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Date : 20220110


Dossiers : T-1417-20

T-1418-20

Référence : 2022 CF 29

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 10 janvier 2022

En présence de monsieur le juge Fothergill

Dossier : T-1417-20

ENTRE :

FRANK C. SMITH MEDICINE PROFESSIONAL CORPORATION

demanderesse

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

Dossier : T-1418-20

ET ENTRE :

FRANK SMITH

demandeur

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le Dr Frank Smith est un chirurgien orthopédiste établi à Hamilton, en Ontario. Il est également un membre fondateur de la société Cayman Orthopaedic Group [COG Ltd], située aux îles Caïmans. À l’heure actuelle, il en est l’unique actionnaire.

[2] Depuis avril 2018, l’Agence du revenu du Canada [l’ARC] mène une vérification visant le Dr Smith. En juillet 2019, la portée de la vérification a été élargie afin d’inclure la société Frank C. Smith Medicine Professional Corporation [Smith MPC]. Les vérifications concernaient initialement les années d’imposition 2010 à 2016.

[3] Le 21 octobre 2020, le ministre du Revenu national [le ministre] a envoyé des lettres de demande de renseignements et d’élargissement de la vérification [les lettres relatives à la vérification] au Dr Smith et à Smith MPC [collectivement, les contribuables] au titre de l’article 231.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985 (5e suppl), c 1 [la LIR]. Selon ces lettres, les vérifications engloberaient désormais les années d’imposition 2003 à 2018 des contribuables.

[4] Le Dr Smith et Smith MPC ont présenté des demandes de contrôle judiciaire dans lesquelles ils sollicitent des ordonnances :

  • a) déclarant la décision du ministre d’envoyer les lettres relatives à la vérification nulle ou illégale, en totalité ou en partie;

  • b) annulant les lettres relatives à la vérification, en totalité ou en partie;

  • c) renvoyant les affaires en question au ministre pour qu’il rende une nouvelle décision.

[5] Le ministre a le droit de déterminer la portée et les modalités d’une vérification de même que son orientation. C’est la prérogative de l’ARC de décider si elle va entreprendre une vérification et de choisir la forme qu’elle prendra. Les renseignements peuvent être raisonnablement demandés dans une mise en demeure même s’ils s’avèrent non pertinents. Toutefois, un lien rationnel doit exister entre les renseignements demandés et l’application et l’exécution de la LIR.

[6] Les renseignements demandés dans les lettres relatives à la vérification sont liés rationnellement aux vérifications visant le Dr Smith et Smith MPC. Aucun des contribuables n’a laissé entendre que les renseignements n’étaient pas disponibles ou qu’il serait indûment contraignant ou gênant de les fournir.

[7] Tout différend quant à la question de savoir si les contribuables se sont conformés aux lettres relatives à la vérification pourra être réglé dans le cadre des demandes d’ordonnance de production déposées par le ministre le 19 avril 2021 (dossiers de la Cour nos T-665-21 et T-666-21). La Cour n’est pas saisie des demandes d’ordonnance de production dans la présente instance.

[8] Les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

II. Contexte

[9] Selon un document d’information de l’ARC daté du 23 avril 2018, la vérification visant les contribuables découle des réponses reçues de la Citibank et de la Banque Royale du Canada à une demande péremptoire visant des personnes non désignées nommément qui portait sur l’ensemble des opérations touchant les comptes de correspondant bancaire détenus par la Cayman National Bank au Canada. L’analyse des renseignements reçus a permis de confirmer que des fonds étaient envoyés au Canada depuis les îles Caïmans, notamment des traites bancaires provenant de la Cayman National Bank à des concessionnaires d’automobiles situés à Hamilton, en Ontario, pour l’achat de véhicules.

[10] Une demande de renseignements d’un tiers envoyée par l’ARC à un concessionnaire d’automobiles a permis d’obtenir des renseignements sur les achats, dont une copie d’un en-tête de fac-similé provenant de COG Ltd. La liste des chirurgiens nommés dans l’en-tête et des recherches menées par la suite sur le site Web de la société ont permis d’identifier dix docteurs canadiens affiliés à COG Ltd. Selon le document d’information, deux docteurs faisaient alors l’objet d’une vérification et huit autres avaient récemment été sélectionnés pour une vérification. Toutes les vérifications devaient inclure les sociétés canadiennes et les conjoints des docteurs.

[11] Selon le document d’information, un médecin (autre que le Dr Smith) aurait omis de déclarer des revenus d’environ 500 000 $ pour les années d’imposition 2010 à 2016. L’ARC estime que le Dr Smith pourrait avoir omis de déclarer des revenus d’environ 57 000 $ pour la même période.

[12] Au cours de la vérification entamée en 2018, le Dr Smith a fourni des documents à l’ARC, dont des organigrammes de ses liens avec deux sociétés enregistrées aux îles Caïmans : COG Ltd et Affects Ltd. Affects Ltd est une filiale à cent pour cent de COG Ltd et détient des biens réels aux îles Caïmans à des fins d’investissement.

[13] On a demandé au Dr Smith et à Smith MPC de produire les livres et registres pour les années d’imposition 2010 à 2016 afin de vérifier les revenus déclarés dans les déclarations d’impôt de chaque contribuable. Le vérificateur a reçu les documents et renseignements relatifs aux contribuables et aux actifs et entités qui leur sont liés aux îles Caïmans. Le vérificateur a également appris que le Dr Smith avait le contrôle d’une clé USB sur laquelle se trouvaient notamment les grands livres de COG Ltd et d’autres données concernant les années d’imposition 2003 à 2018. Le vérificateur a obtenu l’autorisation d’élargir la portée des deux vérifications afin qu’elles englobent la période entière de 16 ans, et les lettres relatives à la vérification ont été envoyées en conséquence.

[14] Depuis que les demandes de contrôle judiciaire ont été déposées le 20 novembre 2020, le ministre a présenté des demandes d’ordonnance de production au titre de l’article 231.7 de la LIR pour contraindre les contribuables à produire les renseignements demandés dans les lettres relatives à la vérification. Le 28 septembre 2021, le ministre a demandé que les quatre demandes soient instruites ensemble par le même juge. Toutefois, dans une ordonnance datée du 29 octobre 2021, la protonotaire Mireille Tabib a refusé de réunir les demandes :

[traduction]
Deux options s’offrent donc à la Cour : suspendre pendant au moins trois mois les demandes de contrôle judiciaire, qui sont essentiellement prêtes à être instruites, et réaliser potentiellement des gains d’efficacité dans l’utilisation des ressources judiciaires, ou renoncer à ces gains d’efficacité et permettre que les demandes de contrôle judiciaire soient instruites et tranchées de façon expéditive et que les demandes d’ordonnance de production soient présentées, instruites et tranchées de façon distincte. Compte tenu de l’opposition des contribuables et de l’absence d’arguments convaincants qui démontrent que les parties subiraient un préjudice si les demandes étaient instruites séparément et selon un échéancier qui leur est propre, la Cour n’est pas convaincue qu’il serait dans l’intérêt de la justice d’obliger les contribuables à attendre que les demandes d’ordonnance de production soient mises en état et prêtes à être instruites avant que leurs demandes de contrôle judiciaire soient tranchées.

[15] Le présent jugement et ses motifs ne concernent donc que les lettres relatives à la vérification envoyées aux contribuables le 21 octobre 2020, et non les demandes d’ordonnance de production présentées le 19 avril 2021.

III. Questions en litige

[16] Les questions en litige soulevées dans les demandes de contrôle judiciaire sont les suivantes :

  • A. L’élargissement de la portée de la vérification est-il raisonnable?

  • B. La lettre relative à la vérification envoyée au Dr Smith constitue-t-elle une vérification déguisée de COG Ltd, d’Affects Ltd et d’autres personnes?

  • C. La lettre relative à la vérification envoyée au Dr Smith demande-t-elle des « renseignements étrangers » et aurait-elle dû être envoyée au titre de l’article 231.6 de la LIR plutôt qu’au titre de l’article 231.1?

  • D. Les lettres relatives à la vérification ordonnent-elles de façon déraisonnable aux contribuables de fournir des explications?

  • E. Les lettres relatives à la vérification ordonnent-elles de façon déraisonnable aux contribuables de déterminer la pertinence et la nécessité des renseignements à fournir?

IV. Analyse

[17] La Cour effectue le contrôle des lettres relatives à la vérification selon la norme de la décision raisonnable. Elle interviendra seulement si elle est convaincue que la décision d’envoyer les lettres relatives à la vérification souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 100).

[18] Dans les cas où aucun motif écrit n’est communiqué, la cour de révision doit examiner le dossier dans son ensemble pour comprendre la décision et découvrira alors souvent une justification claire pour la décision (Vavilov, au para 137). Faute de motifs, l’analyse sera alors centrée sur le résultat plutôt que sur le raisonnement du décideur. Il ne s’ensuit pas pour autant que le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est moins rigoureux dans ces circonstances; il prend seulement une forme différente (Vavilov, au para 138).

[19] Les contribuables soulignent que le résultat de la décision et le raisonnement à l’origine de ce résultat doivent tous deux être raisonnables. (Vavilov, aux para 83, 87). Le contrôle judiciaire porte à la fois sur le résultat et sur le processus, et, pour appliquer la norme de la décision raisonnable, « on a besoin de comprendre un peu l’étendue de la demande et les raisons pour lesquelles elle a été faite » (citant Saipem Luxembourg S.V. c Canada (Douanes et Revenu), 2005 CAF 218 [Saipem] au para 31).

A. L’élargissement de la portée de la vérification est-il raisonnable?

[20] Les contribuables soutiennent que l’élargissement de la portée de la vérification de manière à ce qu’elle englobe une période de 16 ans, plutôt que la période initiale de six ans, est incompatible avec la période de conservation de six ans applicable aux livres et registres qui est prescrite par la LIR et la politique de l’ARC. Les contribuables soulignent que les politiques de conservation normalisées des banques ne prévoient généralement pas un aussi long délai et qu’une période de vérification aussi vaste portera indûment préjudice à tous les contribuables.

[21] Les contribuables affirment que le ministre ne doit pas agir en contravention de sa propre politique (citant BP Canada Energy Company c Canada (Revenu national), 2017 CAF 61 au para 105). Les contribuables font remarquer que, selon une publication de l’ARC datée du 3 juin 2019, intitulée « Obtention de renseignements aux fins de vérification » (AD-19-02R), le vérificateur doit exercer ses pouvoirs pour obtenir des renseignements en prenant des mesures raisonnables pour limiter le fardeau lié à l’observation imposé au contribuable. Les trois principales considérations applicables au moment d’évaluer la nécessité de demander des renseignements sont la portée, la pertinence et la transparence.

[22] Le ministre répond que l’ARC peut mener une vérification à l’égard d’années d’imposition qui vont au-delà de la période normale de nouvelle cotisation d’un contribuable. Dans la décision Minister of National Revenue v Plachcinski, 2016 CarswellNat 10234 [Plachcinski], le juge René LeBlanc a établi une distinction entre les années d’imposition comprises dans la période de nouvelle cotisation et celles qui vont au-delà de cette période, qu’il appelle les [traduction] « années d’imposition prescrites ». Le juge LeBlanc s’est exprimé ainsi aux paragraphes 19 et 20 :

[traduction]
Premièrement, rien dans le libellé de l’article 231.1 ne limite les pouvoirs de vérification du ministre aux années d’imposition non prescrites. Comme je l’ai indiqué précédemment, l’article 231.1, tout comme l’article 231.2, confère au ministre le pouvoir d’exiger d’une personne qu’elle fournisse des renseignements ou qu’elle produise des documents à toute fin liée à l’application et à l’exécution de la présente loi. L’établissement d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation, même pour des années d’imposition prescrites, à l’égard d’un contribuable qui a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire, ou qui a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la Loi, est l’une de ces fins conformément au sous-alinéa 152(4)a)(i). Les pouvoirs de vérification du ministre sont nécessaires « pour réaliser les objectifs de la Loi et en assurer le respect » (Chambre immobilière du Grand Montréal, au para 46), et la portée ou l’étendue de la demande de renseignements présentée dans l’exercice de ces pouvoirs relève du ministre (Lee, au para 7). Il se peut très bien que la vérification des années prescrites ne justifie pas finalement l’établissement d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation pour les années en question, mais cette possibilité n’empêche pas le ministre de surveiller et de vérifier la conformité du contribuable avec la Loi (et d’assumer cette responsabilité) même pour une année prescrite qui, autrement, ne ferait pas l’objet d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation en raison du temps écoulé.

Deuxièmement, il n’y a pas de fondement à l’argument selon lequel la demande de renseignements est déraisonnable parce qu’elle vise une période qui dépasse la durée de conservation de six ans applicable aux livres et registres qui est prévue au paragraphe 230(4) de la Loi aux fins de la déclaration de revenus. Je ne vois pas comment cette disposition limite le pouvoir du ministre de demander des renseignements à l’égard d’années qui vont au-delà de la durée de conservation prévue. Il se pourrait que les livres et registres des années en question n’existent plus, auquel cas la quantité de renseignements pouvant être recueillis aux fins de la vérification sera limitée, et le contribuable ne sera aucunement blâmé pour ne pas avoir conservé les registres manquants. Par contre, si ces livres et registres sont toujours disponibles, je ne vois aucune raison de ne pas les fournir au ministre, comme il le requiert dans la demande de renseignements. En l’espèce, je souligne que le défendeur ne prétend pas que les renseignements et les documents demandés par le ministre pour les années prescrites au sens du paragraphe 230(4) ne peuvent pas être produits en raison de leur non-disponibilité.

[23] Le ministre a le droit de déterminer la portée d’une vérification, la méthode utilisée et son orientation (Canada (Revenu national) c Cameco Corporation, 2019 CAF 67 [Cameco] au para 43). C’est la prérogative de l’ARC de décider si elle va entreprendre une vérification, et la forme que va prendre cette vérification (Saipem, au para 36). Les renseignements peuvent être raisonnablement demandés dans une mise en demeure même s’ils s’avèrent non pertinents. Toutefois, un lien rationnel doit exister entre les renseignements recherchés et l’application et l’exécution de la LIR (Saipem, aux para 25-26).

[24] Selon les notes du vérificateur, compte tenu des renseignements tirés du registre des procès-verbaux fourni par le comptable des contribuables, l’ARC cherchait à obtenir des documents relatifs à COG Ltd qui remontaient jusqu’à 1996. Le Dr Smith jouait un rôle dans COG Ltd lorsqu’elle a été constituée en société en 1996. En 2004, il en est devenu le président. Il détenait alors 13 des 82 actions de la société. En juin 2009, il est devenu l’unique actionnaire de COG Ltd. Actuellement, il supervise l’ensemble des activités de la société étrangère.

[25] Le Dr Smith et Smith MPC n’ont jamais déclaré de revenus étrangers dans leurs déclarations de revenus. Le ministre soutient que, selon les circonstances, il demeure possible d’établir une nouvelle cotisation à l’égard des contribuables pour les années d’imposition précédant 2010.

[26] En l’espèce, les contribuables ont volontairement divulgué l’existence d’une clé USB sur laquelle se trouvaient notamment les grands livres de COG Ltd et d’autres données concernant les années d’imposition 2003 à 2018. Il ne fait aucun doute que les documents existent ou qu’ils peuvent être produits.

[27] Je suis convaincu que les documents contenus dans le dossier certifié du tribunal révèlent une analyse intrinsèquement cohérente qui justifie la décision du ministre d’élargir la portée de la vérification visant les deux contribuables de manière à englober les années d’imposition 2003 à 2018. Comme l’a indiqué le juge LeBlanc dans la décision Plachcinski, l’établissement d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation, même pour des années d’imposition qui ne sont pas comprises dans la période normale de nouvelle cotisation, à l’égard d’un contribuable qui a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire, ou qui a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la Loi, est l’une des fins pour lesquelles une demande de production de renseignements peut être présentée au titre de l’article 231.1 de la LIR.

[28] Compte tenu de l’association de longue date du Dr Smith à COG Ltd et des titres de participation qu’il y détient, l’élargissement de la portée de la vérification visant les deux contribuables de manière à englober les années d’imposition 2003 à 2018 était raisonnable. Les registres liés à COG Ltd qui se trouvent actuellement sur la clé USB existent et sont accessibles. Aucun des contribuables n’a présenté d’élément de preuve qui donne à penser que le fait de se conformer aux lettres relatives à la vérification entraînerait des dépenses excessives ou des inconvénients.

[29] Si d’autres livres et registres pertinents aux fins de la portée de la vérification élargie n’existent plus, la quantité de renseignements qui peuvent être recueillis sera nécessairement limitée, et les contribuables ne seront aucunement blâmés pour ne pas avoir conservé les documents. Toutefois, si les livres et registres sont encore accessibles, il n’y a aucune raison de ne pas les fournir au ministre conformément aux lettres relatives à la vérification (Plachcinski, au para 20).

[30] Toute difficulté à fournir des documents ou d’autres renseignements pourra être soulevée dans une opposition aux demandes d’ordonnance de production présentées au titre de l’article 231.7 de la LIR. Comme je l’ai expliqué ci-dessus, la Cour n’est pas saisie des demandes d’ordonnance de production dans la présente instance.

B. La lettre relative à la vérification envoyée au Dr Smith constitue-t-elle une vérification déguisée de COG Ltd, d’Affects Ltd et d’autres personnes?

[31] La lettre relative à la vérification transmise au Dr Smith lui est adressée à titre personnel et a été envoyée à l’adresse de son domicile. Cependant, la ligne Objet se lit ainsi :

[traduction]

Objet : Vérification des déclarations de revenus des particuliers/sociétés pour les années d’imposition 2003 à 2018

NAS : […]

Cayman Orthopaedic Group Ltd; Affects Ltd.

Numéro de dossier de l’ARC : […]

[32] Le Dr Smith fait remarquer qu’il ne produit pas de « déclarations de revenus des sociétés » à titre personnel et que Smith MPC fait l’objet d’une vérification distincte. Le Dr Smith est particulièrement préoccupé par l’inclusion de COG Ltd et d’Affects Ltd, deux sociétés établies en vertu des lois des îles Caïmans qui ne sont pas des contribuables canadiennes et qui ne sont donc pas assujetties à une vérification de l’ARC.

[33] Le Dr Smith invoque la décision Canada (Revenu national) c Lin, 2019 CF 646 [Lin], dans laquelle le juge Keith Boswell a conclu que les demandes de renseignements qui étaient adressées à la fois aux particuliers et aux entités qui leur étaient liées étaient déraisonnables, car les entités n’étaient pas désignées nommément. Il n’était donc pas évident de savoir qui faisait l’objet de la vérification, c’est-à-dire les particuliers contribuables ou les entités non désignées (Lin, au para 31). Le ministre mentionne que, en l’espèce, les entités liées sont désignées sous le nom de COG Ltd et d’Assets Ltd.

[34] Dans la décision Canada (Revenu national) c Friedman, 2019 CF 1583 [Friedman], le juge Peter Pamel a confirmé que l’ARC doit préciser qui fait l’objet d’une vérification (au para 32). Dans cette affaire, les demandes de renseignements étaient adressées personnellement à M. et à Mme Friedman, mais sollicitaient également des documents relatifs aux « entités avec lesquelles [ils avaient] eu un lien ou une affiliation » au cours des années d’imposition visées. Les demandes étaient formulées de manière identique à celles en cause dans l’affaire Lin, mais le juge Pamel a néanmoins conclu que l’ARC adressait manifestement ses questions à M. et à Mme Friedman en leur qualité personnelle de contribuables et à l’égard de leur situation fiscale personnelle (Friedman, au para 35). Le juge Pamel a poursuivi son raisonnement aux paragraphes 41 à 43 :

Il semble que les Friedman aient confondu les sujets de l’enquête, soit M. et Mme Friedman, respectivement, avec la nature de l’enquête, qui est une demande de documents concernant les Friedman et les entités qui leur sont liées. À ce titre, il s’agit des déclarations de revenus des particuliers de M. et de Mme Friedman.

Lorsqu’elles sont considérées dans leur ensemble, il est aisé de constater que les lettres (ainsi que les questionnaires qui les accompagnaient) étaient adressées aux Friedman à titre de particuliers. De plus, il est facile de comprendre pourquoi l’ARC demanderait de tels renseignements au sujet des entités liées à un contribuable dans le cadre d’une vérification de ses biens détenus à l’étranger.

Par conséquent, je conclus que les DR s’adressent de toute évidence à M. et à Mme Friedman respectivement et qu’elles ont été émises dans le cadre de la vérification de leurs déclarations de revenus des particuliers.

[35] Le juge Pamel a donc refusé de suivre la décision Lin, estimant qu’il faut tenir compte des faits pour déterminer qui est tenu de fournir les renseignements demandés. À la lumière des arguments et des éléments de preuve dont il disposait, le juge Pamel était convaincu que les demandes étaient suffisamment claires (Friedman, aux paras 34-35). La Cour d’appel fédérale a par la suite confirmé la décision Friedman (Friedman c Canada (Revenu national), 2021 CAF 101).

[36] En l’espèce, les entités liées ont été désignées sous le nom de COG Ltd et d’Affects Ltd. Selon le Dr Smith, cela confirme simplement que la vérification le visant à titre personnel est en fait une vérification déguisée de COG Ltd et d’Affects Ltd, et une tentative d’obtenir des renseignements sur la situation fiscale d’autres médecins affiliés à COG Ltd. La lettre relative à la vérification envoyée au Dr Smith met l’accent sur les livres et les finances de COG Ltd et demande la production de grands livres, d’états financiers, de balances et de relevés bancaires, ainsi que des explications détaillées sur des opérations déterminées. La lettre relative à la vérification demande également la production des [traduction] « relevés des placements à la Butterfield Bank pour tous les dépôts à terme et tout autre placement détenu par COG Ltd ou à son nom pour le compte d’un autre particulier ».

[37] Je suis convaincu que le Dr Smith fait l’objet d’une vérification relativement à d’éventuels revenus non déclarés et à des actifs à l’étranger. Son association de longue date à COG Ltd et à Assets Ltd. et les titres de participation qu’il détient dans celles-ci suffisent pour établir que les demandes de renseignements concernant ces deux entités sont liées rationnellement à la vérification visant le Dr Smith à titre personnel.

[38] Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Redeemer Foundation c Canada (Revenu national), 2008 CSC 46 au paragraphe 22, « [q]u’il existe ou non une possibilité ou une probabilité que la vérification donne lieu à une enquête concernant d’autres contribuables non désignés nommément, l’ARC devrait pouvoir obtenir les renseignements dont elle pourrait autrement prendre connaissance dans le cadre d’une vérification ». La demande de renseignements de l’ARC concernant COG Ltd et Assets Ltd pour les années d’imposition visées par la vérification était donc raisonnable.

C. La lettre relative à la vérification envoyée au Dr Smith demande-t-elle des « renseignements étrangers » et aurait-elle dû être envoyée au titre de l’article 231.6 de la LIR plutôt qu’au titre de l’article 231.1?

[39] Aux termes du paragraphe 231.6(2) de la LIR, le ministre peut exiger d’une personne résidant au Canada ou d’une personne n’y résidant pas mais y exploitant une entreprise qu’elle fournisse des « renseignements ou documents étrangers ». Si un contribuable ne fournit pas la totalité, ou presque, des renseignements visés par la demande, tout tribunal saisi d’une affaire civile portant sur l’application ou l’exécution de la LIR doit, sur requête du ministre, refuser le dépôt en preuve par cette personne de tout renseignement ou document étranger visé par l’avis (LIR, art. 231.6(8)). Selon le Dr Smith, ces conséquences sont moins graves que celles d’une demande d’ordonnance de production présentée au titre de l’article 231.7 de la LIR.

[40] La clé USB sur laquelle se trouvent notamment les grands livres de COG Ltd et d’autres données concernant les années d’imposition 2003 à 2018 provenait des îles Caïmans. Le Dr Smith l’a apportée au Canada et l’a remise à son comptable, Glenn Taylor, de SB Partners LLP. Cependant, le bureau de SB Partners au Canada ne détenait pas le logiciel requis pour extraire les renseignements provenant de la clé USB, qui a donc été envoyée au bureau de Buffalo, dans l’État de New York, aux États-Unis, où le logiciel était disponible.

[41] Le Dr Smith soutient que le ministre a toujours su que les renseignements stockés sur la clé USB étaient des renseignements étrangers. Voici un extrait des notes du vérificateur datées du 4 août 2020 : [traduction] « J’ai reçu un deuxième courriel du [ministère de la Justice] contenant la réponse d’un avocat des îles Caïmans, qui a confirmé que la clé USB contenant les données QuickBooks de COG Ltd se trouvait au bureau de Buffalo de SP Partners. » Le Dr Smith soutient donc que la demande de renseignements aurait dû être fondée sur l’article 231.6, et non 231.1, de la LIR. Il fait remarquer qu’une partie considérable des autres renseignements demandés dans la lettre de vérification qui lui a été adressée constitue également des « renseignements ou des documents étrangers ».

[42] Dans la décision Ghermezian c Canada (Procureur général), 2020 CF 1137 [Ghermezian], le juge Richard Southcott a confirmé les demandes de production de renseignements fondées sur l’article 231.1 de la LIR, en partie parce que le dossier dont il disposait ne renfermait pas suffisamment d’éléments de preuve permettant d’établir si une partie des renseignements sollicités étaient des renseignements étrangers. Toutefois, il n’a pas éliminé la possibilité que, « dans certains cas, le dossier dont dispose [le] ministre indique de façon tellement évidente que les renseignements demandés se trouvent à l’étranger qu’il serait déraisonnable de sa part de procéder autrement qu’au titre de l’article 231.6 » (Ghermezian, au para 104).

[43] En l’espèce, je ne suis pas convaincu que le dossier est si convaincant qu’il était déraisonnable de la part du ministre de procéder autrement qu’au titre de l’article 231.6 de la LIR. Je conviens avec le ministre qu’un contribuable ne peut pas transformer des renseignements canadiens en renseignements étrangers simplement en les transférant à l’étranger. De plus, les renseignements électroniques stockés sur des serveurs situés à l’étranger peuvent en droit être dits situés au Canada (Ebay Canada Limited c Canada (Revenu national), 2008 CAF 348 aux para 48, 52).

[44] Le Dr Smith ne s’est pas opposé à la production de renseignements de nature similaire conformément à une demande fondée sur l’article 231.1 de la LIR à l’égard de ses années d’imposition 2010 à 2016. Il ne prétend pas que les renseignements ne sont pas en sa possession, sous son autorité ou sous sa garde au Canada.

[45] Dans la présente instance, le Dr Smith n’a présenté aucun élément de preuve quant à la manière dont les renseignements ou les documents relatifs à COG Ltd ou à Assets Ltd sont conservés. Comme l’a conclu le juge Southcott dans la décision Ghermezian, le dossier présenté à la Cour ne permet pas de tirer une conclusion définitive sur cette question. Les demandes du ministre fondées sur l’article 231.7 de la LIR permettront au Dr Smith de présenter des éléments de preuve concernant l’emplacement des renseignements et documents, afin que la Cour puisse décider s’il y a lieu de rendre l’ordonnance sollicitée (Ghermezian, au para 107).

[46] Aux fins de la présente instance, l’emplacement des renseignements ou des documents, c’est-à-dire qu’ils soient au Canada ou à l’étranger, n’a pas d’incidence sur le caractère raisonnable des demandes. Les renseignements sollicités sont liés rationnellement à la vérification visant le Dr Smith et les demandes étaient donc raisonnables.

D. Les lettres relatives à la vérification ordonnaient-elles de façon déraisonnable aux contribuables de fournir des explications?

[47] Les lettres relatives à la vérification demandent aux contribuables de fournir [traduction] « des explications détaillées et des documents justificatifs », notamment en ce qui concerne les éléments suivants :

  • a) les véritables calculs qui ont été utilisés pour distribuer les gains de COG Ltd aux particuliers qui ont fourni les services médicaux;

  • b) certaines opérations déterminées qui ont été enregistrées dans le journal général de COG Ltd;

  • c) certaines opérations déterminées dans les comptes personnels du Dr Smith aux îles Caïmans;

  • d) certaines opérations déterminées dans les comptes personnels du Dr Smith à la Banque Royale du Canada;

  • e) un prêt hypothécaire lié à l’achat d’une propriété à Ancaster, en Ontario, et un prêt lié à l’achat d’un véhicule en mars 2016;

  • f) les remboursements mensuels des prêts contractés par Smith MPC qui portent les numéros de référence précisés.

[48] Aux termes de l’alinéa 231.1(1)a), le ministre peut « inspecter, vérifier ou examiner les livres et registres d’un contribuable ainsi que tous documents du contribuable ou d’une autre personne qui se rapportent ou peuvent se rapporter soit aux renseignements qui figurent dans les livres ou registres du contribuable ou qui devraient y figurer, soit à tout montant payable par le contribuable en vertu de la [LIR] ». Le sens ordinaire des mots « inspecter, vérifier ou examiner » exprime une recherche autonome des livres et registres du contribuable (Cameco, au para 18). L’article 231.1 de la LIR permet au ministre de vérifier de manière indépendante, en se fondant sur les registres à l’établissement commercial du contribuable, l’obligation fiscale et la conformité avec la LIR (Cameco, au para 24).

[49] Les contribuables font valoir qu’il existe une différence entre mener une vérification indépendante et contraindre une personne à répondre à des questions. Lorsque le législateur souhaite contraindre une personne à donner des réponses orales à des questions lors d’une enquête par l’État, il le fait expressément, et non par déduction (citant Cameco, au para 25). On ne peut interpréter l’article 231.1 de la LIR comme autorisant le ministre à obliger le contribuable ou un de ses employés à répondre à des questions orales relativement à son obligation fiscale. Les contribuables affirment que ce principe devrait être appliqué également aux explications orales et écrites.

[50] Bien qu’il soit loisible aux contribuables de faire valoir, dans le cadre des demandes d’ordonnance de production, que les demandes d’explications détaillées de l’ARC à l’égard d’opérations financières déterminées sont inexécutoires, cela ne les rend pas déraisonnables. Un vérificateur peut toujours demander des explications à l’appui d’une vérification. Il sera souvent dans l’intérêt supérieur du contribuable de se conformer volontairement, ce qui peut permettre d’éviter une autre demande d’ordonnance.

[51] Comme l’a indiqué la Cour d’appel fédérale (sous la plume du juge Rennie) dans la décision Cameco, au paragraphe 28 :

[...] tous les contribuables doivent coopérer pleinement lors de demandes raisonnables faites au cours d’une vérification. Toutefois, le fait que j’aie conclu que le ministre n’a pas le pouvoir de contraindre un contribuable à répondre à des questions lors de la vérification ne signifie pas que le pouvoir de vérification disparaît en présence de contribuables récalcitrants. Le ministre peut tirer des conclusions lorsqu’on ne lui fournit pas de réponse. Le ministre est également libre de formuler des hypothèses et d’établir des cotisations en se fondant sur celles‑ci.

[52] L’hypothèse formulée implicitement dans la décision Cameco est que le vérificateur est libre de poser des questions aux contribuables lors d’une vérification, même si les contribuables ne sont pas obligés d’y répondre. Tous les contribuables devraient coopérer pleinement lorsque des demandes raisonnables sont formulées au cours d’une vérification. Le refus de fournir des réponses peut donner lieu à des inférences défavorables, à la formulation de certaines hypothèses ou, comme c’est le cas en l’espèce, à des demandes d’ordonnance de production.

[53] Les contribuables n’ont pas prouvé que les demandes d’explications détaillées du ministre à l’égard d’opérations déterminées étaient déraisonnables. Tout différend quant à la question de savoir si les contribuables se sont conformés aux demandes pourra être réglé dans le cadre des demandes d’ordonnance de production.

E. Les lettres relatives à la vérification ordonnaient-elles de façon déraisonnable aux contribuables de déterminer la pertinence et la nécessité des renseignements à fournir?

[54] Voici un extrait de la lettre relative à la vérification envoyée au Dr Smith :

[traduction]
Pour l’application et l’exécution de la Loi de l’impôt sur le revenu (la LIR), vous êtes tenu, selon l’article 231.1 de la LIR, de produire à des fins d’enquête les documents et les renseignements susmentionnés qui sont pertinents et nécessaires à la vérification de vos déclarations de revenus pour les années d’imposition mentionnées ci-dessus.

[55] La lettre relative à la vérification envoyée à Smith MPC contient le même libellé, mais le mot [traduction] « toujours » est ajouté entre les mots « êtes » et « tenu ». Les contribuables font valoir qu’il est déraisonnable de la part du ministre de les contraindre à déterminer les renseignements qui sont « pertinents et nécessaires » à la réalisation de la vérification.

[56] Dans la décision Ghermezian, le juge Southcott a conclu que la demande de renseignements suivante était déraisonnable parce qu’elle n’était pas suffisamment précise pour permettre aux contribuables de fournir une réponse : « tous les renseignements ou explications supplémentaires qui sont pertinents quant à la question de savoir si les règles de l’ancien article 94 de la [LIR] [...] s’appliquent aux fiducies Royce et Regent en ce qui a trait à l’opération décrite dans la section du contexte de la présente demande ». Cependant, les contribuables dans cette affaire s’opposaient à la demande au motif qu’elle les obligeait à mener une analyse juridique concernant l’application de l’ancien article 94 de la LIR, notamment en formulant des hypothèses sur la façon dont le ministre invoquerait cette disposition, puis à déterminer les renseignements qui pourraient être pertinents quant aux besoins de cette analyse (Ghermezian, au para 161).

[57] Les lettres relatives à la vérification envoyées aux contribuables en l’espèce fournissent une description suffisamment détaillée des documents et des autres renseignements demandés. Les registres comptables, les relevés bancaires, les relevés de placement et les explications concernant certaines opérations qui sont demandés sont tous précisés. Suivant la décision Cameco, les contribuables doivent se conformer aux demandes dans la mesure où ils veulent et peuvent le faire. Tout différend quant à la question de savoir si les contribuables se sont conformés aux lettres relatives à la vérification pourra être réglé dans le cadre des demandes d’ordonnance de production.

V. Conclusion

[58] Les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

[59] Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur les dépens, le ministre pourra présenter des observations écrites, ne dépassant pas cinq (5) pages, dans les 14 jours suivant la date du présent jugement. Les contribuables pourront présenter des observations écrites en réponse, ne dépassant pas cinq (5) pages, dans les 14 jours suivant le dépôt des observations du ministre.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

  1. Les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

  2. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur les dépens, le ministre pourra présenter des observations écrites, ne dépassant pas cinq (5) pages, dans les 14 jours suivant la date du présent jugement. Les contribuables pourront présenter des observations écrites en réponse, ne dépassant pas cinq (5) pages, dans les 14 jours suivant le dépôt des observations du ministre.

« Simon Fothergill »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

T-1417-20

T-1418-20

 

INTITULÉ :

FRANK C. SMITH MEDICINE PROFESSIONAL CORPORATION c LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

FRANK SMITH c LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE CONCORD ET OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 DÉCEMBRE 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 10 JANVIER 2022

 

COMPARUTIONS :

Domenic Marciano

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Pierre-Olivier Lemieux

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Marciano Beckenstein LLP

Avocats

Concord (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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