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Date : 20211202


Dossier : IMM‑1081‑20

Référence : 2021 CF 1342

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 2 décembre 2021

En présence de madame la juge Pallota

ENTRE :

RAMDAI ROOPCHAN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, Ramdai Roopchan, sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent des visas (l’agent) a rejeté sa demande de permis d’études afin de participer à un programme d’études culinaires d’un an au Niagara College Canada (Niagara College). L’agent n’était pas convaincu que Mme Roopchan quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé en raison de ses antécédents (elle a déjà contrevenu aux conditions d’admission lors d’un séjour antérieur au Canada); de ses liens familiaux au Canada et au Guyana, son pays de résidence; de l’objet de sa visite; de ses actifs personnels et de sa situation financière.

[2] Mme Roopchan soutient que l’agent n’a pas fourni de motifs intelligibles et transparents pour justifier la décision, ce qui rend celle‑ci déraisonnable. De plus, elle affirme que l’agent a manqué à son devoir d’équité procédurale en tirant des conclusions voilées quant à la crédibilité, sans lui donner l’occasion de répondre à ses préoccupations.

[3] Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas convaincue que la décision de l’agent est déraisonnable ni que l’agent a manqué à son devoir d’équité procédurale. Par conséquent, la présente demande doit être rejetée.

II. Les questions en litige et la norme de contrôle applicable

[4] Dans son mémoire, Mme Roopchan énonce trois questions à trancher dans le cadre du contrôle judiciaire, qu’elle caractérise toutes comme des manquements à l’équité procédurale : (i) l’agent n’a pas fourni de motifs suffisants; (ii) il a tiré une conclusion voilée quant à la crédibilité sans mener d’entrevue ni lui donner l’occasion de présenter des éléments de preuve et des arguments pour répondre à ses préoccupations; (iii) il a fondé sa décision sur des faits erronés, des hypothèses et des conjectures sans tenir compte de la preuve.

[5] Seule la deuxième question soulève une question d’équité procédurale. Les questions relatives à l’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon une norme semblable à celle de la décision correcte : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2019 CSC 12 au para 43; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 23 [Vavilov]. Le rôle de la cour de révision est de se demander si la procédure suivie par le décideur était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54; Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35.

[6] Les première et troisième questions soulevées par Mme Roopchan portent sur le bien‑fondé de la décision de l’agent. Les parties conviennent que le bien‑fondé de cette décision est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. La norme de la décision raisonnable est une norme de contrôle empreinte de déférence, mais rigoureuse : Vavilov aux para 12, 13, 75 et 85. La cour de révision doit décider si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité : Vavilov au para 99. Une décision raisonnable est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov au para 85. Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable : Vavilov au para 100.

III. Analyse

A. Les motifs de l’agent sont‑ils insuffisants?

[7] Dans la lettre de décision rejetant la demande de permis d’études de Mme Roopchan, l’agent énonce les motifs suivants pour conclure qu’il n’est pas convaincu que la demanderesse quittera le Canada à la fin de son séjour autorisé :

  • le fait que Mme Roopchan a déjà contrevenu aux conditions d’admission lors d’un séjour antérieur au Canada;

  • ses liens familiaux au Canada et dans son pays de résidence;

  • l’objet de la visite de Mme Roopchan;

  • les biens personnels et la situation financière de Mme Roopchan.

[8] En plus d’être mentionnés dans cette lettre, les motifs invoqués par l’agent pour rejeter la demande de Mme Roopchan sont consignés dans les notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC) :

[traduction]

La DP [demanderesse principale] a recruté plusieurs répondants (sa sœur et un ami) pour la soutenir financièrement. La relation avec la DP et son historique de soutien familial ne sont pas suffisamment étayés. La DP n’a pas présenté de motif convaincant pour justifier ses études au Canada. Il est difficile de comprendre pourquoi la demanderesse engagerait des dépenses pour déménager au Canada plutôt que de suivre un cours similaire dans son pays de résidence. Je crains que la demanderesse utilise un permis d’études pour faciliter son entrée au Canada plutôt que pour parfaire ses études. D’après la preuve dont je dispose, je ne suis pas convaincu que la demanderesse est véritablement une étudiante qui souhaite suivre un programme d’études au Canada et qui repartirait à la fin de sa période de séjour autorisée. Demande rejetée.

[9] Mme Roopchan soutient que les motifs ténus de l’agent sont insuffisants, car ils ne satisfont pas aux critères de transparence, de justification et d’intelligibilité. Elle fait valoir que les notes du SMGC n’expliquent pas deux des raisons de base du rejet de la demande énoncées dans la lettre : le fait qu’elle a déjà contrevenu à des conditions d’admission lors d’un séjour antérieur, et ses liens familiaux au Guyana. En outre, elle prétend que les notes du SMGC ne font qu’énumérer les facteurs dont l’agent a tenu compte, sans fournir d’analyse de ces facteurs. Mme Roopchan affirme qu’elles ne contiennent aucune explication des raisons pour lesquelles l’agent a conclu qu’elle voulait seulement utiliser un permis d’études pour entrer au Canada, ou pour lesquelles la preuve concernant sa sœur et son ami prêts à la soutenir financièrement a été écartée et jugée non crédible.

[10] En outre, Mme Roopchan soutient que l’agent a fait fi de la preuve ou s’est fondé sur des éléments extrinsèques pour conclure qu’il n’existait pas de raison convaincante pour expliquer son séjour au Canada et pour conclure qu’il était difficile de comprendre pourquoi elle engagerait des dépenses pour déménager au Canada plutôt que de suivre un programme similaire dans son pays de résidence. Elle affirme qu’elle a bien indiqué dans sa demande de permis d’études que son rêve a toujours été d’étudier les arts culinaires et de devenir une boulangère‑pâtissière spécialisée, que si sa première année au Niagara College se passait bien, elle prévoyait présenter une demande dans un autre programme d’études culinaires dans le même collège ou un autre établissement et qu’il n’existe pas de programme équivalent au Guyana.

[11] Enfin, Mme Roopchan prétend que l’agent était tenu d’aborder la question de la double intention puisqu’elle avait bien expliqué cette double intention dès le départ. Bien qu’elle ait l’intention d’utiliser son permis d’études pour trouver un moyen de rester au Canada de façon définitive, elle [traduction] « promet de quitter le pays » à l’expiration de son visa si elle n’est pas en mesure d’immigrer au Canada.

[12] Le défendeur soutient que l’agent a fourni une explication adéquate à Mme Roopchan pour qu’elle puisse comprendre la raison du rejet de sa demande et que l’objectif fondamental visé par les motifs est donc atteint : Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 621 au para 9. L’agent a expliqué pourquoi il n’était pas convaincu que Mme Roopchan quitterait le Canada à la fin de sa période de séjour autorisée, conformément à l’alinéa 216(1)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR]. Le défendeur prétend que l’agent n’a pas mis en doute la crédibilité de la sœur et de l’ami de Mme Roopchan, mais a plutôt jugé que la preuve était insuffisante.

[13] Je partage l’avis du défendeur selon lequel l’agent était préoccupé par l’insuffisance de la preuve. Je ne suis pas convaincue que l’agent a écarté la preuve ni qu’il s’est fondé sur des éléments extrinsèques.

[14] D’après le dossier, il était raisonnable pour l’agent de conclure que Mme Roopchan n’avait pas fourni de raison convaincante pour expliquer pourquoi elle déménagerait au Canada afin de poursuivre ses études. La demande de permis d’études de Mme Roopchan indiquait qu’elle n’avait pas l’option d’étudier les arts culinaires au Guyana, mais elle n’a pas fourni de détails supplémentaires sur ce point. Je ne suis pas convaincue que l’agent s’est fondé sur des éléments de preuve extrinsèques concernant les programmes au Guyana au lieu de tirer une conclusion fondée sur l’insuffisance de la preuve de Mme Roopchan. En outre, la demande de permis d’études ne contenait pas de description du programme d’arts culinaires au Niagara College ni d’explication sur les différences par rapport à d’autres programmes. Mme Roopchan n’a pas mentionné dans sa demande, comme elle le fait maintenant dans la présente demande de contrôle judiciaire, qu’elle espère que le programme du Niagara College lui permettra d’être acceptée à un programme de deuxième année spécialisé dans la boulangerie et l’art de la pâtisserie au même collège.

[15] Je ne souscris pas à l’argument de Mme Roopchan selon lequel l’agent aurait dû lui donner l’occasion de répondre aux préoccupations en présentant d’autres éléments de preuve. Il appartient au demandeur de soumettre à l’agent tous les renseignements pertinents à l’appui de sa demande : Saloni c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2021 CF 474 au para 40; citant Masam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2018 CF 751 au para 11.

[16] Les conclusions de l’agent concernant la preuve relative au soutien financier de la sœur et de l’ami de Mme Roopchan sont elles aussi liées à la suffisance de la preuve. La demande de permis d’études de Mme Roopchan ne comportait aucun élément de preuve sur ses propres épargnes ou un plan visant à être autonome financièrement. Elle dépendrait du soutien d’autrui. Il était loisible à l’agent de soulever une préoccupation concernant le fait que ce soutien financier offert par la sœur et l’ami de la demanderesse n’était pas adéquatement étayé. Il était également loisible à l’agent de conclure que la relation entre Mme Roopchan et son ami était mal étayée. Les agents des visas jouissent d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour ce qui est de l’évaluation des demandes de visas d’étudiant (Onyeka c Canada (Citoyenneté et Immigration, 2017 CF 1067 au para 10, citant Solopova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 690 aux para 11, 33 [Solopova]) et je ne suis pas convaincue que l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’il a tiré ces conclusions. Il est acquis que le décideur administratif peut apprécier et évaluer la preuve qui lui est soumise et qu’à moins de circonstances exceptionnelles, les cours de révision ne modifient pas ses conclusions de fait : Vavilov au para 125.

[17] Par ailleurs, les préoccupations concernant le soutien financier n’étaient pas le seul facteur ayant mené au rejet de la demande par l’agent. Mme Roopchan n’a pas démontré que l’examen qu’a fait l’agent de ce facteur, entre autres, était déraisonnable.

[18] Mme Roopchan souligne à juste titre que, selon le paragraphe 22(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], la double intention n’empêche pas l’étranger de devenir résident temporaire sur preuve qu’il aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Cependant, l’agent a indiqué clairement qu’il n’était pas convaincu que Mme Roopchan satisfaisait à cette condition : Solopova au para 29. Il n’était pas nécessaire d’examiner plus en détail la double intention de Mme Roopchan.

[19] En résumé, Mme Roopchan n’a pas démontré que la décision de l’agent est déraisonnable parce qu’il n’a pas fourni de motifs suffisants. Les motifs fournis permettent à Mme Roopchan de comprendre les nombreuses préoccupations ayant mené au rejet de sa demande : le manque de preuve concernant sa relation avec ses répondants et le soutien financier qu’ils offrent; son défaut de fournir une raison convaincante pour expliquer ses études au Canada; et la difficulté de comprendre pourquoi elle engagerait des dépenses pour déménager au Canada plutôt que de suivre un programme d’études similaire au Guyana. Ces motifs ont fait craindre à l’agent que Mme Roopchan utilise un permis d’études pour faciliter son entrée au Canada plutôt que pour poursuivre ses études et l’ont mené à conclure qu’il n’était pas convaincu qu’elle quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé.

[20] Les motifs doivent être interprétés en tenant dûment compte du contexte administratif dans lequel ils sont fournis et en fonction du contexte de l’instance dans laquelle ils ont été rendus : Vavilov aux para 91 et 94. Lorsqu’ils sont lus dans le contexte des observations présentées et des éléments de preuve appuyant la demande de permis d’études de Mme Roopchan, les motifs de l’agent sont transparents, intelligibles et justifiés.

B. L’agent a‑t‑il tiré une conclusion voilée quant à la crédibilité?

[21] Mme Roopchan soutient que l’agent a manqué à son devoir d’équité procédurale en ne lui donnant pas l’occasion de répondre aux réserves quant à la crédibilité, l’exactitude ou l’authenticité des renseignements fournis au soutien de sa demande : Hamad c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 600 au para 19, citant Hassani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1283 au para 24. Elle ajoute que l’agent a tiré une conclusion voilée quant à la crédibilité en concluant qu’elle n’était pas véritablement une étudiante qui souhaite suivre un programme d’études au Canada et quitter le pays à la fin de son séjour autorisé. Elle mentionne que ses intentions, telles qu’elles ont été énoncées dans son affidavit, doivent être considérées comme vraies, à moins qu’il y ait des raisons de penser autrement. De plus, Mme Roopchan affirme que l’agent a tiré une conclusion voilée quant à la crédibilité de la preuve produite par son ami pour démontrer qu’il la soutiendrait financièrement, car il a émis des doutes à propos de la véracité de sa déclaration : Khodchenko c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 819 au para 10 [Khodchenko].

[22] Le défendeur soutient que l’agent n’a pas remis en doute la crédibilité ou l’authenticité des documents. Il a plutôt soupesé la preuve et conclu que les éléments de la demande étaient mal étayés, ce qui a donné lieu à la crainte légitime que Mme Roopchan reste illégalement au Canada après l’expiration de son visa. Le défendeur mentionne que l’obligation d’équité est « réduite au minimum et moins stricte » pour les visas d’étudiant (Bahr c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 527 aux para 32 et 38, Weng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 151 au para 20) et fait valoir que l’agent n’était pas tenu de fournir à la demanderesse une occasion de répondre à ses préoccupations en l’espèce.

[23] Je conviens avec le défendeur que l’agent n’a pas tiré de conclusion voilée quant à la crédibilité.

[24] À mon avis, il ne suffit pas pour un demandeur de dire qu’il a déclaré ses intentions pour faire valoir que l’agent a tiré une conclusion voilée quant à la crédibilité; sinon, il y aurait une conclusion voilée quant à la crédibilité chaque fois qu’un demandeur déclare une intention de quitter le Canada à la fin de son séjour autorisé. On ne peut présumer que, lorsque l’agent conclut que la preuve ne démontre pas le bien‑fondé de la demande du demandeur, l’agent n’a pas cru le demandeur : Solopova au para 40, citant Gao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 59 au para 32. Il incombe au demandeur de produire des éléments de preuve pour étayer sa demande, et l’agent est tenu d’évaluer la totalité de la preuve. À mon avis, c’est ce que l’agent a fait en l’espèce. Je partage l’avis du défendeur selon lequel la demande de permis d’études de Mme Roopchan n’est pas assortie d’éléments de preuve démontrant qu’elle voulait retourner au Guyana ou qu’elle avait des raisons d’y retourner. De fait, la preuve montre que Mme Roopchan a passé la majorité de sa vie adulte à l’extérieur du Guyana et qu’elle ne souhaite pas y retourner. Mme Roopchan n’a pas établi qu’elle avait des liens importants au Guyana ni qu’elle y avait un niveau d’établissement. Elle a expliqué qu’elle espérait que le programme d’études au Niagara College l’aiderait à obtenir un statut de résident permanent au Canada, mais elle n’a pas démontré comment cela l’aiderait au Guyana.

[25] Mme Roopchan a indiqué dans sa demande que, si le programme d’études ne mène pas à un statut de résident permanent au Canada, elle [traduction] « ne répétera pas les mêmes erreurs que par le passé ». Elle a déclaré avoir [traduction] « appris sa leçon », c’est‑à‑dire que le non‑respect des lois en matière d’immigration éliminera toutes ses chances de rester au Canada. Selon sa demande de permis d’études, Mme Roopchan était au Canada d’octobre 2007 à septembre 2016, jusqu’à son expulsion. Des éléments de preuve établissent que Mme Roopchan a déjà contrevenu aux lois canadiennes en matière d’immigration et qu’elle a présenté une fausse demande d’asile afin de rester au Canada. La demanderesse a expliqué avoir fait ces choses pour se bâtir une meilleure vie au Canada; elle exprime la même motivation pour sa venue au Canada afin d’étudier.

[26] En ce qui concerne la preuve relative au soutien financier, les circonstances de l’espèce sont différentes de celles dans l’affaire Khodchenko. Dans cette affaire, les notes du SMGC indiquaient que la seule préoccupation de l’agent concernant le soutien financier d’un ami de la famille était que « rien n’expliqu[ait] pourquoi il défrayera[it] un tel montant d’argent ». Comme l’ami de la famille a clairement énoncé pourquoi il finançait les études de Mme Khodchenko au Canada, la Cour a conclu que la préoccupation de l’agent était davantage un soupçon quant à l’existence de dessous à ce généreux don, ce qui l’a mené à douter de la véracité de la déclaration de l’ami de la famille. Dans les circonstances, la Cour a conclu que l’agent avait manqué à l’obligation d’équité procédurale parce qu’il aurait dû informer Mme Khodchenko de ses soupçons et lui donner l’occasion d’y répondre. Dans le cas qui nous occupe, je ne suis pas convaincue que l’agent a tiré une conclusion voilée quant à la crédibilité des intentions de l’ami de Mme Roopchan. Comme je l’ai mentionné précédemment, les préoccupations de l’agent sont liées à la suffisance de la preuve, et l’agent a soupesé celle‑ci à la lumière de l’ensemble du dossier.

[27] Je ne suis également pas convaincue par l’argument subsidiaire de Mme Roopchan selon lequel, même si l’agent n’avait pas tiré de conclusion voilée quant à la crédibilité, il était tenu de lui donner l’occasion de répondre à ses préoccupations, car celles‑ci allaient au‑delà des exigences de la LIPR et du RIPR. Mme Roopchan affirme qu’elle a produit tous les documents nécessaires pour se conformer aux exigences juridiques. Je ne suis pas d’accord. Selon l’alinéa 216(1)b) du RIPR, l’agent devait être convaincu que Mme Roopchan quitterait le Canada à la fin de sa période de séjour autorisée. Mis à part une affirmation selon laquelle elle ne répétera pas les mêmes erreurs et ne contreviendra pas aux lois canadiennes en matière d’immigration, la demande n’est pas étayée par des éléments de preuve établissant que Mme Roopchan a des raisons ou la volonté de quitter le Canada.

[28] Un agent n’a pas l’obligation de rendre acceptable une demande incomplète : Hamza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 264 au para 24; Kuhathasan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 457 au para 37. Il incombait à Mme Roopchan de convaincre l’agent qu’un permis d’études devait être délivré, ce qu’elle n’a pas réussi à faire : Solopova au para 37; voir aussi Balepo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1104 au para 27.

C. L’agent a‑t‑il fondé sa décision sur des faits erronés, des hypothèses et des conjectures sans tenir compte de la preuve?

[29] Mme Roopchan soutient que l’agent n’a pas tenu compte de son plan d’études, des éléments de preuve établissant sa relation de longue date avec les répondants et la situation financière de ces derniers.

[30] Je suis d’accord avec le défendeur que les agents des visas ne sont pas tenus de faire référence à chaque élément de preuve dont ils sont saisis : Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), [1999] 1 CF 53 au para 16, 1998 CanLII 8667 (CFPI). Il est présumé qu’en l’absence de fortes indications contraires, les décideurs ont soupesé et pris en considération l’ensemble de la preuve présentée devant eux : Hakimi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 657 au para 16.

[31] Mme Roopchan n’a pas établi que l’agent avait mal interprété les faits, n’avait pas tenu compte d’un facteur important ou avait soupesé les facteurs de manière déraisonnable. La lettre de rejet et les notes du SMGC indiquent que l’agent a examiné les observations et les éléments de preuve déposés à l’appui de la demande de permis d’études de Mme Roopchan et qu’il a rendu une décision fondée sur l’ensemble de la preuve. Les arguments de Mme Roopchan correspondent à un désaccord concernant la façon dont l’agent a soupesé la preuve, et lors d’un contrôle judiciaire, le rôle de la Cour n’est pas de procéder à son propre examen ni d’apprécier à nouveau la preuve : Vavilov aux para 83, 125.

IV. Conclusion

[32] Mme Roopchan n’a pas établi que la décision de l’agent est déraisonnable ni que l’agent a manqué à son devoir d’équité procédurale. Aucune partie ne propose de question à certifier et à mon avis, aucune ne se pose en l’espèce.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑1081‑20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Christine M. Pallotta »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Vézina


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑1081‑20

 

INTITULÉ :

RAMDAI ROOPCHAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 18 OCTOBRE 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE PALLOTTA

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 décembre 2021

 

COMPARUTIONS :

Lior Eisenfeld

 

Pour la demanderesse

 

Meg Jones

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lior Eisenfeld

Avocat

Ottawa (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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