurs observations.

F. L’intention des parties

[77] Dans son interprétation de la CREI, la Cour doit prendre en considération, en plus du texte et du contexte, l’intention des parties. Étant donné la nature contractuelle de la CREI, il est éloquent qu’aucune des parties ne soutienne la position des parties requérantes. Les observations des parties indiquent bien l’objectif de la CREI, et leurs gestes sont en accord avec cet objectif.

[78] L’administrateur des réclamations, conformément à ses fonctions et à ses responsabilités, a mis en place un processus de réclamation. Il l’a fait conjointement avec les parties, et ce processus témoigne de leur compréhension de la CREI. Comme envisagé initialement, un demandeur devait, dans sa réclamation, indiquer un seul niveau de préjudice et joindre tous les documents pertinents.

[79] Les circonstances ont changé : la pandémie est survenue.

[80] Je souscris à la déposition de l’administrateur des réclamations concernant les événements et les motifs qui ont mené à une modification temporaire du processus de réclamation. Les critiques formulées par les parties requérantes à l’endroit de l’administrateur des réclamations, y compris l’allusion à sa mauvaise foi, sont dénuées de fondement.

[81] Dans le cadre de ses fonctions, l’administrateur des réclamations a reçu environ 111 642 réclamations issues d’un groupe de demandeurs dont le nombre de membres est estimé à 140 000. Concernant environ 72 000 d’entre elles, une décision a été rendue et l’indemnité a été versée.

[82] De plus, rien ne permet de conclure qu’un problème systémique affecte l’administration des réclamations ou que celle‑ci souffre de lacunes par rapport à la CREI.

[83] De même, je souscris à la description que fait l’administrateur des programmes des difficultés qui surviendraient nécessairement si l’on donnait effet à l’interprétation des parties requérantes. Celles‑ci contestent cette description, mais sans produire de preuve. Elles s’appuient sur les prétendus témoignages d’experts de M. Stace et du Dr Poock, qui sont constitués de ouï‑dire ni utiles ni convaincants que la Cour ne peut retenir.

[84] Toutefois, les difficultés pratiques et administratives liées à la mise en œuvre de l’interprétation et de l’application de la CREI qui, d’après les parties requérantes, seraient celles appropriées, ne peuvent à elles seules justifier la position des parties, dans la mesure où faire une telle chose aurait pour effet d’enfreindre les principes à l’origine de la CREI.

[85] Les difficultés signalées par l’administrateur des réclamations démontrent que les parties ont établi le processus de réclamation conformément à leur intention de donner un caractère définitif à la CREI et à ses modalités telles qu’elles les comprenaient, à savoir qu’une seule réclamation devait être présentée en vue d’un règlement. L’administrateur des réclamations souligne explicitement les problèmes inhérents à la tentative de [traduction] « faire marche arrière ».

[86] Les parties requérantes soutiennent que l’autorisation d’une forme de divulgation progressive accordée par l’administrateur des réclamations constituait l’interprétation et l’application appropriées de la CREI.

[87] Cet argument est en contradiction avec la preuve établissant que l’administrateur des réclamations a créé une exception au processus afin de contrer des problèmes dans le traitement des réclamations en raison de la pandémie. L’affirmation selon laquelle l’« exception » était en fait la « norme » est indéfendable en fait et en droit.

[88] Les parties et l’administrateur des réclamations ont mis en œuvre une exception pour de bonnes raisons. A posteriori, il aurait peut‑être été préférable que l’administrateur des réclamations obtienne à l’égard de cette exception l’approbation de la Cour – une approbation qu’elle aurait probablement accordée. Toutefois, l’absence d’approbation ne modifie pas les modalités de la CREI.

[89] Au titre de cette exception temporaire, des demandeurs se sont peut‑être prévalus du droit à la divulgation progressive qui ne leur aurait normalement pas été accordé. Cependant, les parties requérantes ont obtenu les avantages que leur conférait la CREI, comme l’exigeait l’arrêt JW.

[90] Le processus utilisé depuis le 15 juin 2020 est celui qui correspond à l’intention des parties. De plus, il est conforme au texte et au contexte de la CREI.

V. Conclusion

[91] En fait, les parties requérantes demandent que la Cour modifie la CREI de façon à ce qu’il soit permis de présenter plusieurs demandes d’indemnisation de divers niveaux.

[92] La CREI n’incorpore pas ce concept de divulgation progressive. Les parties ont choisi d’exclure la divulgation progressive du modèle établi par la CREI, ce que la Cour a jugé raisonnable. La CREI ne comporte pas de [traduction] « lacune » à laquelle une cour de justice doive remédier. Une exception temporaire, comme celle permettant en l’espèce une forme de divulgation progressive, est par définition une exception, et non pas la règle.

[93] Les parties requérantes ont obtenu les avantages que leur conférait la CREI, comme prévu.

[94] Par conséquent, je rejette les présentes requêtes, sans dépens.

« Michael L. Phelan »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 23 septembre 2021

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑2169‑16

 

INTITULÉ :

GARRY LESLIE MCLEAN, ROGER AUGUSTINE, CLAUDETTE COMMANDA, ANGELA ELIZABETH SIMONE SAMPSON, MARGARET ANNE SWAN et MARIETTE LUCILLE BUCKSHOT c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA représentée par LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et JESSIE WALDRON et RANDY KEVIN POOYAK et DELOITTE LLP

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 juillet 2021

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 23 septembre 2021

 

COMPARUTIONS :

Mary Thomson

Joshua Shoemaker

 

POUR LES DEMANDEURS (INTIMÉS)

 

Catharine Moore

Sarah Dawn Norris

 

POUR LA DÉFENDERESSE (INTIMÉE)

 

Nicholas Racine

 

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE,

JESSIE WALDRON

 

Eleanore Sunchild, c.r.

Michael Seed

 

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE,

RANDY KEVIN POOYAK

Peter Griffin

Jonathan Chen

POUR L’INTERVENANTE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLG (Canada) LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS (INTIMÉS)

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE (INTIMÉE)

 

Bergerman Smith LLP

Avocats

Saskatoon (Saskatchewan)

 

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE,

JESSIE WALDRON

 

Sunchild Law

Avocats

Battleford (Saskatchewan)

 

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE,

RANDY KEVIN POOYAK

Lenczner Slaght LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR L’INTERVENANTE

 

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