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                                                                 Date : 20030529

                                                                Dossier : T-1413-01

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 29 mai 2003

En présence de monsieur le juge Pinard

Entre :

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                          ET DE L'IMMIGRATION

                                                                 appelant

                                  - et -

                             Dr Chung-Hsin Lin

                                                                    intimé

                                 JUGEMENT

L'appel est accueilli. La décision du juge de la citoyenneté, L. Sekora, rendue le 21 juin 2001, est annulée pour le motif que l'intimé ne remplissait pas les conditions de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29 au moment où il a présenté sa demande de citoyenneté canadienne. En conséquence, la demande de citoyenneté de l'intimé est refusée.

                    « Yvon Pinard »                       

    Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL .L.


                                                                 Date : 20030529

                                                                Dossier : T-1413-01

                                                         Référence : 2003 CFPI 627

Entre :

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                          ET DE L'IMMIGRATION

                                                                 appelant

                                  - et -

                          Dr Chung-Hsin Lin

                                                                    intimé

                          MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PINARD

[1]    Il s'agit d'un appel interjeté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29 (la Loi) et de l'article 21 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, contre la décision du juge de la citoyenneté, L. Sekora (le juge de la citoyenneté), rendue le 21 juin 2001, par laquelle celui-ci faisait droit à la demande de citoyenneté canadienne de l'intimé.

[2]    L'intimé, le Dr Chung-Hsin Lin, est un citoyen de Taïwan. Lui et sa famille sont entrés au Canada en tant que résidents permanents le 20 janvier 1993. Le 5 février 2001, l'intimé a rempli une demande de citoyenneté canadienne. Au cours des quatre années ayant précédé sa demande, l'intimé a été présent au Canada pendant 170 jours, de sorte qu'il lui manquait 925 jours pour atteindre la période prescrite.


[3]    L'intimé est venu au Canada en compagnie de son épouse, de son fils et de ses deux filles. Il est médecin-chirurgien diplômé et est autorisé à exercer sa profession à Taïwan, mais ne peut l'exercer à l'extérieur de Taïwan que de façon limitée. Il s'est absenté du Canada surtout par affaires, puisqu'il a continué de travailler comme médecin à Taïwan afin de subvenir aux besoins de sa famille.

[4]    Le juge de la citoyenneté a fait droit à la demande de citoyenneté de l'intimé en expliquant ainsi sa décision :

[traduction]

Le demandeur ne peut travailler en Colombie-Britannique. Sa profession l'oblige à se rendre à l'extérieur du Canada. Sa famille est ici. Ses filles ont fréquenté des écoles canadiennes. Il pense que s'il était citoyen canadien, il pourrait vraisemblablement travailler en Colombie-Britannique. Il a présenté une demande de citoyenneté en 2001 mais il réside au Canada avec sa famille depuis 1993. Sur la base de tous les renseignements dont ceux qui précèdent, je fais droit à la présente demande.

[5]    Les conditions de résidence sont énoncées à l'alinéa 5(1)c) de la Loi, lequel est rédigé comme suit :


   5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

[ . . . ]

c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, . . .

   5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

[ . . . ]

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada . . .


[6]    L'appelant soutient que le juge de la citoyenneté a commis une erreur en faisant droit à la demande de citoyenneté de l'intimé, puisque ce dernier a passé seulement 170 jours au Canada au cours des quatre années qui ont précédé sa demande.


[7]    À mon sens, la présence réelle au Canada est de loin le facteur le plus important à prendre en compte pour évaluer si l'auteur d'une demande de citoyenneté a respecté les conditions de résidence de la Loi. Seule l'existence de circonstances spéciales ou exceptionnelles peut faire en sorte que celui-ci ne soit pas tenu dtre physiquement présent au Canada pendant la période minimale. Dans Senoussi c. Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration (7 juillet 2000), T-1420-99, j'ai fait les remarques suivantes concernant le critère de la présence physique :

[2]      Mon collègue le juge Muldoon, dans Pourghasemi (1993), 19 Imm.L.R. (2d) 259, à la p. 260, expose les objectifs sous-jacents à cette disposition de la Loi :

. . .garantir que quiconque aspire au don précieux de la citoyenneté canadienne ait acquis, ou se soit vu obligé d'acquérir, au préalable la possibilité quotidienne de « se canadianiser » . Il le fait en côtoyant les Canadiens au centre commercial, au magasin d'alimentation du coin, à la bibliothèque, à la salle de concert, au garage de réparation d'automobiles, dans les buvettes, les cabarets, dans l'ascenseur, à l'église, à la synagogue, à la mosquée ou au temple - en un mot là où l'on peut rencontrer des Canadiens et parler avec eux - durant les trois années requises. Pendant cette période, le candidat à la citoyenneté peut observer la société canadienne telle qu'elle est, avec ses vertus, ses défauts, ses valeurs, ses dangers et ses libertés. Si le candidat ne passe pas par cet apprentissage, cela signifiera que la citoyenneté peut être accordée à quelqu'un qui est encore un étranger pour ce qui est de son vécu, de son degré d'adaptation sociale, et souvent de sa pensée et de sa conception des choses. Si donc le critère s'applique à l'égard de certains candidats à la citoyenneté, il doit s'appliquer à l'égard de tous. Et c'est ainsi qu'il a été appliqué par Mme le juge Reed dans Koo , T-20-92, 3 décembre 1992 [publiédans (1992), 59 F.T.R. 27, 19 Imm.L.R. (2d) 1], encore que les faits de la cause ne fussent pas les mêmes.

(Voir également les décisions de la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada dans Afandi (6 novembre 1998), T-2476-97, M.C.I. c. Kam Biu Ho (24 novembre 1998), T-19-98, M.C.I. c. Chen Dai (6 janvier 1999), T-996-98, M.C.I. c. Chung Shun Paul Ho (1er mars 1999), T-1683-95, M.C.I. c. Fai Sophia Lam (28 avril 1999), T-1524-98, M.C.I. c. Su-Chen Chiu (9 juin 1999), T-1892-98, M.C.I. c. Chi Cheng Andy Sun (6 juin 2000), T-2329-98, Oi Hung Vera Hui c. M.C.I. (6 juin 2000), T-1338-99 et Martin Long Ying Lo c. M.C.I. (6 juin 2000), T-959-99.)

[3]     Cette Cour a statuéqu'une interprétation correcte de l'alinéa 5(1)c) de la Loi n'oblige pas une personne à être physiquement présente au Canada pendant toute la période de 1 095 jours de résidence prescrits lorsqu'il existe des circonstances spéciales et exceptionnelles. J'estime toutefois que la présence réelle au Canada demeure le plus pertinent et le plus important facteur dont il faille tenir compte pour établir si une personne a « résidé » au Canada au sens de cette disposition. Comme je l'ai dit à maintes reprises, une absence prolongée du Canada, bien que temporaire, au cours de cette période minimale de temps, va à l'encontre de l'esprit de la Loi qui permet déjà à une personne qui a étélégalement admise au Canada à titre de résident permanent de ne pas y résider pendant une des quatre années qui précèdent la date de sa demande de citoyenneté.

(Soulignement ajouté)


[8]    En l'espèce, l'intimé prétend que ses absences du Canada étaient dues à des circonstances spéciales et exceptionnelles. En fait, l'une des absences, d'une durée de 118 jours, s'est expliquée par le fait que l'intimé avait dû veiller sur son père qui souffrait d'un cancer du foie. Par ailleurs, le défendeur fait valoir comme motifs de ses absences le travail et les soins à donner à ses parents âgés. Toutefois, la liste des absences déterminées qui figure au dossier à la page 19 fait état des « affaires » comme seul motif. Or, l'exercice de la médecine à Taïwan constituait le seul volet de ces affaires, d'après ce qu'a mentionné l'intimé. Cela ne peut être considéré comme une circonstance spéciale ou exceptionnelle en raison de laquelle il serait permis à l'intimé de s'absenter du Canada de façon prolongée. Même la maladie de son père, dont la preuve a été faite devant le juge de la citoyenneté, ne justifie qu'une fraction du temps qu'il a passé à Taïwan. Par conséquent, je conclus que la décision du juge de la citoyenneté portant que l'intimé avait rempli les conditions de résidence prévues par la Loi est entièrement déraisonnable et qu'elle découle de l'application erronée de l'alinéa 5(1)c) de la Loi.

[9]    Pour les motifs qui précèdent, l'appel est accueilli et la décision rendue par le juge de la citoyenneté le 21 juin 2001 est annulée pour le motif que l'intimé ne remplissait pas les conditions de résidence énoncées à l'alinéa 5(1)c) de la Loi au moment où il a présenté sa demande de citoyenneté canadienne. En conséquence, la demande de citoyenneté canadienne de l'intimé est rejetée.

                   « Yvon Pinard »                         

    Juge

Ottawa (Ontario)

Le 29 mai 2003

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                        COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                      SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                    T-1413-01

INTITULÉ :                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION c. Dr Chung-Hsin Lin

LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :          1er mai 2003

MOTIFS DU JUGEMENT : Monsieur le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :             29 mai 2003

COMPARUTIONS :

Pauline Anthoine                      POUR L'APPELANT

Alfred Woo                           POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                      POUR L'APPELANT

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Alfred T.J. Woo                        POUR L'INTIMÉ

Avocat

Richmond (Colombie-Britannique)

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