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Date : 20220117


Dossier : IMM-5647-20

Référence : 2022 CF 46

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 17 janvier 2022

En présence de madame la juge Pallotta

ENTRE :

TEMITAYO PRISCA IDOWU

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Temitayo Prisca Idowu sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de réexamen par laquelle sa demande de permis de travail postdiplôme (PTPD) a été rejetée. L’agent d’immigration (l’agent) a conclu que Mme Idowu n’était pas admissible à un PTPD parce que, i) même si elle était inscrite à titre d’étudiante étrangère au programme de baccalauréat en commerce à l’Université MacEawan, elle n’a pas conservé le statut d’étudiant à temps plein durant tous les trimestres d’études, et ii) elle a pris un congé d’études de plus de 150 jours sans fournir de preuve que son congé avait été autorisé par l’établissement d’enseignement.

[2] Mme Idowu soutient que la décision de l’agent est déraisonnable. Elle fait valoir qu’elle est visée par une dispense de l’obligation de conserver un statut d’étudiant à temps plein, car elle a pris des congés d’études en raison de difficultés financières et elle a continué de respecter les conditions de son permis d’études. Elle affirme que l’agent a évalué sa demande sans tenir compte des circonstances entourant ses congés.

[3] De plus, Mme Idowu soutient que l’agent a manqué à l’équité procédurale, car il n’a pas demandé de renseignements ni de documents supplémentaires pour évaluer les motifs de ses congés et pour évaluer si elle avait respecté les conditions de son permis d’études.

[4] Pour les motifs qui suivent, je conclus que Mme Idowu n’a pas démontré que l’agent a rendu une décision déraisonnable ou qu’il a manqué à l’équité procédurale.

II. Norme de contrôle

[5] Le caractère raisonnable de la décision de l’agent est déterminé conformément aux directives énoncées par la Cour suprême dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. La norme de la décision raisonnable est une forme de contrôle empreinte de déférence, mais rigoureuse : Vavilov, aux para 12-13, 75 et 85. La cour de révision doit se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité : Vavilov, au para 99. Une décision raisonnable est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, au para 85. Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable : Vavilov, au para 100.

[6] Les questions relatives à l’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon une norme semblable à celle de la décision correcte : Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54 [Chemin de fer Canadien Pacifique]. L’obligation d’équité procédurale est « éminemment variable », intrinsèquement souple et tributaire du contexte : Vavilov, au para 77. La Cour qui évalue une question d’équité procédurale doit se demander si la procédure était équitable, compte tenu de l’ensemble des circonstances : Chemin de fer Canadien Pacifique, au para 54.

III. Analyse

A. La décision de l’agent est-elle déraisonnable?

[7] L’un des critères d’admissibilité au PTPD est que le demandeur détienne un statut temporaire valide ou qu’il ait quitté le Canada. Le demandeur doit être diplômé d’un établissement d’enseignement désigné (EED) et doit prouver clairement qu’il a : i) terminé un programme d’une durée d’au moins huit mois au Canada dans un établissement désigné et qui mène à un grade, un diplôme ou à un certificat; ii) conservé son statut d’étudiant à temps plein pendant chacun des trimestres du programme, sauf pour la prise d’un congé d’études et le dernier trimestre d’études; iii) reçu un relevé de notes et une lettre officielle de l’EED concerné confirmant qu’il a satisfait aux critères de réussite de son programme d’études, et joint ces documents à la demande de PTPD. Dans les 180jours suivant la date de présentation de sa demande de PTPD, le demandeur doit également satisfaire à l’un des critères suivants : i) être titulaire d’un permis d’études valide; ii) avoir été titulaire d’un permis d’études valide; ou iii) avoir été autorisé à étudier au Canada sans avoir à obtenir de permis d’études au titre des alinéas 188(1)a) et b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés [le RIPR].

[8] Selon les notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas (le SMGC), les motifs pour lesquels l’agent a rejeté la demande de PTPD de Mme Idowu sont les suivants :

[traduction]

La demande de réexamen a été évaluée et la décision est confirmée. La cliente n’a pas conservé le statut d’étudiant à temps plein pendant chacun des trimestres du programme. Elle a également pris un congé d’études durant les trimestres de l’automne 2017 et de l’hiver 2018,omettant ainsi de se conformer aux conditions de son permis d’études. Lorsqu’un étudiant suit activement son programme d’études, tout congé d’un programme d’études au Canada qu’il prend ne doit pas dépasser 150 jours à compter de la date du début du congé et doit être autorisé par l’établissement d’enseignement; la cliente a pris un congé de plus de 150 jours et n’a fourni aucune preuve d’autorisation de l’établissement d’enseignement. La cliente n’est donc pas admissible à une dispense C43. Une lettre a été envoyée à la cliente pour l’informer que la décision est confirmée.

[9] Mme Idowu fait valoir qu’elle s’est conformée à toutes les exigences du PTPD, sauf celle relative au maintien du statut d’étudiant à temps plein. À cet égard, Mme Idowu soutient qu’il existe une exception pour les congés et qu’elle a pris un congé d’études en raison de difficultés financières. Mme Idowu affirme que l’agent n’a pas tenu compte du motif de ses absences afin d’établir si elle étudiait de façon continue. En outre, Mme Idowu soutient que ses congés ont été approuvés par l’Université MacEwan.

[10] Étant donné que Mme Idowu est demeurée au Canada pendant son congé d’études, l’agent a également dû établir si elle a continué de respecter les conditions de son permis d’études. À cet égard, Mme Idowu affirme qu’elle est demeurée inscrite à son programme d’études et qu’elle l’a suivi activement tout au long de la période où elle demeurait au Canada : art 220.1(1) du RIPR.

[11] Finalement, Mme Idowu fait valoir que les motifs de l’agent sont brefs et fondés sur une formule et qu’ils ne respectent pas l’obligation de fournir des motifs intelligibles pour justifier la décision.

[12] Je ne suis pas convaincue que la décision de l’agent est déraisonnable.

[13] Comme le souligne le défendeur, Mme Idowu ne conteste pas le fait qu’elle a été étudiante à temps partiel pendant le trimestre de l’hiver 2017. Pour être admissibles à un PTPD, les étudiants doivent conserver leur statut d’étudiant à temps plein pendant chacun des trimestres du programme d’études, sauf durant le dernier trimestre. Pour ce seul motif, Mme Idowu n’était pas admissible au PTPD parce qu’elle n’a pas conservé son statut d’étudiant à temps plein pendant le trimestre de l’hiver 2017, qui n’était pas le dernier trimestre d’études de son programme.

[14] De plus, Mme Idowu ne s’est inscrite à aucun cours durant trois trimestres (les trimestres de l’automne 2017 et de l’hiver 2018, mentionnés dans les notes du SMGC, ainsi que le trimestre de l’automne 2016). Selon la demande de réexamen de Mme Idowu, pendant trois trimestres, elle n’a pas été en mesure de poursuivre ses études en raison des difficultés financières de ses parents, qui finançaient ses études. Cependant, dans sa demande de PTPD, Mme Idowu n’a pas expliqué pourquoi ses parents ne pouvaient pas lui fournir une aide financière et n’a pas fourni de preuve établissant que ses parents ou elle n’avaient pas les moyens de payer des études à temps plein pendant les trimestres concernés. Mme Idowu n’a pas cité de décision à l’appui de son argument selon lequel l’agent devait tenir compte des circonstances entourant ses congés afin d’établir si elle étudiait de façon continue. Quoi qu’il en soit, dans sa demande, Mme Idowu n’a pas expliqué ces circonstances et a simplement affirmé que les périodes d’absence étaient attribuables aux difficultés financières de ses parents.

[15] De plus, selon les notes du SMGC, un congé de plus de 150 jours doit être autorisé par l’établissement d’enseignement. Dans son affidavit, Mme Idowu a déclaré que l’Université MacEwan avait excusé ses congés et qu’elle avait fourni [traduction] « une preuve de son admissibilité dans une lettre à IRCC » qu’elle a présentée dans sa demande de PTPD. Toutefois, le document de l’Université MacEwan ne fait aucunement mention de l’admissibilité de Mme Idowu au PTPD et n’est pas une lettre adressée à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Le document est plutôt intitulé [traduction] « Vérification des titres de compétences en date du 19 février 2020 » et confirme simplement que Mme Idowu a rempli toutes les exigences pour l’obtention du baccalauréat en commerce.

[16] Enfin, je souscris à la position du défendeur selon laquelle un étudiant qui ne reprend pas ses études dans les 150 jours suivant le début du congé devrait changer son statut (pour un statut de visiteur ou de travailleur) ou quitter le Canada, conformément aux directives pour l’évaluation de la conformité aux conditions du permis d’études. Mme Idowu soutient qu’elle est visée par une exception relative aux conditions de son permis d’études parce qu’elle a été temporairement dépourvue de ressources en raison de circonstances indépendantes de sa volonté et de celle de toute personne dont elle dépend pour le soutien financier nécessaire à l’achèvement de ses études : art 220.1(3), 300(2)f) et 208a) du RIPR. Toutefois, l’agent (à l’instar de la Cour) n’a reçu aucun élément de preuve démontrant que le congé d’études de Mme Idowu donnait lieu à une exception en raison du fait que ses parents ou elle avaient été temporairement dépourvus de ressources. L’agent a conclu de façon raisonnable que Mme Idowu ne s’était pas conformée aux conditions de son permis d’études.

[17] La jurisprudence de la Cour établit clairement que les agents ne peuvent pas ignorer les critères d’admissibilité obligatoires du PTPD et que ces critères doivent être strictement appliqués : Nookala c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1019 au para 12; Osahor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 666 aux para 12-17; Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 572 au para 13; Kim c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 526 au para 11; Ofori c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 212 au para 14; Brown c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 452 au para 23; Marsh c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 408 [Marsh]; Saggu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 31.

[17]

[18] En résumé, Mme Idowu n’a pas démontré que la décision de l’agent est déraisonnable. La décision de l’agent est étayée par le dossier. Bien que les motifs soient brefs, ils fournissent le fondement de la décision de l’agent et celle-ci est transparente, intelligible et justifiée.

B. L’agent a-t-il manqué à l’équité procédurale?

[19] Mme Idowu fait valoir que l’agent devait lui donner l’occasion de dissiper les doutes exprimés quant à la question de la conformité aux conditions de son permis d’études. Le paragraphe 220.1(1) du RIPR permet aux agents de demander les documents supplémentaires dont ils ont besoin pour réaliser leur évaluation, et l’agent ne l’a pas fait en l’espèce. Mme Idowu invoque la décision Doron c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 429 [Doron], en tant que décision étayant de façon convaincante son argument voulant qu’elle ait été privée de son droit à l’équité procédurale. Elle s’appuie également sur le paragraphe 24 de la décision Ching-Chu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 855, selon lequel la restriction indue du pouvoir discrétionnaire d’un agent constitue une erreur susceptible de contrôle.

[20] En l’espèce, l’agent n’a pas restreint indûment son pouvoir discrétionnaire et, à mon avis, la décision Doron n’est d’aucune aide pour Mme Idowu. Dans la décision Doron, l’agent s’est écarté de la pratique consistant à envoyer une liste de contrôle indiquant les documents requis et le demandeur avait envoyé un certificat de police qui différait du type de celui que l’agent avait demandé. Le demandeur ignorait que le certificat de police qu’il avait présenté était inadéquat. Par contre, en l’espèce, la demande de PTPD de Mme Idowu avait été refusée précédemment parce que celle-ci n’a pas étudié à temps plein de façon continue au Canada. Elle connaissait la raison du précédent refus au moment où elle a présenté sa demande de réexamen et elle a eu l’occasion de déposer des documents à l’appui qui auraient expliqué pourquoi elle avait étudié à temps partiel au trimestre de l’hiver 2017 et pourquoi elle n’avait suivi aucun cours pendant trois trimestres dans le cadre de son programme.

[21] L’agent n’avait pas l’obligation de demander des documents supplémentaires pour l’aider à évaluer les motifs pour lesquels Mme Idowu ne s’était pas inscrite à des cours pendant trois trimestres ou pour établir si elle avait enfreint les conditions de son permis d’études. Il appartient au demandeur de soumettre à l’agent tous les renseignements en lien avec l’admissibilité de sa demande initiale. Le demandeur n’est pas en droit de se voir offrir la possibilité d’améliorer ou de présenter de nouveau une demande de PTPD en formulant des observations ou en produisant des éléments de preuve supplémentaires : Marsh, au para 37; Saloni c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 474 au para 40, citant Masam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 751 au para 11.

IV. Conclusion

[22] Mme Idowu n’a pas démontré que l’agent a rendu une décision déraisonnable ou qu’il a manqué à l’équité procédurale. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[23] La présente affaire ne soulève aucune question à certifier.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-5647-20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Christine M. Pallotta »

Juge

Traduction certifiée conforme

Philippe Lavigne-Labelle


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5647-20

 

INTITULÉ :

TEMITAYO PRISCA IDOWU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 OCTOBRE 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE PALLOTTA

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 JANVIER 2022

 

COMPARUTIONS :

Philip U. Okapala

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Leanne Briscoe

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Okpala Law Offices Professional Corp.

Avocats

Hamilton (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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