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Date : 20031007

Dossier : IMM-5386-02

Référence : 2003 CF 1154

Ottawa (Ontario), le 7 octobre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY                          

ENTRE :

                                                                        IVAN PITSU

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                                   et

                          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                            MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                 M. Ivan Pitsu prétend craindre ses anciens employeurs en Ukraine. Il leur avait dit qu'il venait au Canada pour apprendre l'anglais, mais il a présenté une demande d'asile peu après son arrivée au Canada en janvier 2000. M. Pitsu déclare que ses anciens associés l'ont menacé parce qu'il en sait trop sur leurs diverses activités de corruption et qu'il pourrait les dénoncer aux autorités. Il prétend que ces personnes les ont menacés, lui et sa famille, qu'elles ont enlevé sa fille pendant une journée, incendié son bureau, et volé ses notes qui rapportaient leurs nombreuses activités illégales.

[2]                 Un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d'asile de M. Pitsu, concluant que l'ensemble du scénario qu'il a décrit n'était pas vraisemblable, et émettant des doutes sur l'existence d'un risque immédiat quelconque. M. Pitsu prétend que la Commission a commis une grave erreur en ne croyant pas son récit des événements. En particulier, il prétend que la Commission a omis de tenir compte de la preuve documentaire qu'il a produite à l'appui de ses allégations. Je ne peux conclure que la Commission a commis une erreur quelconque en examinant la demande de M. Pitsu et, en conséquence, je dois rejeter sa demande de contrôle judiciaire.

[3]                 La Commission a invoqué cinq motifs pour douter du témoignage de M. Pitsu :

1. La Commission s'est demandé pourquoi M. Pitsu n'a pas quitté l'entreprise lorsqu'il a découvert ses activités illégales. M. Pitsu a dit qu'il ne pouvait pas quitter parce qu'il en savait trop. À ce moment-là cependant, ses collègues ignoraient l'étendue de ce qu'il savait. La Commission n'a pas compris pourquoi il n'avait pas quitté à la première occasion raisonnable.

2. La Commission n'a pas compris pourquoi M. Pitsu a couru le risque d'enquêter furtivement et tout seul, sur les activités de l'entreprise. M. Pitsu a dit qu'il voulait se mettre dans une position où, pour se protéger, il pourrait menacer de divulguer les informations qu'il détenait. Il a également pensé que ses informations pourraient lui être utiles, advenant une procédure criminelle contre les membres de la firme. La Commission a estimé que la connaissance qu'il a eue, grâce à son enquête, le mettrait probablement plus en danger qu'en sécurité.


3. M. Pitsu avait effectivement quitté l'entreprise en novembre 1999 et il était retourné à sa pratique dentaire. Peu de temps après, son bureau a été incendié et ses notes d'enquête ont été volées. Il a soupçonné ses anciens employeurs d'en être responsables. Cependant, l'entreprise a de nouveau recruté M. Pitsu et a appuyé sa demande de visa pour venir au Canada. La Commission n'a pas compris pourquoi l'entreprise traiterait M. Pitsu avec tant de bienveillance si elle savait à ce moment-là, en se fondant sur les notes de M. Pitsu, que ce dernier avait enquêté tranquillement sur ses crimes.

4. Après son arrivée au Canada, M. Pitsu a chargé son épouse d'informer l'entreprise qu'il n'allait pas revenir. Elle s'est rendue dans les bureaux de l'entreprise pour récupérer le carnet de travail de M. Pitsu afin qu'il puisse l'utiliser à l'appui de sa demande d'asile au Canada. La Commission s'attendait à ce que l'entreprise ait été enragée par la décision de M. Pitsu de ne pas retourner. Cependant, les agents ont collaboré et transmis le carnet de travail.

5. M. Pitsu a dit que ses anciens employeurs ont été formellement inculpés de crimes, qu'ils ont été jugés et finalement libérés et qu'ils travaillent actuellement à un autre endroit. Néanmoins, il craint toujours des mesures de rétorsion s'il retourne. La Commission a douté que les anciens associés de M. Pitsu s'intéressent encore à lui, étant donné que l'affaire est close. En outre, la question se posait de savoir pourquoi, si M. Pitsu retournait, il révélerait ce qu'il sait sur des crimes passés. Cela ne pourrait que le mettre en danger.

[4]                 Pour ces motifs, la Commission a conclu que M. Pitsu n'était pas une personne à protéger.


[5]         Les conclusions d'un tribunal de la Commission quant à la vraisemblance du récit d'un demandeur sont plus susceptibles d'examen minutieux en contrôle judiciaire que ses autres conclusions quant à la crédibilité : Valtchev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 776, [2001] A.C.F. no 1131 (QL) (1re inst.) et Divsalar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 653, [2002] A.C.F. no 875 (QL) (1re inst.). Les conclusions de la Commission doivent être fondées sur les éléments de preuve dont elle dispose et elles doivent être correctement expliquées dans ses motifs.

[6]         M. Pitsu prétend que les conclusions de la Commission ne sont pas fondées parce que la Commission a omis de mentionner cinq types de preuve documentaire. Le premier est un rapport officiel sur l'incendie dans son bureau. Le deuxième est son carnet de travail qui atteste son emploi avec l'entreprise. Le troisième est une série de trois assignations adressées à l'épouse de M. Pitsu la sommant de se présenter au poste de police comme témoin dans une affaire non précisée. Le quatrième est un rapport de police relatif à des appels téléphoniques menaçants reçus par l'épouse de M. Pitsu. Le cinquième est une lettre de la police relativement à l'enlèvement de la fille de M. Pitsu; elle explique que les personnes qui ont perpétré le crime étaient inconnues.


[7]         La Commission n'a mentionné aucun de ces documents en particulier. Toutefois, la Commission a effectivement fait mention des divers événements pour lesquels les documents fournissaient une preuve corroborante. Selon mon interprétation de ses motifs, elle n'a pas douté de l'ensemble du témoignage de M. Pitsu. Elle n'a certainement pas dit que les événements rapportés dans la preuve documentaire n'avaient pas eu lieu. Elle s'est plutôt demandé si les faits qui lui ont été soumis pouvaient être articulés de manière cohérente par le récit que M. Pitsu a présenté. Finalement, elle a conclu que le récit de M. Pitsu n'était pas convaincant. Ce faisant, elle a examiné les éléments de preuve dont elle disposait, tenu compte des explications de M. Pitsu, exposé les motifs qui justifient ses doutes et minutieusement tiré ses conclusions. Je ne peux conclure à aucun manquement dans l'approche de la Commission. Dans les circonstances, l'omission de la Commission de mentionner expressément certains documents dans le dossier ne diminue pas la force de son analyse.

[8]         En conséquence, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties ne m'a proposé une question de portée générale pour certification et aucune, en conséquence, n'est énoncée.

                                                           JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucune question de portée générale n'est énoncée.

_ James W. O'Reilly _

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean Maurice Djossou, LL.D.


                                                                    COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                                   IMM-5386-02

INTITULÉ :                                                                                  IVAN PITSU

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                                       

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                        LE JEUDI 25 SEPTEMBRE 2003

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                                        LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                                                               LE MARDI 7 OCTOBRE 2003

COMPARUTIONS :                         

Steven Beiles                                                                                   POUR LE DEMANDEUR

                                                                                                      

Jeremiah Eastman                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Steven Beiles

Avocat

150, rue York

Bureau 800

Toronto (Ontario)

M5H 3S5                                                                                        POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                               POUR LE DÉFENDEUR


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