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                                                                 Date : 20030226

                                                             Dossier : IMM-1327-02

                                                Référence neutre : 2003 CFPI 223

Entre :

                          Jeannine HAKIZIMANA

et

                          Cédric BICAMUMPAKA

et

                        Astrid BICAMUMPAKA SHEMA

                                                               Demandeurs

et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                       ET DE L'IMMIGRATION (M.C.I.)

                                                                Défendeur

                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

   Il s'agit ici d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié(la « CISR » ), rendue le 12 mars 2002, refusant aux demandeurs le statut de réfugiés réclamé en vertu de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la « Loi » ).


   La demanderesse principale, Jeannine Hakizimana, allègue une crainte bien fondée de persécution dans son pays d'origine, le Rwanda, en raison de sa race, à savoir son appartenance ethnique hutue, et en raison de ses opinions politiques imputées. Ses enfants mineurs, Astrid Bicamumpaka Shema ( « Astrid » ) et Cédric Bicamumpaka ( « Cédric » ), ont basé leur revendication sur la sienne. Astrid est citoyenne rwandaise, et Cédric a la double citoyenneté rwandaise et belge.

   L'époux de la demanderesse a été arrêté au Cameroun et est présentement détenu en attendant un procès devant le Tribunal pénal international sur le Rwanda, pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

   La CISR a divisé sa décision en deux parties, traitant le cas de Cédric séparément de celui de la demanderesse et Astrid.

   La CISR a trouvé que Cédric, ayant la citoyenneté belge, bénéficie à ce titre de la protection que tout citoyen belge peut avoir en Belgique, et ne peut donc réclamer la protection du Canada.

   La CISR a trouvé que la demanderesse principale et Astrid sont des personnes exclues de l'application de la Convention de 1951 en vertu de la section 1(E) de l'annexe de la Loi. Elle donne les motifs suivants à l'appui de sa décision :

-     avant de se rendre au Cameroun, les demandeurs, ayant quitté le Rwanda en avril 1994, sont passés par le Zaïre où ils sont restés jusqu'en janvier 1997, et par le Congo oùils sont restés jusqu'en juin 1997;

-     la demanderesse a obtenu une carte de séjour camerounaise provisoire qui, par la suite, est devenue temporaire et qui était équivalente à un permis de résidence;

-     les quatre critères énoncés dans l'affaire Shamlou c. Canada (M.C.I.) (1995), 32 Imm.L.R. (2d) 135, que la CISR devait suivre lors de l'évaluation des droits fondamentaux d'un revendicateur, sont satisfaits en l'espèce:


-     les demandeurs ont pu rentré au Cameroun légalement puisqu'ils étaient détenteurs d'un sauf-conduit. Les demandeurs auraient pu retourner au Cameroun si la demanderesse avait renouvelé sa carte de séjour, ce qu'elle n'a pas fait depuis son arrivée au Canada. Malgré la loi camerounaise indiquant que la carte de séjour leur permettait de sortir du Cameroun après avoir pris un visa de sortie, les demandeurs ont utiliséun faux passeport pour quitter le pays;

-     le Cameroun pratique une politique d'intégration favorable aux demandeurs d'asile, ces derniers bénéficieraient des mêmes avantages que les nationaux pour ce qui est de l'exercice d'une profession, de l'éducation et d'autres domaines comme l'accès aux services sociaux. La demanderesse a travaillé continuellement durant la totalité de son séjour au Cameroun;

-     il a été admis par la demanderesse que ses deux enfants ont eu accès à l'éducation;

-     la preuve documentaire confirme que les services sociaux sont disponibles au Cameroun et qu'ils peuvent être utilisés par les personnes se trouvant sur leur territoire. La demanderesse n'a produit aucune preuve à l'effet contraire;

-     la demanderesse a admis et confirmé au tribunal qu'elle ne craignait nullement les autorités du Cameroun. De plus, elle n'a quitté le Cameroun avec ses enfants que trois mois après l'attaque qui aurait été perpétrée à son domicile. Elle a continué à travailler jusqu'à son départ et ne menait nullement une vie clandestine. Son explication qu'elle ne voulait pas alarmer ses enfants est inacceptable; et

-     la demanderesse a déclaréqu'elle n'avait jamais quitté le Cameroun avant son départ pour le Canada, alors qu'elle est allée en République Centrafricaine du 12 au 19 mars 1998 en mission pour son employeur. Son explication qu'elle n'y avait pas pensé est inacceptable, et d'avoir caché ce fait mine à sa crédibilité. L'événement indique qu'elle avait pu quitter et revenir légalement au Cameroun sans aucun problème.

   Les demandeurs soutiennent que la CISR a erréen appliquant la clause d'exclusion de la section 1(E) de l'annexe de la Loi alors que la preuve testimoniale et documentaire est à l'effet qu'ils n'avaient pas de droits acquis au Cameroun. Je ne suis pas d'accord.

   La demanderesse a obtenu une carte de séjour une fois arrivée au Cameroun. Elle a témoigné avoir dû payer un pot-de-vin à un représentant des autorités. La CISR n'a toutefois pas erré en trouvant que ce document était authentique et officiel, considérant la loi camerounaise pertinente ainsi que la preuve déposée à l'effet que le Cameroun est un pays oùla corruption est rampante.


   La CISR avait raison de s'appuyer sur l'affaire Shamlou (supra) afin de déterminer si les demandeurs avaient les droits fondamentaux attachés à la possession de la nationalitédu Cameroun. Au paragraphe 35 de cette affaire, le juge Teitelbaum énumère les critères à suivre :

[TRADUCTION]

[ 35]       Lorne Waldman dans son ouvrage affirme que les tribunaux de la Commission devraient appliquer la section E de l'article premier avec "grande prudence". Il expose quatre critères que, selon lui, la Commission devrait suivre lors de l'évaluation des "droits fondamentaux" accordés à un demandeur du statut. Ces quatre critères sont :

a) le droit de retourner dans le pays de résidence;

b) le droit de travailler sans restriction aucune;

c) le droit d'étudier;

d) le droit d'utiliser sans restriction les services sociaux du pays de résidence.

            

Si le requérant jouit de quelque statut temporaire qui doit être renouvelé et qui pourrait être annulé, ou si le requérant n'a pas le droit de retourner dans le pays de résidence, il est clair que le requérant ne devrait pas être exclu en application de la section E de l'article premier. [Voir Note 15 ci-dessous]

Note 15 : Waldman, [Immigration Law and Practice (Markham, Ontario: Butterworths, 1992)], le paragraphe 8.218, aux pages 8.204 et 8.205.

La CISR a trouvé que les demandeurs, pendant leur séjour au Cameroun, avaient les droits énumérés ci-dessus. Avec la carte de séjour valide et un visa de sortie, les demandeurs auraient eu le droit de retourner au Cameroun en cas de sortie temporaire, tel qu'il appert de la loi camerounaise. Également, la demanderesse n'a pas eu de problèmes au niveau de l'emploi : elle a travaillé presque continuellement dans son domaine professionnel d'auditrice jusqu'à son départ du Cameroun. Les enfants ont pu étudier àl'école sans difficulté. La CISR s'est aussi appuyée sur la preuve documentaire pour trouver que les demandeurs auraient eu le droit d'utiliser les services sociaux, conclusion non-contestée par ces derniers.


Les demandeurs soumettent que la CISR a erréen concluant par simple analogie que la situation offerte par le Cameroun aux réfugiés zaïrois est la même que celle offerte aux autres réfugiés. Toutefois, il appert que l'analogie à la situation des réfugiés zaïrois ne sert qu'à soutenir la conclusion que les demandeurs avaient les droits pertinents.

Les dispositions pertinentes de la Loi sur les conditions d'entrée, de séjour et de sortie des étrangers au Cameroun (Loi pertinente au Cameroun) sont les suivantes :

ARTICLE 8.-

Sont considérés comme résidents, les étrangers ayant bénéficié de cette qualité après un séjour régulier sur le territoire national pendant une durée d'au moins six (6) ans consécutifs.

ARTICLE 12.-

Tout étranger déjàtitulaire d'une carte de séjour en cours de validité, tel que prévu à l'article 17 ci-dessous, est tenu à l'entrée sur le territoire national, de présenter à la fois sa carte de séjour et son passeport ou tout autre titre de voyage en cours de validité, revêtu du visa de sortie prévu à l'article 29 ci-dessous.

ARTICLE 17.-

(1) Tout étranger âgé de plus de 18 ans, entré régulièrement sur le territoire national, et autorisé à y séjourner doit, dans un délai de trois (3) mois, sous peine de reconduite à la frontière, se présenter aux autorités compétentes pour solliciter une carte de séjour.

[. . .]

ARTICLE 18.-

(1) La carte de séjour est accordée aux étrangers admis sur le territoire national pour un séjour d'une durée au moins égale à deux (2) ans et inférieure à six (6) ans.

(2) La durée de validité de la carte de séjour est de deux (2) ans renouvelable.

[. . .]

ARTICLE 20.-

(1) Peut obtenir la carte de résident, l'étranger qui justifie d'une résidence non interrompue d'au moins six (6) ans au Cameroun, et se conforme aux lois et règlements en vigueur.

[. . .]

ARTICLE 23.-

[. . .]

(2) Le défaut de renouvellement de la carte de séjour ou de résident, soit parce que la demande n'a pas étéintroduite dans le délai imparti au (1) ci-dessus, soit parce que celle-ci a été refusée, emporte application de la mesure de reconduite à la frontière prévue au chapitre VIII ci-dessous.


ARTICLE 25.-

Tout étranger qui séjourne en dehors du territoire national pendant douze (12) mois consécutifs, perd le bénéfice des effets attachés à la validité de sa carte de séjour ou, selon le cas, de résident, ainsi que du visa de sortie, sauf cas de maladie ou de force majeure, dûment prouvé.

ARTICLE 26.-

Sauf si sa présence constitue une menace pour la société et l'ordre publics, l'étranger de moins de dix-huit (18) ans bénéficie de plein droit de la carte de séjour ou, selon le cas, de résident dont le chef de famille ou, le cas échéant, le conjoint est titulaire, . . .

ARTICLE 29.-

(1) Tout étranger titulaire d'une carte de séjour ou de résident est tenu de prendre un visa de sortie lorsqu'il sort du territoire national, sauf si une convention particulière en dispose autrement.

[. . .]

ARTICLE 32.-

(1) Le refoulement est la mesure administrative prise à l'encontre de tout étranger qui se présente à l'entrée du territoire nationale [sic] sans avoir rempli les conditions d'entrée prévues par la présente loi.

[. . .]

Lorsque les demandeurs sont arrivés au Canada, la demanderesse avait une carte de séjour valide jusqu'en mars 2000. Toutefois, en partant sans visa de sortie et en utilisant des documents frauduleux, les demandeurs ont perdu leur droit de retourner au Cameroun (articles 12 et 32 de la Loi pertinente au Cameroun). Également, en restant en dehors du Cameroun pendant plus de douze mois consécutifs, les demandeurs ont perdu le bénéfice de la validité de la carte de séjour (article 25 de la Loi pertinente au Cameroun), s'il en restait après leur départ frauduleux. Même si la demanderesse avait voulu retourner au Cameroun ou avait essayé de renouveler sa carte de séjour après le mois de juillet 1999, il lui aurait été impossible de le faire, vu les dispositions de la Loi pertinente au Cameroun.


Dans Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration c. Choovak, 2002 CFPI 573, le juge Rouleau rappelle que le moment appropriépour déterminer l'existence du droit de retour au pays n'est pas la date de l'audience, mais plutôt la date de la demande d'admission au Canada :

[TRADUCTION]

[ 37]      Je dois avouer que cet argument de la défenderesse me paraît difficile àaccepter car il mène à un résultat absurde suivant lequel un avocat peut reporter indéfiniment l'audience d'une revendication de statut de réfugié de façon àlaisser devenir périmé le statut de résident du revendicateur, rendant par là inapplicable la clause d'exclusion de la section 1E. Il faut donner à cette disposition une interprétation plus conforme à son objet, qui est de fournir un refuge sûr à ceux qui en ont vraiment besoin et non d'ouvrir un raccourci commode vers le droit d'établissement aux immigrants qui ne peuvent pas l'obtenir de la manière usuelle ou qui ne le veulent pas. Je me rallie donc entièrement à la position adoptée [sic] la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration c. Mahdi, [1995] A.C.F. no 1623 (QL), au par. 12 : « la question véritable que la Commission devait trancher dans cette affaire était la suivante : l'intimée était-elle, lorsqu'elle a demandé son admission au Canada, une personne qui était encore reconnue par les autorités compétentes des États-Unis comme un résident permanent de ce pays » .

En l'espèce, les demandeurs ont perdu leur droit de retour au Cameroun lorsqu'ils sont partis avec des faux documents, faisant ainsi défaut de se conformer à l'article 29 de la Loi pertinente au Cameroun. S'ils avaient essayé de retourner dès lors au Cameroun, ils auraient été refoulés en vertu de l'article 32 de ladite loi. Cela veut dire que les demandeurs n'avaient pas le droit de retour au Cameroun lorsqu'ils se sont présentés au point d'entrée au Canada. Cependant, ils ont perdu leur statut au Cameroun par leur propre faute. Ils ont allégué avoir utilisé de faux documents à cause d'une crainte des autorités camerounaises. La CISR a trouvé qu'en regard de la preuve devant elle, une telle crainte n'était pas raisonnable.


Il incombait aux demandeurs de démontrer que cette dernière conclusion de fait était erronée, ce qu'ils n'ont pas réussi à faire. On sait qu'en matière de crédibilité, il n'appartient pas à cette Cour de se substituer au tribunal administratif lorsque, comme ici, la partie demanderesse fait défaut de démontrer que sa décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments à sa disposition (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7). Il est bien établi que la CISR est un tribunal spécialisé qui a le pouvoir d'apprécier la plausibilité et la crédibilité d'un témoignage dans la mesure où les inférences qu'il tire ne sont pas déraisonnables (Aguebor c. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)) et les motifs sont énoncés de façon claire et compréhensible (Hilo c. M.E.I. (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.)). En l'espèce, après révision de la preuve, je ne suis pas satisfait que la CISR ait commis quelque erreur de fait manifeste et dominante. La CISR a rejeté le témoignage de la demanderesse sur sa crainte de retourner au Cameroun parce que les demandeurs ont attendu trois mois après l'attaque avant de partir. La CISR a trouvé incroyable l'explication fournie par la demanderesse à l'effet qu'elle ne voulait pas alarmer ses enfants de nouveau et qu'elle a donc attendu la fin de l'année scolaire avant de partir. Étant donné le témoignage de la demanderesse àl'effet qu'elle a continué de travailler pendant ces trois mois et que les demandeurs n'ont pas du tout changé leur façon de vivre, la conclusion de la CISR à l'effet que le comportement de la demanderesse est allé à l'encontre de sa crainte alléguée n'est pas déraisonnable. Outre l'attaque décrite ci-haut, aucun autre événement particulier où les demandeurs auraient été ciblés n'a été mentionné, que ce soit par les escadrons de la mort ou par les autorités camerounaises. L'arrestation légale de l'époux de la demanderesse ne suffit pas, en soi, à démontrer que les demandeurs seraient par la suite en danger de persécution. Sur la base des faits mis en preuve, ce tribunal était donc justifiéde conclure qu'il n'était pas raisonnable pour les demandeurs de ne pas se munir d'un visa de sortie tel que requis par la loi camerounaise, et qu'ils ne pouvaient alors pas s'appuyer sur le manque de droit de retour pour soutenir que la clause d'exclusion ne devait pas s'appliquer.

Les demandeurs soutiennent par ailleurs que la CISR n'a àaucun moment, durant les nombreuses séances d'audition, séparé la revendication de l'enfant Cédric de celle de sa mère et de sa soeur. Ils reprochent aussi au tribunal de ne pas avoir désigné de représentant ad hoc àCédric, ni offert à ce dernier l'occasion de s'exprimer.


Il importe ici de reproduire les dispositions statutaire et réglementaire suivantes :

a)    le paragraphe 69(4) de la Loi :

69. (4) La section du statut commet d'office un représentant dans le cas où l'intéressé n'a pas dix-huit ans ou n'est pas, selon elle, en mesure de comprendre la nature de la procédure en cause.

69. (4) Where a person who is the subject of proceedings before the Refugee Division is under eighteen years of age or is unable, in the opinion of the Division, to appreciate the nature of the proceedings, the Division shall designate another person to represent that person in the proceedings.

b) le paragraphe 15(1) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228 :

15. (1) Si le conseil d'une partie croit que la Section devrait commettre un représentant à la personne en cause parce qu'elle est âgée de moins de dix-huit ans ou n'est pas en mesure de comprendre la nature de la procédure, il en avise sans délai la Section par écrit. S'il sait qu'il se trouve au Canada une personne ayant les qualités requises pour être représentant, il fournit les coordonnées de cette personne dans l'avis.

(2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas dans le cas de la demande d'asile d'une personne âgée de moins de dix-huit ans jointe à celle d'une personne âgée de dix-huit ans ou plus.

15. (1) If counsel for a party believes that the Division should designate a representative for the claimant or protected person in the proceedings because the claimant or protected person is under 18 years of age or unable to appreciate the nature of the proceedings, counsel must without delay notify the Division in writing. If counsel is aware of a person in Canada who meets the requirements to be designated as a representative, counsel must provide the person's contact information in the notice.

(2) Subsection (1) does not apply in the case of a claimant under 18 years of age whose claim is joined with the claim of a person who is 18 years of age or older.

Le tribunal a bien rendu deux décisions, faisant la distinction entre la revendication de la demanderesse et Astrid, et celle de Cédric. Il est vrai, aussi, que ce n'est qu'en cours d'audience que la citoyennetébelge de Cédric fut connue, résultat d'une nouvelle loi alors introduite avec effet rétroactif, en Belgique. Toutefois, la CISR a erré en omettant de nommer dès lors un conseiller indépendant à Cédric, tel que requis par le paragraphe 69(4) de la Loi ainsi que par l'article 15 des Règles de la Section de la protection des réfugiés. En ne donnant pas à Cédric l'opportunité d'être entendu, le tribunal a en outre violéla règle audi alteram partem (Maricic c. Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration, 2002 CFPI 510). Ce déni de l'équité dans la procédure suffit, à mon sens, pour entacher la décision de la CISR. Dans l'arrêt Cardinal c. Directeur de l'Établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, à la page 661, la Cour suprême du Canada a en effet confirmé:


. . . Si c'est là la façon correcte de voir les implications de l'analyse adoptée par la majorité de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique sur la question d'équité dans la procédure en l'espèce, j'estime nécessaire d'affirmer que la négation du droit àune audition équitable doit toujours rendre une décision invalide, que la cour qui exerce le contrôle considère ou non que l'audition aurait vraisemblablement amenéune décision différente. Il faut considérer le droit à une audition équitable comme un droit distinct et absolu qui trouve sa justification essentielle dans le sens de la justice en matière de procédure àlaquelle toute personne touchée par une décision administrative a droit. Il n'appartient pas aux tribunaux de refuser ce droit et ce sens de la justice en fonction d'hypothèses sur ce qu'aurait pu être le résultat de l'audition.

(Je souligne.)

Les demandeurs soumettent aussi que la CISR a erréen fondant sa décision sur la pièce M-21, puisque le procureur des demandeurs s'était objecté à sa production, que la CISR avait pris l'objection sous réserve et qu'elle ne l'a jamais tranchée.

À la première page de sa décision, la CISR a indiqué que les demandeurs se sont objectés à une question particulière posée par le représentant du Ministre à l'ambassade de Belgique, question se trouvant àl'intérieur de la pièce M-21. L'objection a été prise « sous réserve » , mais la CISR était d'avis qu'il n'était plus nécessaire de la traiter puisque la clause d'exclusion ne touchait pas la Belgique. Si l'objection était contre la production du document, la CISR a erré en s'appuyant sur la pièce M-21 àla page 7 de sa décision. Toutefois, même si la CISR a erré, l'erreur n'est pas fatale à sa décision, la pièce M-21 ne servant aucunement àappuyer l'un des dispositifs de la décision.


Finalement, les demandeurs se plaignent de l'attitude de complaisance de la CISR vis-à-vis les nombreuses demandes d'ajournement faites par le représentant du Ministre, malgré les objections et protestations de leur procureur. Considérant que les demandeurs ont, à l'occasion, eux-mêmes eu besoin des délais et considérant qu'on ne m'a pas satisfait que ceux-ci leur ont causéun préjudice sérieux, je ne vois pas d'atteinte aux droits des demandeurs. Àcet égard, la possibilitéque les demandeurs puissent obtenir le statut de réfugiés ailleurs qu'au Canada puisse être diminuée par leur séjour dans ce pays ne constitue pas un argument convaincant, puisque dans les circonstances, c'est normalement le moment de la demande de protection de réfugiéqui est pris en compte, non pas le délai justifiable pour disposer de cette demande.

Pour tous ces motifs, aucune erreur justifiant la révision par cette Cour n'ayant été établie pour les cas de la demanderesse principale et de sa fille Astrid, la demande de ces dernières ne peut être accueillie. Par ailleurs, dans la mesure où le demandeur Cédric Bicamumpaka, âgé de moins de dix-huit ans, est concerné, la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie aux motifs que la CISR a fait défaut de se conformer à l'exigence du paragraphe 69(4) de la Loi, en ne lui commettant pas d'office un représentant, et que le tribunal a aussi erréen ne lui donnant pas l'opportunitéd'être entendu séparément.

Une ordonnance est donc rendue en conséquence.

Les questions proposées par les demandeurs pour fin de certification ne rencontrent pas les critères établis par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Canada (M.C.I.) c. Liyanagamage (1994), 176 N.R. 4; à cet égard, je souscris entièrement aux représentations écrites du 13 février 2003 de l'avocat du défendeur qui, pour sa part, ne propose pas de question pour certification. Aucune question n'est donc certifiée.

                                                                         

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 26 février 2003


                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

             NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                              IMM-1327-02

INTITULÉ:                           Jeannine HAKIZIMANA

et

                                Cédric BICAMUMPAKA

et

                             Astrid BICAMUMPAKA SHEMA

                                                                         Demandeurs

et

                          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                          ET DE L'IMMIGRATION (M.C.I.)

                                                                          Défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                   Le 16 janvier 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE :     L'honorable juge Pinard

EN DATE DU :                    26 février 2003

ONT COMPARU :

Me Francine Veilleux                        POUR LES DEMANDEURS

Me Guy Lamb                           POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Francine Veilleux                     POUR LES DEMANDEURS

Avocate

Lévis (Québec)

Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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