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     Date: 20001101

     Dossier: IMM-1893-00

OTTAWA (Ontario), le 1er novembre 2000

DEVANT : Monsieur le juge Rouleau

ENTRE :


BAKHSHISH KAUR KULAR

     demanderesse

ET


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur



ORDONNANCE

[1]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.




                             « P. ROULEAU »

                                     JUGE

Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.




     Date: 20001101

     Dossier: IMM-1893-00

ENTRE :


BAKHSHISH KAUR KULAR

     demanderesse

ET


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur



MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE ROULEAU

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (ci-après la section du statut) a conclu, le 20 mars 1999, que la demanderesse n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      La demanderesse est citoyenne de l'Inde. Elle est entrée au Canada le 1er novembre 1998 et a revendiqué le statut de réfugié le 4 novembre 1998.

[3]      La demanderesse a allégué qu'elle avait été membre de l'aile féminine du parti connu sous le nom d'Akali Dal Mann de 1991 à 1998, en Inde. En cette qualité, elle travaillait pour le parti dans le domaine des droits de la personne et elle attirait l'attention de la Commission nationale des droits de la personne, à Chandigarth, sur les droits des femmes. La police a remarqué ses activités et l'a arrêtée au mois de mai 1998. La demanderesse a été détenue pendant quatre jours, elle a été battue et elle a ensuite été mise en liberté. Elle allègue qu'après s'être rétablie, elle a continué à effectuer son travail et que lorsque la police a fait une descente chez elle au mois de septembre 1998, elle a pu s'échapper et se cacher jusqu'à ce qu'elle quitte le pays, au mois de novembre 1998, avec l'aide d'un agent.

[4]      La section du statut a examiné la preuve, et notamment le Formulaire de renseignements personnels de la demanderesse, son témoignage oral, une pièce d'identité personnelle et la preuve documentaire relative au pays que l'agent de la revendication et son avocat avaient soumise. Elle a conclu que la demanderesse n'était pas un réfugié au sens de la Convention, et ce, à cause du manque de crédibilité.

[5]      La demanderesse fait remarquer que la section du statut s'est fortement fondée sur la question de l'identité en concluant qu'elle n'était pas un témoin crédible et que cela ne peut pas être considéré comme un fondement valable pour effectuer pareille appréciation. En l'absence d'éléments de preuve contradictoires, le témoignage que la demanderesse a présenté sous serment aurait dû être retenu.

[6]      La demanderesse soutient que la section du statut a commis une erreur en concluant qu'elle n'était pas crédible. Elle déclare que la formation s'est arrêtée à des vétilles. Les motifs que la section du statut a donnés pour douter de la crédibilité de la demanderesse sont en général peu importants et non pertinents. La demanderesse affirme que l'omission, dans le Formulaire de renseignements personnels, de questions qui ne sont pas directement liées à la revendication ne devrait pas être considérée comme portant atteinte à la crédibilité générale d'un demandeur.

[7]      Le défendeur fait remarquer que la section du statut a clairement et d'une façon non équivoque conclu que la demanderesse n'était pas un témoin crédible et qu'en prenant cette décision, elle a offert des motifs détaillés à l'appui en citant les nombreuses invraisemblances de la preuve présentée par la demanderesse, en ce qui concerne des aspects cruciaux de la revendication. Lorsqu'une décision relative à la crédibilité est fondée sur des conclusions d'invraisemblance qui sont étayées par la preuve, la Cour ne devrait pas intervenir à moins que la section du statut n'ait commis une erreur dominante. Le défendeur soutient que, compte tenu de la preuve dont elle disposait, la section du statut pouvait à bon droit tirer une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité. L'importance à accorder à la preuve présentée par la demanderesse est une obligation qui relève carrément du mandat de la section du statut.

[8]      Lorsqu'une audience a eu lieu devant la section du statut, il incombe au demandeur de fournir une preuve claire et convaincante du bien-fondé de sa revendication. Le défendeur affirme qu'en l'espèce, la demanderesse n'a tout simplement pas présenté une preuve crédible suffisante pour établir le bien-fondé de la crainte qu'elle avait d'être persécutée. La section du statut, en sa qualité de juge des faits, était particulièrement bien placée pour apprécier la totalité de la preuve dont elle disposait et pour conclure, en se fondant sur l'ensemble de la preuve, que l'existence d'une crainte fondée de persécution n'était pas établie.

[9]      Je suis d'accord avec le défendeur pour dire que la question cruciale, lorsque la section du statut a conclu que la demanderesse n'était pas un réfugié au sens de la Convention, se rapportait à la crédibilité de la demanderesse. Dans l'ensemble, la décision de la section du statut se rapporte à diverses incohérences de la preuve fournie par la demanderesse.

     Il est bien établi qu' :
     [i]l appartient à la formation de jugement de la section du statut d'apprécier la crédibilité et la force probante des preuves et témoignages, dans son instruction des revendications du statut de réfugié. C'est ainsi qu'elle peut rejeter des preuves non réfutées si elles ne sont pas compatibles avec les probabilités propres à l'affaire prise dans son ensemble, si elle relève des contradictions dans le témoignage ou si elle juge celui-ci invraisemblable. Dans le cas où il y a eu une audience de vive voix et que l'appréciation de la formation de jugement est, comme en l'espèce, clairement subordonnée, du moins en partie, au fait qu'elle voit et entend le témoin, la Cour n'interviendra pas à moins de conclure que la formation de jugement fonde sa décision sur des considérations étrangères à l'affaire ou ignore des preuves dignes d'attention. En bref, la Cour n'interviendra que si elle juge la décision manifestement déraisonnable au regard des éléments de preuve produits.
     Dans le cas où la décision de la formation de jugement est centrée en dernière analyse sur son appréciation de la crédibilité, la charge de la preuve qui incombe à celui qui se pourvoit en contrôle judiciaire est bien lourde, puisque la Cour doit être persuadée que la décision de la formation de jugement est abusive ou arbitraire, ou rendue au mépris des éléments de preuve dont elle dispose. Ainsi donc, dans le cas même où la Cour pourrait tirer une conclusion différente des preuves produites, elle n'interviendra pas à moins que le requérant n'arrive à prouver que la décision de la formation de jugement n'est fondée sur aucune preuve. (Akinlolu c. MEI (14 mars 1997), IMM-551-96 (C.F. 1re inst.) aux pages 5-6. Voir également Sun c. MEI (23 juin 1993), 92-A-7176 (C.F. 1re inst.) à la page 3 et Leung c. MEI (8 juillet 1993), A-7456-91 (C.A.F.) aux pages 1-2)

[10]      En l'espèce, je crois que la demanderesse a omis d'établir que la décision de la section du statut « n'est fondée sur aucune preuve » . La conclusion de la section du statut selon laquelle la demanderesse n'était pas crédible était fondée sur un examen approfondi de la preuve, documentaire et orale, dont elle disposait. La section du statut a fourni, en termes clairs et explicites, les motifs pour lesquels elle doutait de la crédibilité. (Voir Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 15 Imm. L.R. (2d) 199 (C.A.F.), où il a été établi que la section du statut avait pareille obligation.)

[11]      La demanderesse n'a soumis qu'une seule pièce d'identité : son certificat d'examen officiel. Elle a témoigné qu'elle avait un passeport depuis la fin de l'année 1991, mais qu'elle l'avait remis à l'agent à Seattle. Pour obtenir le passeport, elle avait utilisé sa carte de rationnaire qu'elle a laissée en Inde, avec sa carte de membre du parti. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi elle n'avait pas demandé les documents, la demanderesse a répondu qu'elle ne savait pas où ils étaient. La section du statut a déclaré qu'elle ne croyait pas que la demanderesse n'avait pas accès aux documents; elle estimait qu'il était passablement déconcertant que la demanderesse n'obtienne pas les documents dont elle avait besoin pour prouver sa revendication.

[12]      La section du statut a fait remarquer que la demanderesse avait disposé d'un délai de sept mois entre le moment où on lui avait demandé par lettre d'apporter des pièces d'identité personnelles à l'audience et la date à laquelle l'audience a de fait été tenue. La section du statut a également fait remarquer que même si la demanderesse avait allégué qu'il n'y avait personne en Inde qui puisse obtenir les documents pour elle, elle avait un frère et un ami qui pouvaient l'aider. La section du statut a dit que même si elle ne contestait pas l'authenticité du certificat d'examen, elle n'était pas convaincue que ce document établissait l'identité de la demanderesse. La demanderesse aurait pu demander à l'un des membres de sa famille qui habitent à Surrey (C.-B.) de comparaître et de témoigner au sujet de son identité.

[13]      Dans son formulaire de renseignements personnels, la demanderesse n'a jamais mentionné que son mari était à Surrey (C.-B.). Elle a complètement omis de fournir ce renseignement dans son formulaire de renseignements personnels et ce n'est que lorsque la section du statut lui a demandé d'inclure le nom de son ex-conjoint qu'elle l'a fait. La section du statut a également fait remarquer que la demanderesse avait omis de mentionner son frère dans le Formulaire de renseignements personnels, même si on lui avait demandé de donner tous les renseignements au sujet des [TRADUCTION] « conjoint, conjoint séparé, conjoint de fait, enfants, [...] parents, frères, soeurs (vivants ou décédés) » .

[14]      La demanderesse a témoigné qu'elle travaillait pour le parti Akali Dal Mann dans le domaine des droits de la personne. Elle a déclaré qu'elle rendait visite aux femmes et signalait à la Commission nationale des droits de la personne les violations dont les femmes avaient été victimes. La section du statut a examiné la preuve documentaire, qui disait que le Panjab avait uniquement établi sa commission au mois de juillet 1997. Or, la demanderesse avait déclaré qu'elle travaillait dans le domaine des droits de la personne depuis 1991. La section du statut a noté l'incohérence.

[15]      La liste des incohérences est interminable. L'omission la plus flagrante et celle qui aurait sans doute permis de résoudre la question en faveur de la demanderesse se rapportait au fait que la demanderesse n'a apparemment même pas tenté d'obtenir les documents destinés à prouver son identité. Il était peut-être difficile de les obtenir, mais dans son témoignage, la demanderesse a toujours maintenu qu'elle était fort active dans le parti Akali Dal Mann et qu'elle se consacrait à la population féminine qui était victime de harcèlement; qu'elle renvoyait constamment le cas de femmes à la Commission des droits de la personne; qu'elle avait même signalé à la Commission sa propre arrestation et les actes de violence auxquels elle avait été assujettie. Pourquoi la demanderesse n'écrirait-elle pas à une organisation aussi reconnue que la Commission des droits de la personne pour lui demander une lettre confirmant qu'elle exerçait l'emploi en question et indiquant que la Commission avait enregistré la plainte qu'elle avait déposée devant elle au sujet de l'arrestation et des mauvais traitements dont elle avait fait l'objet?

[16]      Je suis d'accord avec la SSR pour dire que cette demande n'est absolument pas crédible ou valable.

[17]      La demande est rejetée.


                         « P. ROULEAU »

                                 JUGE

OTTAWA (ONTARIO),

le 1er novembre 2000.

Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-1893-00

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      BAKHSHISH KAUR KULAR

     c.

     MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :      VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 20 OCTOBRE 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Rouleau en date du 1er novembre 2000


ONT COMPARU :

CHARLES DARWENT          POUR LA DEMANDERESSE
MANDANA NAMAZI          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

CABINET D'AVOCATS DARWENT      POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver (C.-B.)

Morris Rosenberg          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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