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Date : 20211215


Dossier : IMM‑2889‑21

Référence : 2021 CF 1411

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador), le 15 décembre 2021

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

SHADI MOKHTAR FRYEDI

demandeur

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS

ET DE LA CITOYENNETÉ DU CANADA

défendeur

MOTIFS ET ORDONNANCE

[1] Par voie d’un avis de requête déposé pour examen sans comparution en personne en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, (les Règles), monsieur Shadi Mokhtar Fryedi (le demandeur) sollicite une prorogation du délai pour déposer son dossier de demande à l’appui de sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire qui sous‑tend l’instance.

[2] Le demandeur a présenté un avis de requête le 16 novembre 2021. Il a qualifié de « preuve documentaire » les éléments suivants :

  1. Une copie de la demande de consentement à la Couronne

  2. Une copie du refus de consentement de la Couronne

  3. La demande de contrôle judiciaire datée du 29 avril 2021

  4. Une copie du dossier d’AIPRP

  5. La preuve vaccinale de l’avocate

  6. La preuve de quarantaine du client

[3] Le demandeur y a également intégré des observations écrites, mais n’a pas déposé d’affidavit à l’appui de l’avis de requête.

[4] Le dossier de requête du demandeur n’a pas été présenté en bonne et due forme. Il ne contient notamment aucun affidavit à l’appui comme l’exige le paragraphe 364(2). Cependant, il a finalement été accepté pour dépôt le 18 novembre 2021.

[5] Le demandeur a désigné le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada à titre de défendeur (le défendeur). Il s’agit du nom du ministère, et non du ministre, et l’intitulé devrait être corrigé.

[6] Le défendeur a déposé un dossier de requête en réponse. Ce dossier contient l’affidavit de Mme Chantal Bourgon, l’assistance juridique de l’avocat du défendeur. Il renferme également des observations écrites.

[7] Dans son affidavit, Mme Bourgon a fait référence au dépôt de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire le 29 avril 2021 ainsi qu’aux diverses mesures prises par le demandeur pour obtenir une prorogation du délai pour déposer son dossier de demande. Parmi les mesures qu’il a prises, le demandeur a notamment déposé une demande officieuse au greffe de la Cour le 27 septembre 2021, dans laquelle l’avocate du demandeur a dit que le défendeur avait consenti à une prorogation de 15 jours.

[8] Mme Bourgon a également déclaré que, le 3 novembre 2021, le demandeur avait écrit un courriel à l’avocat du défendeur. Cette demande a été refusée.

[9] Mme Bourgon a joint diverses pièces à son affidavit, dont une copie de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, la demande du 3 novembre 2021 faite au nom du demandeur et la réponse à cette demande donnée par l’avocat du défendeur.

[10] Dans sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, le demandeur conteste la décision par laquelle un agent des visas a rejeté sa demande de permis de travail, présentée en vertu des dispositions de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, et du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227. Cette décision a été rendue le 9 mars 2021, à Bucarest, en Roumanie.

[11] Aux termes des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22, le demandeur met sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire en état dans les 30 jours suivant la signification. En l’espèce, la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire du demandeur a été signifiée le 29 avril 2021, et la date de mise en état du dossier de demande était le 31 mai 2021.

[12] Dans les observations écrites déposées par le demandeur, il est mentionné que la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire a été présentée le 29 avril 2021 par un ami du demandeur, à qui le greffe [traduction] « a assuré de vive voix » que le délai pour déposer le dossier de demande pouvait être prorogé au 15 juin 2021.

[13] Il y est également mentionné que le demandeur a été en contact avec une personne atteinte de la COVID‑19, ce qui l’a obligé à se mettre en quarantaine et a retardé la conclusion en bonne et due forme du mandat de représentation avec son avocate.

[14] Il y est aussi fait mention des effets indésirables graves qu’a subis l’avocate du demandeur après avoir reçu sa deuxième dose de vaccin. Cette situation a entraîné d’autres retards.

[15] Dans les observations écrites, l’avocate du demandeur a dit que l’avocat du défendeur [traduction] « a refusé de façon arbitraire » d’accepter les explications du demandeur pour justifier le retard. En réponse, le demandeur a déposé l’avis de requête en vue de solliciter une prorogation de délai.

[16] Les observations écrites renferment les déclarations suivantes :

[traduction]

[…] Les explications justifiant le retard découlent du conseil malavisé en matière de procédure donné par le greffe à plusieurs reprises depuis le 15 juin 2021. Les appelants avaient l’intention constante de poursuivre l’affaire. Le dépôt du dossier d’AIPRP démontre également cette intention constante. Les multiples dépôts électroniques montrent également une intention constante de se défendre.

Le requérant demande l’autorisation de déposer le dossier de demande pour des raisons de justice naturelle et des principes de justice fondamentale énoncés dans la Constitution.

[17] Le défendeur soutient que le demandeur n’a pas satisfait au critère applicable en matière de prorogation de délai, qui est énoncé dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Larkman, 2012 CAF 204, à savoir : le requérant a manifesté une intention constante de poursuivre sa demande, la demande a un certain fondement, la partie adverse subit un préjudice en raison du retard et le requérant a une explication raisonnable pour justifier le retard.

[18] Le requérant n’a pas à satisfaire aux quatre éléments, et la considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice; voir l’arrêt Larkman, précité, au para 62.

[19] Selon le défendeur, étant donné que le demandeur n’a pas déposé d’affidavit à l’appui, la Cour n’est pas en mesure d’évaluer le caractère raisonnable de la requête en prorogation du délai. Par ailleurs, il soutient que le demandeur n’a satisfait à aucun des quatre éléments du critère établi dans l’arrêt Larkman, précité.

[20] Je souscris pour l’essentiel à la position du défendeur.

[21] Il y a peu d’éléments de preuve qui démontrent que le demandeur avait une « intention constante » de poursuivre la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. On ne sait pas exactement quand il a retenu les services d’un avocat, et ce, même si la pièce E jointe à l’affidavit de Mme Bourgon contient un courriel daté du 4 novembre 2021, lequel contient lui‑même un courriel daté du 18 juin 2021 qui provient de l’avocate du demandeur et qui est envoyé à l’adresse « fc_reception_cf » à l’attention de l’[traduction] « agent des visas ». Dans le courriel du 18 juin 2021, l’avocate du demandeur a écrit ce qui suit :

[traduction]

Mes services ont été retenus pour assurer la représentation du demandeur dans l’affaire susmentionnée.

Je n’ai pas reçu les documents détaillés de la part du client, qui est à l’extérieur du Canada.

J’ai téléphoné à l’agent des visas au 613‑404‑7268 pour demander une prorogation et j’ai laissé un message vocal à cet effet.

[22] Le 5 novembre 2021, l’avocat du défendeur a répondu par courriel à celui datant du 4 novembre 2021. L’avocat a notamment affirmé ne pas être au courant que le demandeur était représenté par une avocate jusqu’à ce que le greffe de la Cour communique avec lui le 29 septembre 2021 par suite de la demande officieuse de prorogation du délai.

[23] L’avocat du défendeur a mentionné une inscription enregistrée le 29 septembre 2021 par le greffe dans le répertoire des inscriptions enregistrées selon laquelle la demande officieuse de prorogation du délai n’avait pas été envoyée au défendeur et que la demande n’était de toute façon pas conforme.

[24] Dans le courriel du 5 novembre 2021, l’avocat du défendeur a écrit qu’il n’avait pas reçu de communication de la part du demandeur ou de son avocate avant le courriel du 3 novembre 2021.

[25] Dans ces circonstances, je conviens avec le défendeur que la ligne de conduite ne montre pas une intention constante de la part du demandeur de poursuivre sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire.

[26] Le prochain élément est d’établir si la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire a un certain fondement.

[27] Là encore, le demandeur n’a rien dit à ce sujet. Il demande qu’un contrôle judiciaire soit autorisé à l’encontre de la décision par laquelle un agent des visas a rejeté sa demande de permis de travail. Les observations écrites sont muettes sur la nature de l’erreur qu’aurait commise le décideur.

[28] Dans les observations écrites déposées au nom du demandeur, il n’est pas question de l’absence de préjudice subi par le défendeur en raison du retard à déposer le dossier de demande. Le demandeur traite de façon générale de la justice naturelle et des [traduction] « principes de justice fondamentale énoncés dans la Constitution ».

[29] J’estime qu’on peut présumer qu’une partie adverse a subi un préjudice lorsque les échéances ne sont pas respectées. La présomption de préjudice peut être réfutée ou réduite. Cependant, pour ce faire, le demandeur devait à tout le moins soulever un argument, ce qu’il n’a pas fait.

[30] Même si le demandeur est représenté par une avocate, il est tout de même responsable de fournir des directives et de veiller à ce que les échéances soient respectées.

[31] Dans les observations écrites, les passages où il est question du contact qu’a eu le demandeur avec une personne atteinte de la COVID‑19 et des effets indésirables subis par l’avocate après avoir reçu le vaccin contre la COVID‑19 ne constituent pas une explication raisonnable pour justifier le retard, surtout lorsque ces déclarations ne sont pas étayées par des éléments de preuve, c’est‑à‑dire par un ou plusieurs affidavits.

[32] Le courriel du 4 novembre 2021, qui fait partie de la pièce E jointe à l’affidavit de Mme Bourgon et qui est écrit par l’avocate du demandeur et adressé à l’avocat du défendeur, contient les déclarations suivantes :

[traduction]

L’avis de prorogation a été déposé le 23 juillet 2021, et non en septembre 2021. Le demandeur a accusé un certain retard, puisqu’il n’était pas représenté et qu’il se trouvait dans une situation malheureuse. L’avocate a également eu des problèmes de santé. Le retard à partir du 23 juillet 2021 est causé par l’absence de directives de la part du greffe.

[33] Je me dois de commenter ces déclarations.

[34] Premièrement, le dossier ne révèle pas qu’un [traduction] « avis de prorogation » a été déposé le 23 juillet 2021. Rien dans le répertoire des inscriptions enregistrées n’indique un tel dépôt.

[35] Deuxièmement, il incombait au demandeur de faire appel à un avocat s’il voulait obtenir pareille assistance. Sa [traduction] « situation malheureuse » semble renvoyer à son exposition à une personne atteinte de la COVID‑19. Bien que cette exposition ait pu obliger le demandeur à se mettre en quarantaine, rien ne prouve que cela l’a empêché de retenir les services d’un avocat et de lui donner des directives en temps voulu.

[36] Troisièmement, aucune preuve ne démontre que les problèmes de santé personnels de l’avocate du demandeur l’ont empêchée d’obtenir des directives et de l’information afin de préparer le dossier de demande.

[37] Enfin, et surtout, faire peser la responsabilité sur le greffe de la Cour est inapproprié.

[38] Je renvoie à la décision Gyimah c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2002 CFPI 944, où la Cour a conclu qu’il incombe au plaideur et à son avocat de respecter les Règles, peu importent les conversations qu’ils peuvent avoir avec les agents du greffe.

[39] Je me réfère également à la décision Lamptey‑Drake v Canada (Minister of Employment and Immigration), [1980] 1 CF 64 (CAF), où, au paragraphe 8, la Cour fédérale d’appel a dit que, même si l’on encourage les agents du greffe à se montrer le plus utiles possible, ils ne peuvent pas fournir de conseils juridiques.

[40] Enfin, je reconnais que la considération primordiale dans le cas d’une requête en prorogation du délai est celle de savoir si l’octroi d’une telle prorogation serait dans l’intérêt de la justice; voir Larkman, précité, au para 62.

[41] Je ne suis pas convaincue qu’en l’espèce, il serait dans l’intérêt de la justice d’octroyer une prorogation de délai. L’« intérêt de la justice » ne se limite pas à l’intérêt du demandeur. Comme je l’ai déjà mentionné, le demandeur n’a satisfait à aucun des quatre éléments qui doivent être examinés dans une requête en prorogation de délai.

[42] Par conséquent, la requête est rejetée et aucuns dépens ne sont adjugés.


ORDONNANCE dans le dossier IMM‑2889‑21

LA COUR ORDONNE que la requête est rejetée et qu’aucuns dépens ne sont adjugés.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2889‑21

 

INTITULÉ :

SHADI MOKHTAR FRYEDI c LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ DU CANADA

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À ST. JOHN’S (TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR) EN VERTU DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

MOTIFS ET ORDONNANCE :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :

LE 15 DÉCEMBRE 2021

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :

Navdeep Kaur Virk

POUR LE DEMANDEUR

Yusuf Khan

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Navdeep Kaur Virk

Avocate

Abbotsford (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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