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     Date : 20000307

     Dossier : T-530-96


ENTRE :

     MICHAEL O'SULLIVAN

     demandeur

     - et -


     LE MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT

     DU CANADA

     défendeur



     ORDONNANCE (MOTIFS ET DISPOSITIF)


Le protonotaire LAFRENIÈRE


[1]      Il y a requête par le demandeur en prorogation du délai de signification et de dépôt de son dossier. Le défendeur s'y oppose par ce motif que le retard n'a pas été convenablement expliqué. Voici les motifs de ma décision.

[2]      À la suite de l'introduction, le 5 mars 1996, de son recours en contrôle judiciaire en application de l'article 41 de la Loi sur l'accès à l'information, le demandeur, qui n'était pas assisté d'avocat à l'époque, a été presque immédiatement informé par le défendeur que la procédure était tardive et qu'il devait demander à la Cour d'en proroger le délai.

[3]      S'en est suivi un échange de correspondance entre le demandeur et l'avocat du défendeur de mars 1996 à septembre 1997. Visiblement frustré dans ses tractations avec le défendeur, le demandeur a écrit à la Cour pour lui demander conseils et directives. Le 9 octobre 1997, le greffe l'a invité à introduire une requête en directives avec préavis de deux jours francs au défendeur. Il n'a cependant rien fait jusqu'à la délivrance d'un avis d'examen de l'état de l'instance, le 4 mars 1999.

[4]      Le 7 avril 1999, M. Sasso, l'avocat du demandeur, a soumis ses conclusions écrites en réponse à cet avis. Il faisait savoir que son cabinet avait été récemment retenu pour représenter le demandeur et pour répondre à l'avis d'examen de l'état de l'instance. Il se peut qu'il n'ait été constitué avocat que récemment, mais sa participation à l'affaire n'était pas récente. Selon une note versée au dossier, un préposé du greffe a communiqué dès le 20 janvier 1998 avec M. Sasso (orthographié à tort " Faso "), qui a fait savoir alors qu'il demanderait au demandeur des instructions au sujet d'une requête en directives. Le 12 février 1998, il a informé le greffe qu'à l'issue de l'audition d'une affaire connexe, prévue pour le 13 mars 1998 devant la Cour de l'Ontario, son client déciderait s'il poursuivrait son recours. Cette fois encore, rien n'a été fait jusqu'à l'avis d'examen de l'état de l'instance délivré en mars 1999.

[5]      Dans ses conclusions écrites soumises en réponse à l'avis de l'examen de l'état de l'instance, le demandeur a demandé à la Cour de ne pas rejeter son recours, dont le retard s'expliquait " en partie par son ignorance de la procédure devant la Cour ". Il l'engage à " fixer des délais impératifs pour la production des réponses ainsi que d'autres mesures à prendre avant la date d'audition ". Sans reconnaître que son recours était tardif, il soutient que la Cour pourrait en proroger le délai soit avant soit après l'expiration des 45 jours prévus à l'article 41 de la Loi sur l'accès à l'information et qu'elle devrait le faire dans les circonstances de la cause.

[6]      Le 3 mai 1999, le protonotaire adjoint Peter A.K. Giles a autorisé la poursuite du recours à titre d'instance à gestion spéciale, ordonné au demandeur de soumettre une requête en prorogation du délai d'introduction de ce recours au 25 mai 1999 au plus tard, et décidé que les délais prévus aux règles 306 à 314 s'appliqueraient à la procédure à compter de cette dernière date.

[7]      Le demandeur a déposé le 5 juillet 1999 sa requête en prorogation du délai d'introduction de son recours. Ce retard était imputable à une erreur administrative du greffe dans la communication de l'ordonnance du protonotaire adjoint aux parties. Le 6 juillet 1999, sur consentement des parties, le juge Evans a accordé la prorogation du délai et ordonné que le recours en contrôle judiciaire se déroule conformément à l'échéancier suivant :

     a)      Le demandeur déposera tout témoignage par affidavit complémentaire dans les 30 jours de la signature de la présente ordonnance;
     b)      Les délais prévus aux Règles de la Cour fédérale s'appliqueront par la suite.

[8]      Le demandeur a apparemment choisi de ne déposer aucun affidavit complémentaire. Le 21 septembre 1999, le défendeur dépose ses preuves et témoignages par affidavit. Le demandeur n'a plus rien fait pour mettre l'affaire en état jusqu'au 5 janvier 2000, date à laquelle il demande la convocation d'une conférence de gestion de l'instance pour " fixer un échéancier pour la production des documents et la date de l'audition ".

[9]      Une conférence de gestion de l'instance a eu lieu le 1er février 2000 avec la participation des avocats des deux parties. À l'ouverture de cette téléconférence, l'avocat du demandeur a présenté de vive voix une requête en prorogation du délai de dépôt du mémoire de ce dernier. Étant donné que le demandeur n'a produit aucune preuve pour expliquer le retard dans le dépôt de son dossier, la Cour lui a ordonné de soumettre une requête en prorogation de délai au 14 février 2000 au plus tard.

[10]      L'une et l'autre parties ont déposé des affidavits à l'appui de leur position respective, lesquels n'ont cependant donné lieu à aucun contre-interrogatoire. L'avocat du demandeur reconnaît en toute franchise que son client et lui-même se sont mépris sur la procédure à suivre, ajoutant que le défendeur était en partie responsable de la " confusion ". Il soutient que le demandeur a un dossier défendable et que le défendeur n'a subi aucun préjudice en raison du retard. Celui-ci réplique que le demandeur n'a pas convenablement expliqué le retard et qu'il lui incombe de prouver que la prorogation du délai ne causera aucun préjudice au défendeur, ce que le demandeur n'a pu faire.

[11]      En jugeant si je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire en la matière pour accorder la prorogation du délai en l'espèce, je me suis référé à la cause Chin c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 69 F.T.R. 77 (1re inst.), dans laquelle Mme le juge Reed s'est prononcée en ces termes :

     [7] Je pense que je devrais expliquer ma façon de traiter les requêtes visant à obtenir une prolongation de délai. Je prends tout d'abord pour hypothèse que les délais prescrits dans les règles doivent en principe être respectés. S'ils sont trop courts, il faudrait demander que les règles soient modifiées afin d'allonger ceux-ci. Je ne fais pas droit à une demande de prolongation de délai pour le simple motif qu'il s'agit de la première fois que l'avocat présente une telle demande ou que sa charge de travail est trop lourde. J'estime que ce genre de décision est injuste pour les avocats qui, pour respecter les délais prescrits, refusent des clients parce que leur charge de travail est trop lourde ou qui remuent ciel et terre pour respecter les délais et ce, à leur propre détriment. Comme je l'ai indiqué, j'estime que les délais prescrits dans les règles doivent en principe être respectés et sont censés s'appliquer à chacun, de la même manière. Si une prolongation devait être accordée automatiquement simplement parce qu'un avocat en fait la demande, les règles devraient le prévoir pour chaque personne qui le demande.
     [8] Quels sont donc les motifs pour lesquels j'accorde une prolongation de délai. J'ai déjà indiqué que, en règle générale, je ne rends pas une décision favorable lorsque les demandes reposent uniquement sur la charge de travail de l'avocat. Lorsque je suis saisie d'une demande de prolongation de délai, je cherche un motif qui échappe au contrôle de l'avocat ou du requérant, par exemple, la maladie ou un autre événement inattendu ou imprévu.
     [9] En l'espèce, le retard ne découle pas d'un tel événement imprévu. Au moment du dépôt de la demande d'autorisation, l'avocate savait que le délai pour présenter celle-ci était de trente jours, que son client habitait à Campbell River et qu'elle assisterait au congrès du Barreau vers la fin du mois d'août. Elle était libre d'organiser son horaire en conséquence. Compte tenu des circonstances, il m'était donc difficile de justifier l'octroi d'une prolongation de délai.
     [10] Je sais que les tribunaux hésitent souvent à désavantager les individus parce que leurs avocats n'ont pas agi dans les délais. Par ailleurs, dans les affaires de ce genre, l'avocat agit au nom de son client. L'avocat et le client ne font qu'un. Il est trop facile pour l'avocat de justifier son inobservation des règles en alléguant que son client n'est nullement responsable du retard et que si une prolongation de délai n'est pas accordée, il subira un préjudice. Revenons à la question de l'équité. Il est inéquitable que certains avocats agissent en tenant pour acquis que, sauf imprévu, les délais doivent être respectés et que d'autres présument qu'ils n'ont qu'à plaider la surcharge de travail, ou n'importe quel autre événement contrôlable, et qu'ils obtiendront au moins une prolongation de délai. En l'absence d'une règle expresse s'appliquant dans ces derniers cas, je considère que la première attitude est celle qu'il faut adopter.

[12]      Les parties à un litige sont censées observer les délais prévus dans les Règles à moins de pouvoir convaincre la Cour qu'une prorogation de délai est indiquée. Qui plus est, la partie qui fait défaut doit satisfaire à une norme plus rigoureuse quand elle demande une prorogation de délai après que la procédure a été maintenue à l'issue d'un examen de l'état de l'instance.

[13]      À mon avis, l'explication donnée par le demandeur du retard dans le dépôt de son dossier est entièrement insatisfaisante.

[14]      En premier lieu, c'est lui-même qui a demandé à la Cour de fixer des délais impératifs. Que le protonotaire adjoint et le juge Evans aient ordonné l'un et l'autre aux parties d'observer les délais prévus aux Règles, ne devait donc pas le surprendre. Il lui incombait de se conformer strictement aux délais prescrits par la Cour.

[15]      En deuxième lieu, l'explication par le demandeur qu'il pensait que " les mesures à prendre pour mettre l'affaire en état ont été prises " est inadmissible. Les règles relatives au recours en contrôle judiciaire sont cohérentes et simples, elles indiquent en détail la procédure à suivre par les parties. Le demandeur avait initialement argué de son ignorance des questions de procédure pour justifier son long retard jusqu'à l'examen de l'état de l'instance. Il n'a plus cette excuse.

[16]      Enfin, il n'y a aucune preuve, contrairement à ce que prétend le demandeur, que " la confusion quant à la procédure à suivre dans le cadre de cette instance à gestion spéciale est en partie imputable à l'avocat du défendeur ". L'obligation que le défendeur tient de la règle 310 de déposer son dossier est subordonnée à la signification du dossier du demandeur. Puisque celui-ci ne s'est pas conformé à la règle 309, l'obligation du défendeur n"est jamais entrée en jeu.

[17]      Le principe premier qui régit les demandes de prorogation de délai est celui de la justice. En l'espèce, la justice exige que le demandeur soit tenu aux délais stricts prescrits par la Cour, à moins de circonstances imprévues, dont aucune n'a été établie. J'en conclus qu'il faut rejeter la requête en instance.

[18]      Le dépôt du dossier du demandeur en application de la règle 309 fait partie intégrante de la procédure. En l'absence des dossiers des parties, ce recours ne saurait se poursuivre. Par conséquent, le recours lui-même sera aussi rejeté.

[19]      La règle 410 prévoit que sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens afférents à la requête en prorogation de délai sont à la charge du requérant. La Cour a fait droit à la contestation de la requête par le défendeur; les dépens doivent donc suivre le sort du principal.

     LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

[20]      La requête en prorogation du délai de dépôt du dossier du demandeur est rejeté.

[21]      Le recours est rejeté.

[22]      Le demandeur paiera au défendeur ses dépens de la requête en instance et du recours.

     Signé : Roger R. Lafrenière

     ________________________________

     Protonotaire

Toronto (Ontario),

le 7 mars 2000



Traduction certifiée conforme,




Bernard Olivier, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER No :              T-530-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Michael O'Sullivan

                     c.

                     Le ministre de l'Environnement du Canada


REQUÊTE INSTRUITE À TORONTO (ONTARIO) SOUS LE RÉGIME DE LA RÈGLE 369


ORDONNANCE (MOTIFS ET DISPOSITIF) PRONONCÉE PAR LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE


LE :                      Mardi 7 mars 2000



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


McMillan Binch                  pour le demandeur

Avocats

Bureau 3800, South Tower

Royal Bank Plaza

Toronto (Ontario)

M5J 2J7

Morris Rosenberg                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada



     COUR FÉDÉRALE DU CANADA
     Date : 20000307
     Dossier : T-530-96
ENTRE :
     MICHAEL O'SULLIVAN
     demandeur
     - et -

     LE MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT
     DU CANADA
     défendeur




     ORDONNANCE (MOTIFS ET DISPOSITIF)

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