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Date : 20220128


Dossier : T‑775‑20

T‑1511‑20

Référence : 2022 CF 101

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 janvier 2022

En présence de monsieur le juge Fothergill

Dossier : T‑775‑20

ENTRE :

PAUL KHOURY

demandeur

et

EMPLOI ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA

AHMED HUSSEN, MINISTRE

GRAHAM FLACK, SOUS‑MINISTRE

défendeurs

Dossier : T‑1511‑20

ET ENTRE :

PAUL KHOURY

demandeur

et

EMPLOI ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA

AHMED HUSSEN, MINISTRE

GRAHAM FLACK, SOUS‑MINISTRE

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Paul Khoury travaille à Emploi et Développement social Canada [EDSC] depuis 1997. Avant d’amorcer un long congé autorisé, il était conseiller principal en programmes pour le Régime de pensions du Canada et la Sécurité de la vieillesse.

[2] En novembre 2019, M. Khoury a présenté deux demandes d’accès à des renseignements personnels le concernant [P‑2019‑02548 et P‑2019‑02550] en vertu des articles 12 et 13 de la Loi sur la protection des renseignements personnels [la LPRP], LRC (1985), c P‑21. Il souhaitait obtenir divers registres électroniques et d’autres informations couvrant sa carrière au gouvernement, qui s’étend sur une période de 23 ans. En décembre 2019, M. Khoury a déposé une troisième demande d’accès [P‑2019‑03018] par laquelle il voulait obtenir l’entièreté de son dossier d’employé ainsi que tous les dossiers de ressources humaines qu’EDSC et le gouvernement du Canada avaient accumulés à son sujet depuis 1997.

[3] Le bureau de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels [bureau de l’AIPRP] a rejeté les demandes P‑2019‑02548 et P‑2019‑02550 présentées en vertu de l’alinéa 12(1)b) et du paragraphe 13(2) de la LPRP au motif que le demandeur n’avait pas fourni d’« indications suffisamment précises pour que l’institution fédérale puisse les retrouver sans problèmes sérieux ». M. Khoury a déposé une plainte auprès du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada [le CPVP]. Le 5 juin 2020, le CPVP a conclu que sa plainte n’était pas fondée.

[4] M. Khoury a déposé une deuxième plainte auprès du CPVP, arguant qu’EDSC n’avait pas traité sa demande d’information P‑2019‑03018. Le 17 novembre 2020, le CPVP a conclu qu’EDSC n’avait effectivement pas traité la demande de M. Khoury dans le délai imparti et qu’il fallait donc en conclure que la demande avait été rejetée. Le CPVP a conclu que la plainte de M. Khoury concernant la demande P‑2019‑03018 était fondée.

[5] Le 26 janvier 2021, EDSC a répondu à la demande P‑2019‑03018 de M. Khoury en lui transmettant un dossier de documents communicables contenant 766 pages.

[6] M. Khoury a présenté deux demandes de contrôle judiciaire : l’une à l’égard du rejet par EDSC de ses demandes de renseignements personnels P‑2019‑02548 et P‑2019‑02550 [dossier de la Cour no T‑775‑20], et l’autre au sujet du rejet présumé par EDSC de sa demande de renseignements personnels P‑2019‑03018 [dossier de la Cour no T‑1511‑20].

[7] La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue dans le dossier no T‑775‑20 doit être rejetée parce que le bureau de l’AIPRP d’EDSC a conclu, de manière raisonnable, que M. Khoury n’avait pas fourni d’« indications suffisamment précises pour que l’institution fédérale puisse les retrouver sans problèmes sérieux ».

[8] La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue dans le dossier no T‑1151‑20 est rejetée en raison de son caractère théorique. Puisque M. Khoury n’est pas satisfait des documents communicables reçus le 26 janvier 2021, il doit s’adresser au CPVP et non à la Cour.

II. Contexte

Dossier de la Cour no T‑775‑20

[9] M. Khoury a demandé les renseignements suivants dans les demandes d’accès P‑2019‑02548 et P‑2019‑02550 :

  • a) des registres contenant le nom des personnes qui pourraient avoir consulté son profil du GC pendant la durée de son emploi;

  • b) des registres contenant le nom des personnes qui pourraient avoir consulté sa boîte de messagerie Microsoft Outlook pendant la durée de son emploi;

  • c) des registres contenant le nom des personnes qui pourraient avoir consulté sa boîte de messagerie « Banyan » pendant la durée de son emploi;

  • d) tout enregistrement audio ou vidéo de conversations personnelles ou professionnelles au travail ou à l’extérieur du lieu de travail fait par des employés, des membres de la direction ou des membres du syndicat;

  • e) toute photo de lui qui serait en possession d’employés d’EDSC;

  • f) tout article ou document personnel qui serait en possession d’employés, de membres de la direction ou de membres du syndicat d’EDSC.

[10] Le 13 novembre 2019, M. Khoury a reçu un appel d’un agent du bureau de l’AIPRP d’EDSC [l’agent]. L’agent lui a demandé des précisions sur ses demandes d’accès. M. Khoury a confirmé qu’il avait commencé à travailler au gouvernement en 1997, et donné le nom de son gestionnaire.

[11] L’agent a fait des vérifications pour savoir si les renseignements demandés par M. Khoury pouvaient être récupérés. Il a été informé que la plateforme de courriels Banyan n’existait plus depuis 2003, en conséquence de quoi cet aspect de la demande de M. Khoury ne pourrait pas être traité. Quant à la demande de registres électroniques, elle était trop générique : les enquêtes ne pouvaient être faites que pour des utilisateurs précis, selon le besoin de savoir, et un nombre limité de personnes devaient participer à ces enquêtes. Enfin, la Direction générale des services d’intégrité a indiqué qu’il n’existait aucun enregistrement audio ou vidéo fait à EDSC.

[12] Le 27 novembre 2019, l’agent a informé M. Khoury par courriel que ses demandes seraient mises en suspens jusqu’à l’obtention d’autres précisions. Le même jour, lors d’un entretien téléphonique, l’agent a expliqué à M. Khoury que ces demandes ne pourraient être traitées, car elles visaient trop large et qu’elles portaient sur une période de 23 ans. Il lui a demandé de fournir des renseignements supplémentaires comme des noms, des dates ou des emplacements plus précis. Selon les défendeurs, M. Khoury a refusé de fournir des précisions et il a finalement été jugé qu’il avait abandonné ses demandes.

Dossier de la Cour no T‑1511‑20

[13] Par la demande P‑2019‑03018, M. Khoury souhaitait obtenir son dossier d’employé ainsi que tous les dossiers de ressources humaines qu’ESDC et le gouvernement du Canada avaient accumulés à son sujet depuis 1997. Il a aussi demandé les résultats d’une enquête visant à établir s’il possédait une arme à feu, ses registres de formation, ses dossiers disciplinaires, ses évaluations médicales et d’autres documents.

[14] Le bureau de l’AIPRP d’EDSC s’est adressé à différentes directions générales pour obtenir et les renseignements demandés et a reçu environ 890 pages de documents. Le 20 janvier 2020, l’agent d’AIPRP d’EDSC a demandé que le délai pour traiter le volume de documents reçus soit prolongé.

[15] Le 26 janvier 2021, EDSC a transmis à M. Khoury 766 pages de documents communicables en réponse à sa demande.

III. Questions en litige

[16] Les présentes demandes de contrôle judiciaire soulèvent les questions suivantes :

  1. EDSC a‑t‑il raisonnablement refusé les demandes d’accès à des renseignements personnels de M. Khoury [P‑2019‑02548 et P‑2019‑02550] au motif qu’il n’avait pas fourni suffisamment de précisions pour permettre l’extraction de renseignements?

  2. La demande de contrôle judiciaire de M. Khoury de la décision de rejeter sa demande d’accès à des renseignements personnels le concernant [P‑2019‑03018] doit‑elle être rejetée au motif qu’elle est théorique ou prématurée?

IV. Analyse

A. EDSC a‑t‑il raisonnablement refusé les demandes d’accès à des renseignements personnels de M. Khoury [P‑2019‑02548 et P‑2019‑02550] au motif qu’il n’avait pas fourni suffisamment de précisions pour permettre l’extraction de renseignements?

[17] Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la Cour suprême du Canada a soutenu que le Parlement est présumé avoir voulu que les tribunaux contrôlent les décisions administratives selon la norme de la décision raisonnable (para 23). La jurisprudence antérieure à l’arrêt Vavilov qui dictait comment effectuer un contrôle selon la norme de la décision raisonnable gardera en général son utilité, mais il convient d’y recourir prudemment compte tenu des principes énoncés récemment par la Cour suprême (arrêt Vavilov, au para 143).

[18] Dans l’arrêt Leahy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 227, la Cour d’appel fédérale a soutenu que la question de savoir si le demandeur avait fourni des renseignements suffisamment précis pour pouvoir les retrouver sans problèmes sérieux dépendait grandement des faits et appelait à la retenue (au para 102). Cette affirmation est conforme à celle, dans l’arrêt Vavilov, voulant que lors du contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la cour doit accorder une attention respectueuse à l’expertise établie du décideur (au para 93).

[19] Je suis d’accord avec les défendeurs pour dire que rien ne réfute la présomption que le rejet, par EDSC, des demandes de renseignements personnels de M. Khoury (P‑2019‑02548 et P‑2019‑02550) doit être contrôlé par la Cour selon la norme de la décision raisonnable. La Cour n’interviendra que si elle est convaincue que les décisions d’EDSC « souffre[nt] de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle[s] satisf[on]t aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (arrêt Vavilov, au para 100).

[20] Les paragraphes 12(1) et 13(2) de la Loi prévoient ce qui suit :

Droit d’accès

12 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, tout citoyen canadien et tout résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ont le droit de se faire communiquer sur demande:

a) les renseignements personnels le concernant et versés dans un fichier de renseignements personnels;

b) les autres renseignements personnels le concernant et relevant d’une institution fédérale, dans la mesure où il peut fournir sur leur localisation des indications suffisamment précises pour que l’institution fédérale puisse les retrouver sans problèmes sérieux. […]

13 […]

Demande de communication prévue à l’al. 12(1)b)

(2) La demande de communication des renseignements personnels visés à l’alinéa 12(1)b) se fait par écrit auprès de l’institution fédérale de qui relèvent les renseignements; elle doit contenir sur leur localisation des indications suffisamment précises pour que l’institution puisse les retrouver sans problèmes sérieux.

[Non souligné dans l’original.]

Right of access

12 (1) Subject to this Act, every individual who is a Canadian citizen or a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act has a right to and shall, on request, be given access to

(a) any personal information about the individual contained in a personal information bank; and

(b) any other personal information about the individual under the control of a government institution with respect to which the individual is able to provide sufficiently specific information on the location of the information as to render it reasonably retrievable by the government institution. […]

13 […]

Request for access under 12(1)(b)

(2) A request for access to personal information under paragraph 12(1)(b) shall be made in writing to the government institution that has control of the information and shall provide sufficiently specific information on the location of the information as to render it reasonably retrievable by the government institution.

[Emphasis added.]

[21] Dans la décision Oleynik c Canada (Commissaire à la protection de la vie privée), 2016 CF 1167, le juge Keith Boswell a soutenu qu’« [i]l incombait au demandeur de fournir une information suffisante relativement aux renseignements qu’il recherchait afin qu’il soit possible pour le CPVP de les “retrouver sans problèmes sérieux” » (au para 34). Il ne suffisait pas que le demandeur indique l’emplacement des renseignements; il devait aussi fournir les dates et les destinataires des courriels qu’il souhaitait obtenir.

[22] Dans l’affidavit versé au nom des défendeurs, il est précisé ce qui suit :

[traduction]
En ce qui concerne la demande P‑2019‑02548, le bureau de l’AIPRP d’EDSC a communiqué avec la Direction générale de l’innovation, de l’information et de la technologie d’EDSC pour savoir s’il était possible d’y donner suite. Le bureau a été informé qu’il était impossible d’extraire les courriels de la plateforme Banyan ainsi que les données connexes, puisque cette dernière n’est plus fonctionnelle depuis 2003. […]

Au sujet des autres aspects de la demande A‑2019‑02548, la Direction générale a informé le bureau de l’AIPRP qu’ils étaient trop génériques. Des enquêtes peuvent être effectuées au sujet d’utilisateurs précis. Toutefois, en raison de l’incidence possible sur la personne visée, de telles enquêtes doivent être menées selon le besoin de savoir et seul un nombre limité de personnes doit y participer.

Au sujet de la demande P‑2019‑02550, le bureau d’AIPRP d’EDSC a communiqué avec le bureau de première responsabilité (le BPR), à savoir la Direction générale des services d’intégrité. Le BPR a informé le bureau de l’AIPRP que le gouvernement n’effectue pas d’enregistrement audio ou vidéo dans les locaux d’EDSC.

[23] M. Khoury a contre‑interrogé par écrit le déposant des défendeurs, mais seulement à l’égard de deux questions : pourquoi ne lui a‑t‑on pas offert de lui fournir des dossiers d’enregistrement d’une période couvrant deux ans, ce qui semblait être une possibilité selon un élément de preuve joint à l’affidavit; pourquoi n’a‑t‑il pas été informé que des précisions étaient nécessaires ou que sa demande serait abandonnée s’il ne fournissait pas de renseignements supplémentaires. Devant la Cour, il conteste le caractère raisonnable de la décision d’EDSC pour des motifs semblables.

[24] Relativement à la première question, le déposant des défendeurs a expliqué que les extraits de l’élément de preuve auxquels M. Khoury faisait référence étaient une note au dossier rédigée par un agent de l’AIPRP d’EDSC à la suite d’une conversation avec un gestionnaire. La Direction générale de l’innovation, de l’information et de la technologie a ensuite indiqué que la demande de M. Khoury était trop générique et que pour permettre l’extraction des registres, ce dernier devait fournir des renseignements supplémentaires.

[25] En ce qui concerne la deuxième question, le déposant des défendeurs a expliqué que l’agent d’AIPRP avait bel et bien informé M. Khoury qu’il devait fournir des précisions; il l’a fait par courriel et lors de deux appels téléphoniques, les 13 et 27 novembre 2019. On lui demandait plus précisément de fournir les noms des personnes dont il suspectait qu’elles s’étaient introduites dans ses comptes, de même que les dates et les emplacements des incidents suspectés.

[26] Les éléments de preuve soumis au nom des défendeurs afin d’expliquer pourquoi EDSC avait rejeté les demandes de renseignements personnels de M. Khoury (P‑2019‑02548 et P‑2019‑02550) sont pour l’essentiel ni contestés ni contredits. Je souscris à la conclusion que le CPVP a exposée dans la lettre datée du 5 juin 2020 qu’il a envoyée à M. Khoury, à savoir que les demandes présentées par ce dernier au titre de la Loi sur la protection des renseignements personnels avaient été abandonnées parce qu’il n’avait pas fourni les précisions demandées dans le délai imparti. Le CPVP a soutenu qu’EDSC avait répondu adéquatement aux demandes de M. Khoury et que le ministère n’avait pas porté atteinte à son droit d’accès au titre de la LPRP.

[27] Dans la correspondance que le CPVP a adressée à M. Khoury, on peut lire ce qui suit : [traduction] « Si vous souhaitez que le bureau de l’AIPRP d’EDSC traite vos demandes, alors nous vous recommandons de communiquer avec lui pour faciliter l’extraction des dossiers que vous souhaitez obtenir ». Autrement dit, il est loisible à M. Khoury de poursuivre ses demandes, mais il doit fournir des précisions sur ce qu’il recherche.

[28] La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue dans le dossier no T‑775‑20 doit être rejetée parce que le bureau de l’AIPRP d’EDSC a conclu, de manière raisonnable, que M. Khoury n’avait pas fourni d’« indications suffisamment précises pour que l’institution fédérale puisse les retrouver sans problèmes sérieux ».

B. La demande de contrôle judiciaire de M. Khoury de la décision de rejeter sa demande d’accès à des renseignements personnels le concernant [P‑2019‑03018] doit‑elle être rejetée au motif qu’elle est théorique ou prématurée?

[29] Le CPVP a certes conclu que la plainte de M. Khoury selon laquelle sa demande d’accès à des renseignements personnels (P‑2019‑03018) n’avait pas été traitée dans le délai prévu, mais c’est le seul élément qu’il a examiné en l’espèce. On ne lui a jamais demandé de déterminer si les 766 pages de documents communicables remis à M. Khoury le 26 janvier 2021 constituaient une réponse suffisante à sa demande.

[30] Dans la décision Cumming c Canada (Gendarmerie royale du Canada), 2020 CF 271, une affaire qui, sur le plan juridique, ne se distingue pas de la présente affaire, le juge Patrick Gleeson a dit ce qui suit au paragraphe 32 :

[La] recommandation du commissaire à la protection de la vie privée se rapporte en l’espèce à une présomption de refus […]. Or, celui‑ci a obtenu réparation à l’égard de ce refus de communication. Le différend ayant donné lieu à la demande fondée sur l’article 41 a donc été réglé, de sorte que l’affaire est maintenant dénuée de portée pratique. Le demandeur a reçu, à l’égard du refus présumé, la réparation que notre Cour aurait été habilitée à prononcer à cet égard, et rien ne laisse penser qu’elle devrait quand même exercer son pouvoir discrétionnaire pour instruire l’affaire.

[31] Le juge Gleeson poursuit son raisonnement au paragraphe 33 :

M. Cumming n’a pas introduit devant le commissaire à la protection de la vie privée de plainte quant au caractère insatisfaisant pour lui de la communication partielle qu’il a reçue. Or, le dépôt d’une plainte devant ledit commissaire en cas de refus de communication est une condition préalable à la présentation d’une demande fondée sur l’article 41 (Heinz, par. 79) Comme M. Cumming n’a pas déposé de plainte devant le commissaire à la protection de la vie privée concernant le caractère satisfaisant des renseignements communiqués et que ce dernier n’a pas mené d’enquête, il est prématuré de sa part de demander réparation à la Cour à cet égard.

[32] La Cour d’appel fédérale a récemment confirmé qu’une décision de la Cour fédérale sur la pertinence d’une réponse à une demande d’accès à des renseignements personnels en vertu de la Loi est subordonnée au dépôt d’une plainte auprès du commissaire et d’un rapport de celui‑ci (Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Gregory, 2021 CAF 33 aux para 12‑13, citant l’arrêt Blank c Canada (Justice), 2016 CAF 189 [arrêt Blank]). Cette exigence est la reformulation légale du principe de common law selon lequel, à moins de circonstances exceptionnelles, il faut avoir épuisé tous les autres recours possibles avant de présenter une demande de contrôle judiciaire (Whitty c Canada (Procureur général), 2014 CAF 30 au para 8).

[33] Les motifs justifiant cette approche ont été précisés par la Cour d’appel fédérale (juge de Montigny) dans l’arrêt Blank aux paragraphes 31 et 32 :

[…] L’examen indépendant des plaintes par le commissaire constitue la pierre angulaire du régime mis en place par le législateur, et la Cour fédérale est en droit de bénéficier de l’expertise et des connaissances considérables de cet agent du Parlement avant de se pencher sur l’application des exceptions et le caviardage de documents par une institution publique. Je souscris à l’avis du juge selon lequel l’appelant ne pouvait unilatéralement faire fi de cette exigence et s’adresser directement aux tribunaux.

Il n’est pas permis de faire valoir que l’intimé a contrevenu à son devoir d’agir de bonne foi parce qu’il a omis de répondre complètement et en temps utile à la demande de l’appelant et que les annexes auraient dû être joint[e]s à la demande d’accès à l’information initiale déposée par l’appelant. […] Il ressort clairement de l’article 41 de la Loi que la Cour fédérale ne peut réviser la décision de refuser la communication des renseignements personnels que si le commissaire a fait enquête à cet égard. Par conséquent, le juge a conclu à bon droit qu’il n’avait pas compétence pour réviser les documents communiqués après la publication du rapport du commissaire.

[34] La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue dans le dossier no T‑1511‑20 est donc rejetée en raison de son caractère théorique. Puisque M. Khoury n’est pas satisfait des documents communicables reçus le 26 janvier 2021, il doit s’adresser au CPVP et non à la Cour.

V. Conclusion

[35] La demande de contrôle judiciaire dans le dossier no T‑775‑20 est rejetée avec dépens d’une somme globale de 500 $.

[36] La demande de contrôle judiciaire dans le dossier no T‑1511‑20 est rejetée sans dépens.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire dans le dossier no T‑775‑20 est rejetée avec dépens d’une somme globale de 500 $.

  2. La demande de contrôle judiciaire dans le dossier no T‑1511‑20 est rejetée sans dépens.

« Simon Fothergill »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

T‑775‑20

T‑1511‑20

 

INTITULÉ :

PAUL KHOURY c EMPLOI ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA, AHMED HUSSEN MINISTRE ET GRAHAM FLACK SOUS‑MINISTRE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À OTTAWA (ONTARIO)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

LE 18 janvier 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 28 janvier 2022

 

COMPARUTIONS :

Paul Khoury

 

le demandeur

 

Meg Jones

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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