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Date : 20030508

Dossier : IMM-2461-02

Référence : 2003 CFPI 571

OTTAWA (ONTARIO), LE 8 MAI 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE SNIDER

ENTRE :

                                                                 AWITER YOUSEF

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                 M. Awiter Yousef (le demandeur ), un citoyen de la Syrie, a reçu un visa d'immigration le 4 janvier 2001 après avoir été parrainé par sa fiancée d'alors, Mme Hayat Benyamin. Le 4 février 2001, il a obtenu le statut de résident permanent sous réserve qu'il épouse Mme Benyamin dans les 90 jours suivant l'obtention du droit d'établissement et qu'il fournisse la preuve du mariage dans les 180 jours de son arrivée. Après l'arrivée du demandeur au Canada, sa relation avec Mme Benyamin a pris fin et il n'y a pas eu de mariage. Le 11 septembre 2001, une mesure de renvoi a été prise contre le demandeur au motif qu'il était une personne décrite à l'alinéa 27(1)b) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi). Le demandeur a interjeté appel de la mesure de renvoi à la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), alléguant que, eu égard à toutes les circonstances de l'espèce, il ne devrait pas être renvoyé du Canada (Loi sur l'immigration, alinéa 70(1)b)). La Commission a rejeté l'appel par une décision datée du 7 juin 2002. Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

[2]                 Dans sa décision, la Commission a conclu que la mesure de renvoi est valide en droit et que, eu égard à toutes les circonstances de l'espèce, le demandeur n'avait pas réussi à établir l'existence de circonstances d'une nature telle qu'elles justifient l'existence de la compétence discrétionnaire de la Section d'appel en sa faveur.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[3]                 Le demandeur soulève les questions suivantes :

a)         La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en fondant sa décision sur la conclusion que le demandeur n'était pas crédible, sans s'expliquer à ce sujet en termes clairs et explicites?

b)         La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en rendant une décision déraisonnable du fait qu'elle est arrivée à la conclusion que les photographies du demandeur et de sa fiancée semblaient avoir été prise dans le but d'étayer l'appel du refus de demande de parrainage et qu'elles n'indiquaient pas l'existence d'une véritable relation?


ANALYSE

[4]                 Pour les motifs qui suivent, je suis d'avis que cette demande doit être rejetée.

Question no 1 : La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en fondant sa décision sur la conclusion que le demandeur n'était pas crédible, sans s'expliquer à ce sujet en termes clairs et explicites?

[5]                 Dans ses motifs, la Commission a jugé que le témoignage du demandeur était fabriqué, intéressé, non crédible ni digne de foi. Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en ne motivant pas, en termes clairs et explicites, le fondement de sa conclusion négative sur la crédibilité (Armson c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] A.C.F. no 800 (C.A.) (QL); Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 228 (C.A.) (QL)). Le défaut de la Commission de s'acquitter de cette obligation est une erreur de droit qui justifie l'octroi d'une ordonnance annulant la décision de la Commission (Gavryushenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1209 (1re inst.) (QL); Veres c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 2 C.F. 124 (1re inst.)).


[6]                 Selon moi, l'analyse du demandeur est fautive en ce qu'elle ne porte pas sur la décision dans son ensemble. Le demandeur voulait que la Commission juge qu'il ne devrait pas être renvoyé du Canada, eu égard à toutes les circonstances de l'espèce. Il est bien établi que, pour ce faire, la Commission devait prendre en considération les facteurs suivants, qui ne sont pas exhaustifs, tirés de la décision de la Commission dans Ribic c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1985] I.A.B.D. no 4 :

a)         les circonstances entourant le non-respect des conditions imposées au demandeur qui a entraîné la mesure de renvoi;

b)         le temps passé au Canada et le degré d'établissement du demandeur au Canada;

c)         si le requérant possède de la famille au Canada, et la dislocation qui pourrait résulter de la mesure de renvoi;

d)         le soutien dont dispose le requérant, non seulement dans sa famille, mais aussi dans son entourage;

e)         l'importance des épreuves que le demandeur subirait en retournant dans le pays dont il a la nationalité.

[7]                 Par conséquent, le litige qui m'est soumis consiste à déterminer si la conclusion de la Commission portant qu'il n'existait pas de circonstances justifiant l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en faveur du demandeur était manifestement déraisonnable. En d'autres mots, cette conclusion a-t-elle été tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments dont la Commission disposait?


[8]                 La conclusion de la Commission au sujet de la crédibilité est liée aux circonstances qui entourent le défaut du demandeur de satisfaire aux conditions d'admission. Ce n'est qu'un des facteurs dont la Commission doit tenir compte. Après avoir examiné tous les facteurs, la Commission a la responsabilité de pondérer la preuve et de tirer une conclusion globale. Selon moi, les motifs de la Commission démontrent qu'elle s'est correctement acquittée de cette responsabilité.

[9]                 La preuve du demandeur au sujet des facteurs b) à e) comprend la mention des épreuves qu'il subirait en Syrie parce qu'il n'a ni emploi, ni maison, et qu'il serait humilié par suite de l'échec de sa relation et de son établissement au Canada. Comme preuve de son établissement au Canada durant les quinze (15) mois suivant son arrivée jusqu'à l'audition de son appel devant la Commission, le demandeur fait état d'un emploi au Canada et de quelques épargnes. Au vu de cette preuve et du fait que la famille du demandeur vit en Syrie, je suis convaincue qu'il n'était pas manifestement déraisonnable pour la Commission de conclure qu'il n'existait pas de circonstances justifiant l'exercice de sa compétence en vertu de l'alinéa 70(1)b) de la Loi et que le demandeur devait être renvoyé du Canada.


[10]            La conclusion de la Commission que les fiançailles n'étaient pas authentiques vient appuyer celle voulant que le demandeur doit être renvoyé du Canada, sans toutefois que ce soit le facteur déterminant. En d'autres mots, la conclusion de la Commission s'appuie aussi sur l'établissement précaire du demandeur au Canada et sur l'absence d'épreuves auxquelles il serait soumis s'il était renvoyé en Syrie. Elle peut donc être confirmée sur cette base. Même si la Commission avait commis une erreur, comme le soutient le demandeur, celle-ci n'ouvrirait pas droit à révision puisque la conclusion en cause n'est pas la justification principale de la décision de la Commission.

[11]            De toute façon, selon moi la conclusion de la Commission au sujet de la crédibilité s'appuie sur le témoignage du demandeur à l'audience. Même si les motifs de la Commission ne sont pas aussi clairs qu'ils auraient pu l'être à ce sujet, je suis convaincue que la conclusion à laquelle la Commission est arrivée est tout à fait raisonnable.

Question no 2 : La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en rendant une décision déraisonnable du fait qu'elle est arrivée à la conclusion que les photographies du demandeur et de sa fiancée semblaient avoir été prises dans le but d'étayer l'appel du refus de demande de parrainage et qu'elles n'indiquaient pas l'existence d'une véritable relation?

[12]            Le demandeur soutient aussi que la conclusion de la Commission voulant que les photographies avaient été prises pour étayer l'appel du refus de la demande de parrainage, alors pendant, était déraisonnable et qu'elle constitue une erreur de droit.

[13]            Un examen de la décision démontre que le demandeur interprète mal la référence aux photographies. Voici ce que la Commission déclare au sujet des photographies du demandeur et de son ex-fiancée :


De plus, le tribunal a examiné des photographies de l'appelant et de sa répondante et estime qu'elles n'indiquent pas l'existence d'une véritable relation. De l'avis du tribunal, ces photos semblent avoir été prises dans le but d'étayer l'appel de l'appelant et de la répondante, compte tenu du fait que leur demande de parrainage avait déjà été refusée par l'intimé et que ce refus faisait l'objet d'un appel au moment où les photos ont été prises. Par conséquent, le tribunal accorde peu d'importance à ces photographies.

[14]            La conclusion de la Commission voulant que la relation du demandeur avec sa fiancée n'était pas une relation véritable ne se fonde pas sur les photographies, mais bien sur le témoignage du demandeur au sujet de leurs relations et de leurs fiançailles. Par conséquent, les allégations du demandeur sur cette question indiquent qu'il n'est pas d'accord avec le poids donné à ces photographies, ce qui n'est pas un motif d'intervention de la Cour (Brar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] A.C.F. no 346 (C.A.) (QL)).

LA QUESTION CERTIFIÉE

[15]            Le demandeur a soumis la question suivante pour la faire certifier :

[traduction]

Lorsqu'elle arrive à une conclusion quant à la crédibilité, la SAI est-elle liée par les mêmes règles que celles qui s'appliquent pour déterminer si une personne est un réfugié au sens de la Convention; plus précisément, la SAI doit-elle exposer ses motifs d'arriver à une conclusion négative quant à la crédibilité en termes clairs et explicites?

[16]            Comme la réponse à cette question ne permettrait pas de trancher la présente demande, la question n'est pas certifiée.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.         La demande est rejetée.

2.         Aucune question ne sera certifiée.

                                                                                        « Judith Snider »            

                                                                                                             Juge                       

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Date :20030508

Dossier : IMM-2461-02

ENTRE :

AWITER YOUSEF

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                           

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                           


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                   

DOSSIER :                                            IMM-2461-02

INTITULÉ :                                           AWITER YOUSEF et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                                       

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 1er mai 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                        Le 8 mai 2003

COMPARUTIONS :

M. Joel Sandaluk                                                                            POUR LE DEMANDEUR

M. Michael Butterfield                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Joel Sandaluk                                                                            POUR LE DEMANDEUR

Mamann & Associates

Avocats

74, rue Victoria

Pièce 303

Toronto (Ontario)

M5C 2A5

M. Michael Butterfield                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

The Exchange Tower

130 ouest, rue King

Pièce 3400, boîte 36

Toronto (Ontario)

M5X 1K6

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