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Date : 20060214

 

Dossier : IMM-491-06

 

Référence : 2006 CF 201

 

Vancouver (Colombie-Britannique), le mardi 14 février 2006

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX                          

 

 

ENTRE :

 

                                            MILTON IVAN PROVEDOR MENDOZA

 

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

 

 

                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L’IMMIGRATION

 

                                                                                                                                             défendeur

 

 

                                MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Milton Ivan Provedor Mendoza (le demandeur) souhaite obtenir un sursis à la mesure de renvoi au Nicaragua, le pays dont il est citoyen, prononcée contre lui en attendant que soit jugée sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire visant la décision rendue le 19 décembre 2005 par l’agente d’examen des risques avant renvoi Hidalgo (l’agente d’ERAR), selon laquelle le demandeur ne serait pas persécuté s’il retournait au Nicaragua et selon laquelle il n’existe pas de motifs sérieux de croire, selon toute probabilité, que le demandeur y risquerait la torture, des traitements ou peines cruels et inusités ou que sa vie y serait menacée.


 

[2]               Le demandeur est entré au Canada en provenance du Nicaragua en décembre 2001; deux semaines plus tard, il revendiquait le statut de réfugié, ce qui lui a été refusé le 3 mars 2003.

 

[3]               Avant le 3 mars 2003, il a rencontré Lisa Snyder, une citoyenne canadienne, en juillet 2002. Ils se sont mariés le 22 juin 2003. Leur fille est née le 24 septembre 2004. Lisa est aujourd’hui enceinte de leur deuxième enfant.

 

[4]               Bien que le couple ait récemment déposé une demande conjugale pour motifs d’ordre humanitaire, les motifs d’ordre humanitaire ne me sont pas soumis dans la présente demande de sursis. La demande pour motifs d’ordre humanitaire continuera d’être traitée, que M. Provedor Mendoza soit renvoyé ou non.

 

[5]               Dans ses observations à l’agente d’ERAR, le demandeur a exposé deux motifs pour lesquels il craint retourner au Nicaragua :

[traduction]

1)             Il croit être à risque à cause des liens que sa famille entretenait avec le côté Somoza lors de la révolution sandiniste de 1979. Le demandeur affirme que les éléments sandinistes du gouvernement continuent de cibler les gens qui pourraient être considérés comme ayant déjà eu des liens avec le régime de Somoza.

 

 

2)             Il craint que l’ex-mari de sa cousine, qu’il croit maintenant chargé des Forces spéciales à Managua, lui fera du mal. Parce qu’il a quitté le Nicaragua en 2001 et que sa cousine a fait de même en 2002, le demandeur craint que l’ex-mari de sa cousine le tienne responsable du fait que sa cousine et ses enfants aient quitté le Nicaragua.

 

 

 

[6]               Après examen des derniers rapports (Département d’État américain 2004) sur le Nicaragua, l’agente d’ERAR a rejeté le premier motif de crainte exprimé par le demandeur. Elle était d’avis que le demandeur n’avait pas établi que les conditions générales dans ce pays le touchaient personnellement. Elle a affirmé que [traduction] « les documents sur le pays n’indiquent toujours pas que les personnes ayant entretenu des liens non politiques avec l’ancien président Somoza ou ses anciens sympathisants soient menacés par les éléments sandinistes au sein des forces de sécurité ou du gouvernement en général ». L’agente d’ERAR a jugé que le demandeur n’avait pas fourni de nouvelle preuve convaincante lui permettant de conclure différemment de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

 

[7]               Au sujet du nouveau motif de crainte, l’agente d’ERAR a écrit :

[traduction]

En ce qui a trait à sa nouvelle allégation portant sur les risques relatifs à l’ex‑mari de sa cousine, M. Membreno Morales, le demandeur soumet des observations qui étaient jointes à la demande d’ERAR de sa cousine. La cousine du demandeur et ses enfants ont été reconnus comme étant à protéger de M. Membreno Morales en raison des violences physiques et sexuelles qu’il infligeait à celle-ci. Le demandeur affirme craindre que M. Membreno Morales le tienne responsable du fait que sa cousine et ses enfants aient quitté le Nicaragua. Le demandeur affirme craindre que M. Membreno Morales fasse encore partie de l’armée et qu’il soit maintenant chargé des forces spéciales dans la ville de Managua. Les observations de sa cousine comportaient des documents prouvant que M. Membreno Morales occupait un poste dans l’armée, mais rien dans la preuve objective ne précisait son poste actuel dans l’armée.

 

 

Après examen de la preuve soumise, je conclus que la prétention du demandeur voulant que l’ex‑mari de sa cousine le tienne responsable du départ de sa famille du Nicaragua n’est que conjecture. Je souligne que, lors de l’audience concernant le statut de réfugié, aucune mention n’a été faite d’un risque ayant trait à M. Membreno Morales. Je note que sa cousine était au Canada depuis près d’un an au moment de cette audience. Elle a témoigné à l’audience, mais elle n’a pas mentionné être au courant que le demandeur ait été personnellement menacé par M. Membreno Morales. La preuve devant moi ne comporte aucune preuve corroborante démontrant que le demandeur a été ou est actuellement ciblé ou menacé personnellement par M. Membreno Morales ou par un de ses amis au Nicaragua.

 


 

 

[8]               L’agente a par la suite conclu que le demandeur serait de toute façon adéquatement protégé par l’État au Nicaragua.

 

[9]               À mon avis, la présente demande de sursis doit être rejetée pour le motif que le demandeur n’a satisfait à aucune des exigences du critère à trois volets nécessaires pour obtenir le sursis.

 

[10]           En ce qui a trait à la question sérieuse, l’avocate du demandeur soutient que l’agente d’ERAR a commis une erreur manifestement déraisonnable en évaluant les nouveaux éléments de preuve concernant le lcol Morales. Elle souligne que la preuve soumise à l’agente d’ERAR comportait des documents relatifs à la demande d’ERAR présentée par la cousine du demandeur, Nora Urroz, dont l’ex-mari est le Lt Colonel Morales. À partir de ces documents, Nora Urroz a été reconnue comme personne à protéger au sens de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi). 

 

[11]           L’avocate du demandeur a également souligné que la preuve dont disposait l’agente d’ERAR montrait que le lcol Morales était un officier de l’armée (ce dont l’agente d’ERAR a pris acte) et que ce fait constituait un motif suffisant pour établir le besoin de protection du demandeur.

 

[12]           Elle prétend également que l’agente d’ERAR n’a pas tenu compte du fait que la colère du lcol Morales contre le demandeur, découlant de l’aide que ce dernier a apportée à sa cousine et à ses enfants pour venir au Canada, a grandement augmenté après que celle-ci eut obtenu la qualité de personne à protéger.

 

[13]           Finalement, elle soutient que l’agente d’ERAR n’a pas évalué correctement les rapports sur le pays. À cet égard, elle souligne certains passages montrant que les forces de sécurité ont commis des violations des droits de la personne, que la corruption est endémique et que les Sandinistes sont encore actifs.

 

[14]           À mon avis, les arguments de l’avocate du demandeur ne soulèvent pas de question sérieuse pour plusieurs motifs. D’abord, ces arguments ne portent pas sur le coeur des conclusions de l’agente d’ERAR, c’est-à-dire le manque d’éléments de preuve objective de la part du demandeur démontrant qu’il a été et qu’il est encore ciblé ou menacé personnellement par M. Morales ou ses amis.

 

[15]           Il est important de noter que l’agente d’ERAR n’a pas conclu que le lcol Morales n’était pas membre de l’armée nicaraguayenne. Elle a conclu qu’il en faisait partie. La conclusion de l’agente d’ERAR était qu’il manquait d’éléments de preuve objective appuyant la prétention du demandeur voulant qu’il soit menacé par l’ex-mari de sa cousine.

 

[16]           Ensuite, les critiques formulées par le demandeur sur le rapport du Département d’État américain sont sans fondement. Je ne vois aucune erreur dans l’évaluation qu’en a faite l’agente d’ERAR ni dans son évaluation de la situation relative à la protection de l’État. L’agente d’ERAR ne disposait d’aucune preuve objective ou suffisante établissant que M. Morales menaçait le demandeur ou qu’il était un agent de persécution de l’État.

 

[17]           Le demandeur a ajouté deux lettres visant à corroborer ses craintes. Ces lettres n’avaient pas été soumises à l’agente d’ERAR et constituent essentiellement du ouï-dire. Elles n’ont aucun poids.

 

[18]           Le demandeur ne m’a pas convaincu de l’existence d’un préjudice irréparable. La preuve soumise à l’agente d’ERAR servant à évaluer la crainte du demandeur de retourner au Nicaragua était insuffisante pour démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur courait un danger.

 

[19]           En ce qui concerne le préjudice irréparable à la cellule familiale, je conviens avec l’avocat du ministre que le renvoi du demandeur entraînera des difficultés, mais que des difficultés ne constituent pas un préjudice irréparable (voir Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2004 CAF 261).

 

[20]           Finalement, la prépondérance des inconvénients est favorable au ministre, qui peut exécuter la mesure de renvoi comme le prévoit l’article 48 de la Loi.

 

                                        ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que, pour ces motifs, la présente demande de sursis soit rejetée.

 

 

                          « F. Lemieux »                   

        Juge

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross

 

 

 

 

 

 

 

 


                                     COUR FÉDÉRALE

 

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-491-06

 

 

INTITULÉ :                                                    MILTON IVAN PROVEDOR MENDOZA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 13 FÉVRIER 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                               LE JUGE LEMIEUX

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 14 FÉVRIER 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Malini Dyonisius                                               POUR LE DEMANDEUR

 

Jonathan Shapiro                                              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Dyonisius & Company                                                  POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

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