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Date : 20030922

Dossier : IMM-4423-03

Référence : 2003 CF 1094

Toronto (Ontario), le 22 septembre 2003

En présence de monsieur le juge Blanchard

ENTRE :

                                                                   CHI HAO LU

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

Introduction

[1]                Le demandeur demande à la Cour de surseoir à l'exécution de la mesure de renvoi prise contre lui, fixant son renvoi au 22 septembre 2003, jusqu'à ce qu'elle ait statué sur la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire qu'il a présentée.


Les faits

[2]                Le demandeur, Chi Hao Lu, est né à Saigon, au Vietnam, le 25 décembre 1963. Il est entré en Canada en qualité de résident permanent le 6 février 1980. Son père, sa mère, ses deux frères et ses deux soeurs sont des citoyens canadiens. Sa fille, Sylvia Lu, est aussi une citoyenne canadienne du fait de sa naissance à Kitchener, en Ontario, le 12 juin 1994, et son ex-épouse, de qui il est séparé depuis le 1er juillet 2000, vit avec elle à Kitchener.

[3]                Le demandeur a été reconnu coupable de différentes infractions criminelles entre 1983 et 1991 : vol qualifié (24 mars 1983), agression armée (29 octobre 1984), tentative d'introduction par effraction avec l'intention d'obtenir des aliments et un logement et obtention frauduleuse d'aliments et de logement (24 juin 1987), possession de biens criminellement obtenus (30 juin 1987 et 19 février 1988), ainsi que fraude de moins de 1 000 $, tentative de fraude de moins de 1 000 $ et emploi d'un document contrefait (29 octobre 1991). Une mesure de renvoi a été prise en conséquence contre lui le 22 avril 1986. Saisie d'un appel de cette décision par le demandeur, la Section d'appel de l'immigration (SAI) a ordonné, le 5 janvier 1987, qu'il soit sursis à l'exécution de la mesure de renvoi à certaines conditions. Elle a ensuite prolongé le sursis par une ordonnance rendue le 30 mars 1989. Le 21 février 1992, à la demande du défendeur, elle a annulé le sursis, rejeté l'appel et ordonné que la mesure de renvoi prise le 22 avril 1986 soit exécutée dès que les circonstances le permettent.

[4]                Le demandeur a demandé la réouverture de son appel le 11 avril 2003. Il soutenait que la SAI avait contrevenu aux règles de justice naturelle en ne lui donnant pas la possibilité de demander que la mesure de renvoi fasse l'objet d'un nouvel examen dans l'éventualité où il serait réhabilité avant qu'elle soit exécutée.

[5]                Dans sa décision de ne pas rouvrir l'appel, la Commission a indiqué qu'elle n'était pas convaincue que la SAI avait manqué à un principe de justice naturelle en faisant droit à la demande d'annulation du sursis présentée par le défendeur et en rejetant l'appel en février 1992. Comme il n'y a pas eu manquement à un principe de justice naturelle, les conditions de l'article 71 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) n'étaient pas remplies et l'affaire ne pouvait pas être rouverte. Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la SAI de ne pas rouvrir son appel.

[6]                Le demandeur a eu divers emplois au Canada et se considère comme un membre productif de la société canadienne. Il n'a commis aucune infraction criminelle depuis sa dernière condamnation, le 28 octobre 1991.

Analyse

[7]                Pour que sa demande de sursis soit accueillie, le demandeur doit établir qu'il y a une question sérieuse à juger, qu'il subirait un préjudice irréparable s'il était expulsé et que la prépondérance des inconvénients penche en sa faveur.


Question sérieuse

[8]                La Cour ne s'est pas encore prononcée sur la question de savoir si l'article 71 de la LIPR limite la compétence en équité de la SAI qui lui permet de rouvrir une audience. Un examen de l'analyse article par article semble étayer la prétention du défendeur selon laquelle l'article 71 prévoit expressément le seul motif - la justice naturelle - sur lequel la SAI peut se fonder pour rouvrir un appel. La décision qui sera rendue relativement à cette question aura une incidence sur l'examen, par la Cour, des autres motifs invoqués par le demandeur. J'estime que cette question ne devrait pas être tranchée dans le cadre d'une demande de sursis de dernière minute. Compte tenu de la preuve peu rigoureuse qu'exige le premier élément du critère à trois volets décrit ci-dessus, je suis d'avis que, aux fins de la présente demande, l'existence d'une question sérieuse a été établie.

Préjudice irréparable


[9]                Le demandeur prétend qu'il ne devrait pas être renvoyé au Vietnam puisqu'il n'a jamais eu de liens avec le Vietnam communiste. Bien qu'elle fasse état du dossier peu reluisant du Vietnam en matière des droits de la personne, la preuve documentaire ne démontre pas qu'une personne ayant le profil du demandeur serait en danger si elle retournait au Vietnam aujourd'hui. J'estime que les allégations de danger du demandeur reposent sur des suppositions et non sur des éléments de preuve, et qu'elles ne peuvent pas étayer les prétendues violations de la Charte qu'il invoque. Il est bien établi que les décisions relatives à la Charte « ne peuvent pas être fondées sur des hypothèses non étayées qui ont été formulées par des avocats enthousiastes » (MacKay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357, à la p. 362).

[10]            Les conséquences de l'expulsion du demandeur, de sa réinstallation et de sa séparation d'avec sa famille sont désagréables et déplaisantes. J'estime cependant qu'elles n'entraînent pas un préjudice plus grave que celui qui est inhérent à la notion même d'expulsion.

[11]            Le demandeur a eu droit à un examen des risques avant renvoi (ERAR), dans le cadre duquel sa situation et les conditions existant au Vietnam ont été examinées. L'agent chargé de cet examen a déterminé que le demandeur ne serait pas exposé au risque de traitements ou de peines inusités s'il était renvoyé au Vietnam.

[12]            Compte tenu de la preuve, je suis essentiellement d'accord avec le défendeur. Les arguments du demandeur concernant un préjudice irréparable ou une prétendue violation de la Charte n'ont aucun fondement dans le droit ou dans les faits. En conclusion, le demandeur ne m'a pas convaincu qu'il subirait un préjudice irréparable s'il était renvoyé au Vietnam.


Prépondérance des inconvénients

[13]            Dans les circonstances, compte tenu de l'obligation du ministre d'exécuter une mesure de renvoi dès que les circonstances le permettent, la prépondérance des inconvénients devrait être favorable au défendeur.

Conclusion

[14]            Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande de sursis sera rejetée.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE la demande de sursis visant la mesure de renvoi soit rejetée.

                                                                                                                     « Edmond P. Blanchard »        

                                                                                                                                                     Juge                          

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                               IMM-4423-03

INTITULÉ :                                              CHI HAO LU

                                                                                                                                           demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                       Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                      Le 22 septembre 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                             Monsieur le juge Blanchard

DATE DES MOTIFS :                             Le 22 septembre 2003

COMPARUTIONS :                               

Frederick S. Wang                                                                    POUR LE DEMANDEUR

Kareena R. Wilding                                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                              

Frederick S. Wang                                                                    POUR LE DEMANDEUR

Bay Street Immigration Lawyers

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                         Date : 20030922

                    Dossier : IMM-4423-03

ENTRE :

CHI HAO LU

                                                                  demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                   défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

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