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Date : 20220105


Dossier : 21‑T‑51

Référence : 2022 CF 5

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 5 janvier 2022

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

JASON SHOWERS

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] La Cour est saisie d’une requête présentée par écrit, en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], afin d’obtenir une prorogation du délai prévu pour présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 30 avril 2020 par laquelle l’Agence du revenu du Canada [l’ARC] a conclu que le demandeur n’était pas admissible à la Prestation canadienne de la relance économique [la décision de l’ARC].

II. Contexte

[2] Le 30 avril 2021, un agent de l’ARC a rendu, au nom du ministre de l’Emploi et du Développement social, la décision de deuxième palier de l’ARC par laquelle était refusée la demande de Prestation canadienne de la relance économique [la PCRE] du demandeur, M. Jason Showers, parce que les revenus de ce dernier n’avaient pas atteint le seuil de 5 000 $ prévu à l’alinéa 3(1)e) de la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, LC 2020, c 12, art 2.

[3] Le demandeur a reçu la décision de l’ARC le 6 mai 2021 ou vers cette date.

[4] Après avoir reçu la décision de l’ARC, le demandeur a révisé sa déclaration de revenus de 2019 avec l’aide de BrownStone Tax Services le 18 mai 2021 ou vers cette date. Selon le sommaire de sa déclaration de revenus de 2019 révisée, ses revenus brut et net de travail indépendant s’élevaient respectivement à 6 850 $ et à 5 390 $.

[5] Le ou vers le 30 juin 2021, le demandeur a fourni à l’ARC le sommaire de la déclaration de revenus de 2019 révisée et il a demandé un nouvel examen de son admissibilité à la PCRE. Vers la dernière semaine d’août, le demandeur a été avisé par téléphone que l’ARC refusait de réexaminer son admissibilité, parce qu’un examen de deuxième palier avait déjà été effectué.

[6] Le 1er octobre 2021, alors qu’il était en communication avec le service de la validation de l’ARC, le demandeur, accompagné par un conseiller juridique, a été informé qu’un nouvel examen de l’admissibilité ne serait pas effectué et qu’il devrait procéder au moyen d’une demande de contrôle judiciaire de la décision contestée.

[7] Le 18 octobre 2021, le demandeur a déposé un avis de requête dans lequel il demandait une prorogation du délai pour présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision de l’ARC auprès du défendeur, par courriel. Il a déposé son avis de requête auprès de la Cour fédérale le 22 octobre 2021.

III. La question en litige

[8] La seule question en litige est celle de savoir si le demandeur devrait se voir accorder une prorogation du délai prévu pour présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision de l’ARC.

IV. Analyse

[9] À titre préliminaire, l’intitulé devrait être modifié pour indiquer, comme il se doit, que le défendeur est le procureur général du Canada. Par les présentes, cette modification est apportée.

[10] Suivant le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F‑7, le demandeur devait déposer un avis de demande de contrôle judiciaire au plus tard le 7 juin 2021; il était en retard d’environ quatre mois et demi.

[11] La Cour a le pouvoir discrétionnaire de proroger le délai dont dispose une partie directement touchée par une décision pour présenter une demande de contrôle judiciaire. Lorsqu’elle se demande s’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder une prorogation du délai, les principales questions qu’elle doit examiner sont celles de savoir si la partie requérante a démontré :

(i) une intention constante de poursuivre sa demande;
(ii) qu’il existe une explication raisonnable justifiant le retard;
(iii) que la demande est bien fondée;
(iv) que le défendeur ne subit pas de préjudice en raison du délai.

[12] Toutefois, je suis d’accord avec le défendeur que la considération primordiale est celle de l’intérêt de la justice [Canada (Procureur général) c Larkman, 2012 CAF 204 au para 62].

[13] Le demandeur fonde sa demande de prorogation sur sa déclaration de revenus de l’année d’imposition 2019 révisée le 18 mai 2021, selon laquelle son revenu net de travail indépendant s’élevait à 5 390 $, et il invoque également des problèmes de santé considérables qu’il a subis avant de présenter sa demande de prorogation.

[14] Cependant, cette preuve n’était pas entre les mains du décideur au moment opportun et elle ne serait normalement pas admissible dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire du demandeur.

[15] De plus, la demande de réexamen que le demandeur aurait présentée à l’ARC le 30 juin 2021 et les demandes répétées qu’il aurait présentées dans l’intention de provoquer une réponse ne sauraient justifier une prorogation du délai prévu pour présenter une demande de contrôle judiciaire, non plus que le fait de n’avoir pas pris conscience que le délai pour déposer sa demande de contrôle judiciaire continuait de s’écouler en dépit de ses demandes de réexamen non traitées [1594418 Ontario Inc c Canada (Revenu national), 2021 CF 157 au para 46; Katebi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 813 au para 21].

[16] Néanmoins, je ne partage pas la position du défendeur selon laquelle le demandeur n’a pas manifesté une intention constante de poursuivre sa demande ou qu’il n’existe pas d’explication raisonnable justifiant qu’il ait tardé à le faire. À la lumière des faits en l’espèce, je ne juge pas non plus le défendeur convaincant lorsqu’il soutient qu’il subit un préjudice.

[17] La vraie question est celle de savoir s’il est possible que la demande soit fondée, et la question de l’équité procédurale paraît justifier un examen approprié dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

[18] L’ARC a établi un processus d’examen des demandes à deux paliers. Lorsqu’une demande d’examen lui est présentée, l’ARC procède à un premier examen et communique ensuite sa décision par écrit. Une personne peut demander un deuxième examen, par écrit, si elle estime que l’ARC n’a pas exercé correctement son pouvoir discrétionnaire dans le cadre du premier examen.

[19] En vue du deuxième examen, sont exigés :

  • les raisons du désaccord avec la décision de l’ARC (par exemple, les renseignements n’ont pas tous été pris en considération, certains faits ou détails ont été oubliés, ont été mal interprétés ou n’ont pas été examinés dans leur bon contexte);

  • tout nouveau document utile, fait nouveau ou correspondance.

[20] Dans la présente affaire, d’après les renseignements dont je dispose, il ne semble pas qu’un deuxième examen a été effectué, bien que l’ARC ait informé le demandeur du contraire. Il appert que le demandeur a présenté une demande à l’ARC. Cette demande a été rejetée, une décision rendue à l’issue d’un premier examen. Le demandeur a ensuite fait des démarches pour réviser sa déclaration de revenus et présenter la déclaration révisée à l’ARC, en vue, vraisemblablement, de ce que l’ARC appelle le deuxième examen administratif. De fait, ses renseignements fiscaux révisés, ainsi que les renseignements supplémentaires sur ses problèmes de santé, étaient exigés, puisqu’il s’agissait de documents et de faits nouveaux utiles au deuxième palier.

[21] Il ne semble pas que le demandeur se soit vu accorder cet examen de deuxième palier.

[22] J’accorde par les présentes la prorogation sollicitée par le demandeur, qui a jusqu’au 21 janvier 2022 pour déposer et signifier sa demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour.


JUGEMENT dans le dossier 21‑T‑51

LA COUR STATUE que :

  1. La prorogation du délai pour déposer et signifier la demande de contrôle judiciaire du demandeur est par les présentes accordée;

  2. Le demandeur a jusqu’au 21 janvier 2022 pour déposer et signifier sa demande de contrôle judiciaire.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

21‑T‑51

 

INTITULÉ :

JASON SHOWERS c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

REQUÊTE ÉCRITE

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 5 JANVIER 2022

 

COMPARUTIONS :

JASON SHOWERS

 

POUR LE DEMANDEUR

 

DOMINIK LONGCHAMPS

JASON STOBER

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

JASON SHOWERS

(POUR SON PROPRE COMPTE)

CAMBRIDGE (ONTARIO)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

MINISTÈRE DE LA JUSTICE DU CANADA

OTTAWA (ONTARIO)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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