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Date : 20211229


Dossier : IMM‑4057‑20

Référence : 2021 CF 1476

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 décembre 2021

En présence de madame la juge McVeigh

ENTRE :

ABDELRAHMAN MOHAMED ELMOHAMADY ELMADY

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Le demandeur, Abdelrahman Mohamed Elmohamady Elmady (le demandeur), entend contester une décision de la Section de l’immigration (la SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR), par laquelle il a été conclu que le demandeur était interdit de territoire au Canada en application de l’alinéa 34(1)f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], par le truchement de l’alinéa 34(1)c) de cette même loi, en raison de son appartenance aux Frères musulmans.

II. Le contexte

[2] Le demandeur, citoyen de l’Égypte, est arrivé au Canada par l’aéroport de Vancouver le 13 octobre 2017. Il y a quelques contradictions dans la documentation au sujet de la date, car la décision de la SI indique l’année 2019, et les mémoires des arguments dont je dispose disent qu’il s’agit de 2017. En fin de compte, cette distinction n’est nullement déterminante pour la demande; il s’agit vraisemblablement d’une coquille, et le demandeur est arrivé en 2017. Quoi qu’il en soit, à son arrivée au Canada, le demandeur a été interrogé par des agents de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC). Lors de son premier entretien, il a déclaré qu’il vivait et travaillait en Arabie saoudite et qu’il avait l’intention de rester 20 jours au Canada. Il détenait un visa d’entrée aux États‑Unis, qui a été révoqué le 7 novembre 2017.

[3] L’ASFC a découvert un rapport de police indiquant que le demandeur était un dirigeant des Frères musulmans, et elle a déclaré que cette entité [TRADUCTION] « s’organisait pour exécuter des activités hostiles ». Lors d’entretiens avec l’ASFC, le demandeur a confirmé qu’il était membre des Frères musulmans. Il a déclaré s’être joint à cette organisation à l’âge de 12 ans pour protester contre l’injustice régnant au sein du gouvernement, et qu’il en a été membre de 1994 à 2014, après quoi il s’est joint au parti Liberté et Justice (à la fondation duquel son père a pris part). Il a témoigné qu’il a fait partie des Frères musulmans à titre de bénévole, aidant à [TRADUCTION] « édifier les valeurs islamiques, organiser des sorties et des voyages au niveau social, et faciliter l’étude du Coran ». Il a ajouté que son jeune âge au moment où il avait joint les Frères musulmans l’a empêché de devenir un dirigeant. Il a déclaré à l’agent qu’il avait une épouse et deux enfants en Égypte et qu’il les avait quittés, sans leur dire qu’il présentait une demande d’asile au Canada.

[4] Ces conversations ont mené à l’établissement, le 20 novembre 2017, d’un rapport visé au paragraphe 44(1) de la LIPR. Dans ce document, l’agent a conclu que le demandeur était interdit de territoire au Canada en raison de son appartenance aux Frères musulmans, et ce, en application de l’alinéa 34(1)f) par référence à l’alinéa 34(1)c) [être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre, s’est livrée ou se livrera au terrorisme]. L’affaire a été déférée pour enquête. L’audience connexe s’est déroulée sur quatre jours, soit le 6 avril, le 5 juillet, le 6 juillet et le 10 décembre 2018.

[5] Le 12 août 2020, la SI a conclu que le demandeur était membre des Frères musulmans et que, de ce fait, il était une personne décrite à l’alinéa 34(1)f) de la LIPR. Elle a donc pris une mesure d’expulsion en application de l’alinéa 229(1)a) des Règles sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [les RIPR].

III. Les questions en litige

[6] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. La décision de la SI est‑elle raisonnable?
    1. La SI a‑t‑elle commis une erreur dans la manière dont elle a appliqué la définition du terrorisme qui figure à l’article 83.01 du Code criminel?
    2. La SI a‑t‑elle commis une erreur dans la manière dont elle a traité les éléments de preuve?

IV. La norme de contrôle applicable

[7] Le demandeur et le défendeur conviennent que la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable pour ce qui est de la majorité des aspects de la décision de la SI, citant l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov].

[8] Cependant, le demandeur soutient que [TRADUCTION] « l’application rétroactive [par la SI] de l’infraction de terrorisme, ainsi que le fait de ne pas avoir appliqué le bon critère juridique » sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte. Il invoque à l’appui de cet argument le fait que l’interprétation par la SI de la disposition relative au terrorisme du Code criminel – pour ce qui est de sa rétroactivité et de ses répercussions en matière de droit international – est une question de droit générale d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble. De l’avis du demandeur, cela s’explique par le fait que la manière dont le Canada conçoit et applique le mot « terrorisme » à d’importantes répercussions sur le plan national et international et que, de ce fait, l’administration de la justice requiert une réponse claire et définitive à cette question.

[9] Quant à l’argument du demandeur selon lequel la question de savoir si l’agent a appliqué le bon critère juridique ou non commande l’application de la norme de la décision correcte, je ne suis pas d’accord. L’application du bon critère juridique est une question susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (voir, p. ex., la décision Cervenakova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 477 aux para 17‑21). Cela étant, pour que la décision soit raisonnable, il faut que le décideur applique le bon critère juridique aux questions en litige qui lui sont soumises. Quant aux observations du demandeur selon lesquelles il existe une question de droit générale d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble – en faisant valoir que la norme applicable devrait être la décision correcte – cela reflète bel et bien l’état actuel du droit administratif.

[10] Dans l’arrêt Vavilov, aux paragraphes 58‑62, la Cour suprême du Canada a confirmé que la catégorie des questions de droit générales qui sont d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, telles qu’énumérées dans l’arrêt Dunsmuir c New Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], a continué d’exister après l’arrêt Vavilov, et qu’il s’agit d’une catégorie qui commande un contrôle fondé sur la décision correcte. Cependant, la jurisprudence datant d’avant et après cet arrêt montre qu’il s’agit d’une catégorie restreinte. Au paragraphe 61 de l’arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada souligne que « le simple fait qu’un conflit puisse être “d’intérêt public général” ne suffit pas pour qu’une question entre dans cette catégorie — pas plus que ne l’est le fait qu’une question formulée dans un sens général ou abstrait porte sur un enjeu important ».

[11] Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada a cité de nombreuses affaires dans lesquelles elle a conclu qu’une question n’était pas une question de droit générale d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble. Il y a nettement plus de questions qui sont réputées se situer en deçà de ce seuil que de questions qui l’ont atteint. Parmi les questions qui constituent une question de droit générale d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, on retrouve : le moment où une procédure administrative est prescrite par l’application des doctrines de l’autorité de la chose jugée et de l’abus de procédure (Toronto (Ville) c S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63); la portée de l’obligation de neutralité religieuse de l’État (Mouvement laïque québécois c Saguenay, 2015 CSC 16); le bien‑fondé des limites du secret professionnel de l’avocat (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c University of Calgary, 2016 CSC 53); ou la portée du privilège parlementaire (Chagnon c Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec, 2018 CSC 39). Comme l’ont reconnu les juges majoritaires de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir, la principale raison d’être de cette catégorie de questions est la nécessité de trancher certaines questions de droit générales de manière uniforme et cohérente en raison de l’effet qu’elles ont sur l’administration de la justice dans son ensemble. Dans ces affaires, il est nécessaire de recourir à la norme de la décision correcte pour régler des questions de droit générales qui sont d’une importance fondamentale et de grande portée, et qui ont d’importantes répercussions juridiques sur le système de justice dans son ensemble ou sur d’autres institutions gouvernementales. Les questions que soulève le demandeur en l’espèce ne sont pas de ce genre‑là et, de ce fait, elles ne peuvent pas être dûment catégorisées comme des questions de droit générales d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble.

[12] De plus, il existe une foule d’affaires montrant que la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer aux conclusions selon lesquelles une organisation ou une personne se livre au terrorisme est celle de la décision raisonnable (voir, p. ex., la décision Saeedi c Canada (MCI), 2021 CF 557 aux para 16‑17; la décision Kamal c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 480 au para 13).

[13] Je conclus que la norme de contrôle qui s’applique à l’intégralité de la décision de la SI est la décision raisonnable. Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov, au paragraphe 23 : « [l]orsqu’une cour examine une décision administrative sur le fond […] [l]’analyse a donc comme point de départ une présomption selon laquelle le législateur a voulu que la norme de contrôle applicable soit celle de la décision raisonnable ». Un contrôle fondé sur la norme de la décision raisonnable commence par le principe de la retenue judiciaire et par le respect envers le rôle distinct des décideurs administratifs, et la Cour ne procède pas à une analyse de novo ou ne tente pas de trancher elle‑même la question en litige (Vavilov, aux para 13, 83). Elle commence plutôt par examiner les motifs du décideur administratif, puis se demande si la décision est raisonnable, dans son résultat et son processus, au regard des contraintes factuelles et juridiques qui ont une incidence sur elle (Vavilov, aux para 81, 83, 87, 99). Une décision raisonnable est justifiée, transparente, intelligible pour la personne visée, et atteste « une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » lorsqu’elle est lue dans son ensemble et compte tenu du contexte administratif, du dossier dont le décideur était saisi et des observations des parties : (Vavilov, aux para 81, 85, 91, 94‑96, 99, 127‑128).

V. Analyse

A. Les règles de droit applicables

[14] Sont jointes ci‑après, en tant qu’annexe A, les règles de droit applicables.

B. Question préliminaire

[15] Le demandeur a déposé un affidavit justificatif de Tiara Flores, daté du 7 septembre 2021 et auquel était joint un extrait d’une réponse à une demande fondée sur la Loi sur l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels (la LAIPRP). Le défendeur s’oppose à l’admission de la pièce A de cet affidavit, parce qu’elle n’a pas été soumise à la SI. Il cite avec raison la décision Majdalani c Canada (MCI), 2015 CF 294, au paragraphe 20, à l’appui de la thèse selon laquelle les éléments de preuve dont ne disposait pas le décideur ne peuvent pas être admis dans le cadre d’un contrôle judiciaire, à moins de relever d’une exception reconnue. Il fait valoir qu’aucune des exceptions reconnues ne s’applique à cet extrait, ce qui aurait permis de le prendre en considération. Il s’oppose de plus à l’admission du document, car le demandeur l’avait en main avant la conclusion de l’instance tenue devant la SI et il n’y a jamais fait référence. Il est d’avis que le demandeur ne peut pas y faire maintenant référence pour contester la décision de la SI en s’appuyant sur un document dont celle‑ci ne disposait pas.

[16] En réponse à l’argument du défendeur, le demandeur a déclaré qu’il n’y a aucune [TRADUCTION] « recommandation finale » dans l’affidavit, ce qui en amoindrirait la valeur. En outre, l’affidavit de Mme Flores date d’avant la date à laquelle le ministre obtiendra de plus amples renseignements et éléments de preuve, ce qu’il va faire, a‑t‑il dit explicitement.

[17] La réponse du défendeur à cet argument est que le demandeur a montré qu’il avait l’habitude de manquer de diligence raisonnable et de chercher à soulever après une audience des questions qu’il aurait eu amplement l’occasion de soulever pendant cette audience. Cela étant, le défendeur soutient que la totalité des éléments de preuve sur lesquels la SI s’est fondée pour tirer ses conclusions se trouvent dans le dossier certifié du tribunal (le DCT), et que la pièce A de l’affidavit ne devrait pas être admise.

[18] Je conviens avec le défendeur que je n’admettrai pas cette preuve, mais pas en raison de [TRADUCTION] « l’habitude [du demandeur] de manquer de diligence raisonnable », comme l’a évoqué le défendeur. Si je le fais, c’est parce que la preuve en question n’a pas été soumise au décideur et qu’elle ne relève d’aucune des exceptions reconnues à l’admissibilité de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’un contrôle judiciaire, comme l’a énoncé le juge Stratas dans l’arrêt Association des universités et collègues du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 au paragraphe 20.

C. La décision de la SI est‑elle raisonnable?

[19] Une importante concession qui a été faite à l’audience est que le demandeur a admis son appartenance (aux Frères musulmans) et le statut des Frères musulmans en tant qu’organisation. En conséquence, tout argument antérieur sur ces questions n’est plus en litige.

(1) La SI a‑t‑elle commis une erreur dans la manière dont elle a appliqué la définition du terrorisme qui figure à l’article 83.01 du Code criminel?

a) La définition du terrorisme

[20] Dans sa décision, la SI a conclu que les assassinats, en 1948, du juge Ahmed al‑Khazindar (le juge al‑Khazindar) et du premier ministre Mahmoud Fahmi el‑Nokrashi (le premier ministre Fahmi el‑Nokrashi) par les Frères musulmans tombent sous le coup de la définition d’une activité terroriste qui est énoncée au paragraphe 83.01(1) du Code criminel.

[21] Le demandeur soutient que la décision est déraisonnable à cause de la manière dont la SI a appliqué la définition du terrorisme dans la présente affaire, en ce sens qu’elle n’a pas pris en compte l’arrêt Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1 [Suresh]. Il conteste la manière dont la SI a appliqué le bon critère juridique. Il dit qu’en dépit du fait qu’elle a signalé que l’arrêt Suresh et la définition légale d’une activité terroriste que le Parlement du Canada a adoptée dans le Code criminel constituent la définition du terrorisme, jamais la SI n’a pris en considération le critère énoncé dans l’arrêt Suresh.

[22] Le demandeur est d’avis que, dans la décision A.K. c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 236 [A.K.], notre Cour a clairement indiqué que le point de départ de n’importe quelle définition du terrorisme est l’arrêt Suresh.

[23] Au paragraphe 40 de l’arrêt AK, le juge Mosely a affirmé que la Cour suprême du Canada avait adopté, au paragraphe 98 de l’arrêt Suresh, la définition du terrorisme prévue par la Convention internationale sur la répression du financement du terrorisme, laquelle définit, à l’alinéa 2(1)b), le terrorisme en ces termes :

Tout [. . .] acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque.

[24] La distinction entre cette définition et celle qui figure dans le Code criminel est l’obligation, découlant de l’arrêt Suresh, que la violence soit dirigée contre un civil. Le demandeur soutient que les personnes assassinées, le premier ministre Fahmi el‑Nokrashi et le juge al‑Khazindar, n’étaient pas des civils. Il est convaincu que le premier ministre Fahmi el‑Nokrashi n’était pas un civil, et il dit qu’il est [TRADUCTION] « discutable » qu’un juge ne soit pas un civil, vu que le juge al‑Khazindar a été nommé par le gouvernement. Il s’ensuit donc, dit le demandeur, que la SI a commis une erreur en se fondant sur l’article 83.01 du Code criminel sans le considérer conjointement avec l’arrêt Suresh. Notamment, il mentionne effectivement qu’il était peut‑être loisible au commissaire de prendre en considération les deux définitions et de privilégier celle du Code criminel, mais qu’il était déraisonnable de ne tenir aucunement compte de l’arrêt Suresh.

[25] Je ne suis pas d’accord avec l’interprétation que fait le demandeur de l’application de la décision A.K. Au lieu de dire que l’arrêt Suresh est un point de départ impératif pour définir le terrorisme, le juge Mosley a écrit, au paragraphe 38 : « un tribunal administratif qui se fonde sur la définition d’“activité terroriste” telle qu’elle figure au Code criminel doit se montrer attentif au contexte dans lequel elle sera appliquée ». Il a écrit de plus que, dans le contexte particulier de l’affaire, il lui avait été « plus utile de [s]’appuyer sur l’arrêt Suresh de la Cour suprême du Canada » (para 39).

[26] La SI, au paragraphe 6 de sa décision, s’est appuyée sur décision Alam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 922 [Alam], dans laquelle le juge Fothergill a conclu qu’un tribunal administratif n’est pas obligé d’appliquer la définition non exhaustive du « terrorisme » énoncée dans l’arrêt Suresh.

[27] Il est utile dans ma réflexion de prendre en considération la décision Alam, de pair avec la décision rendue par le juge Brown dans l’affaire Ali c Canada (MCI), 2017 CF 182, aux paragraphes 39‑43, où il a écrit ce qui suit :

[…] [J]e ne retiens pas l’argument selon lequel l’alinéa 34(1)c) devrait être interprété uniquement en référence à la définition que propose la Cour suprême dans l’arrêt Suresh, » […] en édictant l’article 83.01 du Code criminel, le législateur a fait exactement ce que la Cour suprême l’autorisait à faire : [dans Suresh] : il a adopté une définition plus détaillée du terme « terrorisme ». Je reconnais que l’article 83.01 du Code criminel définit l’« activité terroriste », expression qui diffère du terme « terrorisme » utilisé dans la LIPR et examiné dans l’arrêt Suresh. Néanmoins, les limites de chaque expression se chevauchent au point que toute distinction entre les deux, à mon humble avis, n’a aucune signification importante. Je les considère comme interchangeables (para 42).

[28] Le juge Brown a ensuite conclu que cette définition peut être importée à juste titre dans la LIPR pour les besoins d’une conclusion tirée au titre des alinéas 34(1)f) et c), et que, postérieurement à l’arrêt Suresh, « [d]ans une affaire en droit administratif portant sur l’interprétation de la Loi, il convient de tenir compte de la définition de terrorisme donnée par l’article 34 du Code criminel » (para 102).

[29] Compte tenu de la jurisprudence mentionnée ci‑dessus, je conclus qu’il n’était pas déraisonnable que la SI, compte tenu des faits et du droit dont elle disposait, applique seulement la définition d’activité terroriste qui figure à l’article 83.01 du Code criminel.

b) La rétroactivité

[30] Les règles de droit et les arguments invoqués emploient souvent les mots « rétroactif » et « rétrospectif » de manière interchangeable. Dans la présente décision, je n’emploierai que le mot « rétroactif », car, en l’espèce, c’est lui qui est le plus exact du point de vue grammatical et linguistique.

[31] Le demandeur soutient que l’application de la définition du terrorisme était déraisonnable et qu’elle violait une présomption légale à l’encontre de l’application rétroactive de la loi (Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2005 CAF 417), parce que les assassinats avaient eu lieu en 1948. À son avis, étant donné que les assassinats ont été commis avant l’apparition du concept du terrorisme, ou de son interdiction, (en 1992 ou aux environs de cette année‑là), le fait d’appliquer ce terme à un tel incident, survenu avant que la définition existe, est une application rétroactive – et donc déraisonnable – de la loi.

[32] De plus, le demandeur a fait valoir que la définition du terrorisme qui figure au paragraphe 83.01(1) renferme la mise en garde selon laquelle le terrorisme n’inclut pas les actes commis d’une manière conforme au droit international. Avant 1991, le droit international autorisait les actes de violence visant à renverser les gouvernements coloniaux racistes, des actes semblables à ces assassinats, qui avaient eu lieu pendant que l’Égypte se trouvait sous la domination coloniale des Britanniques.

[33] Selon le demandeur, la démarche que la SI a suivie est anhistorique, et tient injustement l’organisation responsable d’une conduite qui a eu lieu avant qu’elle soit interdite ou condamnée par le droit international. Le cadre juridique qui était en vigueur à l’époque autorisait la violence politique, et les Frères musulmans résistaient à la domination des Britanniques. De plus, a‑t‑il fait valoir, le juge assassiné n’était pas un [traduction] « civil », de sorte que cet acte ne tombe pas non plus sous le coup de la définition. La position du demandeur est que la décision de la SI est déraisonnable en ce sens qu’elle ne dit rien à propos de ce contexte historique.

[34] La SI, au paragraphe 7 de sa décision, a écrit :

Le paragraphe 83.01(1) du Code criminel est ainsi libellé :

activité terroriste

b) soit un acte — action ou omission, commise au Canada ou à l’étranger :

(i) d’une part, commis à la fois :

(A) au nom — exclusivement ou non — d’un but, d’un objectif ou d’une cause de nature politique, religieuse ou idéologique,

(B) en vue — exclusivement ou non — d’intimider tout ou partie de la population quant à sa sécurité, entre autres sur le plan économique, ou de contraindre une personne, un gouvernement ou une organisation nationale ou internationale à accomplir un acte ou à s’en abstenir, que la personne, la population, le gouvernement ou l’organisation soit ou non au Canada,

(ii) d’autre part, qui intentionnellement, selon le cas :

(A) cause des blessures graves à une personne ou la mort de celle‑ci, par l’usage de la violence,

(B) met en danger la vie d’une personne,

(C) compromet gravement la santé ou la sécurité de tout ou partie de la population,

(D) cause des dommages matériels considérables, que les biens visés soient publics ou privés, dans des circonstances telles qu’il est probable que l’une des situations mentionnées aux divisions (A) à (C) en résultera,

(E) perturbe gravement ou paralyse des services, installations ou systèmes essentiels, publics ou privés, sauf dans le cadre de revendications, de protestations ou de manifestations d’un désaccord ou d’un arrêt de travail qui n’ont pas pour but de provoquer l’une des situations mentionnées aux divisions (A) à (C).

Sont visés par la présente définition, relativement à un tel acte, le complot, la tentative, la menace, la complicité après le fait et l’encouragement à la perpétration; il est entendu que sont exclus de la présente définition l’acte — action ou omission — commis au cours d’un conflit armé et conforme, au moment et au lieu de la perpétration, au droit international coutumier ou au droit international conventionnel applicable au conflit ainsi que les activités menées par les forces armées d’un État dans l’exercice de leurs fonctions officielles, dans la mesure où ces activités sont régies par d’autres règles de droit international.

[35] La SI a décidé, en s’appuyant sur cette définition, que les actes antérieurs des Frères musulmans– assassiner un juge en guise de représailles pour avoir imposé des sanctions criminelles à quelques membres des Frères musulmans, ainsi qu’assassiner le premier ministre Fahmi el‑Nokrashi en réaction à une décision politique qui avait eu un effet défavorable sur les Frères musulmans – sont des actes qui tombent sous le coup de la définition d’une activité terroriste, telle qu’énoncée au paragraphe 83.01(1). La SI, aux paragraphes 60 et 61 de sa décision, a qualifié ces assassinats d’infliction intentionnelle de la mort par la violence dans un but de nature idéologique, en vue d’intimider le gouvernement égyptien et ses civils.

[36] Je suis d’avis que la conclusion de la SI, à savoir que les assassinats correspondent à la définition énoncée au paragraphe 83.01(1), est raisonnable.

[37] Il reste toutefois l’affirmation selon laquelle cette conclusion était le fruit d’une application rétroactive de la loi. Le demandeur fait valoir qu’il existe une présomption à l’encontre de l’application rétroactive de la loi et que, de ce fait, en tenant les Frères musulmans responsables d’actes terroristes qui ont eu lieu avant que l’établissement du concept juridique du terrorisme, ou son interdiction, la SI a fait par erreur abstraction de cette présomption.

[38] Je ne suis pas d’accord. La SI ne s’est pas livrée par erreur à une application rétroactive de la loi; elle a plutôt appliqué correctement les dispositions pertinentes de la LIPR. Dans l’arrêt Brosseau c Alberta Securities Commission, [1989] 1 RCS 301 [Brosseau], la Cour suprême du Canada a réitéré la prétendue « présomption de non‑rétroactivité », c’est‑à‑dire qu’« en cas de confusion quant au sens d’une loi, celle‑ci ne devrait pas être interprétée de manière à avoir un effet rétroactif », mais que « la présomption de non‑rétroactivité ne s’applique pas si le but de la loi n’est pas de punir la personne en question, mais de protéger le public. L’interprétation correcte à donner est qu’une loi n’a pas d’effet rétroactif si son but réel est prospectif et qu’elle vise à protéger le public dans l’avenir » (passage cité dans la décision Al Yamani, 2002 CFPI 1162 aux para 46‑47); décision Valle Lopez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 403 aux para 89‑97 [Valle Lopez]).

[39] Dans la décision Valle Lopez, le juge O’Keefe a examiné le texte de la disposition pertinente que l’on cherchait à faire appliquer d’une manière qui, d’après le demandeur, était rétroactive. Il a conclu d’une part qu’il ne s’agissait pas d’une application rétroactive que d’adopter une règle qui, dorénavant, exclurait des personnes du Canada en raison de leur conduite par le passé et, d’autre part, que la présence des mots « sont survenus, surviennent ou peuvent survenir » dénotait que même si la présomption s’appliquait, celle‑ci était réfutée par l’intention claire du législateur que la disposition s’appliquait à des événements passés.

[40] Je conclus, en accord avec la jurisprudence pertinente, que c’est aussi le cas en l’espèce. Compte tenu du principe énoncé dans l’arrêt Brosseau, à savoir que cette présomption ne s’applique pas dans les cas où l’objectif est de protéger le public, je suis d’avis que l’objet de l’article 34 de la LIPR – considérer une personne interdite de territoire pour s’être livrée de diverses façons au terrorisme ou être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre, s’est livrée ou se livrera au terrorisme, ou les autres dispositions de l’article 34 – consiste manifestement à protéger le public et que, de ce fait, la présomption ne s’applique pas. En outre, comme il est indiqué dans la décision Valle Lopez, les mots « sont survenus, surviennent ou peuvent survenir » suffisent pour établir l’intention du législateur que la loi s’applique de manière rétroactive, ce qui réfute donc la présomption.

[41] En l’espèce, l’alinéa 34(1)f) de la LIPR englobe une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle « est, a été ou sera l’auteur » des actes en question, et l’article 33 – les règles d’interprétation – inclut les faits qui « sont survenus, surviennent ou peuvent survenir ». Cela est clair également, et indique qu’une application rétroactive était ce que le législateur entendait. La conclusion de la SI selon laquelle cette partie de la LIPR s’applique à bon droit à l’appartenance du demandeur au groupe est raisonnable, malgré le fait que la définition légale du terrorisme n’était pas tout à fait établie à l’époque où les actes en question ont été commis. Songeons à ce qu’implique l’argument qu’invoque le demandeur s’il s’appliquait, par exemple, aux atrocités commises par les nazis avant l’élaboration de la définition internationale du génocide. Cela, sans parler de la jurisprudence et des dispositions législatives citées plus tôt, illustre l’échec absolu de cet argument.

[42] Les questions analysées plus tôt sont déterminantes en l’espèce. Cependant, par souci d’intégralité, je vais examiner les deux autres arguments que le demandeur a invoqués. Celui‑ci fait valoir que les derniers mots de la définition du terrorisme qui figure à l’article 83.01 (« sont exclus […] l’acte […] conforme […] au droit international ») indiquent que la définition ne devrait pas s’appliquer aux actes en question, car ils ont été commis d’une manière conforme au droit international. Le demandeur affirme cela, parce que ces actes ont été exécutés à l’encontre du gouvernement colonial britannique en Égypte. Il n’a cité aucune loi internationale qui indique que cela soit acceptable et, là encore, il serait impensable que ce soit le cas.

[43] L’argument du demandeur selon lequel l’analyse de la SI est déraisonnablement anhistorique, en tenant l’organisation responsable d’une conduite (violence politique) qui est survenue avant que le droit international ne la prohibe, équivaut essentiellement à une répétition de l’argument de l’« application rétroactive de la loi » qui a été analysé plus tôt, et cet argument doit être rejeté lui aussi.

(2) La SI a‑t‑elle commis une erreur dans la manière dont elle a traité les éléments de preuve?

[44] Le demandeur remet en question la manière dont la SI a traité les éléments de preuve qu’elle avait en main, faisant valoir précisément qu’elle s’est appuyée sur des sources non impartiales, qu’elle a fait abstraction d’éléments de preuve contraires, qu’elle a imputé à tort les assassinats aux Frères musulmans et qu’elle a fait abstraction de changements structurels survenus au sein de l’organisation depuis les années 1970.

a) Les changements survenus au sein des Frères musulmans

[45] Le demandeur soutient que la SI n’a pas pris en compte le changement qui est survenu au sein des Frères musulmans pendant les années 1970. Pour ce qui est de la rhétorique de cette organisation, le demandeur déclare que la rhétorique ne peut pas définir une activité terroriste, et qu’elle ne devrait pas servir de motif pour conclure qu’un désaveu de la violence n’est pas digne de foi. Il cite également le fait que la SI n’a fait état d’aucune preuve que le peuple égyptien considérait cette rhétorique comme une incitation à la violence. Il fait valoir de plus que la décision a mis déraisonnablement l’accent sur une citation du fondateur des Frères musulmans, ainsi que sur l’emploi du mot « martyre ».

[46] Pour ce qui est du lien entre les Frères musulmans et le Hamas, le demandeur a fait valoir que ce lien repose sur une mauvaise compréhension de la preuve. La SI est arrivée à cette conclusion en se basant en partie sur un examen de deux facteurs : la Charte du Hamas de 1988 et l’appui ou le soutien des Frères musulmans envers les activités du Hamas. Plus précisément, il affirme que la conclusion de la SI selon laquelle les deux organisations sont reliées en raison du fait que le Hamas se désigne comme étant [TRADUCTION] « l’une des ailes des Frères musulmans » repose sur une erreur de fait, car même si les Frères musulmans ont vu le jour en Égypte, l’organisation compte des sections réparties dans le monde entier. Il soutient que le Hamas est issu des Frères musulmans de la Jordanie et, ajoute‑t‑il, l’Égypte et la Jordanie sont des entités distinctes. Il fait valoir que les Frères musulmans de l’Égypte n’ont été désignés comme une organisation terroriste qu’après le coup d’État militaire de juillet 2013, une réalité politique dont, affirme‑t‑il, la SI a fait abstraction.

[47] Le défendeur cite la proclamation de 1988 du Hamas selon laquelle cette organisation est une aile des Frères musulmans, le soutien et la sympathie des Frères musulmans à l’égard des décisions du Hamas, de même que la politique du Home Office du Royaume‑Uni, qui décrit l’appui des Frères musulmans à l’égard des attaques menées par le Hamas contre Israël, ainsi que la défense de ces attaques, comme preuve des liens avec le Hamas. Le défendeur fait valoir que dans les cas où une organisation s’est censément transformée de manière fondamentale en une entité respectueuse des lois, un tribunal administratif doit évaluer si cette organisation s’est transformée en une entité distincte nouvelle qui a expressément renoncé à toute forme de violence, rompant le lien avec la participation passée de l’organisation à des activités terroristes. Il dit que c’est cette analyse‑là que la SI a effectuée et qu’elle n’est donc pas déraisonnable.

[48] La SI a conclu que les Frères musulmans ont bel et bien commis des actes de terrorisme (en assassinant le juge al‑Khazindar et le premier ministre Fahmi el‑Nokrashi) au sens du paragraphe 83.01(1) du Code criminel, et que, à l’heure actuelle, les Frères musulmans ne sont pas une organisation entièrement différente. Pour arriver à cette conclusion, la SI a analysé les origines des Frères musulmans et son historique de violence, et elle a passé en revue divers éléments de preuve documentaire. Elle a tenu compte de la rhétorique moderne des Frères musulmans, dont [TRADUCTION] « l’appel à un djihad implacable », l’encouragement au [TRADUCTION] « martyre », un discours prononcé lors de la campagne présidentielle qui faisait référence au fondateur violent des Frères musulmans, de même que les liens entre ces derniers et le Hamas.

[49] S’il est vrai qu’une simple rhétorique peut se situer en deçà de la norme définie du terrorisme (mais pas forcément toujours), ce n’est pas la question qui est posée. Dans la présente affaire, nous avons affaire à une organisation qui a des antécédents établis de terrorisme, et la question qui se pose consiste donc à savoir si le groupe est toujours un groupe terroriste, compte tenu de ses désaveux. Dans une telle situation, l’examen de la rhétorique peut suffire pour conclure que le désaveu n’est pas digne de foi, au vu des activités terroristes antérieures. Le demandeur s’est dit d’avis que le fait de citer le fondateur violent des Frères musulmans, al‑Banna, n’est pas le signe d’un retour aux racines violentes de l’organisation, et il a comparé la situation au fait de citer George Washington, disant que cela ne veut pas dire que l’on accepte, voire que l’on sanctionne, l’esclavage. Cet argument ne tient pas la route. Certes, citer George Washington ne veut pas dire qu’on approuve l’esclavage, mais la rhétorique doit être considérée dans un contexte plus large. Al‑Banna, selon la SI, est l’incarnation de cet historique de violence des Frères musulmans. Cette citation invoquait donc cet historique, et lorsque conjuguée avec l’historique violent de l’organisation, la rhétorique, les liens avec le Hamas, de même que la preuve documentaire, il était raisonnable de la part de la SI de conclure que l’organisation n’avait pas subi les prétendus changements depuis les années 1970.

[50] Je souscris aux arguments du défendeur quant à l’erreur alléguée en ce qui concerne la conclusion relative aux liens avec le Hamas (voir le para 47 qui précède). Il ressort d’un examen de la décision que la SI a pris en compte cet argument (au para 54) et qu’elle a également analysé le court article qu’a déposé le demandeur, intitulé [TRADUCTION] « Le Hamas nie tout lien avec les Frères musulmans en Égypte et ailleurs ». La SI a conclu que même si la preuve indique que le Hamas « […] prend ses propres décisions et exerce ses activités en gardant à l’esprit les objectifs de sa propre organisation », les deux organisations ont « une longue histoire et continuent de se soutenir mutuellement ». De plus, elle a fait remarquer qu’il n’existe aucune preuve à l’appui d’une dissociation marquée du Hamas et que celui‑ci est une organisation qui se livre au terrorisme (para 67‑69). Aucun argument précis n’a été soumis à la SI au sujet de la distinction entre la branche jordanienne et la branche égyptienne des Frères musulmans, de sorte que le fait de ne pas en avoir traité, à part mentionner le court article (voir ci‑dessus), n’est pas une erreur susceptible de contrôle. La SI a examiné de manière exhaustive les très nombreuses preuves documentaires qui lui ont été présentées, et son analyse établit l’analyse rationnelle qui se justifie au regard des faits et du droit, ainsi que l’exige l’arrêt Vavilov, au paragraphe 85. Il incombe à la partie qui conteste la décision de montrer que celle‑ci est déraisonnable (Vavilov, au para 100). Le demandeur ne s’est pas acquitté de ce fardeau pour ce qui est de sa contestation concernant la manière dont la SI a traité les éléments de preuve et, cela étant, je conclus que la décision de la SI est raisonnable.

b) L’imputation des assassinats

[51] Le demandeur a fait valoir que la SI a imputé de manière déraisonnable les assassinats aux Frères musulmans, car ces actes avaient été commis par des membres rebelles.

[52] La SI a examiné cet argument en détail (aux para 60‑62 de sa décision) et elle a conclu en fin de compte que, à la lumière des objectifs des Frères musulmans, de sa rhétorique et de la preuve des actes commis, ceux‑ci avaient été perpétrés par des membres des Frères musulmans. Citant la décision Uddin Jilani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 758, la SI a conclu de ce fait que les actes de ces membres peuvent être imputés à l’organisation dans son ensemble. Je suis d’avis que les arguments qu’a invoqués le demandeur sur ce point sont assimilables à une simple demande de réexamen et de réévaluation de la preuve, et je ne vois aucun motif d’écarter la décision de la SI, vu que sa conclusion sur ce point est raisonnable.

c) Le parti pris dans la preuve

[53] Le demandeur soutient que la SI, pour arriver à sa conclusion, s’est fondée sur des documents non impartiaux. Plus précisément, il affirme qu’elle a commis une erreur en se fondant sur le rapport Bedford Row, sur un rapport du Institute for Counter Terrorism, sur un blogue appelé Gems of Islamism, sur une source nommée Thomas Quiggin ainsi que sur un rapport du Home Office du Royaume‑Uni.

[54] Le demandeur fait valoir que le rapport Bedford Row n’était pas impartial parce qu’il avait été commandé par le gouvernement égyptien à la suite du coup d’État militaire de 2013, et il remet en question la description que fait la SI de ce rapport, qu’elle considère comme le « document le plus convaincant du ministre sur la structure organisationnelle » des Frères musulmans. Le demandeur a ensuite traité du manque relatif d’utilité de ses témoins, considérant que la SI a commis une erreur susceptible de contrôle en se fondant sur eux.

[55] Le défendeur signale que le demandeur n’a présenté aucun argument devant la SI quant à la fiabilité du rapport Bedford Row ou au poids qui lui était attribué. Le demandeur était au courant de l’objet du rapport, de ses auteurs, de son but et de ses objectifs, ainsi que de sa méthodologie, de sorte qu’il ne peut pas dire maintenant qu’il s’agissait d’une erreur. Le défendeur soutient que cet argument est invoqué pour la première fois en contrôle judiciaire, et qu’il est bien établi en droit que le caractère raisonnable d’une décision ne peut pas être contesté pour un tel motif.

[56] Je suis d’accord avec le défendeur sur ce point. La SI a passé en revue le rapport Bedford Row, signalant sa longueur et l’expertise du groupe londonien qui l’avait établi. La SI a fait état de son analyse, de ses sources, de son intégralité et de sa neutralité, et elle a conclu en fin de compte qu’il s’agissait d’une source crédible et digne de foi. C’est également le cas du rapport de l’Institute for Counter Terrorism, car la SI a conclu qu’il s’agit d’une « organisation universitaire à but non lucratif crédible et digne de foi », et que le simple fait que cette organisation se trouve en Israël n’est pas suffisant pour conclure que la SI a commis une erreur en le citant.

[57] Comme l’a signalé avec raison le défendeur, le demandeur n’a présenté aucun argument à la SI quant à la fiabilité du rapport Bedford Row, ni au poids à lui attribuer. C’est donc dire que cette question est soulevée pour la première fois dans le cadre du contrôle judiciaire, et qu’il est bien établi en droit que le caractère raisonnable d’une décision ne peut pas être contesté pour un tel motif (Grillo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 801 au para 53).

[58] Je ne suis pas d’avis qu’il ressort des arguments du demandeur que la Cour doit intervenir sur ce point, car l’argument invoqué est une simple demande de réexamen de la preuve. Ce n’est pas là le rôle de la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire (Vavilov, au para 125).

d) Des éléments de preuve dont on a fait abstraction

[59] Le demandeur soutient que la SI a fait abstraction d’un rapport de l’International Law Advisory Group (ILAG), qui, selon lui, est contraire à la conclusion qu’a tirée la SI sur la foi du rapport Bedford Row, et que ce fait a donc rendu sa décision déraisonnable parce qu’elle a fait abstraction d’éléments de preuve contraires.

[60] Je ne suis pas d’accord avec le demandeur. Il est bien établi en droit qu’un décideur n’est nullement tenu de faire explicitement référence à la totalité des éléments de preuve qui lui sont soumis, et qu’il est présumé que ce décideur les a tous passés en revue, à moins que le contraire soit établi (Hashem c Canada (MCI), 2020 CF 41 aux para 28‑29). Le rapport de l’ILAG était l’un des 90 articles environ que le demandeur a présentés, et jamais ce dernier n’a‑t‑il évoqué ce document à quelque moment que ce soit devant la SI dans ses observations écrites ou en réplique. La SI a écrit dans ses motifs que le demandeur avait déposé une grande quantité de documents et qu’il avait à peine fait référence à la grande majorité d’entre eux (au para 49).

[61] Il était raisonnable de la part de la SI de ne pas mentionner expressément ce rapport, compte tenu du contexte plus général des très nombreux documents déposés et du fait que le demandeur ne s’est pas appuyé sur le rapport de l’ILAG. Quoi qu’il en soit, ce dernier document est une preuve qui influerait sur le poids attribué au rapport Bedford Row, plutôt que sur des éléments de preuve véritablement contraires. Le rapport Bedford Row lui‑même mentionne ses auteurs et son contexte, et rapport de l’ILAG réitère simplement en détail ces aspects, que le décideur est présumé avoir lus en l’absence d’une preuve contraire (et il n’y en a aucune).

[62] Le reste des questions que soulève le demandeur à propos des sources s’apparente à une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur, ce qui n’est pas la manière dont un contrôle fondé sur la norme de la décision raisonnable est effectué (voir Vavilov, au para 102). Il convient de rappeler que, comme il est indiqué au paragraphe 125 de l’arrêt Vavilov, une cour de révision doit « s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur ». De plus, le rôle de notre Cour, dans le cadre d’un contrôle fondé sur la norme de la décision raisonnable, n’est pas de se lancer dans une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur (Vavilov, au para 284), pas plus qu’elle ne doit se prononcer sur la manière dont on pourrait examiner la preuve ou tirer une conclusion plus générale. Mon rôle consiste plutôt à examiner la conclusion qu’a tirée le décideur afin de décider si celle‑ci se situe dans l’éventail des issues potentiellement raisonnables, fondée sur une analyse rationnelle et cohérente qui se justifie au regard des faits et du droit qui ont été soumis. Je suis d’avis qu’il était raisonnable de la part de la SI de se fonder sur les sources qu’elle a utilisées.

VI. Questions à certifier

[63] À l’audience, le demandeur a déclaré qu’il avait des questions à certifier. Il a reconnu que ces questions n’avaient pas été portées au préalable à l’attention du défendeur. Il a fourni les questions à la Cour le 10 novembre 2021, après avoir obtenu l’autorisation de le faire. Il lui a été rappelé qu’il aurait fallu être prêt à en débattre devant la Cour, et que le défendeur aurait dû pouvoir en traiter. Une autre petite erreur sans gravité est que le demandeur indique dans ses questions à certifier que l’audience en l’espèce a eu lieu le 8 novembre 2021, alors qu’il s’agit en fait du 4 novembre 2021.

[64] La formulation proposée des deux questions est la suivante :

  1. L’alinéa 34(1)f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés autorise‑t‑il l’application de manière rétrospective ou rétroactive des instruments internationaux qui criminalisent le terrorisme, comme la Convention internationale sur la répression du financement du terrorisme, à des faits qui datent d’avant l’entrée en vigueur de l’instrument international en question?

  2. L’interprétation du mot « terrorisme » au sens de l’alinéa 34(1)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, fait‑elle uniquement référence à la définition du terrorisme qui figure dans le Code criminel, à l’exclusion de celle qu’a énoncée la Cour suprême dans l’arrêt Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 RCS 3?

  1. Dans l’affirmative, le décideur se doit‑il d’expliquer pourquoi il privilégie la définition du Code criminel par rapport à celle qui est énoncée dans l’arrêt de la Cour suprême Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 RCS 3?

[65] Le demandeur soutient que notre Cour n’a jamais traité directement de la première question, et que la seconde n’est pas réglée et permet de trancher la question qui est en litige en l’espèce.

[66] Le défendeur s’oppose aux questions que le demandeur a proposées aux fins de certification. Il fait valoir que la première des deux n’est pas déterminante quant à la demande de contrôle judiciaire pas plus qu’elle n’est pertinente à l’égard de la décision du tribunal administratif, tandis que la seconde est un énoncé erroné du droit applicable et elle n’est pas déterminante quant à la demande de contrôle judiciaire.

[67] Dans l’arrêt Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130, au paragraphe 36, notre Cour a récemment réitéré les critères de certification. La question posée doit être une question sérieuse qui est déterminante quant à l’issue de l’appel, elle doit transcender les intérêts des parties au litige et elle doit porter sur une question ayant des conséquences importantes ou de portée générale. Cela veut dire que la question doit avoir été débattue par la Cour fédérale et elle doit découler de l’affaire elle‑même, et non simplement de la manière dont la Cour fédérale a tranché la demande. Une question en litige qu’il n’est pas nécessaire de trancher ne peut constituer le fondement d’une question dûment certifiée (Lai c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CAF 21 au para 10), au même titre qu’une question qui est de la nature d’un renvoi ou dont la réponse dépend des faits uniques de l’affaire (Mudrak c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 178 aux para 15, 35).

[68] Je ne certifierai pas de question en l’espèce. Je conviens avec le défendeur que la première question n’est pas déterminante, pas plus qu’elle ne transcende les intérêts des parties et ne soulève une question de portée générale. Quant à la seconde, il s’agit d’un énoncé manifestement inexact de la jurisprudence découlant de l’arrêt Suresh, analysée en détail dans la présente décision, et, cela étant, ne permet pas de trancher la présente affaire.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑4057‑20

LA COUR ORDONNE :

  1. La présente demande est rejetée;

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Glennys L. McVeigh »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


ANNEXE A

Code criminel (LRC, 1985, c C‑46)

Terrorisme

Définitions et interprétation

Définitions

83.01(1)

activité terroriste

a) Soit un acte — action ou omission, commise au Canada ou à l’étranger — qui, au Canada, constitue une des infractions suivantes :

(i) les infractions visées au paragraphe 7(2) et mettant en œuvre la Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs, signée à La Haye le 16 décembre 1970,

(ii) les infractions visées au paragraphe 7(2) et mettant en œuvre la Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile, signée à Montréal le 23 septembre 1971,

(iii) les infractions visées au paragraphe 7(3) et mettant en œuvre la Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1973,

(iv) les infractions visées au paragraphe 7(3.1) et mettant en œuvre la Convention internationale contre la prise d’otages, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 17 décembre 1979,

(v) les infractions visées au paragraphe 7(2.21) et mettant en œuvre la Convention sur la protection physique des matières nucléaires, faite à Vienne et New York le 3 mars 1980, et modifiée par l’Amendement à la Convention sur la protection physique des matières nucléaires, fait à Vienne le 8 juillet 2005, ainsi que la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire, faite à New York le 14 septembre 2005,

(vi) les infractions visées au paragraphe 7(2) et mettant en œuvre le Protocole pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l’aviation civile internationale, complémentaire à la Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile, signé à Montréal le 24 février 1988,

(vii) les infractions visées au paragraphe 7(2.1) et mettant en œuvre la Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, conclue à Rome le 10 mars 1988,

(viii) les infractions visées aux paragraphes 7(2.1) ou (2.2) et mettant en œuvre le Protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates‑formes fixes situées sur le plateau continental, conclu à Rome le 10 mars 1988,

(ix) les infractions visées au paragraphe 7(3.72) et mettant en œuvre la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 15 décembre 1997,

(x) les infractions visées au paragraphe 7(3.73) et mettant en œuvre la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1999;

b) soit un acte — action ou omission, commise au Canada ou à l’étranger :

(i) d’une part, commis à la fois :

(A) au nom — exclusivement ou non — d’un but, d’un objectif ou d’une cause de nature politique, religieuse ou idéologique,

(B) en vue — exclusivement ou non — d’intimider tout ou partie de la population quant à sa sécurité, entre autres sur le plan économique, ou de contraindre une personne, un gouvernement ou une organisation nationale ou internationale à accomplir un acte ou à s’en abstenir, que la personne, la population, le gouvernement ou l’organisation soit ou non au Canada,

(ii) d’autre part, qui intentionnellement, selon le cas :

(A) cause des blessures graves à une personne ou la mort de celle‑ci, par l’usage de la violence,

(B) met en danger la vie d’une personne,

(C) compromet gravement la santé ou la sécurité de tout ou partie de la population,

(D) cause des dommages matériels considérables, que les biens visés soient publics ou privés, dans des circonstances telles qu’il est probable que l’une des situations mentionnées aux divisions (A) à (C) en résultera,

(E) perturbe gravement ou paralyse des services, installations ou systèmes essentiels, publics ou privés, sauf dans le cadre de revendications, de protestations ou de manifestations d’un désaccord ou d’un arrêt de travail qui n’ont pas pour but de provoquer l’une des situations mentionnées aux divisions (A) à (C).

Sont visés par la présente définition, relativement à un tel acte, le complot, la tentative, la menace, la complicité après le fait et l’encouragement à la perpétration; il est entendu que sont exclus de la présente définition l’acte — action ou omission — commis au cours d’un conflit armé et conforme, au moment et au lieu de la perpétration, au droit international coutumier ou au droit international conventionnel applicable au conflit ainsi que les activités menées par les forces armées d’un État dans l’exercice de leurs fonctions officielles, dans la mesure où ces activités sont régies par d’autres règles de droit international. (terrorist activity)

Terrorism

Interpretation

Definitions

83.01(1)

terrorist activity means

(a) an act or omission that is committed in or outside Canada and that, if committed in Canada, is one of the following offences:

(i) the offences referred to in subsection 7(2) that implement the Convention for the Suppression of Unlawful Seizure of Aircraft, signed at The Hague on December 16, 1970,

(ii) the offences referred to in subsection 7(2) that implement the Convention for the Suppression of Unlawful Acts against the Safety of Civil Aviation, signed at Montreal on September 23, 1971,

(iii) the offences referred to in subsection 7(3) that implement the Convention on the Prevention and Punishment of Crimes against Internationally Protected Persons, including Diplomatic Agents, adopted by the General Assembly of the United Nations on December 14, 1973,

(iv) the offences referred to in subsection 7(3.1) that implement the International Convention against the Taking of Hostages, adopted by the General Assembly of the United Nations on December 17, 1979,

(v) the offences referred to in subsection 7(2.21) that implement the Convention on the Physical Protection of Nuclear Material, done at Vienna and New York on March 3, 1980, as amended by the Amendment to the Convention on the Physical Protection of Nuclear Material, done at Vienna on July 8, 2005 and the International Convention for the Suppression of Acts of Nuclear Terrorism, done at New York on September 14, 2005,

(vi) the offences referred to in subsection 7(2) that implement the Protocol for the Suppression of Unlawful Acts of Violence at Airports Serving International Civil Aviation, supplementary to the Convention for the Suppression of Unlawful Acts against the Safety of Civil Aviation, signed at Montreal on February 24, 1988,

(vii) the offences referred to in subsection 7(2.1) that implement the Convention for the Suppression of Unlawful Acts against the Safety of Maritime Navigation, done at Rome on March 10, 1988,

(viii) the offences referred to in subsection 7(2.1) or (2.2) that implement the Protocol for the Suppression of Unlawful Acts against the Safety of Fixed Platforms Located on the Continental Shelf, done at Rome on March 10, 1988,

(ix) the offences referred to in subsection 7(3.72) that implement the International Convention for the Suppression of Terrorist Bombings, adopted by the General Assembly of the United Nations on December 15, 1997, and

(x) the offences referred to in subsection 7(3.73) that implement the International Convention for the Suppression of the Financing of Terrorism, adopted by the General Assembly of the United Nations on December 9, 1999, or

(b) an act or omission, in or outside Canada,

(i) that is committed

(A) in whole or in part for a political, religious or ideological purpose, objective or cause, and

(B) in whole or in part with the intention of intimidating the public, or a segment of the public, with regard to its security, including its economic security, or compelling a person, a government or a domestic or an international organization to do or to refrain from doing any act, whether the public or the person, government or organization is inside or outside Canada, and

(ii) that intentionally

(A) causes death or serious bodily harm to a person by the use of violence,

(B) endangers a person’s life,

(C) causes a serious risk to the health or safety of the public or any segment of the public,

(D) causes substantial property damage, whether to public or private property, if causing such damage is likely to result in the conduct or harm referred to in any of clauses (A) to (C), or

(E) causes serious interference with or serious disruption of an essential service, facility or system, whether public or private, other than as a result of advocacy, protest, dissent or stoppage of work that is not intended to result in the conduct or harm referred to in any of clauses (A) to (C),

and includes a conspiracy, attempt or threat to commit any such act or omission, or being an accessory after the fact or counselling in relation to any such act or omission, but, for greater certainty, does not include an act or omission that is committed during an armed conflict and that, at the time and in the place of its commission, is in accordance with customary international law or conventional international law applicable to the conflict, or the activities undertaken by military forces of a state in the exercise of their official duties, to the extent that those activities are governed by other rules of international law. (activité terroriste)

 


Convention internationale sur la répression du financement du terrorisme

Article 2, 1 :

Commet une infraction au sens de la présente Convention toute personne qui, par quelque moyen ce soit, directement ou indirectement, illicitement et délibérément, fournit ou réunit des fonds dans l’intention de les voir utilisés ou en sachant qu’ils seront utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre :

a) Un acte qui constitue une infraction au regard et selon la définition de l’un des traités énumérés en annexe;

b) Tout autre acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque.

Article 2, 1:

Any person commits an offence within the meaning of this Convention if that person by any means, directly or indirectly, unlawfully and wilfully, provides or collects funds with the intention that they should be used or in the knowledge that they are to be used, in full or in part, in order to carry out:

(a) An act which constitutes an offence within the scope of and as defined in one of the treaties listed in the annex; or

(b) Any other act intended to cause death or serious bodily injury to a civilian, or to any other person not taking an active part in the hostilities in a situation of armed conflict, when the purpose of such act, by its nature or context, is to intimidate a population, or to compel a government or an international organization to do or to abstain from doing any act

 


Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LC 2001, c 27)

Interdictions de territoire

Interprétation

33 Les faits — actes ou omissions — mentionnés aux articles 34 à 37 sont, sauf disposition contraire, appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu’ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir.

Inadmissibility

Rules of interpretation

33 The facts that constitute inadmissibility under sections 34 to 37 include facts arising from omissions and, unless otherwise provided, include facts for which there are reasonable grounds to believe that they have occurred, are occurring or may occur.

Sécurité

34 (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

a) être l’auteur de tout acte d’espionnage dirigé contre le Canada ou contraire aux intérêts du Canada;

b) être l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement d’un gouvernement par la force;

b.1) se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s’entend au Canada;

c) se livrer au terrorisme;

d) constituer un danger pour la sécurité du Canada;

e) être l’auteur de tout acte de violence susceptible de mettre en danger la vie ou la sécurité d’autrui au Canada;

f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b), b.1) ou c).

Security

34 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on security grounds for

(a) engaging in an act of espionage that is against Canada or that is contrary to Canada’s interests;

(b) engaging in or instigating the subversion by force of any government;

(b.1) engaging in an act of subversion against a democratic government, institution or process as they are understood in Canada;

(c) engaging in terrorism;

(d) being a danger to the security of Canada;

(e) engaging in acts of violence that would or might endanger the lives or safety of persons in Canada; or

(f) being a member of an organization that there are reasonable grounds to believe engages, has engaged or will engage in acts referred to in paragraph (a), (b), (b.1) or (c).

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4057‑20

 

INTITULÉ :

ABDELRAHMAN MOHAMED ELMOHAMADY ELMADY c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 4 NOVEMBRE 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCVEIGH

 

DATE DES MOTIFS :

LE 29 DÉCEMBRE 2021

 

COMPARUTIONS :

Molly Joeck

Erin C. Roth

 

POUR Le demandeur

Helen Park

 

POUR Le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Edelmann & Company

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR Le demandeur

Procureur général du Canada

POUR Le défendeur

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

 

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