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Date : 20220111


Dossier : IMM-1140-21

Référence: 2022 CF 26

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 11 janvier 2022

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

XUE XIU

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] La demanderesse affirme qu’elle a été privée de son droit à l’équité procédurale étant donné que la demande de statut de résident permanent qu’elle avait présentée au titre de la catégorie des investisseurs (Québec) [CIQ] lui a été retournée en raison d’un problème de paiement.

II. Contexte

[2] La demanderesse, une citoyenne chinoise, a présenté avec son époux une demande de résidence permanente dans le cadre du programme qui s’appliquait à la CIQ à l’époque. En plus du formulaire de demande, elle a produit le formulaire de paiement des frais – sur lequel elle autorisait que le montant de 1 600 $ soit porté à sa carte de crédit – ainsi que le formulaire intitulé Recours aux services d’un représentant – sur lequel étaient fournies deux adresses de courriel où elle pouvait être jointe.

[3] En juillet 2017, son représentant a reçu un accusé de réception de sa demande de la part d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC].

[4] En septembre 2017, un agent d’IRCC a mis une note dans le Système mondial de gestion des cas [SMGC], indiquant qu’un message avait été envoyé par courriel à la demanderesse pour l’informer que son mode de paiement n’était plus valide et que son chèque lui serait renvoyé à la réception d’un nouveau paiement.

[5] Les choses ont mal tourné à ce stade. La demanderesse affirme qu’elle n’a jamais reçu le courriel d’IRCC et rien dans la preuve ne permet d’en douter. De même, elle nie avoir reçu sa demande retournée, malgré les notes du SMGC indiquant que ce retour a été effectué en novembre 2017.

[6] Le défendeur a échoué dans sa tentative en vue de faire porter à la demanderesse la responsabilité du problème de communication, parce qu’en décembre 2018, en réponse à la demande de renseignements que la demanderesse a présentée pour connaître l’état de sa demande de résidence permanente, il a dit que cette demande se trouvait au Bureau de réception centralisée de Sydney, en Nouvelle-Écosse. À l’époque, les notes inscrites par le défendeur dans le SMGC indiquaient au contraire que la demande avait été retournée à la demanderesse plus d’un an auparavant. Rien dans le courriel du défendeur n’expliquait pourquoi la demande avait été retournée.

[7] En réponse à une autre demande de renseignements présentée en septembre 2020 quant à l’état de la demande de résidence permanente, le défendeur a informé la demanderesse que la demande avait été retournée, mais qu’il n’y avait pas de numéro de suivi ou de référence.

[8] Après que la demanderesse eut tenté de faire réexaminer sa demande et qu’elle eut payé les frais afférents à une nouvelle demande, mais en vain en raison de l’expiration de son Certificat de sélection du Québec en novembre 2019, elle a présenté une demande de contrôle judiciaire.

III. Analyse

[9] La question centrale qui se pose pour savoir si la demanderesse a été privée de son droit à l’équité procédurale, est celle de savoir si la demanderesse a reçu un préavis en bonne et due forme l’informant du paiement en ligne requis.

[10] Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte. Cependant, ils arrivent à cette conclusion à partir de différentes sources.

[11] Je souscris aux motifs du juge de Montigny dans l’arrêt Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196, qui appuient, au paragraphe 35, l’application de la norme de la décision correcte. Je fais également mienne son observation selon laquelle il n’est pas clair pourquoi les tribunaux évaluent les questions touchant l’équité procédurale dans le cadre d’un contrôle judiciaire étant donné que l’équité procédurale ne s’applique pas à la décision au fond, mais qu’elle concerne la manière dont la décision a été rendue. La question qui importe est plutôt celle de savoir si l’obligation d’équité procédurale a été respectée.

[12] En l’espèce, il y a eu manquement à l’équité procédurale en raison du défaut d’informer la demanderesse que son mode de paiement était incorrect. Soit elle a été informée, soit elle ne l’a pas été.

[13] Le défendeur s’appuie sur les notes inscrites dans le SMGC, mais c’est tout ce qu’il invoque. L’exactitude de ces notes est quelque peu douteuse, étant donné qu’au moment où la demanderesse a faussement été informée que sa demande se trouvait au bureau de Sydney, les notes indiquaient que c’était la demanderesse qui l’avait.

[14] Le défendeur n’a fourni aucune preuve directe pour réfuter la prétention de la demanderesse selon laquelle elle n’avait reçu aucun préavis. De plus, la conduite de la demanderesse était tout à fait conforme à celle d’une personne qui n’en avait pas reçu. Si elle avait reçu une réponse précise à sa demande de renseignements quant à l’état de sa demande de résidence permanente, plutôt que la réponse l’informant simplement que le bureau de Sydney avait sa demande, elle aurait pu réagir et potentiellement régler le problème concernant le mode de paiement.

IV. Conclusion

[15] Il y a, par conséquent, eu manquement à l’équité procédurale. La décision portant refus sera annulée, l’affaire sera renvoyée au défendeur pour nouvel examen, et un nouveau Certificat de sélection du Québec sera demandé au ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration.

[16] Il n'y a aucune question à certifier.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-1140-21

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision portant refus est annulée, l’affaire est renvoyée au défendeur pour nouvel examen, et un nouveau Certificat de sélection du Québec est demandé au ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration. Il n'y a aucune question à certifier.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

L. Brisebois


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1140-21

 

INTITULÉ :

XUE XIU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE tenue par vidéoconférence

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 décembre 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 11 JANVIER 2022

 

COMPARUTIONS :

Maxwell Musgrove

 

Pour LA DEMANDERESSE

 

Kevin Doyle

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITSAU DOSSIER :

Chaudhary Law Office

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

 

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