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Date : 20030626

Dossier : IMM-3200-02

Référence : 2003 CFPI 786

Ottawa (Ontario), le jeudi 26 juin 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

                              FRANCIS MANOHARARAJAH PACKYANATHER

                                                                                                                                           demandeur

                                                                          - et -

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                             MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON


[1]                 M. Packyanather est un citoyen tamoul du Sri Lanka. Il revendique le statut de réfugié au sens de la Convention en prétendant qu'il est une personne qui craint avec raison d'être persécutée du fait de sa race, des opinions politiques qui lui sont imputées et de son appartenance à un groupe social. Ce groupe social est décrit comme le groupe des Tamouls du Nord et de l'Est qui risquent d'être persécutés par les autorités sri-lankaises, par divers groupes tamouls militants qui s'alignent sur les autorités sri-lankaises et par les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (TLET).

[2]                 Par sa décision datée du 24 mai 2002, la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SSR) a conclu que M. Packyanather n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Cette décision découle de la conclusion tirée par la SSR selon laquelle M. Packyanather n'a pas réussi à démontrer qu'il est une personne qui craint avec raison d'être persécutée et, de façon subsidiaire, de la conclusion selon laquelle il a une possibilité de refuge intérieur viable.

[3]                 En résumé, M. Packyanather prétend ce qui suit : ses problèmes ont commencé en 1989 alors qu'il travaillait en tant qu'imprimeur. Il a été amené de force par les TLET pour faire du travail d'imprimeur pendant un mois et demi. Cinq mois après avoir été relâché par les TLET, il a été amené par un groupe de militants opposés aux TLET, un groupe connu sous le nom de Tristar. Il a été accusé d'avoir volontairement fourni ses services aux TLET et il a été détenu, battu et interrogé pendant cinq mois et demi. M. Packyanather a échappé aux militants du groupe Tristar et il s'est rendu à Colombo en juillet 1990. Il est resté à Colombo pendant trois jours, puis il a quitté le Sri Lanka.


[4]                 M. Packyanather s'est rendu en Russie, où il est resté pendant deux ans et demi. Il a ensuite quitté la Russie pour se rendre en Tchécoslovaquie où il est resté pendant deux mois et demi. En 1993, il est allé en Allemagne et il y a présenté une revendication du statut de réfugié, laquelle a été rejetée. Après avoir exercé tous les possibilités de recours en Allemagne, M. Packyanather s'est rendu aux États-Unis le 14 décembre 2000. Le lendemain, il est entré au Canada et il a présenté sa revendication du statut de réfugié.

[5]                 M. Packyanather fait valoir que la SSR a commis trois erreurs susceptibles de contrôle.

[6]                 Premièrement, il prétend que la SSR a commis une erreur lorsqu'elle a rejeté son témoignage selon lequel il serait arrêté par les militaires à son retour au Sri Lanka parce qu'il n'avait pas procédé auprès de la police à l'enregistrement de sa présence pendant les trois jours passés à Colombo en juillet 1990. La SSR n'a pas jugé que sa crainte était raisonnable ou vraisemblable et elle a déclaré que « [l]'enregistrement obligatoire a été approuvé en 1983, mais cette mesure n'a jamais été sérieusement appliquée avant juin 1990. Nous déterminons, à la prépondérance des probabilités, que, après douze ans, le fait qu'il ne s'est pas enregistré en juillet 1990 n'est pas une raison pour qu'il soit " arrêté " » . M. Packyanather affirme qu'étant donné que le mois de juillet suit le mois de juin, la conclusion de la SSR était contredite par son propre raisonnement.


[7]                 Toutefois, je suis convaincue que la conclusion de la SSR selon laquelle il était peu probable que M. Packyanather soit arrêté s'il retournait au Sri Lanka n'était pas fondée sur une confusion à savoir si le mois de juin suit le mois de juillet. Plutôt, M. Packyanather a témoigné que durant ces trois jours passés à Colombo en juillet 1990, le propriétaire de la pension où il vivait lui avait dit qu'il devait procéder auprès de la police à l'enregistrement de sa présence. Cependant, bien que les autorités aient fait des vérifications auprès d'autres pensions des environs, elles n'avaient pas fait de vérifications relativement à M. Packyanather ou auprès de la pension où il demeurait. Étant donné que M. Packyanather n'a pas eu de problèmes à Colombo en 1990, il n'était pas manifestement déraisonnable pour la SSR de conclure qu'il était peu vraisemblable que les autorités l'arrêtent douze ans plus tard pour une transgression qui n'avait pas été notée en 1990.

[8]                 On a alors une fois de plus demandé à M. Packyanather les raisons pour lesquelles il croyait que les militaires voudraient l'arrêter douze ans plus tard et il a répondu en mentionnant l'expérience vécue lorsqu'il avait été amené par les militants du groupe Tristar et lorsqu'il leur avait ensuite échappé. La SSR a écrit ce qui suit à l'égard de ce témoignage du demandeur :

Nous lui avons rappelé que cet incident n'avait pas eu lieu à Colombo et, par conséquent, que les militaires à Colombo ne seraient pas au courant de ce qui s'est passé dans le Nord en 1989-1990 ou ne s'en souviendraient pas. Le revendicateur a été incapable de répondre.


[9]                 M. Packyanather prétend que la SSR, lorsqu'elle a rejeté son témoignage, a commis une autre erreur. L'erreur consiste cette fois à avoir fait, à l'égard des politiques et des procédures pour lesquelles elle ne disposait pas de preuve, une hypothèse selon laquelle les militaires du nord du Sri Lanka ne partagent pas les renseignements qu'ils détiennent avec les militaires du sud du pays.

[10]            Je ne suis pas d'avis que la SSR a commis une telle erreur. Premièrement, M. Packyanather n'a pas été arrêté par les militaires du nord du Sri Lanka. Il a été amené par les militants du groupe Tristar, un groupe paramilitaire distinct. Deuxièmement, la SSR a demandé à plusieurs reprises à M. Packyanather d'expliquer le fondement de sa crainte d'être arrêté par les militaires parce qu'il avait échappé aux militants du groupe Tristar. M. Packyanather n'a pas donné d'explication. Il a seulement dit que c'était ce qu'il craignait parce qu'il était vraisemblable que ceux qui l'avaient détenu dans le Nord puissent maintenant vivre à Colombo. M. Packyanather n'a pas mentionné le traitement subi par d'autres individus dans des situations semblables ou d'autres éléments de la preuve documentaire au soutien de sa prétention de crainte. Il n'a pas témoigné qu'il avait appris que quelqu'un le recherchait. Il appartenait à M. Packyanather d'établir au moyen d'éléments de preuve dignes de foi qu'il était une personne qui craignait avec raison d'être persécutée. La SSR n'avait pas l'obligation d'accepter les craintes de M. Packyanather ou les hypothèses énoncées qui n'étaient pas fondées sur des faits soumis en preuve.


[11]            Finalement, M. Packyanather affirme que la SSR a, lorsqu'elle a examiné l'existence d'une crainte de persécution objective et d'une possibilité de refuge intérieur, commis une erreur en se fondant sur de la documentation qui n'était pas à jour et en mettant en doute les documents fournis en son nom.

[12]            Cette prétention est erronée parce que les notes de bas de page des motifs de la SSR qui traitent de la preuve documentaire montrent que la SSR, pour tirer ses conclusions, s'est fondée sur les mêmes documents que ceux sur lesquels l'avocat de M. Packyanather s'est fondé.

[13]            M. Packyanather affirme en outre que la SSR a omis de prendre en compte des éléments de preuve documentaire importants ou qu'elle a mal interprété ces éléments, mais il n'a pas soumis à la Cour les éléments de preuve documentaire dont disposait la SSR pas plus qu'il n'a cité des éléments de preuve documentaire particuliers qu'il affirme que la SSR a omis de prendre en compte. En l'absence de telle preuve, aucune erreur susceptible de contrôle n'a été établie à l'égard de l'utilisation de la preuve documentaire faite par la SSR.

[14]            Pour les motifs énoncés, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Les avocats n'ont proposé aucune question aux fins de la certification et aucune question n'est soulevée dans le présent dossier.


ORDONNANCE

[15]            PAR LA PRÉSENTE LA COUR ORDONNE :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Eleanor R. Dawson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                               COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                            AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           IMM-3200-02

INTITULÉ :                                           Francis Manohararajah Packyanather c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le mercredi 4 juin 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        Le juge Dawson

DATE DES MOTIFS :                        Le 26 juin 2003

COMPARUTIONS :

Helen P. Luzius                          POUR LE DEMANDEUR

Amina Riaz                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Helen P. Luzius

Avocate

Toronto (Ontario)                                    POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général              POUR LE DÉFENDEUR


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