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Date : 20030508

Dossier : T-298-01

                                                                                                                                                                       

                                                                                                                        Référence : 2003 CFPI 567

ACTION SIMPLIFIÉE

ACTION DE DROIT MARITIME IN PERSONAM

ENTRE :

VALENTINO GENNARINI SRL

                                                                                                                                              demanderesse

ET :

                                                  ANDROMEDA NAVIGATION INC.

                                                                                                                                               défenderesse

                                            MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

LE JUGE ROULEAU


[1]                 Il s'agit d'une action en reddition de compte introduite contre la défenderesse pour débours engagés et pour services de courtage maritime rendus par la demanderesse au port de Taranto, en Italie, entre le 25 juin et le 30 juin 2000. Les services comprenaient notamment la coordination des opérations de chargement et de déchargement de la cargaison du Evangelia IV, cargaison qui appartenait au ministère de la Défense nationale (le MDN). La demanderesse voudrait recouvrer l'équivalent en dollars canadiens de 79 267 340 lires italiennes, ainsi que les intérêts sur cette somme depuis le 10 août 2000, aux taux commerciaux, composés semestriellement jusqu'à réception du paiement final, et les dépens, y compris les frais de toutes les pièces et des témoignages d'expert.

LES FAITS

[2]                 La demanderesse exploite une entreprise de courtage maritime depuis son établissement de Taranto, en Italie, et offre des services de représentation aux navires battant pavillon italien ou étranger qui font escale dans les ports italiens. Ce sont notamment des services de courtage maritime, et la coordination d'opérations de chargement de cargaisons sur les navires au port de Taranto, et d'opérations de déchargement depuis les navires.

[3]                 La preuve révèle que la société Amican Navigation Ltd. (Amican) a obtenu de l'armée canadienne le contrat prévoyant le transport, à bord du Evangelia IV, depuis Thessalonique, en Grèce, d'un chargement arrimé à des conteneurs et appartenant à l'armée canadienne, pour déchargement éventuel à Taranto, en Italie, puis transport subséquent depuis cette ville. Le Evangelia IV avait été affrété au voyage par la défenderesse Andromeda.

[4]                 Selon l'accord conclu avec la défenderesse (l'accord), la demanderesse s'occupait du déchargement, au port de Taranto, d'une certaine quantité de conteneurs chargés à bord du navire, et elle coordonnait le transport terrestre des conteneurs vers les installations militaires requises, conformément aux directives reçues de la défenderesse. Plus précisément, les opérations qui devaient être effectuées pour la cargaison en question étaient les suivantes : prendre les dispositions de déchargement des conteneurs du navire; empiler les conteneurs au port de Taranto jusqu'à leur transport subséquent; prendre les dispositions de chargement, et de livraison par camion, des conteneurs jusqu'à la base militaire de Namsa, en Italie; décharger les conteneurs des camions; et finalement empiler les conteneurs à Namsa conformément aux directives du personnel militaire canadien.

[5]                 À la requête de la défenderesse, la demanderesse lui a remis un devis estimatif pro forma. Ce devis avait pour objet d'aider les exploitants du navire à évaluer les commissions d'agence et dépenses portuaires devant être engagées par les propriétaires du navire durant sa présence au port de Taranto, comme il est d'usage. Des devis pro forma distincts furent également produits pour le déchargement et la réexpédition de la cargaison en question. Les débours prévus se chiffraient à 53 400 000 lires italiennes.


[6]                 Il se trouve que les dépenses portuaires entraînées par l'escale du navire au port de Taranto (autres que les frais de déchargement et de réexpédition de la cargaison de matériel militaire et les frais de désarrimage, que la défenderesse a décidé de régler directement avec la demanderesse) ont finalement été réglées par les propriétaires du navire. La demanderesse a été informée par la défenderesse qu'elle s'était entendue avec les propriétaires du navire pour qu'ils consentent à payer ces frais directement. Les frais en question, qui comprenaient les commissions d'agence de la demanderesse, figuraient sur une facture envoyée directement aux propriétaires du navire et ont été payés intégralement par eux.

[7]                 Comme il est d'usage dans les activités de courtage, la demanderesse a prié la défenderesse de lui verser une avance de 25 000 dollars américains pour les opérations qui devaient être exécutées et les débours qui devaient être engagés. Cependant, cette avance n'a jamais été reçue. La défenderesse s'est plutôt engagée par téléphone à payer sur réception du compte final de frais les services rendus ainsi que tous les frais accessoires.

[8]                 Le 27 juin 2000, la demanderesse informait la défenderesse que le déchargement des 239 conteneurs dudit navire avait pris fin à 9 h 15 du matin le même jour. Le 28 juin 2000, sept camions étaient utilisés pour prendre livraison de la cargaison au port de Taranto, et la demanderesse prenait les dispositions requises pour le transport terrestre des conteneurs vers la base militaire de Namsa.


[9]                 Le 29 juin 2000, la demanderesse informait la défenderesse que 124 conteneurs sur les 239 avaient déjà été transportés du port de Taranto à la base militaire de Namsa, et la demanderesse sollicitait de nouveau par écrit la somme de 25 000 dollars américains à titre d'avance pour les frais de déchargement et de réexpédition. Encore une fois, la défenderesse a négligé d'envoyer l'avance demandée. Le 30 juin 2000, la totalité des 239 conteneurs déchargés du navire avaient été transportés et livrés à la base militaire de Namsa.

[10]            Le 31 juillet 2000 ou vers cette date, la demanderesse remettait à la défenderesse une facture de 79 267 340 lires italiennes, qui représentait plusieurs dépenses engagées au nom de la défenderesse, et qui était accompagnée des justificatifs requis. Plusieurs rappels furent envoyés à la défenderesse, mais celle-ci est restée muette sur le règlement de sa dette. Le 20 février 2001, la demanderesse engageait la présente action contre elle.

CONCLUSIONS DES PARTIES

[11]            La demanderesse affirme qu'elle a rempli ses obligations dans le respect des modalités de l'accord. La défenderesse n'a jamais contesté ou mis en doute la facture finale de la demanderesse, délivrée en conformité avec les conditions de l'accord. La défenderesse a indiqué au contraire, dans un message transmis par télécopieur en date du 30 juin 2000, qu'elle était entièrement satisfaite de la manière dont la demanderesse avait exécuté les opérations de déchargement, en affirmant que le service de la demanderesse avait été exceptionnel et sa performance extraordinaire. Par ailleurs, malgré les assurances données par la défenderesse pour le règlement de la facture, elle ne l'a pas réglée ni n'a accusé réception des diverses demandes de paiement qui lui ont été envoyées par la demanderesse.


[12]            La demanderesse affirme que le devis pro forma n'intéresse pas la présente affaire. Le seul objet du devis était de chiffrer les dépenses portuaires devant être engagées par les propriétaires du navire ou par l'exploitant du navire qui normalement seraient appelés à payer les frais en question. Le devis avait été remis à la défenderesse, à la requête de celle-ci, pour le cas où la défenderesse déciderait d'assumer l'exploitation du navire et le paiement de tels frais au nom du navire.

[13]            Il se trouve que les dépenses portuaires ont finalement été réglées par les propriétaires du navire. On fait valoir que la réclamation de la demanderesse contre la défenderesse se rapporte uniquement à la gestion des opérations de déchargement ainsi qu'à la coordination du transport terrestre de la cargaison au nom de la défenderesse.


[14]            La demanderesse affirme aussi qu'elle n'a jamais consenti à réduire de moitié ses commissions d'agence ainsi que le prétend la défenderesse, car les commissions d'agence devaient être payées à la demanderesse par les propriétaires du navire. Elle avait plutôt promis à la défenderesse que, sur paiement par la défenderesse du compte de frais de la demanderesse, la demanderesse consentirait à la défenderesse un rabais de 30 p. 100 des commissions d'agence que la demanderesse aurait reçues des propriétaires du navire, après que la demanderesse recevrait de la défenderesse une facture correspondant à cette somme. Cependant, aucune facture n'a jamais été reçue de la défenderesse malgré la demande formulée par la demanderesse. La demanderesse dit qu'elle demeure prête et disposée à appliquer ce rabais à la défenderesse selon les conditions de l'entente conclue entre les parties. Les commissions d'agence se chiffraient à la somme de 8 516 875 lires.

[15]            En réponse aux prétentions de la défenderesse, la demanderesse dit aussi qu'aucune commission d'agence n'a été facturée à la défenderesse. Les parties n'ont jamais évoqué l'idée que certains des frais compris dans la facture finale seraient absorbés par la demanderesse, et la défenderesse ne s'est jamais plainte des propositions de prix ou des comptes de frais de la demanderesse avant que ne soit introduite la présente action.

[16]            La défenderesse affirme dans sa défense que la demanderesse a surfacturé les services rendus, lesquels dépasseraient largement le prix initial qu'elle lui avait indiqué.

[17]            D'abord, elle soutient que, au moment de conclure le contrat avec la demanderesse, M. Vincenzo Eletti, le responsable de l'opération particulière qui devait être exécutée avec la défenderesse au nom de la demanderesse, avait confirmé oralement à la défenderesse que les coûts totaux ne dépasseraient pas 25 000 dollars américains. La défenderesse affirme que la demanderesse a ensuite accepté oralement de réduire sa commission d'agence de moitié, ce qu'elle n'a pas fait dans sa facture finale. La réduction se chiffrait à 4 453 000 lires. La défenderesse affirme qu'il n'a jamais été question qu'une facture serait à ce propos remise à la demanderesse. D'ailleurs, il n'existe aucun usage du genre dans l'industrie du transport maritime.


[18]            Selon la défenderesse, la demanderesse a également surfacturé les frais de transport du chariot élévateur et son coût de location. La demanderesse a aussi inclus dans sa facture des frais qui auraient dû être absorbés par la demanderesse dans ses commissions d'agence, par exemple les services de gardiennage, les frais de communications et de véhicules et les divers frais de timbre.

[19]            En conséquence, la défenderesse affirme que les frais constituant la somme de 79 267 340 lires sont inexacts et que le montant véritable de la facture, sous réserve de la question du prix proposé de 25 000 dollars américains, question que doit trancher la Cour, est de 33 071 dollars américains. La défenderesse affirme donc qu'elle est fondée à refuser de payer la facture finale transmise par la défenderesse, parce que cette facture est exagérée et inexacte.

ANALYSE

Points de procédure


[20]            Au début de l'instruction de la présente affaire, deux requêtes m'ont été présentées. La demanderesse sollicitait une ordonnance radiant la preuve contenue dans les affidavits de Mme Rita Chirola et de M. James Karathanos en date du 11 octobre 2002, car cette preuve concernait la présumée communication, à la demanderesse, de l'accord de mandat conclu entre la défenderesse et Amican. La défenderesse, pour sa part, sollicitait une ordonnance lui accordant d'abord l'autorisation de présenter sa requête moyennant un préavis inférieur à deux (2) jours francs, ensuite l'autorisation de modifier sa défense, et troisièmement les frais de la requête, payables sur-le-champ et quelle que soit l'issue de la cause.

[21]            Dès le début du procès, j'ai communiqué aux parties ma décision de faire droit à la requête de la demanderesse et de rejeter celle de la défenderesse. Voici par écrit les motifs qui m'ont conduit à décider ainsi.

[22]            Ainsi que l'atteste l'affidavit sous serment de Rita Chirola, la défenderesse et son présumé mandant, Amican, sont des sociétés liées qui opèrent dans les mêmes bureaux et utilisent le même personnel. Ce fait est confirmé dans l'affidavit de James Karathanos. La défenderesse voudrait donc produire la preuve d'une relation de mandat entre elle-même et un tiers, et la preuve que cette relation de mandat aurait été communiquée à la demanderesse.

[23]            La demanderesse nie que cette relation de mandat lui ait jamais été communiquée. Elle soutient aussi que la relation de mandat qui existait entre la défenderesse et Amican, ainsi que la présumée communication de cette relation, n'ont jamais été plaidées dans la défense de la défenderesse. Par conséquent, la preuve que la défenderesse voudrait produire est illicite et devrait être radiée du dossier.

[24]            Un examen attentif des actes de procédure s'impose. D'abord, au paragraphe 2 de sa défense, la défenderesse reconnaît qu'elle a retenu les services de la demanderesse pour que celle-ci tienne lieu d'agent de manutention dans le déchargement d'une cargaison au port de Taranto. Il n'est nulle part indiqué qu'elle a recouru aux services en question en tant que mandataire d'un tiers plutôt qu'en son propre nom. Au paragraphe 3 de la défense, la défenderesse admet aussi qu'elle était l'affréteur du Evangelia IV. Plus loin, au paragraphe 15, elle reconnaît implicitement qu'il lui revenait de payer la demanderesse, en affirmant simplement qu'elle avait « de bonnes raisons de refuser de payer la facture transmise par la demanderesse parce que cette facture est exagérée et inexacte » .

[25]            Le paragraphe 4 de la défense dit que la défenderesse « a été engagée pour s'occuper du déchargement au port de Taranto » . Selon la défenderesse, bien que cette affirmation factuelle ne révèle pas expressément que, à toutes les dates pertinentes, elle agissait comme mandataire, la demanderesse se trouvait suffisamment renseignée sur le fait que la fonction et le rôle de la défenderesse étaient une fonction d'organisation et que par conséquent la défenderesse n'agissait pas en son propre nom. La défenderesse fait valoir que, si la demanderesse avait des doutes sur ce point, elle pouvait s'enquérir davantage, ce qu'elle n'a pas fait.


[26]            Les règles 174 et 183 des Règles de la Cour fédérale (1998) prévoient expressément que, dans une défense, une partie doit admettre les faits substantiels qu'elle ne conteste pas et, si elle entend prouver une version des faits différente de celle de la demanderesse, elle doit présenter cette version des faits. Un défendeur doit aussi plaider toute question ou tout fait qui pourrait prendre une partie adverse par surprise s'il n'était pas plaidé : Consumers' Gas Co. c. Canada, [1984] 1 C.F. 779 (C.A.F.). Par conséquent, la Cour devrait ignorer tout élément de preuve qui n'intéresse pas les actes de procédure tels qu'ils sont formulés, ou qui contredit les actes de procédure : Glisic c. Canada, [1988] 1 C.F. 731, à la page 740 (C.A.F.).

[27]            Après lecture de la défense, il m'apparaît évident que la défenderesse ne prétend pas, ni même ne donne à entendre, qu'elle agissait en tant que mandataire d'un tiers, ou que cette relation de mandat avait été communiquée à la demanderesse au cours de leurs tractations. Que la défenderesse tente maintenant de produire une preuve attestant qu'elle agissait comme mandataire de la tierce partie Amican et, qui plus est, attestant que cette preuve avait été communiquée à la demanderesse, équivaut à soustraire une admission du dossier sans obtenir l'autorisation de la Cour, et contredit les actes de procédure eux-mêmes de la défenderesse. Il revient à la défenderesse de dire à la demanderesse ce qu'elle vient prouver devant la Cour, et non à la demanderesse de faire des conjectures et d'obtenir d'autres détails sur la défense, outre les défenses expressément plaidées, qui pourrait être invoquée par la défenderesse au procès.


[28]            En conséquence, j'ai ordonné que l'affidavit de James Karathanos soit radié du dossier et, s'agissant de l'affidavit de Rita Chirola, j'ai ordonné ce qui suit : que la mention des mots « conclu entre Amican, par l'entremise d'Andromeda, et la demanderesse » , au paragraphe 8, soit supprimée; que les paragraphes 9, 10 et 14 soient radiés; et que la mention des mots « en tant que mandataire d'Amican » , au paragraphe 12, soit supprimée.

[29]            Je passe maintenant à la requête de la défenderesse en modification de sa défense. La Cour a toujours jugé que, en règle générale, une modification devait être autorisée aux fins de régler la question véritable qui sépare les parties, dans la mesure où il n'en résulte pas pour l'autre partie un préjudice qui ne puisse être réparé par l'octroi de dépens, et dans la mesure où la modification est conforme à l'intérêt de la justice : Canderel Ltée c. Canada, [1994] 1 C.F. 3 (C.A.F.). Les facteurs qui permettent de dire si une modification causera à l'autre partie un préjudice qu'il sera impossible de réparer par l'octroi de dépens sont l'à-propos de la requête en modification, la mesure dans laquelle la modification retarderait l'issue du procès, la mesure dans laquelle la position initiale a obligé une autre partie à suivre une ligne de conduite qui ne pourra être facilement modifiée, enfin la question de savoir si la modification facilitera pour la Cour l'examen du bien-fondé de l'action : Scannar Industries Inc. et al. c. Canada (Ministre du Revenu national) (1994), 172 N.R. 313 (C.A.F.).

[30]            Selon moi, de nombreux facteurs militent ici contre la modification de la défense de la défenderesse.


[31]            D'abord, la requête de la défenderesse en modification a été produite près de 18 mois après ses premiers actes de procédure, et présentée un jour avant la date prévue du procès, alors qu'elle aurait pu l'être plusieurs mois auparavant. Aucune modification n'a été demandée après l'interrogatoire préalable de Mme Chirola, au cours duquel la question de la relation de mandat avait été évoquée pour la première fois. Plus révélateur encore est le fait que le mémoire de conférence préparatoire de la défenderesse reconnaît la version des événements donnée par la demanderesse, au lieu de renfermer un argumentaire tendant à prouver que la défenderesse n'agissait que comme mandataire d'Amican et/ou que tel mandat avait été révélé à la demanderesse.

[32]            Deuxièmement, la modification n'est pas faite pour recentrer et particulariser les points litigieux, mais vise plutôt à introduire une cause d'action distincte et entièrement nouvelle. Par conséquent, cette modification n'aidera pas à éclaircir les points litigieux.

[33]            Finalement, et contrairement à ce qu'affirme la défenderesse, la modification proposée retarderait inévitablement l'issue du procès, étant donné qu'une réponse modifiée devrait probablement être déposée par la demanderesse et que de nouveaux interrogatoires préalables devraient avoir lieu en conséquence de la défense modifiée. Dans l'affaire Bande de Montana c. Canada, [2002] A.C.F. n ° 774 (QL) (C.F. 1re inst.), la Cour a jugé qu'une modification qui varie sensiblement le fondement factuel de la réclamation, apportée à la veille d'un long procès et obligeant les parties à revoir leurs opinions juridiques, leurs actes de procédure, leurs interrogatoires préalables et leurs documents produits, devrait être refusée parce qu'elle cause des inconvénients qui ne pourront être réparés par l'adjudication de dépens.


[34]            Pour ces motifs, la requête de la défenderesse en autorisation de modification de sa défense a été rejetée.

[35]            En tout état de cause, rien ne prouve ici l'affirmation de la défenderesse selon laquelle elle a contracté avec la demanderesse en tant que mandataire d'un tiers. Ce que la preuve révèle, c'est que, le 30 mai 2000, la défenderesse avait engagé des pourparlers avec la demanderesse en vue d'obtenir des informations et un prix pour le travail de coordination des activités de chargement et de déchargement d'une cargaison de l'Evangelia IV, à Taranto, en Italie (pièce P-1). Après plusieurs communications, par téléphone et par télécopieur, sur du papier à en-tête de la défenderesse, la demanderesse avait finalement indiqué un prix à la défenderesse (pièces P-2 à P-6). Après d'autres pourparlers (pièces P-7 à P-11), la défenderesse avait officiellement désigné la demanderesse pour qu'elle agisse comme mandataire (pièce P-12). Après exécution des services, la défenderesse avait écrit à la demanderesse pour la remercier et lui dire combien son travail avait été excellent et professionnel (pièce P-31). La défenderesse n'a jamais dit qu'elle avait retenu les services de la demanderesse en tant que mandataire d'un tiers plutôt qu'en son propre nom.


[36]            M. Vincenzo Eletti, qui avait négocié l'accord de manutention, de déchargement et de camionnage au nom de la demanderesse, a témoigné au procès que son homologue chez Andromeda était Rita Chirola, laquelle ne lui a pas dit que la défenderesse agissait comme mandataire d'Amican pour les opérations de manutention, de déchargement et de camionnage. D'ailleurs, en contre-interrogatoire, la représentante de la défenderesse, Mme Chirola, a admis, après l'avoir vigoureusement démenti, qu'elle agissait en juin 2000 comme directrice du trafic de la défenderesse Andromeda dans ses tractations avec la demanderesse concernant la logistique et les opérations de cette société, et concernant l'affrètement du Evangelia IV. C'est ce qui est confirmé au paragraphe 1 de son affidavit.

[37]            Hormis la preuve par affidavit de Rita Chirola, la défenderesse n'a produit aucune preuve tendant à établir qu'elle avait révélé une quelconque relation de mandat à la demanderesse. De fait, c'est le contraire selon la preuve de M. Eletti, qui a été produite avec son affidavit, et selon les échanges de correspondance et les documents eux-mêmes, qui n'indiquent nulle part qu'une relation de mandat a été divulguée à la demanderesse au cours de ses tractations avec la défenderesse. Il est clair qu'Andromeda a contracté avec la demanderesse en son propre nom et non en tant que mandataire d'un tiers. Par conséquent, la défenderesse est personnellement tenue au paiement des frais impayés de manutention découlant des services que la demanderesse a exécutés pour elle.


[38]            Au début de l'instruction sur le fond, l'avocat de la demanderesse voulait que la Cour accepte tels quels les documents originaux incorporés par référence dans le paragraphe 21 de l'affidavit de Vincenzo Eletti (l'affidavit Eletti). Selon lui, ces documents avaient été en la possession de la défenderesse depuis plus d'un an et il s'agissait simplement des documents énumérés dans l'affidavit de documents de la demanderesse qui avait été signifié à la défenderesse plus d'un an auparavant en conformité avec la règle 295.

[39]            L'avocat de la défenderesse s'est opposé à la méthode par laquelle ces documents avaient été produits comme preuve, faisant valoir qu'ils devaient être produits par l'entremise des témoins qui en étaient les auteurs, que ce soit dans un procès normal ou dans une action simplifiée. Autrement, la défenderesse perdrait son droit de répondre aux allégations qui y figuraient.

[40]            La présente action se déroule comme action simplifiée. Les règles 299(1) et (2) régissent la manière dont la preuve sera déposée. La règle 299(1) permet à chacune des parties de produire sa preuve par affidavit, mais cette règle est subordonnée à la règle 299(2), selon laquelle le témoin dont la déposition a été produite par affidavit doit être disponible pour contre-interrogatoire, à moins que la partie adverse ne renonce à cette possibilité.


[41]            Ce que fait en réalité l'affidavit Eletti, c'est d'incorporer par référence dans l'affidavit, comme s'il en faisait partie intégrante, chaque document énuméré dans l'affidavit de documents de la demanderesse que la demanderesse souhaite produire comme preuve principale. La procédure de l'interrogatoire principal qui, par définition, comprend le dépôt de documents comme preuve, est donc satisfaite par l'affidavit Eletti produit conformément à la règle 299(1). Quant à l'effet de la règle 299(2) dans l'affaire qui nous occupe, l'avocat de la défenderesse a consenti à renoncer à son droit de contre-interroger M. Eletti. Cela veut dire que la défenderesse a accepté que l'affidavit Eletti, avec tous les documents qui y sont incorporés par référence, soit versé dans le dossier de la Cour en tant que preuve principale de la demanderesse, sans qu'il faille procéder à un contre-interrogatoire. Naturellement, cela n'empêche pas la défenderesse de produire une preuve contraire réfutant cette preuve principale.

[42]            L'effet de la règle 299 est d'obliger la demanderesse à produire sa preuve principale au moyen d'un affidavit, avec tous les documents y mentionnés. Les règles relatives aux actions simplifiées ne font état d'aucune procédure exigeant qu'un affidavit, avec tous les documents y mentionnés, soit produit comme preuve uniquement par l'entremise de l'auteur de l'affidavit ou de l'auteur des documents en question. Cette procédure est satisfaite par l'affidavit, et par les documents qui y sont annexés, déposés en application de la règle 299(1). Ici, si l'on s'interrogeait sur l'existence d'affirmations dans l'affidavit Eletti sur lesquelles l'avocat de la défenderesse souhaiterait procéder à un contre-interrogatoire, ou si l'on s'interrogeait sur le dépôt de documents incorporés par référence dans cet affidavit, la méthode à suivre était le contre-interrogatoire de M. Eletti, le signataire de l'affidavit. Cependant, la défenderesse a choisi de ne pas exercer son droit.


[43]            La Cour a donc accepté tels quels les documents originaux incorporés par référence dans le paragraphe 21 de l'affidavit Eletti, puisqu'ils avaient été énumérés dans l'affidavit de documents de la demanderesse qui avait déjà été signifié à la défenderesse plus d'un an auparavant, en même temps que les copies des documents eux-mêmes.

[44]            L'avocat de la demanderesse voulait aussi englober dans sa preuve principale certains extraits de la transcription de l'interrogatoire préalable de Mme Chirola. L'avocat de la défenderesse s'est cependant opposé à toute mention de l'interrogatoire préalable, faisant valoir que, en application de la règle 299, la demanderesse est tenue de produire sa preuve principale par affidavit.

[45]            La règle 288 autorise une partie à produire comme preuve au procès tout extrait des dépositions recueillies par elle à l'interrogatoire préalable d'un témoin de la partie adverse. Cependant, en application des règles relatives aux procédures simplifiées, il n'y a pas d'interrogatoire préalable oral. La règle 296 dit que les interrogatoires préalables se font entièrement par écrit et ne peuvent comprendre plus de 50 questions, et la preuve principale est donc produite par affidavit.

[46]            La présente action a été introduite conformément aux règles ordinaires de la Cour. Par la suite, lors de la conférence préparatoire, ordre a été donné, du consentement des parties, qu'elle se déroule selon les règles de la procédure simplifiée. Cependant, lorsque l'interrogatoire préalable a eu lieu, cette action était encore régie par les règles ordinaires.

[47]            S'agissant du dépôt d'éléments de preuve, les règles relatives aux procédures simplifiées ne prévoient pas la prise en compte d'un interrogatoire préalable oral parce que les interrogatoires préalables oraux ne peuvent être pris en compte; il n'y a pas au départ d'interrogatoire préalable oral. Toutefois, selon mon interprétation des règles de la Cour en matière de procédures simplifiées, il n'y est mentionné nulle part que la conversion d'une action ordinaire en action simplifiée empêche l'application de la règle 288 touchant la prise en compte des interrogatoires préalables oraux.

[48]            À mon avis, la règle 288 s'applique, sous réserve des aménagements de circonstances, aux actions simplifiées qui ont commencé comme actions ordinaires, de telle sorte qu'est autorisée la prise en compte d'un interrogatoire préalable oral mené au début de l'action selon les règles des actions ordinaires. Si ce n'était pas le cas, il n'y aurait aucun moyen de déposer la transcription d'un interrogatoire préalable oral autrement qu'en obtenant l'affidavit du témoin interrogé, en l'occurrence Mme Chirola.

[49]            En conséquence, j'ai autorisé la demanderesse à prendre en compte, dans sa propre preuve, certains extraits de la transcription de l'interrogatoire préalable de la représentante de la défenderesse, Mme Chirola. Je lui ai signalé cependant que, si les extraits pris en compte étaient déposés pour reprocher Mme Chirola, alors les questions de l'interrogatoire préalable allaient d'abord devoir être posées au témoin, en application de la règle 291.


Questions de fond

[50]            Comme je l'ai dit, la réclamation de la demanderesse dans la présente instance porte sur des services rendus à l'occasion de la manutention, du déchargement et de la réexpédition terrestre des conteneurs au nom de la défenderesse. Elle ne concerne pas le compte de frais pour services portuaires, qui a été assumé par le propriétaire du navire Evangelia IV, affrété au voyage. Le point à décider est de savoir si la défenderesse a droit à un redressement des factures que lui a envoyées la demanderesse, au titre des aspects contestés des factures.

[51]            Comme je l'ai dit, la demanderesse a envoyé à la défenderesse une facture datée du 31 juillet 2000, qui portait sur les frais engagés par elle et les services de courtage maritime rendus par elle au port de Taranto, en Italie, entre le 25 juin et le 30 juin 2000. La facture totale se chiffre à 79 267 340 lires, somme répartie entre les éléments suivants (pièce P-44) :

DÉSIGNATION DU POSTE                                                                     MONTANT (en lires)

Frais de déchargement/chargement

- acconiers                                                                                                     74 419 810

- droits/frais des courtiers en douane                                                   2 602 500

- services de gardiennage                                                                         1 440 000

- divers services de communications                                                         397 530

- frais de véhicule pour l'exécution des opérations                               360 000

Frais divers

- documents juridiques (divers objets)                                                        40 000

Timbres

- timbres sur les originaux et les duplicatas                                                 7 500

79 267 340

[52]            La facture de la demanderesse portant sur les opérations de manutention et de déchargement des 239 conteneurs au port de Taranto, en Italie, et sur leur livraison par camion à la base militaire de Namsa, en Italie, donne quant à elle la ventilation suivante :

DÉSIGNATION DU POSTE                                                                     MONTANT (en lires)

Frais de déchargement des conteneurs

125 000 lires X 239 conteneurs =                                                            29 875 000

Frais de rechargement des conteneurs de

l'aire de stockage vers les camions

121 740 lires X 239 conteneurs                                                                29 095 860

Frais de transport d'un chariot élévateur, de ses locaux

d'origine à la base de Namsa                                                                  6 200 000

Frais de location d'un chariot élévateur, comme il suit :

a) 24 heures au taux normal de 165 000 lires chacune                      5 490 000

b) 9 heures au taux des heures supplémentaires,

soit 170 000 lires chacune

Redevances et taxes portuaires sur la manutention de la cargaison nette

975 lires X 1 182 M/t =                                                                               1 152 450

Coût de l'aire de stockage dans le port                                                       60 000

Frais des opérations de désarrimage exécutées par le navire        2 544 000

74 419 810

[53]            Comme je l'ai mentionné, Rita Chirola, la directrice des opérations de la défenderesse, est le seul témoin qui ait déposé au nom de la défenderesse, et elle n'a pas d'une manière significative réfuté les explications détaillées données par le témoin de la demanderesse, M. Eletti.


Coût total des services de la demanderesse ne dépassant pas 25 000 dollars américains

[54]            Au procès, la défenderesse a produit, à la faveur de l'interrogatoire préalable de Rita Chirola, une preuve tendant à montrer qu'il existait une entente téléphonique entre elle-même et M. Eletti selon laquelle le coût total des services de la demanderesse serait de 25 000 dollars américains. Cette discussion s'appuyait sur une proposition de prix détaillée de deux pages datée du 3 juin 2000, envoyée par la demanderesse à la défenderesse (pièces P-6 et P-43). Les paragraphes 1 à 9 de cette proposition de prix concernent les opérations de manutention, de déchargement et de camionnage.

[55]            En contre-interrogatoire, Mme Chirola a admis que l'entente concernant la somme forfaitaire de 25 000 dollars américains se rapportait aux paragraphes 2 à 9 seulement de la proposition de prix. L'entente excluait donc les frais engagés pour le déchargement des conteneurs au port de Taranto, qui se chiffraient à 29 875 000 lires. Ce point a été confirmé par le propre témoignage de M. Eletti au procès. M. Eletti a également témoigné que la somme de 25 000 dollars américains comprenait aussi l'avance demandée par la demanderesse à la défenderesse pour les frais des opérations de déchargement et de transfert, comme il est d'usage (pièces P-29 et P-36).

[56]            À mon avis, eu égard au témoignage de M. Eletti et aux propres admissions de Mme Chirola durant le contre-interrogatoire, rien n'autorise la défenderesse à exiger l'ajustement qu'elle a prié la demanderesse de faire pour ce poste.

Coût de location du chariot élévateur

[57]            En contre-interrogatoire, Mme Chirola a été priée de dire pourquoi elle avait radié sur la facture la somme de 3 960 000 lires se rapportant à cette rubrique et l'avait remplacée par la somme de 1 320 000 lires. Elle a expliqué qu'elle avait reçu de la demanderesse un fax daté du 7 juin 2000, dans lequel la demanderesse disait qu'elle allait demander à la défenderesse la somme de 1 320 000 lires par jour (pièce P-8), et Mme Chirola ajoutait que ce qu'elle avait compris, c'était qu'un jour s'entendait de 24 heures de travail. M. Eletti a cependant témoigné qu'un jour s'entendait de huit heures de travail et que, par conséquent, la défenderesse devait payer 24 heures de temps normal (trois jours) à raison de 165 000 lires par heure, ce qui équivalait à 3 960 000 lires.


[58]            Au procès, l'attention de M. Eletti a été appelée sur le fait que le tarif de 1 320 000 lires par jour indiqué par la demanderesse dans son fax daté du 7 juin 2000 pour la location du chariot élévateur ne correspondait pas au montant de 1 020 000 lires par jour, indiqué au paragraphe 8 de la proposition de prix donnée par la demanderesse le 3 juin 2000. M. Eletti a expliqué que la raison de cette différence, c'était que, à un certain moment, les fonctionnaires du MDN avaient décidé qu'ils voulaient que les conteneurs soient empilés sur trois rangées à la base militaire de Namsa. Le chariot élévateur pour lequel le tarif de 1 020 000 lires par jour avait été indiqué était donc trop petit pour atteindre la troisième rangée. Mme Chirola en avait donc été informée, et elle avait décidé de louer un chariot élévateur plus gros. Une nouvelle proposition de prix fut donc donnée par la demanderesse à la défenderesse, par message télécopié le 7 juin 2000, pour le coût de location du chariot élévateur plus gros, ce qui expliquait le tarif de 1 320 000 lires par jour.

[59]            M. Eletti a aussi témoigné que le tarif de 165 000 lires par heure figurant sur la facture avait été obtenu en divisant 1 320 000 lires par huit heures, durée qui constitue un jour de travail normal. Son témoignage s'accorde avec la preuve documentaire, à savoir le fax daté du 3 juin 2000, qui mentionne ce qui suit au paragraphe 9 : [traduction] « Si l'utilisation du chariot élévateur dépasse la durée normale de huit heures par jour [...] » . Un total de vingt-quatre heures a donc été facturé, parce que le déchargement et l'entreposage des conteneurs avaient demandé trois jours de travail, ce qui explique la somme de 3 960 000 lires pour le coût de location du chariot élévateur plus gros.

[60]            Vu le témoignage non contredit de M. Eletti au procès, témoignage qui s'accorde avec la preuve documentaire, je suis d'avis que le refus de la défenderesse de payer la facture de la demanderesse, pour ce poste, est injustifié.


Temps supplémentaire pour la location du chariot élévateur

[61]            Durant son contre-interrogatoire, Mme Chirola a été priée de dire pourquoi elle avait, sous cette rubrique, radié la somme de 170 000 lires par heure qui figurait sur la facture et l'avait remplacée par la somme de 55 000 lires. Elle a d'abord expliqué que la demanderesse n'avait jamais indiqué qu'une période supplémentaire serait nécessaire pour la location du chariot élévateur, et qu'elle-même n'avait jamais autorisé une période supplémentaire. Priée de dire pourquoi elle n'avait pas radié la somme intégrale au lieu de la modifier, elle a simplement déclaré que c'était une note interne qu'elle avait consignée, et non quelque chose qui avait été convenu. De plus, lorsqu'on lui a demandé de dire où elle avait trouvé le tarif de 55 000 lires par heure, elle a dit qu'elle avait dû le trouver dans l'une des propositions de prix, avant de déclarer qu'elle l'avait peut-être obtenu au téléphone. Mme Chirola a alors indiqué que la période supplémentaire était expressément mentionnée dans la proposition de prix donnée par la demanderesse à la défenderesse le 2 juin 2000. Voici le paragraphe 9 de la proposition de prix :

[traduction]9. Coût de location du chariot élévateur susmentionné, manoeuvré par un conducteur et équipé d'un palonnier : 1 560 000 lires par jour (soit l'équivalent d'environ 740 dollars américains). Si l'utilisation du chariot élévateur devait dépasser la durée normale de huit heures par jour, toute heure supplémentaire (durant les jours de semaine) serait facturée au tarif de 142 000 lires par heure sans palonnier, ou au tarif de 205 000 lires par heure avec palonnier.


[62]            Priée de nouveau de dire pourquoi elle avait remplacé la somme indiquée sur la facture par la somme de 55 000 lires, au lieu de la supprimer tout simplement, si effectivement elle n'avait pas autorisé de période supplémentaire, Mme Chirola a dit qu'elle n'était pas certaine, mais qu'il était possible que la nécessité d'une période supplémentaire avait été envisagée par les parties.

[63]            M. Eletti a témoigné au nom de la demanderesse qu'une période supplémentaire avait été nécessaire pour le déchargement et l'entreposage des conteneurs à la base militaire de Namsa et que la défenderesse en avait été informée. La raison de la période supplémentaire était que le travail de déchargement des camions et d'entreposage des conteneurs à Namsa, aux endroits exacts où les fonctionnaires du MDN voulaient qu'ils soient placés, avait obligé les représentants de la demanderesse à déplacer les conteneurs plusieurs fois parce que certains genres de conteneurs devaient être entreposés à des endroits précis. Cette opération avait nécessité neuf heures de plus que la période prévue.


[64]            Quant au tarif de 170 000 lires par heure qui avait été demandé à la demanderesse pour temps supplémentaire, M. Eletti a admis qu'il n'y avait aucune mention d'une période supplémentaire dans la proposition de prix modifiée qu'avait donnée la demanderesse dans son fax daté du 7 juin 2000 se rapportant au chariot élévateur plus gros. Il a fait remarquer cependant qu'une période supplémentaire était envisagée dans le fax daté du 3 juin 2000. D'ailleurs, le prix pour temps supplémentaire qui avait été indiqué à la défenderesse le 3 juin 2000 fait état d'un tarif de 142 000 lires par heure pour le chariot élévateur de petites dimensions, et le tarif de 170 000 lires indique simplement une légère augmentation proportionnelle à l'augmentation du tarif de location, sur période normale, du chariot élévateur plus gros, tarif qui avait été proposé dans le fax daté du 7 juin 2000.

[65]            J'accepte le témoignage de M. Eletti et, eu égard aux contradictions du propre témoignage de Mme Chirola durant le procès, je suis d'avis que le refus de la défenderesse de payer la facture de la demanderesse, pour ce poste, est injustifié.

Coût de l'aire de stockage dans le port

[66]            Mme Chirola a été priée de dire, durant son contre-interrogatoire, pourquoi elle avait radié, sous cette rubrique, la somme de 60 000 lires, alors qu'elle avait déclaré durant son interrogatoire préalable que les conteneurs devaient être stockés au port. Elle a répondu que la demanderesse n'avait jamais indiqué dans aucune de ses propositions de prix qu'elle allait demander à la défenderesse le coût de l'aire de stockage dans le port. M. Eletti a témoigné que la somme de 60 000 lires facturée à la demanderesse est la redevance portuaire payée aux autorités portuaires pour l'occupation du terrain, une redevance obligatoire. Le reçu original des autorités portuaires pour le paiement de cette redevance accompagnait la facture finale envoyée à la défenderesse (pièce 44).

[67]            J'accepte l'explication donnée par M. Eletti au nom de la demanderesse et j'arrive à la conclusion que la défenderesse n'a aucune raison de refuser de payer la facture de la demanderesse pour ce poste.

Frais de gardiennage et de divers services de communications

[68]            Durant son contre-interrogatoire, Mme Chirola a été priée de dire pourquoi elle avait radié la somme indiquée pour les services de gardiennage. Elle a répondu que rien n'avait jamais été mentionné par la demanderesse à propos de la nomination d'un gardien, et qu'elle n'avait jamais autorisé la demanderesse à nommer un gardien. Elle a ajouté que, en tout état de cause, c'est normalement le propriétaire du navire qui assume les frais de gardiennage. Quant aux frais de divers services de communications (pièces P-34 et P-44), Mme Chirola a expliqué qu'elle ne s'attendait aucunement à ce que la demanderesse lui envoie une facture pour l'ensemble des appels téléphoniques que M. Eletti ferait chaque jour. Elle a ajouté qu'elle traite avec de nombreux agents de par le monde et que, dans toutes ses tractations, jamais aucun d'entre eux n'a facturé à la défenderesse ses communications téléphoniques.


[69]            M. Eletti a témoigné que, une fois les conteneurs déchargés sur le quai, les agents de la demanderesse se sont rendu compte qu'ils ne pouvaient les transporter le même jour vers la base militaire de Namsa parce que les camions n'étaient pas autorisés à circuler durant la nuit et parce que la base militaire ne pouvait recevoir la cargaison durant la nuit. Il a alors personnellement appelé Mme Chirola depuis le quai pour lui demander si, selon elle, il était raisonnable d'engager un gardien pour qu'il surveille les conteneurs durant la nuit avant qu'ils ne soient transportés vers Namsa. Mme Chirola avait consenti à ce que la demanderesse désigne un gardien pour qu'il surveille les conteneurs, plutôt que de laisser la cargaison sans surveillance sur le quai. Quant à la somme demandée à la défenderesse pour divers services de communications, l'avocat de la demanderesse a fait valoir qu'il est d'usage pour un agent de se faire rembourser les dépenses de ce genre considérées comme dépenses courantes de représentation. Eu égard à la preuve, je suis d'avis que les sommes en question devraient être accordées telles qu'elles sont réclamées par la demanderesse.

Réduction des commissions d'agence demandées à la défenderesse

[70]            Finalement, à la faveur de l'interrogatoire préalable de Rita Chirola, la défenderesse a produit durant le procès une preuve tendant à montrer qu'il y avait eu entente téléphonique entre elle et M. Eletti selon laquelle la demanderesse remettrait à la défenderesse cinquante p. 100 (50 %) de la commission d'agence totale facturée au propriétaire du Evangelia IV. Mme Chirola a souligné qu'aucune condition n'était imposée à la défenderesse avant qu'elle puisse bénéficier de la remise en question, par exemple l'obligation de présenter une facture à la demanderesse.


[71]            Dans son affidavit, M. Eletti confirme qu'il y a eu entente à propos de la remise. Cependant, l'entente prévoyait que la demanderesse remettrait à la défenderesse trente p. 100 (30 %) des commissions d'agence payées par les propriétaires du navire, après qu'elle recevrait de la défenderesse une facture représentant la somme en question.

[72]            La preuve documentaire confirme le témoignage de M. Eletti selon lequel le rabais consenti à la défenderesse était subordonné à la réception, par la demanderesse, d'une facture de la défenderesse (pièce P-39). Cependant, la preuve est contradictoire en ce qui concerne d'une part le total des commissions d'agence payées par les propriétaires du navire (le premier chiffre en date du 3 juin 2000 fait état d'une somme de 8 084 000 lires tandis que l'affidavit Eletti fait état d'une somme de 8 516 875 lires) et d'autre part le pourcentage des commissions d'agence qui, selon l'entente, devait être remis à la défenderesse. Eu égard aux circonstances, il convient d'accorder 50 p. 100 de 8 084 000 lires.

Conclusion relative au paiement des factures de la demanderesse par la défenderesse


[73]            Pour tous ces motifs, la demanderesse a droit à la somme de 75 225 340 lires italiennes, avec intérêts à compter du 10 août 2000, aux taux commerciaux, composés semestriellement, jusqu'à paiement intégral par la défenderesse, avec les dépens et les débours, y compris les frais de la preuve d'expert.

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ligne

                                                                                                                                                                 Juge                        

OTTAWA (Ontario)

le 8 mai 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-298-01

INTITULÉ :

                                                    VALENTINO GENNARINI SRL

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                                                  ANDROMEDA NAVIGATION INC.

                                                                                                                                               défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                 le 22 octobre 2002

DATE DES MOTIFS

DU JUGEMENT :                                le 8 mai 2003

COMPARUTIONS :

M. Peter G. Pamel                                                             POUR LA DEMANDERESSE

M. J. Kenrick Sproule                                                        POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Peter G. Pamel                                                             POUR LA DEMANDERESSE

Borden, Ladner, Gervais

Montréal (Québec)

M. J. Kenrick Sproule                                                        POUR LA DÉFENDERESSE

Montréal (Québec)


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