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Date : 20030516

Dossier : IMM-4469-02

Référence : 2003 CFPI 617

Ottawa (Ontario), le 16 mai 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL

ENTRE :

                                                             YOUSIF KAKOS ZIROU

HARBIAH TOMA

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), visant la décision rendue le 30 juillet 2002 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Section des réfugiés) a rejeté les demandes d'asile présentées en application de l'article 107 de la LIPR pour le compte des demandeurs.


Les Faits                                                                                   

[2]                 Le demandeur principal, Yousif Kakos Zirou, est né le 1er juillet 1936 à Betanaya, en Iraq.

[3]                 Le demandeur principal réclame le statut de réfugié au sens de la Convention du fait de son appartenance à un groupe social en particulier, des opinions politiques qu'on lui prête, du refus de sa famille de joindre le parti Ba'ath, et de sa religion, puisqu'il est chrétien chaldéen. Il réclame aussi le statut de personne à protéger, car il serait exposé au risque d'être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de peines cruelles ou inusitées s'il retournait en Iraq.

[4]                 Harbiah Toma, née le 10 juin 1940 à Mousil, en Iraq, fonde sa demande sur celle du demandeur principal, son époux. Les allégations des demandeurs au sujet de la persécution dont ils ont été victimes dans le passé forment un récit long et complexe.


[5]                 Le fils aîné des demandeurs, Thaer Yousif Kakos, a été recruté par l'armée après avoir obtenu son diplôme, le 4 janvier 1983. Il a été envoyé au collège des officiers de la réserve à la condition qu'il adhère au parti Ba'ath. Comme Thaer ne souhaitait pas se joindre au parti Ba'ath et qu'il était accusé d'appuyer le parti islamique Dawa, il a été chassé du collège et envoyé auprès du 4e corps d'armée, d'où il a été transféré au front de la guerre Iraq-Iran. En raison de son refus d'adhérer au parti Ba'ath et de sa foi chrétienne, Thaer a été victime de mauvais traitements, ce qui l'a incité à déserter l'armée. Le demandeur principal soutient que, trois mois plus tard, il a livré son fils à l'armée et la cour martiale a condamné Thaer à six mois de prison, après quoi, ce dernier a été renvoyé à son unité.

[6]                 En raison de sa conduite indigne, Thaer a continué d'être maltraité par les militaires.

[7]                 De son unité, Thaer a été transféré dans une usine militaire et, finalement, le 17 mars 1985, à l'établissement Al-Quea'aqa'a. Son travail consistait à charger des voitures de boîtes remplies d'armes destinées au front. Un jour qu'il se sentait malade, il a refusé de travailler. Il a été condamné à 10 jours de prison et, plus tard, il a été transféré dans une autre usine.

[8]                 Du fait qu'il était régulièrement battu par les hommes de Hussein Kamel Hassan, Thaer a vu sa santé psychologique se détériorer. Après s'être absenté du travail pendant 20 jours, il a été placé en détention par des membres des services privés de sécurité commandés par Hussein Kamel Hassan et le bureau présidentiel, malgré son dossier médical. Il a été emprisonné pendant trois mois, après quoi il a été transféré à l'établissement Jaber Ben Hayan.

[9]                 Thaer a travaillé sous les ordres du major Abdel Hadi, un individu agressif et d'une malveillance évidente envers les non-musulmans. Après avoir été accusé de vandalisme et de destruction dans l'établissement, et malgré un manque d'éléments de preuve, Thaer a été condamné à neuf mois de prison par une cour martiale.


[10]            Par la suite, le 9 septembre 1987, même si la guerre Iraq-Iran était terminée et qu'une ordonnance visant à libérer les personnes nées la même année que lui avait été prononcée, Thaer a été renvoyé à son ancienne unité militaire au sein du 4e corps d'armée.

[11]            Thaer était toujours dans l'armée lorsque l'Iraq a envahi le Koweït. Son unité, le 4e corps d'armée, a été mutée au Koweït. Lorsque Thaer a refusé de s'y rendre, on lui a dit qu'il serait abattu pour sa traîtrise; il a donc obtempéré à l'ordre. Cependant, après être arrivé à son campement au Koweït, Thaer a fui les rangs de l'armée et s'est dirigé vers une autre unité militaire située en Iraq, où il connaissait un officier qui était capitaine, Subhi Abd Al-Ameer. Il a versé à ce dernier un pot-de-vin de 10 000 dinars iraquiens afin d'obtenir les documents le libérant de cette unité. Le 5 juin 1991, Thaer a été libéré de l'armée.

[12]            Les demandeurs étaient propriétaires d'un supermarché dans la région de Dowra et Karada et ont allégué que, du fait de la réticence imputée à Thaer, ils étaient sans cesse victimes de harcèlement de la part des membres de la sécurité de l'État et du parti Ba'ath qui entraient dans le supermarché et prenaient ce dont ils avaient besoin (cigarettes, nourriture, boissons, argent, etc.). L'entreprise a parfois été menacée de fermeture et de confiscation, et les demandeurs ont été accusés de traîtrise.

[13]            Le 16 décembre 1994, des hommes du parti Ba'ath sont venus au supermarché et ont arrêté Thaer, sans explication. Les demandeurs ont appris plus tard que leur fils avait été arrêté sur les ordres d'A'ashour Hussein, le responsable du parti Ba'ath de leur région.                    

[14]            Deux jours plus tard, M. Hussein a appelé le demandeur principal pour lui demander de se rendre dans le quartier Karkh. Il lui a dit qu'il devait verser un million de dinars iraquiens s'il voulait revoir son fils vivant. Le demandeur principal a demandé un délai de deux jours pour trouver l'argent, ce qu'il a fait. Toutefois, son fils n'a pas été relâché avant le 16 janvier 1995, jour où M. Hussein a appelé les demandeurs et leur a demandé d'organiser un banquet pour lui et les membres de sa section en échange de la libération de Thaer. Pendant le banquet, M. Hussein a demandé au demandeur principal de lui verser 10 000 dinars iraquiens à titre de prêt, somme qui lui a été remise.


[15]            Le 16 février 1995, le demandeur principal allègue que M. Hussein l'a appelé et lui a réclamé le même montant. Lorsque le demandeur principal l'a questionné sur la nature du versement, M. Hussein lui a dit qu'il ne s'agissait pas d'un prêt, mais d'une partie de la somme exigée pour la libération de Thaer, et qu'il devrait verser ce montant tous les mois. Questionné au sujet du versement de un million de dinars, M. Hussein a répondu que cette somme ne lui était pas destinée, mais qu'elle était pour le maître (Ali Hassan Al-Majeed). Par conséquent, le demandeur principal a versé la mensualité réclamée jusqu'au 23 juin 1997, date à laquelle Thaer, sa femme et ses trois enfants se sont enfuis. Ceux-ci sont finalement arrivés au Liban le 27 juin 1997.

[16]            Lorsque M. Hussein a su que Thaer s'était enfui, il a demandé au demandeur principal de se rendre à la section du parti Ba'ath, le 7 juillet 1997. Là, pendant deux heures, le demandeur principal a été abusé verbalement, insulté, battu et torturé. M. Hussein lui a dit que Thaer devait revenir sinon, [traduction] « tu sais ce qui arrivera, à toi et à ta famille » . Le demandeur principal a dit à M. Hussein qu'il ne savait pas où se trouvait Thaer et qu'il lui dirait lorsqu'il aurait l'information.

[17]            Le demandeur principal affirme que quelques jours plus tard, il s'est rendu chez un des parents de M. Hussein et lui a demandé d'intervenir pour que ce dernier renonce à retrouver Thaer. Cette demande a été acceptée à la condition que le demandeur principal augmente à 150 000 dinars iraquiens le montant des mensualités versées à M. Hussein.

[18]            Après avoir appris de Ghazi Al-Jobouri, un proche de M. Hussein, que ce dernier avait reçu l'ordre de les arrêter, lui et ses deux autres fils, Firas et Amar, le demandeur principal a songé à s'enfuir. Il s'est rendu chez M. Hussein et lui a versé encore plus d'argent (300 000 dinars iraquiens) afin de l'assurer de ses bonnes intentions.

[19]            En juillet 2000, le demandeur principal a vendu le supermarché et sa maison pour 18 000 $US, mais il a continué à travailler au magasin jusqu'au 28 décembre 2000. Ce jour-là, un passeur du nom de Salah Abo Samir, a accepté d'emmener les demandeurs et leur famille à Windsor, au Canada, en échange de 30 000 $US. Comme les demandeurs n'avaient pas cette somme, il a été convenu que le passeur emmènerait la famille en Turquie, où il laisserait les deux fils, et qu'il continuerait sa route avec les autres jusqu'à Windsor en échange de 18 000 $US, passeports et autres frais inclus.

[20]            Le 1er février 2001, les demandeurs et le passeur sont arrivés à l'aéroport de Toronto. Le passeur a emmené les demandeurs à Windsor en taxi. Le lendemain, il les a emmenés au bureau de l'immigration, à Windsor, où il les a laissés après avoir repris leurs passeports.

[21]            Après leur arrivée au Canada, les demandeurs ont appris que Thaer avait obtenu le statut de réfugié des Nations Unies, le 7 juillet 1999, et qu'il était arrivé aux États-Unis, le 12 février 2001, dans le cadre du programme de réinstallation des Nations Unies.

[22]            Au moment de l'audience portant sur le statut de réfugiés des demandeurs, Firas et Amar avaient déménagé au Liban.


Décision contestée

[23]            Suparna Ghosh, de la Section des réfugiés, a décidé que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger, et il a déclaré que la question de la crédibilité était déterminante dans le cadre de leurs demandes.

[24]            Voici un résumé des contradictions relevées dans la décision rendue par la Section des réfugiés :

1.         La Section des réfugiés a estimé que le témoignage oral du demandeur principal concernant les expériences vécues par Thaer entre 1983 et 1991 était extrêmement vague et confus et qu'il contredisait le formulaire de renseignements personnels (FRP).                                                

Dans son témoignage oral, le demandeur principal a déclaré que Thaer avait été emprisonné trois fois pendant qu'il était dans l'armée et il a fourni la séquence et les motifs des arrestations, ainsi que les peines d'emprisonnement. Cependant, dans son FRP, le demandeur principal a déclaré que son fils avait été emprisonné quatre fois pendant qu'il était dans l'armée et il a fourni des renseignements contradictoires quant aux circonstances entourant ces incarcérations. Lorsqu'on lui a demandé de s'expliquer sur ses contradictions, ses explications ont donné lieu à d'autres contradictions.


En outre, le demandeur principal a déclaré que Thaer avait été emprisonné pendant 14 jours, avant l'obtention de son diplôme. Cependant, aucune mention de cette brève incarcération ne figure dans son FRP.

2.         La Section des réfugiés s'est montrée incrédule quant à la raison pour laquelle les demandeurs étaient davantage intéressés par leurs gains matériels plutôt que par leur propre sécurité et celle des membres de leur famille.

Dans son FRP, le demandeur principal a soutenu qu'en juillet 1997, il a été battu et torturé sur les ordres d'un dirigeant du parti Ba'ath quand on a découvert que son fils s'était enfui de l'Iraq en juin 1997. Il a aussi soutenu que sa famille et lui étaient en danger si Thaer ne revenait pas en Iraq. S'agissant des mauvais traitements, la Section des réfugiés a demandé au demandeur principal pourquoi il n'avait pas fui l'Iraq en compagnie de Thaer ou, à tout le moins, aussitôt après l'incident de juillet 1997. Le demandeur principal a répondu qu'il ne s'était pas enfui à cette époque, notamment parce que le prix de la vente de son supermarché et de sa maison avait diminué.

Selon la Section des réfugiés, cette réponse illustre non seulement l'absence de crainte subjective chez le demandeur, mais elle fait aussi ressortir le manque de crédibilité de ses allégations de torture et de crainte pour sa vie.


3.         Le demandeur principal a fait valoir qu'en juillet 2000 il a appris l'existence d'un projet de mandat d'arrêt, mais que celui-ci devait toutefois être signé par les autorités. Lorsque la Section des réfugiés lui a demandé pourquoi il n'avait pas quitté l'Iraq lorsqu'il a eu connaissance de ce mandat, le demandeur principal a répondu qu'il avait pu soudoyer l'agent responsable pour qu'il retarde la signature du mandat. Par conséquent, l'agent s'est [traduction] « assis » sur le mandat non signé pendant au moins cinq mois, ce qui a donné aux demandeurs le temps de prendre des dispositions pour quitter l'Iraq en décembre 2000.

La Section des réfugiés a eu du mal à croire que le demandeur principal ait pu échapper à son arrestation simplement en demandant à l'un des fonctionnaires de mettre le [traduction] « projet » de mandat dans un tiroir. Il lui a en outre paru illogique que les haut fonctionnaires aient délivré un projet de mandat plutôt qu'un véritable mandat.

4.         La Section des réfugiés a estimé que d'avoir attendu cinq mois pour partir après une menace aussi grave révélait un manque de crainte subjective et discréditait aussi l'allégation du demandeur principal selon laquelle les fonctionnaires étaient intéressés par son arrestation. Le demandeur principal a fait valoir que plusieurs haut fonctionnaires iraquiens lui soutiraient de l'argent et, par conséquent, le surveillaient de près et sans relâche.


Cependant, il a aussi allégué qu'il avait pu vendre son supermarché et sa maison pour 18 000 $ en juillet 2000 et ce, à l'insu des fonctionnaires, parce qu'il avait continué à travailler au supermarché jusqu'en décembre 2000.

[25]            En conclusion, la Section des réfugiés a déclaré :

[traduction] Après avoir examiné la totalité des éléments de preuve, le tribunal estime, suivant la prépondérance de la preuve, que les demandeurs sont ici pour des motifs d'ordre humanitaire, lesquels ne relèvent pas du mandat confié à la Section de la protection des réfugiés.

Observations des demandeurs

[26]            Les demandeurs soutiennent que, dans sa décision, la Section des réfugiés a commis diverses erreurs susceptibles de contrôle judiciaire :


1.         Peut-être y a-t-il eu au départ une certaine confusion au sujet des expériences vécues par Thaer dans les années 1980, mais le demandeur principal a finalement clarifié la question. Il a fait allusion à trois périodes d'emprisonnement alors qu'en réalité, il y en a eu quatre. Il les a correctement ordonnées, mais a oublié la deuxième peine que Thaer avait purgé pendant dix jours. Le fait de ne pas se souvenir parfaitement d'événements survenus dans les années 1980 ne permet pas à la Section des réfugiés de conclure que le demandeur principal était extrêmement vague et incohérent à cet égard. L'exposé du demandeur principal est aussi étayé par le fait que les Nations Unies ont reconnu à Thaer le statut de réfugié en juillet 2000. L'exposé du demandeur principal concernant les événements survenus depuis 1994 était cohérent et uniforme.

2.         Quant à la raison pour laquelle il ne s'est pas enfui avec Thaer en 1997, le demandeur principal a offert une explication tout à fait plausible. Il a dit qu'il ne voulait pas s'enfuir parce que, selon lui, la situation pouvait s'améliorer. En insistant sur la question de la valeur de la propriété, la Section des réfugiés est passée à côté du véritable objet du témoignage du demandeur principal. La question du délai est pertinente, mais elle ne peut valoir de considération principale, et la Section des réfugiés a failli à son obligation d'examiner toutes les circonstances entourant cette question.                             


3.         Les demandeurs ont eu le courage de rester en Iraq jusqu'en juillet 2000, alors qu'un ami leur a parlé du projet de mandat d'arrêt visant le demandeur principal. L'entreprise et la maison ont été vendues en juillet, mais les demandeurs ne sont pas partis avant décembre 2000. Ce délai s'explique par le fait que le passeur avait conseillé aux demandeurs d'attendre jusqu'à cette date. Les demandeurs ont donc continué à travailler au magasin, à vivre dans la maison et à effectuer les versements mensuels. Ils voulaient que tout paraisse normal et leurs agissements étaient parfaitement compatibles avec ceux de personnes ne voulant pas éveiller de soupçons. Mais encore une fois, la Section des réfugiés a ignoré les explications manifestement raisonnables des demandeurs et a plutôt insisté sur ce qu'il lui a paru invraisemblable, à savoir que les autorités aient retardé la délivrance du mandat et n'aient pas su que les demandeurs avaient vendu leur maison et leur entreprise et qu'ils se préparaient à fuir. À cet égard, la Section des réfugiés a adopté un point de vue occidental à l'égard d'une situation qui était d'une nature tout à fait différente.

4.         Pour couronner le tout, la Section des réfugiés a ensuite conclu que les fils, et non les demandeurs qui étaient âgés, étaient des personnes à protéger. En adoptant cette sorte de stéréotype, elle faisait abstraction de tous les éléments de preuve établissant que les autorités ne faisaient aucune différence fondée sur l'âge et que les demandeurs étaient tout simplement aussi effrayés que leurs fils. Le fait que la Section des réfugiés soit arrivée à de telles conclusions sur cette question fait naître une crainte raisonnable de partialité.


Observations du défendeur

[27]            Le défendeur allègue que la Section des réfugiés a le droit de rendre une décision négative en matière de crédibilité en raison de l'invraisemblance du témoignage livré par le demandeur principal.

[28]            Selon le défendeur, le demandeur principal n'a pas fourni à la Section des réfugiés une preuve suffisamment crédible ou digne de foi pour démontrer, suivant la prépondérance de la preuve, qu'il avait la crainte subjective de persécution requise ou que les présumés auteurs de la persécution voulaient le traiter d'une manière équivalant à de la persécution.

[29]            Étant donné que la Section des réfugiés a estimé que de nombreuses raisons expliquaient pourquoi les demandeurs n'étaient pas crédibles, aucun facteur isolé n'a été déterminant et cette conclusion n'était pas déraisonnable au point de justifier l'intervention de notre Cour.

[30]            Le défendeur fait valoir que la Section des réfugiés pouvait raisonnablement supposer que les présumés auteurs de la persécution : i) savaient que le demandeur principal tentait de quitter l'Iraq, et ii) savaient que le demandeur principal aurait besoin de liquidités suffisantes pour financer son départ de l'Iraq et son éventuelle installation hors de ce pays. L'idée que les auteurs de la persécution n'aient pas su que le demandeur principal avait vendu sa maison et son entreprise est pratiquement inconcevable.


[31]            Le défendeur soutient que l'explication voulant que le demandeur principal ait pu tromper les auteurs de la persécution en continuant à travailler au supermarché n'est pas convaincante. Même si ce subterfuge permettait d'expliquer comment les demandeurs ont pu cacher la vente de leur supermarché, il ne permet pas d'expliquer comment ils ont pu cacher la vente de leur maison.

[32]            Le défendeur allègue en outre que la longueur même du délai de délivrance du mandat d'arrêt rend invraisemblable l'explication selon laquelle le demandeur a échappé à son arrestation en convaincant un fonctionnaire, à qui il avait déjà donné de l'argent dans le passé, de ne pas poursuivre le processus de délivrance du mandat et ce, parce que le fonctionnaire ne l'a pas avisé du délai maximum pendant lequel il pourrait retarder la délivrance du mandat. Par conséquent, le fonctionnaire semble n'avoir subi aucune pression pour suivre la directive de ses supérieurs. Le défendeur soutient donc que la Section des réfugiés pouvait raisonnablement juger cette explication non crédible.

[33]            Quant à l'allégation de partialité en raison de l'âge des demandeurs, le défendeur soutient que puisque les demandeurs n'ont pas demandé à la Section des réfugiés de se récuser lors de l'audience, mais ont attendu de connaître l'issue de leurs demandes avant de faire cette allégation, ils ont renoncé à leur droit de soulever la question.

[34]            Enfin, le défendeur fait valoir qu'en raison des récents changements survenus en Iraq, il n'est pas utile de renvoyer cette affaire pour qu'elle soit réexaminée. Le système de détermination du statut de réfugié est de nature prospective et la preuve démontre que les demandeurs craignaient le parti Ba'ath de même que certains individus qui ne sont plus au pouvoir. Renvoyer cette affaire devant la Section des réfugiés serait inutile et ne ferait simplement qu'accentuer le retard déjà considérable dans l'audition des causes.

Questions en litige

[35]            1.        La Section des réfugiés a-t-elle commis une erreur en tirant de façon arbitraire des conclusions négatives sur la crédibilité ou en ne tenant pas dûment compte de la preuve dont elle était saisie?

2.          Existait-il une crainte raisonnable de partialité?

3.         Est-il utile de renvoyer cette affaire pour qu'elle soit réexaminée, même s'il existe une erreur susceptible de contrôle judiciaire?


Dispositions législatives pertinentes

[36]            Les paragraphes 95(1) et (2) de la LIPR renvoient à la question de l'accès à la protection conférée par le statut de réfugié :


95. (1) L'asile est la protection conférée à toute personne dès lors que, selon le cas :

a) sur constat qu'elle est, à la suite d'une demande de visa, un réfugié ou une personne en situation semblable, elle devient soit un résident permanent au titre du visa, soit un résident temporaire au titre d'un permis de séjour délivré en vue de sa protection;

b) la Commission lui reconnaît la qualité de réfugié ou celle de personne à protéger;

95.(2) Est appelée personne protégée la personne à qui l'asile est conféré et dont la demande n'est pas ensuite réputée rejetée au titre des paragraphes 108(3), 109(3) ou 114(4).

95. (1) Refugee protection is conferred on a person when

(a) the person has been determined to be a Convention refugee or a person in similar circumstances under a visa application and becomes a permanent resident under the visa or a temporary resident under a temporary resident permit for protection reasons;

(b) the Board determines the person to be a Convention refugee or a person in need of protection; or

95.(2) A protected person is a person on whom refugee protection is conferred under subsection (1), and whose claim or application has not subsequently been deemed to be rejected under subsection 108(3), 109(3) or 114(4).


[37]            L'article 96 de la LIPR établit la notion de réfugié au sens de la Convention :


96. A qualité de réfugié au sens de la Convention -- le réfugié -- la personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :         

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.


[38]            L'article 97 de la LIPR établit les conditions nécessaires à la qualité de personne à protéger :



97.1 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n'a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée_:

a) soit au risque, s'il y a des motifs sérieux de le croire, d'être soumise à la torture au sens de l'article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant_:

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d'autres personnes originaires de ce pays ou qui s'y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes - sauf celles infligées au mépris des normes internationales - et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l'incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

97(2) Personne à protéger

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d'une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

97(2) Person in need of protection

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.


[39]            Le paragraphe 107(1) de la LIPR est également pertinent pour statuer sur une demande d'asile :



107. (1) La Section de la protection des réfugiés accepte ou rejette la demande d'asile selon que le demandeur a ou non la qualité de réfugié ou de personne à protéger.


107. (1) The Refugee Protection Division shall accept a claim for refugee protection if it determines that the claimant is a Convention refugee or person in need of protection, and shall otherwise reject the claim.

Analyse

Norme de contrôle

[40]            Dans R. K. L. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 116, le juge Martineau donne des explications extrêmement utiles et détaillées au sujet de la compétence de la Section du statut de réfugié (la SSR), sous le régime de la Loi sur l'immigration, pour statuer sur la crédibilité. Pour les besoins de l'espèce, la SSR peut être assimilée à la Section des réfugiés sous le régime de la LIPR.

[41]            Dans R.K.L., précité, le juge Martineau explique ainsi la jurisprudence :

[7] L'évaluation de la crédibilité d'un demandeur constitue l'essentiel de la compétence de la Commission. La Cour a statué que la Commission a une expertise bien établie pour statuer sur des questions de fait, et plus particulièrement pour évaluer la crédibilité et la crainte subjective de persécution d'un demandeur : voir Rahaman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1800, au paragr. 38 (QL) (1re inst.); Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35, au paragr. 14.

[8] En outre, il a été reconnu et confirmé qu'en ce qui concerne la crédibilité et l'appréciation de la preuve, la Cour ne peut pas substituer sa décision à celle de la Commission si le demandeur n'a pas réussi à établir que la décision de la Commission était fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans qu'il soit tenu compte des éléments dont elle disposait : voir Akinlolu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 296, au paragr. 14 (QL) (1re inst.) (Akinlolu); Kanyai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 1124, au paragr. 9 (QL) (1re inst.) (Kanyai); le motif de contrôle prévu à l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale.


[9] Normalement, la Commission peut à bon droit conclure que le demandeur n'est pas crédible à cause d'invraisemblances contenues dans la preuve qu'il a présentée, dans la mesure où les inférences qui sont faites ne sont pas déraisonnables et que les motifs sont formulés « en termes clairs et explicites » : voir Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.); Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.) (Aguebor); Zhou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1087 (QL) (C.A.); Kanyai, précitée, au paragr. 10.

[10] La Commission peut aussi à bon droit tirer des conclusions raisonnables fondées sur des invraisemblances, le bon sens et la raison : voir Shahamati c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 415, au paragr. 2 (QL) (C.A.); Aguebor, précitée, au paragr. 4. La Commission peut rejeter des preuves non réfutées si celles-ci ne sont pas compatibles avec les probabilités propres à l'affaire dans son ensemble, ou si elle relève des contradictions dans la preuve : voir Akinlolu, précitée, au paragr. 13; Kanyai, précitée, au paragr. 11.

[11] Ce ne sont cependant pas tous les types d'incohérence ou d'invraisemblance contenue dans la preuve présentée par le demandeur qui justifieront raisonnablement que la Commission tire des conclusions défavorables sur la crédibilité en général. Il ne conviendrait pas que la Commission tire ses conclusions après avoir examiné « à la loupe » des éléments qui ne sont pas pertinents ou qui sont accessoires à la revendication du demandeur : voir Attakora c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 99 N.R. 168, au paragr. 9 (C.A.F.) (Attakora); Owusu-Ansah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] A.C.F. no 442 (QL) (C.A.) (Owusu-Ansah). La Cour a statué en particulier que le fait qu'un revendicateur voyage avec de faux documents, détruit ses documents de voyage ou ment à leur sujet à son arrivée sur les instructions d'un agent est accessoire et a une valeur très limitée aux fins de l'évaluation de la crédibilité en général : voir Attakora, précitée; Takhar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 240, au paragr. 14 (QL) (1re inst.) (Takhar).

[12] En outre, la Commission ne devrait pas s'empresser d'appliquer une logique et un raisonnement nord-américains à la conduite du revendicateur. Il faut tenir compte de l'âge, des antécédents culturels et des expériences sociales du revendicateur : voir Rahnema c. Canada (Solliciteur général), [1993] A.C.F. no 1431, au paragr. 20 (QL) (1re inst.); El-Naem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 185 (QL) (1re inst.). De plus, un manque de cohérence dans le témoignage du revendicateur devrait être considéré à la lumière de l'état psychologique de ce dernier, en particulier lorsque cet état est étayé par des documents médicaux : voir Reyes c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 282 (QL) (C.A.); Sanghera c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 73 F.T.R. 155; Luttra Nievas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 34 (QL) (1re inst.).


[13] Le premier récit que fait une personne est généralement le plus fidèle et, de ce fait, celui auquel il faut ajouter le plus de foi. Cela étant dit, l'omission d'un fait, bien qu'elle puisse être préoccupante, ne devrait pas toujours l'être. Tout dépend encore une fois des circonstances : voir Fajardo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 915, au paragr. 5 (QL) (C.A.); Owusu-Ansah, précité; Sheikh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 568 (QL) (1re inst.). Lorsqu'elle évalue les premiers rapports du demandeur avec les autorités canadiennes de l'Immigration ou qu'elle fait référence aux déclarations faites par le demandeur au point d'entrée, la Commission devrait être attentive également au fait que [traduction] « la plupart des réfugiés ont vécu dans leur pays d'origine des expériences qui leur donnent de bonnes raisons de ne pas faire confiance aux personnes en autorité » : voir le professeur James C. Hathaway, The Law of Refugee Status, Toronto, Butterworth, 1991, aux p. 84 et 85; Attakora, précitée; Takhar, précitée.

[14] Finalement, la Commission devrait évaluer la crédibilité du demandeur et la vraisemblance de son témoignage en tenant compte des conditions existant dans le pays de celui-ci et des autres éléments de preuve documentaire dont elle dispose. Les incohérences mineures ou secondaires contenues dans la preuve du demandeur ne devraient pas inciter la Commission à conclure à une absence générale de crédibilité si la preuve documentaire confirme la vraisemblance du récit de celui-ci : voir Attakora, précitée; Frimpong c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] A.C.F. no 441 (QL) (C.A.).

La Section des réfugiés a-t-elle commis une erreur en tirant de façon arbitraire des conclusions négatives sur la crédibilité ou en ne tenant pas dûment compte de la preuve dont elle était saisie?

[42]            Premièrement, s'agissant de la conclusion de la Section des réfugiés selon laquelle le témoignage oral du demandeur principal concernant les expériences d'emprisonnement de son fils était [traduction] « excessivement vague, confus et incohérent » , je conviens avec les demandeurs qu'elle était tout à fait déraisonnable, compte tenu des faits.

[43]            Même si, à la lecture de la transcription de l'audience, il ressort clairement qu'au départ le demandeur principal était confus quant à la chronologie des événements, celui-ci a expliqué que c'était parce qu'[traduction] « il y a tellement de dates que j'en deviens confus, [...] » et [traduction] « [...] cela fait maintenant plus de 20 ans » et [traduction] « [ma] tête n'est pas un ordinateur. »

[44]            En outre, il a finalement démêlé ces événements et les a ordonnés conformément à son FRP :

-           premier emprisonnement : en 1986, pendant six mois, parce que Thaer s'était échappé de l'armée;

-          deuxième emprisonnement : en 1987, pendant trois mois, parce qu'il ne s'était pas présenté pendant son congé de maladie et qu'il n'était pas membre du parti Ba'ath;

-          troisième emprisonnement : année inconnue, pendant neuf mois, parce qu'il n'était ni membre du parti Ba'ath ni musulman et qu'il était accusé de vouloir détruire l'établissement.

[45]            La chronologie des événements précédemment énumérés concorde avec celle du FRP du demandeur principal, exception faite d'un incident que ce dernier n'a pas mentionné et qui serait survenu avant le deuxième emprisonnement de 1987. De fait, selon son FRP, le deuxième emprisonnement de Thaer aurait duré dix jours et aurait eu pour cause son refus (il se sentait malade) d'exécuter ses tâches habituelles.

[46]            De même, au cours du témoignage oral du demandeur principal, l'avocat de celui-ci lui a demandé s'il se rappelait que Thaer avait été emprisonné pendant dix jours. Le demandeur principal a répondu par l'affirmative, que l'incarcération était survenue avant que son fils n'obtienne son diplôme, en 1982, et qu'elle avait duré 14 jours. À ce propos, la Section des réfugiés a dit ceci du demandeur principal :


[traduction] Il n'a pas pu expliquer pourquoi cet événement n'est pas mentionné dans le long récit que contient son FRP, lequel remonte à 1982 et fournit des dates, des événements et des renseignements précis. Il a rédigé le FRP avec l'aide d'un avocat et l'a signé le 17 juillet [2001], il y a à peine un an, au moment où sa mémoire était de toute évidence claire et convaincante. Au début de l'audience, il a aussi eu la possibilité d'y apporter des modifications mineures et, avant de le déposer en preuve, il a déclaré que les renseignements contenus dans son FRP étaient, à sa connaissance, véridiques et exacts.

[47]            La Section des réfugiés semble avoir négligé le fait que le FRP du demandeur principal commence avec la déclaration selon laquelle [traduction] « [Thaer] a obtenu son diplôme en 1982 et il a été recruté le 4 janvier 1983 pour effectuer son service militaire , [...] » et se poursuit avec le récit des événements pertinents. Il semble évident que le demandeur principal ne souhaitait pas évoquer les événements survenus avant que Thaer n'ait obtenu son diplôme. De fait, dans sa décision, la Section des réfugiés elle-même n'a mentionné que les expériences vécues par Thaer entre 1983 et 1991, c.-à-d. pendant ses années dans l'armée. Par conséquent, il semble évident que la Section des réfugiés savait que la période pertinente de ces demandes commençait en1983. À la lumière de cette constatation, l'approche adoptée par la Section des réfugiés constitue une sorte d' « examen microscopique en profondeur des questions non pertinentes ou accessoires à la demande du demandeur » que notre Cour a critiqué dans la décision R.K.L., précitée.

[48]            Deuxièmement, en ce qui concerne le fait que les demandeurs ont attendu une hausse des prix pour vendre leur maison et leur supermarché au lieu de quitter l'Iraq en 1997, en même temps que leur fils Thaer, la Section des réfugiés a déclaré :


[traduction] Le demandeur aurait été battu et torturé parce que son fils s'était enfui et il savait que celui-ci ne reviendrait pas, malgré ce qu'A'shour exigeait. Le Tribunal demeure incrédule devant la possibilité que le demandeur ait été davantage préoccupé par ses gains matériels, par exemple par la chute des prix offerts pour sa maison et son supermarché, plutôt que par sa sécurité et celle des membres de sa famille. Non seulement cela illustre l'absence étonnante de crainte subjective chez le demandeur, cela souligne également le fait que ses allégations voulant qu'il ait été torturé et que sa vie ait été menacée manquent de crédibilité.                

[49]            Eu égard au témoignage oral du demandeur principal, l'extrait précité soulève de graves préoccupations quant à l'étendue de l'intérêt manifesté par la Section des réfugiés à l'égard de ses réponses. De fait, d'après une lecture de la transcription de l'audience, le demandeur principal a expliqué très clairement pourquoi il avait dû attendre une hausse des prix avant de fuir l'Iraq :

[traduction]

AVOCAT : Pourquoi avez-vous emmené vos fils avec vous ?

DEMANDEUR NO 1: Parce qu'ils étaient sur le point d'être arrêtés et nous sommes alors allés rencontrer le passeur.

[...]

AVOCAT : Qu'est-il arrivé après votre rencontre avec le passeur ?

DEMANDEUR NO 1: Le passeur et moi-même avions convenu qu'il nous ferait entrer clandestinement, moi-même, ma femme et mes fils à Windsor, au Canada.

AVOCAT : Pourquoi Windsor ?

DEMANDEUR NO 1: Parce que nous connaissions quelqu'un à Windsor, qu'on nous avait dit que le Canada était un endroit sûr et que le passeur voulait 30 000 $US et, comme je n'avais pas plus de 18 000 $US, nous avons convenu lui et moi qu'il nous emmènerait hors de l'Iraq. Nous étions quatre, Farez et Amar resteraient à Istanbul en Turquie et il devrait leur fournir des cartes d'identité et nous emmener ma femme et moi à Windsor au Canada pour la somme de 18 000 $U.S, il devrait assumer tous les frais et nous accompagner jusqu'à ce que nous soyons arrivés au bureau d'immigration à Windsor [...]

[...]

AGENT CHARGÉ DE LA REVENDICATION : Maintenant, puisque tout ce qui est arrivé à votre fils a amené celui-ci à fuir l'Iraq, pourquoi n'avez-vous pas quitté l'Iraq ensemble, avec votre fils et votre famille?


DEMANDEUR NO 1: Plusieurs raisons. D'abord, j'avais un supermarché et une maison et à cette époque, les prix étaient très bas, le passeur coûtait très cher et je pensais qu'après son départ du pays, les choses s'amélioreraient.

[50]            À la lumière du témoignage oral du demandeur principal, je ne peux absolument pas comprendre comment la Section des réfugiés a pu se dire [traduction] « incrédule devant la possibilité que le demandeur ait davantage été préoccupé par ses gains matériels, par exemple par la chute des prix offerts pour sa maison et son supermarché, plutôt que par sa sécurité et celle des membres de sa famille. » Il semble que la Section des réfugiés n'a jamais pensé que les « gains matériels » pouvaient représenter le seul moyen de garantir cette sécurité. Je suis d'avis que la conclusion de la Section des réfugiés à cet égard était arbitraire et manifestement déraisonnable.

[51]            Troisièmement, la crédulité de la Section des réfugiés a de nouveau été mise en doute devant la façon dont le demandeur principal a été en mesure d'échapper à l'arrestation en demandant simplement à l'un des fonctionnaires de mettre le [traduction] « projet » de mandat dans un tiroir. Selon la Section des réfugiés, il n'est pas logique que les hauts fonctionnaires aient délivré un projet de mandat plutôt qu'un véritable mandat.


[52]            Encore une fois, la Section des réfugiés semble avoir négligé le fait que le demandeur principal n'a pas simplement demandé à l'un des fonctionnaires de mettre le projet de mandat de côté : il l'a soudoyé à cette fin. Il y aurait lieu de mentionner que, dans la culture iraquienne, les pots-de-vin ne sont pas rares. Comme il a été dit dans R.K.L., précité, la Section des réfugiés ne devrait pas s'empresser d'appliquer une logique et un raisonnement nord-américains à la conduite du demandeur principal.

[53]            Vu la preuve présentée au soutien des divers paiements effectués par le demandeur principal aux fonctionnaires, il est difficile de comprendre pourquoi la Section des réfugiés mettrait en doute le fait qu'en Iraq, un pot-de-vin pourrait retarder une arrestation.

[54]            Voici quelques extraits de la transcription de l'audience qui contribuent à faire la lumière sur la question du mandat :

DEMANDEUR NO 1: La raison pour laquelle, en juillet 2000, Razi Ajuburakat (ph), responsable de la section Ba'athist, une section du parti, est venu me voir, c'est pour me dire qu'il existait un mandat, un projet de mandat provenant du maître pour nous arrêter, moi et ma famille.

[...]

DEMANDEUR NO 1: Habituellement, Razi Jaburi dactylographie le mandat et l'apporte à Ashur Razim pour que celui-ci le fasse signer par Ali Hassan Majid, et ensuite, le mandat est exécuté.

[...]

DEMANDEUR NO 1: Je veux simplement expliquer un fait. Razi est une personne qui a des besoins financiers, il est dans le besoin et, avant ces événements, j'avais l'habitude de l'aider financièrement et je lui ai demandé simplement de garder le projet de mandat dans son bureau le temps que je puisse me préparer. Il existe de nombreux mandats comme celui-là et, à cause de notre amitié qu'il n'a pas oubliée, il a donc conservé le projet de mandat dans son tiroir. J'ai ensuite vendu ma maison et mon supermarché pour 18 000 $US, avec l'entente que je livrerais la maison et le supermarché le 28 décembre 2000. Je suis ensuite allé voir Ashur et lui ai versé 300 000 dinars iraquiens.

[...]

DEMANDEUR NO 1 : [...] C'est pourquoi j'ai versé 300 000 dinars iraquiens à Ashur en juillet, seulement pour étouffer l'affaire, et j'ai continué à verser 150 000 dinars iraquiens par mois.

AVOCAT : Bien. Vous faisiez donc toujours des versements mensuels?

DEMANDEUR NO 1: Oui.

AVOCAT : Mais pourquoi avez-vous versé les 300 000 en juillet?


DEMANDEUR NO 1: Il s'agissait d'une dissimulation et c'était en juillet, des célébrations étaient prévues pour le 17 juillet et j'ai versé cet argent à titre de donation pour les célébrations, [...]

[...]

AGENT CHARGÉ DE LA REVENDICATION : [...] Que vous serait-il arrivé, le cas échéant, en raison de ce mandat ?

DEMANDEUR NO 1: La même chose qu'à mon fils. Je devais payer plusieurs millions, sinon je serais arrêté. Ils m'ont dit qu'ils m'apporteraient le corps de mon fils et je n'avais plus d'argent, plus d'argent à verser. Je ne savais pas pourquoi ils avaient arrêté mon fils ni pourquoi ils avaient délivré un mandat d'arrêt contre moi.

[...]

AGENT CHARGÉ DE LA REVENDICATION : [...] connaissez-vous des gens qui ont été visés par un mandat d'arrêt et qui n'avaient absolument rien fait ?

DEMANDEUR NO 1: De nombreuses personnes. Nombre d'Iraquiens, en particulier des gens qui avaient de l'argent et qui étaient chrétiens.

[...]

PRÉSIDENT : [...] Étant donné la façon dont se comportent les autorités, quelle était la nécessité de délivrer un mandat d'arrêt? Pourquoi ne vous ont-ils pas simplement emmené si vous les intéressiez vraiment?

DEMANDEUR NO 1: Le but est de soutirer le plus d'argent possible aux gens, de profiter de moi. Exactement comme ils l'ont fait en arrêtant mon fils, ils m'ont demandé un million.

[55]            J'estime que les commentaires précédents expliquent de façon satisfaisante les circonstances entourant la délivrance du mandat d'arrêt contre le demandeur principal ainsi que le caractère arbitraire et manifestement déraisonnable du point de vue de la Section des réfugiés sur cette question.


[56]            Pour des motifs similaires, la conclusion de la Section des réfugiés selon laquelle il était invraisemblable que la vente du supermarché ou de la maison du demandeur principal n'ait pu être réalisée en secret était manifestement déraisonnable. Le demandeur a travaillé au supermarché comme il l'avait toujours fait et il a vécu dans sa maison, avec sa famille, jusqu'au 28 décembre 2000, jour de son départ. Il a maintes fois insisté sur le fait qu'il avait conclu une entente avec l'acheteur pour que rien ne soit complété avant décembre 2000. Compte tenu de cette entente, je suis d'avis que la conclusion de la Section des réfugiés était susceptible de contrôle judiciaire.

[57]            La conclusion du Section des réfugiés selon laquelle le délai de cinq mois ayant précédé le départ révèle un manque de crainte subjective, après une menace aussi grave, et minimise l'importance des allégations du demandeur voulant que les fonctionnaires voulaient l'arrêter, n'est pas étayée par la preuve et constitue une erreur susceptible de contrôle judiciaire.

[58]            Le passeur a demandé la somme substantielle de 30 000 $US pour emmener toute la famille, somme que les demandeurs n'avaient pas. Fait encore plus important, le passeur avait dit au demandeur principal qu'il ne pouvait les faire sortir du pays avant décembre 2000, car la présence de l'armée turque près de la frontière aurait rendu cette dernière difficile à franchir. Par conséquent, considérant que le système de pots-de vin fonctionnait, que le demandeur principal travaillait toujours au supermarché et que le passeur avait dit à la famille qu'il serait trop dangereux de les faire quitter le pays avant décembre 2000, pourquoi les demandeurs auraient-ils pris le risque de s'enfuir plus tôt ? De fait, rien ne permet de croire qu'ils auraient pu quitter le pays plus tôt même s'ils l'avaient voulu.

[59]            Voici un extrait pertinent en l'espèce provenant de la décision Anwar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 1434, dans laquelle, au paragraphe 59, le juge Beaudry évoque les [traduction] « choix » ou les risques auxquels sont confrontées les personnes voulant fuir l'Iraq :

[...] On devrait également tenir compte du fait que la crainte du régime, dont les actions ne sont pas prévisibles avec la même rationalité que celle à laquelle on s'attendrait ailleurs, a empêché la famille d'agir plus tôt qu'elle ne l'a fait. Dans la même veine, cette crainte de représailles pour être entré dans la clandestinité ou avoir fui pouvait ne pas être surpassée par le désir de prendre le risque de fuir jusqu'à ce qu'interviennent les menaces d'agression sexuelle. Ces considérations ne sont ni tangentielles ni accessoires et le tribunal aurait dû en tenir compte.

[60]            En l'espèce, un délai de cinq mois n'était pas important au point de pouvoir étayer une conclusion selon laquelle les demandeurs n'avaient pas une crainte subjective de persécution.

[61]            Les demandeurs font valoir que la décision de la Section des réfugiés donne l'impression que l'âge y a joué un rôle important. Je ne suis pas d'accord. Je ne crois pas que l'âge ait été un facteur déterminant. Toutefois, j'estime qu'en faisant cette déclaration, la Section des réfugiés a tiré une conclusion déraisonnable, compte tenu du dossier.


[62]            Il ressort clairement du dossier que la violation des droits de la personne en Iraq n'est pas une question d'âge. Les Country Reports on Human Rights Practices du Département d'État des États-Unis pour l'année 2000 en Iraq (DOS Report), lesquels font partie de la pièce R-1 déposée devant la Section des réfugiés, n'étayent pas les conclusions de celle-ci relativement aux « personnes âgées » . Selon le U.S. Dos Report, les [traduction] « autorités continuent systématiquement de tenir des membres de la famille et des proches associés responsables des actes allégués d'autres personnes [...] »                                                   

[63]            En outre, dans Anwar, précité, au paragraphe 13, les membres du tribunal de la SSR ont reconnu que l'âge n'était pas une préoccupation pour les autorités iraquiennes :

Le tribunal a conclu qu'il n'est pas vraisemblable que les autorités iraquiennes n'aient pas pris de mesures contre la revendicatrice avant mars 1999, dix-huit mois après la désertion de son frère. Le tribunal a également du mal à croire que les autorités s'en sont prises à elle, malgré le fait qu'elle est de sept ans plus jeune que son frère, sans prendre des mesures semblables contre son père, bien qu'en 1999, ce dernier fût âgé de soixante et un ans. Le tribunal ne croit pas que les autorités iraquiennes soient moins agressives envers les personnes âgées qui, selon elles, détiennent des renseignements sur des activités antigouvernementales, comme une désertion. [Non souligné dans l'original.]

[64]            Plusieurs passages du U.S. DOS Report étayent les allégations des demandeurs :

[traduction]

[...] Le gouvernement a réagi d'une manière extrêmement répressive à l'égard des opposants ou de ceux qui l'ont remis en question. Le système judiciaire n'est pas indépendant et le président peut écarter toute décision judiciaire.

[...]

[...] Le gouvernement continue d'être responsable de disparitions, et de tuer et de torturer des personnes soupçonnées de crimes économiques, de désertion et de diverses autres activités, ou des personnes liées à celles-ci. Régulièrement, les forces de la sécurité torturent, battent, violent ou autrement abusent des détenus. [...]

[...] Le gouvernement néglige la santé et les besoins nutritionnels des enfants, et il agit de manière discriminatoire envers les minorités et les groupes ethniques [...]

[...]

[..] plusieurs milliers de personnes ont été arrêtées arbitrairement ces dernières années parce qu'elles étaient soupçonnées d'activités d'opposition ou qu'elles étaient liées à des personnes recherchées par les autorités. [...]

[...]          


[...] Le rapporteur spécial a déclaré, en octobre 1999, que les citoyens vivaient [traduction] « dans un climat de peur » ce qui, peu importe ce qu'ils disaient ou faisaient, en particulier dans le domaine politique, les exposait au [traduction] « risque d'être arrêté et interrogé par la police ou le service de renseignements militaires. » Il a signalé que [traduction] « le simple fait de laisser entendre que quelqu'un n'appuie pas le président entraîne éventuellement la peine de mort. »

[...]

Le gouvernement a aussi cherché à ébranler la minorité chrétienne (assyrienne et chaldéenne) [...] Le rapporteur spécial et d'autres personnes ont signalé que le gouvernement était impliqué dans divers abus contre les 350 000 chrétiens assyriens et chaldéens du pays, [...]          

[65]            Ces passages ne font que confirmer et étayer le témoignage oral et le FPR du demandeur principal voulant que lui et sa femme avaient réellement un crainte bien fondée de persécution et que l'aspect objectif de la crainte était satisfait.

[66]            Les propos suivants formulés par le juge Martineau dans R.K.L., précité, s'appliquent tout aussi bien en l'espèce :

[...] En outre, en agissant avec zèle dans sa recherche de contradictions, la Commission a accordé beaucoup trop d'importance à des éléments secondaires et ne s'est pas attardée aux véritables éléments dont elle disposait : la crainte subjective de persécution de la demanderesse et le fondement objectif de cette crainte. La Commission semble ne pas avoir tenu compte d'une grande quantité d'éléments de preuve très pertinents contenus dans le dossier. [...] La Commission n'avait évidemment pas l'obligation d'accepter ses éléments de preuve, mais sa décision n'indique pas que ceux-ci ont été examinés adéquatement. Pour ces motifs, je suis d'avis que la conclusion défavorable générale à laquelle la Commission est arrivée en ce qui concerne la crédibilité est manifestement déraisonnable et que la décision de la Commission était fondée sur des conclusions de fait tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait.


[67]            Enfin, j'arrive à l'argument du défendeur selon lequel, peu importe que la conclusion soit susceptible de contrôle judiciaire, la présente affaire ne devrait pas être renvoyée pour réexamen pour cause d'inutilité, étant donné les récents événements survenus en Iraq. Je ne suis pas d'accord.

[68]            Je n'ai été saisi d'aucune preuve quant à la façon dont les récents événements survenus en Iraq influeront sur les demandeurs, et ceux-ci ne devraient pas être privés de la possibilité de comparaître devant la Section des réfugiés s'ils se croient toujours en danger.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du 30 juillet 2002 est annulée et l'affaire est renvoyée devant un tribunal différemment constitué aux fins d'une nouvelle audition.

2.         Aucune question n'est certifiée.

                                                                                       « James Russell »                 

                                                                                                             Juge                     

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                              IMM-4469-02

INTITULÉ :                                             YOUSIF KAKOS ZIROU,

HARBIAH TOMA    c. MCI

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 23 avril 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      le juge James Russell

DATE :                                                    le 16 mai 2003

COMPARUTIONS :                              John Rokakis

pour les demandeurs

Michael Butterfield

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :          

John Rokakis

bureau 500                                                           

333, avenue Ouellette

Windsor (Ontario)

N9A 4J1

POUR LES DEMANDEURS

Michael Butterfield

Ministère de la Justice

Bureau régional de l'Ontario

The Exchange Tower

bureau 3400, C.P. 36                                                       

130, rue King Ouest

Toronto ON

            M5X 1K6

POUR LE DÉFENDEUR


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Date :20030516

Dossier : IMM-4469-02

ENTRE :

YOUSIF KAKOS ZIROU,

HARBIAH TOMA

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                      défendeur

                                                    ___           

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                    ___


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