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Date : 20030527

Dossier : T-1967-01

Référence neutre : 2003 CFPI 647

ENTRE :

                                                               RONALD G. MAHEU

                                                                                                                                               demandeur

                                                                                  et

                                                           IMS HEALTH CANADA et

                                          LE COMMISSAIRE À LA PROTECTION DE

LA VIE PRIVÉE DU CANADA

défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

[1]                  La présente requête est présentée par Ronald Maheu, président de Pharma Communications Group Inc. (Pharma). M. Maheu souhaite que la plainte, rejetée par le Commissaire à la protection de la vie privée, concernant ce qu'il croit être une violation, de la part de IMS Health Canada Inc.(IMS), à la Loi sur les renseignements personnels et les documents électroniques, 2000, ch. 5, fasse l'objet d'un contrôle judiciaire. IMS et Pharma représentent des concurrents dans le domaine de la collecte et de l'analyse de renseignements se rapportant aux ordonnances médicales en vue de fournir cette information à des clients gouvernementaux et du secteur privé.


[2]                  Les présents motifs découlent de deux requêtes. Par sa requête, le demandeur cherche à obtenir, entre autres choses, des réponses et des documents demandés le 5 septembre 2002 lors du contre-interrogatoire du docteur Roger Korman. Ce dernier est président de IMS et de plusieurs de ses filiales. Dans l'éventualité où le docteur Korman aurait à produire certains documents, le défendeur IMS a présenté, à son tour, une requête afin que soit émise une ordonnance de confidentialité. Cette deuxième requête est maintenant théorique car, en vertu des présents motifs et de l'ordonnance qui s'y rattache, IMS n'a à produire aucun des documents demandés par le demandeur.

EXAMEN DE LA DEMANDE

Quelques principes de base

[3]                  Il n'y a aucun litige concernant le critère qui doit être appliqué afin de décider du genre de questions auxquelles un témoin est tenu de répondre au cours du contre-interrogatoire de l'auteur d'un affidavit. Il a été établi par monsieur le Juge Rothstein, tel était son titre dans la cause Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 75 F.T.R. 97, à la page 99 (C.F.P.I.) :


Dans l'affaire Superior Discount Ltd. c. N. Perlmutter & Co. et al., [1951] O.W.N. 897 (H.C.), le protonotaire en chef Marriott a exposé les conditions indispensables auxquelles sont soumises les questions posées lors du contre-interrogatoire sur un affidavit. Voici, sur ce point, les propos du protonotaire en chef cités à la page 898 :

           [TRADUCTION]

(1) Il faut que la question soit liée au problème auquel a trait l'affidavit ou à la crédibilité du témoin, et le simple fait que cette question puisse accessoirement révéler certains éléments dont le témoin entendrait faire état ne suffit pas en soi à rendre cette question non admissible.

(2) Il faut que la question soit équitable.

(3) Il faut une intention véritable de voir la question porter sur l'objet du litige ou sur la crédibilité du témoin.

[4]                  Plus récemment, ce passage a été cité et appliqué par monsieur le juge Evans, tel était alors son titre, dans la cause Zündel c. Canada (Procureur général) (1998), 157 F.T.R. 59 à 62 (C.F.P.I.).


[5]                  La portée du contre-interrogatoire de l'auteur d'un affidavit peut vraisemblablement faire l'objet d'un litige. L'avocat du demandeur soutient qu'un tel examen ne se limite pas uniquement à ce qui est inscrit dans l'affidavit, mais qu'il peut porter également sur des questions incidentes dont l'auteur de l'affidavit devrait vraisemblablement connaître la réponse, dans la mesure où les questions ont un lien avec le sujet principal couvert par l'affidavit. Il se réfère alors à l'affaire Bland c. Commission de la capitale nationale, (1989), 29 F.T.R. 232 à 235. Toutefois, je dois garder à l'esprit que le contre-interrogatoire de l'auteur d'un affidavit, dans le cadre d'une procédure de contrôle judiciaire, ne peut avoir la même portée qu'un interrogatoire préalable. Dans les faits, monsieur le Juge Richard, tel était son titre, a adopté un point de vue très restrictif sur la question du contre-interrogatoire de l'auteur d'un affidavit dans l'affaire Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1997), 72 C.P.R. (3d) 362 à 364 (C.F.P.I.) :

La portée d'un tel contre-interrogatoire est beaucoup plus restreinte que celle d'un interrogatoire préalable et, sauf en ce qui concerne les questions portant sur la crédibilité du témoin, le contre-interrogatoire se limite aux questions pertinentes découlant de l'affidavit lui-même.


Ce concept a été quelque peu modifié. Au fil du temps, les juges ont défini la norme comme l'obligation de répondre à des questions portant sur les sujets contenus dans les affidavits de même qu'aux questions incidentes découlant des réponses du témoin. À titre d'exemple, dans l'affaire Monsanto Canada Inc. c. Novopharm Ltd. (1996), 118 F.T.R. 92 (C.F.P.I.) monsieur le juge MacKay cite, à cet effet, un extrait d'une décision non publiée de madame le juge Reed dans la cause Castlemore Marketing Inc. c. Intercontinental Trade and Finance Corporation (1996), 108 F.T.R. 306 (C.F.P.I.). Cet extrait comprenait, en outre, la proposition voulant que le contre-interrogatoire de l'auteur d'un affidavit peut déborder le cadre de l'affidavit (pages 93 et 94 de Monsanto).Toutefois, monsieur le juge MacKay a maintenu fermement le cadre du contre-interrogatoire en s'assurant que les questions étaient pertinentes. Cela nous ramène aux principes de base du contre-interrogatoire tels qu'ils ont été établis par monsieur le juge Hugessen dans la cause Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (1997), 80 C.P.R. (3d) 550 à 555 (C.F.P.I.) :

Il convient tout d'abord de rappeler certaines notions élémentaires. Le contre-interrogatoire n'est pas un interrogatoire préalable et il diffère de celui-ci sous plusieurs rapports importants. Plus particulièrement :

a) la personne interrogée est un témoin et non une partie;

b)     les réponses données sont des éléments de preuve, et non des aveux;

c)    le témoin peut légitimement répondre qu'il ignore quelque chose; il n'est pas tenu de se renseigner;

d)    on ne peut exiger d'un témoin qu'il produise un document que s'il en a la garde ou la possession, les mêmes règles s'appliquant à tous les témoins;

e)    les règles relatives à la pertinence sont plus restreintes.

Je tiens à insister sur le fait qu'un témoin qui est contre-interrogé à titre d'auteur d'un affidavit n'a pas l'obligation de se renseigner et qu'il ne peut être contraint que de produire les documents sous sa garde ou en sa possession.


[6]                  Dans l'affaire Merck Frosst (précitée) le juge Hugessen a beaucoup insisté sur les questions relatives à la pertinence (tant la pertinence formelle que la pertinence juridique) définies par les affidavits dans le cadre d'un contrôle judiciaire, puisqu'il n'y a pas vraiment de plaidoiries dans le cadre d'une telle procédure. Il a donc émis le commentaire suivant : « ... le contre-interrogatoire de l'auteur d'un affidavit ne peut donc porter que sur les faits énoncés dans celui-ci ou dans un autre affidavit produit dans le cadre de l'instance » (pages 555 et 556). Le juge Hugessen a de plus mentionné que les questions du contre-interrogatoire doivent faire preuve à la fois de pertinence formelle et de pertinence juridique.

[7]                  Le juge Hugessen, dans la cause Merck Frosst (précitée), et monsieur le juge Rouleau, dans la cause Unitor ASA c. The Seabreeze I, une décision non rapportée du 1er mai 2001, no de greffe T-1705-00, 2001 CFPI 416, ont poussé plus loin l'étude du critère de la pertinence formelle et de la pertinence juridique. Cette analyse pourrait s'appliquer en partie en l'espèce et, dans les faits, je suis préoccupé par la pertinence de certaines questions posées et par la pertinence des documents demandés. L'accent, en l'espèce, porte toutefois sur l'obligation de se renseigner et de produire des documents qui n'étaient pas joints à l'affidavit du docteur Korman ou auxquels on n'a pas fait référence dans ledit affidavit. Je prends, à titre d'exemple, certaines demandes de documents qui paraissent clairement sans pertinence et qui ressemblent à une recherche à l'aveuglette pour tirer profit d'un avantage commercial, notamment la copie du contrat avec Shoppers' Drug Mart et la liste des produits de recherche qui sont vendus par IMS à différentes compagnies pharmaceutiques.


[8]                  J'aborde un dernier concept avant de me pencher sur les différentes questions dans le contexte de la présente requête. Un témoin est-il tenu de se renseigner? L'avocat du demandeur s'appuie sur l'affaire Bland (précitée), à la page 236, dans laquelle monsieur le juge Martin, faisant abstraction de la décision la plus récente dans une volumineuse jurisprudence, a accepté d'élargir le champ d'application du contre-interrogatoire de l'auteur d'un affidavit en créant, pour les témoins, l'obligation de se renseigner dans la mesure où cela ne devenait pas un fardeau trop lourd. La décision ainsi rejetée était celle de monsieur le juge Walsh dans la cause Laflamme Fourrures (Trois-Rivières) Inc. c. Laflamme Fourrures Inc. (1986), 8 C.P.R. (3d) 315 à 318, dans laquelle le juge Walsh s'exprime de la façon suivante :

[TRADUCTION]

De plus, le contre-interrogatoire de l'auteur d'un affidavit au sujet de son affidavit ne doit pas être confondu avec l'interrogatoire préalable. Si l'auteur de l'affidavit ne connaît pas la réponse à une question qui lui est posée au cours d'un tel contre-interrogatoire, il peut le dire et il n'a pas l'obligation de se renseigner afin de satisfaire la demande de renseignement du contre-interrogateur.

Cette position, adoptée par le juge Walsh, est partagée par le juge Hugessen dans Merck Frosst (précitée). J'opte pour la position soutenue par le juge Hugessen, selon laquelle la personne interrogée est un témoin et il est dès lors parfaitement acceptable pour un témoin de refuser de témoigner s'il n'est pas au courant des faits, car un témoin n'a pas l'obligation de se renseigner. La décision du juge Hugessen a été maintenue par la Cour d'appel (2000), 3 C.P.R. (4e) 286, mais sans qu'il ne soit fait de commentaires sur la portée du contre-interrogatoire de l'auteur d'un affidavit. La décision Merck Frosst a été suivie dans la cause The Seabreeze I (précitée) et elle a été appliquée de nouveau par le juge Hugessen dans l'affaire Ward c. La nation Crie de Samson No. 444, 2001 FCT 990, [2001] F.C.J. no 1383 (C.F.P.I.).


[9]                  La conclusion concernant l'obligation, pour un témoin contre-interrogé, de se renseigner serait peut-être différente si l'auteur de l'affidavit était un mandataire plutôt qu'un témoin. Toutefois, l'avocat du défendeur a plaidé que le défendeur, le docteur Korman, n'était pas un mandataire mais plutôt un témoin et que, de ce fait, il n'avait pas à admettre qu'il était un mandataire ou un représentant du défendeur. Je me penche maintenant sur les questions auxquelles le demandeur souhaite obtenir des réponses.

Les réponses aux questions

[10]            L'avocat du défendeur soutient qu'aucun engagement n'a été pris et que toutes les questions qui n'ont pas obtenu de réponse résultent plutôt d'un refus de répondre. Je cite, à cet effet, un échange entre les avocats, qui se trouve à la page 29 de la transcription du contre-interrogatoire du docteur Korman. Ce qui est désigné comme un engagement à la ligne 23 de la page 48 est, au mieux, une tentative d'imposer un engagement, un coup de dé infructueux. Cependant, à la ligne 4 de la page 52, le docteur Korman s'est engagé à confirmer que les regroupements auxquels il est fait référence dans le CompuScript ont diminué jusqu'au point de constituer de simples regroupements pour chaque province, et qu'il n'existe pas de groupes plus petits. Il s'agit d'une question différente de celle qui est posée à la ligne 9 de la page 51 qui porte sur le nombre de médecins par regroupement, question prise en délibéré et sur laquelle je me pencherai plus tard. Pour ce qui est des neuf autres questions auxquelles il est fait référence dans la liste jointe à titre d'annexe « A » à l'affidavit du 21 novembre 2002 de monsieur Maheu, je considère qu'il y a eu refus de répondre.


[11]            La question 1, à la ligne 4 de la page 52, entraîne un engagement clair de vérifier que certains regroupements ne sont pas plus petits que les regroupements qui existent dans une province. Il est nécessaire de répondre à cette question, non pas parce que le docteur Korman a l'obligation de se renseigner pour trouver une réponse, mais bien parce qu'il a accepté de le faire sans qu'aucune fin de non-recevoir ne soit soulevée par son avocat. La situation est bien différente si on la compare à la question qui se trouve aux lignes 7 à 16 de la page 52, alors que l'avocat du défendeur s'est clairement opposé à prendre le moindre engagement au sujet de cette question.

[12]            Pour ce qui est de la question 2, à la ligne 23 de la page 48, il y aurait là un supposé engagement du docteur Korman afin qu'il précise si les données contenues dans le document Promap, au sujet des regroupements de médecins, portent sur des groupes de 10 médecins ou des groupes de 30 médecins. Cette question a été soulevée car, au cours de son contre-interrogatoire à titre d'auteur de l'affidavit, le docteur Korman a répondu à des questions hypothétiques portant sur des regroupements de 30 médecins prescripteurs, alors que sur le site Web de IMS on parle de regroupements d'au moins 10 médecins. Je m'en rapporte à un extrait de la cause Ward (précitée) selon lequel, si l'auteur d'un affidavit ne peut, lors de son contre-interrogatoire, élucider les faits contenus à l'affidavit, cela pourrait avoir un effet sur sa crédibilité : voir le paragraphe 3 de la cause Ward. Ainsi, le fait que le docteur Korman n'ait pu dire si les regroupements étaient composés de 10 médecins ou plus, tel que le site Web de la compagnie le laisse entendre, ou de 30 médecins, est peut-être insatisfaisant, par contre cela ne signifie pas qu'il ait à se renseigner à ce sujet, mais simplement que le juge qui entendra la cause pourrait soulever certaines questions quant à la crédibilité de cette partie de son témoignage.


[13]            Pour ce qui est des questions 3, 4 et 7, qui portent sur des documents, je vais en traiter plus tard. Je me penche maintenant sur la question 5 qui se trouve à la ligne 10 de la page 23 de la transcription et qui a fait l'objet d'un refus de répondre. On a posé au docteur Korman une question concernant les régions géographiques spécifiées dans un produit connu sous le nom de Xponent. Le docteur Korman a répondu qu'il ne possédait pas l'information. Comme un témoin n'a pas l'obligation d'effectuer des recherches, cela met fin au débat sur cette question.

[14]            La question 6, à la ligne 21 de la page 28, porte sur de l'information générale concernant les ordonnances médicales pour l'année 1996 en Ontario. Le docteur Korman n'avait pas l'information à sa disposition et, en tant que témoin, il n'a pas à se rendre chez IMS afin de chercher la réponse.

[15]            La question 8, qui se trouve à la ligne 9 de la page 51, porte sur le nombre minimum de médecins par regroupement. Contrairement à la question qui débute à la ligne 25 de la page 51 et qui se termine à la ligne 6 de la page 52, aucun engagement n'a été pris. La question 8 porte sur un produit connu sous le nom de Prescriber Rx Data. Dans son témoignage, le docteur Korman a dit qu'il ne connaissait pas bien ce produit. Le docteur Korman n'a pas à effectuer de recherche à ce sujet.

[16]            La question 9, à la ligne 14 de la page 53, a pour but de déterminer si le CompuScript contient les numéros des médecins ou d'autre information permettant de les identifier. Le docteur Korman a répondu à la question en ce qui concerne le numéro d'identification d'un médecin. Il a également répondu à la question relative aux numéros des médecins en mentionnant que les plus petits regroupements contenus dans le CompuScript sont répartis, soit par province, soit par groupes de spécialité médicale, comme les omnipraticiens. Il semble bien qu'il y a eu réponse à la question et, pour aller plus à fond sur le sujet, le docteur Korman devrait se renseigner sur ce qu'il n'a pas l'obligation de faire en tant que témoin.


[17]            À la question 10, à la ligne 23 de la page 56, on demande au docteur Korman de préciser les secteurs géographiques concernant le produit Xponent. Le docteur Korman a répondu : [TRADUCTION] « pour répondre à votre question, il me faudrait plus de renseignements que ce que j'ai à ma disposition en ce moment. » Conséquemment, le docteur Korman n'a pas à se renseigner davantage en ce qui a trait à la question qui figure à la ligne 23 de la page 56. J'aborde maintenant la question des documents demandés.

Production de documents

[18]            L'avocat du demandeur fait référence à la question 3, laquelle porte sur une copie de la politique de IMS concernant la divulgation de renseignements à des associations professionnelles, à des organismes de réglementation, à des économistes de la santé, à des chercheurs scientifiques dans les universités et ailleurs, à des groupes de défense de l'intérêt public et aux médias dans leur ensemble. Cette question débute à la ligne 9 de la page 7 et fait l'objet, à la ligne 11 de la page 8, d'un commentaire, l'avocat de IMS indiquant qu'il souhaite prendre la question en délibéré. Tenant compte de l'échange qui se trouve à la page 29 de la transcription, il ne s'agit certainement pas d'un engagement à produire le document. L'avocat de M. Maheu fait valoir que le document est pertinent car il porte sur les pratiques commerciales et, plus particulièrement, sur les renseignements fournis à peu de frais, ou même gratuitement. L'avocat de IMS s'appuie sur la cause Canadian Shipowners Association c. Canada (1996), 124 F.T.R. 81 (C.F.P.I.) dans laquelle le protonotaire Morneau a déclaré, en réponse à une requête pour obtenir un avant-projet de rapport et des notes :


[11]       Le procureur des défendeurs s'est objecté à ce que M. Thomas s'exécute au motif que cet interrogatoire constituait un interrogatoire sur affidavit dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire et non un interrogatoire au préalable dans le cadre d'une action. Compte tenu de ce contexte, les demandeurs ne peuvent, suivant le procureur des défendeurs, obtenir des documents qui ne sont pas joints par l'affiant à son affidavit; d'autant plus lorsqu'il s'agit d'ébauches d'un document. Il s'en remet à cet égard aux affaires Apotex Inc. v. A.G. du Canada et al. (1992), 41 C.P.R. (3d) 390 à la page 391 et Merck Frosst v. Minister of National Health and Welfare (1994), 53 C.P.R. (3d) 368 à la page 375.

[12]       Il m'appert que l'objection du procureur des défendeurs doit être maintenue. Le procureur des demandeurs n'a pas cité d'arrêts visant à contrer ceux soumis par les défendeurs.

(Page 85)

Cette vision des choses est partagée par le juge Hugessen dans l'affaire Ward (précitée) au paragraphe 3 :

Le contre-interrogatoire concernant un affidavit ne peut remplacer l'interrogatoire préalable, qu'il s'agisse d'un interrogatoire oral ou de la communication de documents, et ce n'est pas la façon appropriée d'obtenir des documents pertinents se trouvant en la possession de la partie adverse.

Le juge Hugessen a également souligné le fait que, dans le cadre d'un contre-interrogatoire, le témoin n'est obligé de produire des documents que s'il en a la garde ou la possession.

[19]            Dans la présente affaire, la supposée politique de IMS concernant la divulgation de documents à divers groupes ne fait pas partie de l'affidavit du docteur Korman, pas plus qu'il n'est fait mention de cette politique dans l'affidavit ou que le docteur Korman n'est en possession de ce document.

[20]            L'avocat de M. Maheu fait référence à plusieurs décisions dans lesquelles des témoins ont été contraints, dans le cadre d'un contre-interrogatoire, à produire des documents. Toutes ces décisions précèdent la décision du juge Hugessen dans l'affaire Ward (précitée). Je dois tenir compte du fait que la première de ces décisions : Ethicon Inc. c. Cyanamid of Canada Ltd. (1997), 35 C.P.R. (2d) 126 (C.F.P.I.), a été rendue en vertu des anciennes Règles. De plus, Ethicon a été décidée avant l'affaire Ward. Plus encore, la note jointe à l'affaire souligne qu'il était d'intérêt particulier pour la Cour d'entendre une demande en vue de permettre un interrogatoire préalable dans une affaire portant sur les marques de commerce. Je suis d'avis que l'affaire Ethicon ne fait plus autorité, ayant été renversée par un courant jurisprudentiel plus contemporain.

[21]            L'affaire Bland (précitée), sur laquelle s'appuie le demandeur pour soutenir qu'un témoin peut être contraint de produire des documents dans le cadre d'un contre-interrogatoire, porte principalement sur l'obligation qui incombe à un témoin de se renseigner. Toutefois, sur un total de 25 ordonnances, deux semblent porter sur des documents qui ont dû être produits dans le cadre du contre-interrogatoire de l'auteur d'un affidavit. Il s'agit d'une simple ordonnance qui n'a fait l'objet d'aucun commentaire précis dans les nombreuses pages de motifs.


[22]            Finalement, l'avocat du demandeur a cité l'affaire Bank of Scotland c. The Nel, une décision non publiée du 19 octobre 1998, T-2416-97, [1998] F.C.J. no 1499. Dans cette décision, je me suis également référé à la décision Bally-Midway Manufacturing Co. c. M.J.Z. Electronics Ltd. (1984), 75 C.P.R. (2d) 160 à l'effet que l'auteur d'un affidavit devait, dans le cadre d'un contre-interrogatoire, produire des documents se rapportant à ce qui touche une requête interlocutoire, mais que le contre-interrogatoire ne peut être utilisé afin d'obtenir tous les documents et tous les documents qui pourront être utiles à l'instruction. J'ai également souligné le fait que l'affaire The Nel était très particulière car, le rang de priorité pour le partage du produit de la vente d'un bateau est souvent établi dans le cadre d'un procès, ce qui suppose, dans un tel cas, qu'il y aura communication intégrale des documents au moment du procès plutôt qu'à l'occasion d'une requête où les règles de production de documents sont plus restreintes. J'ai permis la production restreinte de documents dans l'affaire The Nel car il s'agissait d'un cas spécial qui ne peut trouver application que dans des circonstances similaires. Ce n'est pas le cas en l'espèce.

[23]            Le docteur Korman mentionne, dans son affidavit, que : [TRADUCTION] « en plus des clients du secteur commercial (notamment les compagnies pharmaceutiques et les gouvernements), IMS a pour politique de fournir des renseignements aux associations professionnelles [ainsi qu'à d'autres groupes sans vocation commerciale] pour un coût nominal ou même gratuitement lorsque cela est possible. » J'ai donc dû décider s'il fallait classer les documents demandés dans une autre catégorie, c'est-à-dire une catégorie exigeant que les documents soient produits en raison d'une politique écrite, à savoir « un code de pratique de IMS » . J'en arrive à la conclusion que cette requête concernant la production de documents est régie par les principes énoncés par le juge Hugessen dans l'affaire Merck Frosst (précitée) et que les documents ne doivent être produits que s'ils sont sous la garde ou en la possession du témoin. Le docteur Korman avait-il, dans ses documents, une copie de la politique, la question n'a pas été posée. En l'absence d'une telle information, je ne suis pas disposé à exiger la production d'une telle politique en tenant simplement pour acquis que le docteur Korman doit avoir un tel document en sa possession. Il n'est donc pas contraint de produire ce document.

[24]            À l'alinéa 4 de son affidavit, le docteur Korman déclare [TRADUCTION] « une série de produits d'information de IMS est préparée à partir de renseignements fournis par les pharmacies, dans six provinces, et provenant des dossiers informatisés d'ordonnances médicales. » À partir de cette déclaration, l'avocat du demandeur en a conclu que IMS payait des pharmacies afin d'obtenir des données brutes et que cela devait se faire en vertu de contrats écrits. Toutefois, il n'est jamais fait mention de contrats écrits dans l'affidavit du docteur Korman. L'avocat a alors demandé au docteur Korman de produire une copie du contrat écrit qui serait intervenu avec Shoppers' Drug Mart. L'avocat n'a jamais établi que le docteur Korman avait un tel document en sa possession. De nouveau, en m'appuyant sur l'affaire Merck Frosst (précitée), la garde et la possession du document n'ayant pu être établies, le docteur Korman n'a pas à produire un tel document.

[25]            La dernière demande de production de document, soit la question 7, se trouve entre la ligne 24 de la page 33 et la ligne 12 de la page 36. À cette étape du contre-interrogatoire, l'avocat du demandeur s'est appuyé sur la transcription du contre-interrogatoire de différents témoins, dans le cadre d'autres procédures judiciaires, pour demander à IMS de produire les documents ou les feuillets informatiques que IMS fournit à ses clients qui achètent le service Xponent, demandant que le matériel soit fourni dans le même format que celui utilisé pour les clients de IMS. Encore une fois, le matériel n'a à être produit que si le témoin en a la garde et la possession, ce qui n'a pas été établi. Les documents n'ont donc pas à être produits.

CONCLUSION


[26]            Les conclusions à la suite de l'examen de la présente requête penchent définitivement en faveur du défendeur. Puisque le demandeur réclame les dépens, il est donc tout à fait raisonnable que les dépens soient octroyés en faveur du défendeur, lesquels seront payables à l'issue du litige.

[27]            Puisque aucun document ne doit être produit, la requête de IMS pour l'obtention d'une ordonnance de confidentialité est devenue théorique et sans portée pratique.

       « John A. Hargrave »

                                                                                              Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 27 mai 2003

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                  COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

REQUÊTES DÉCIDÉES À PARTIR D'UNE ARGUMENTATION ÉCRITE NE NÉCESSITANT PAS LA PRÉSENCE DES PARTIES

DOSSIER :                                        T-1967-01

INTITULÉ :                                        Ronald G. Maheu c. IMS Health Canada et le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Monsieur le protonotaire Hargrave

DATE DES MOTIFS :                      Le 27 mai 2003

ARGUMENTATIONS ÉCRITES :                                       

Paul Bigioni

T Murray Rankin, c.r.

Christopher Jones

POUR LE DEMANDEUR

POUR LE DÉFENDEUR IMS Health Canada

                                      

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

                                                         

BIGIONI                                                

Avocats

Markham (Ontario)

Arvay Finlay

Avocats

Victoria (Colombie-Britannique)

POUR LE DEMANDEUR

POUR LE DÉFENDEUR IMS Health Canada

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