Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20001106

Dossier : IMM-5747-99

ENTRE :

                                                         HABIBA FUSEINI, alias

                                                      HABIBA SARAH FUSEINI,

                                                                                                                                   demanderesse,

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                          défendeur.

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

MADAME LE JUGE SIMPSON

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'égard d'une décision que la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la « Commission » ) a rendue le 19 octobre 1999. Habiba Fuseini (la « demanderesse » ) est une citoyenne du Nigeria qui a allégué être persécutée parce qu'elle a renié l'Islam et s'est convertie au christianisme. La Commission a rejeté la revendication de la demanderesse au motif que la preuve de celle-ci n'était pas crédible.

Les faits


[2]         La demanderesse est une citoyenne du Nigeria et était âgée de 44 ans au moment de l'audience relative à son statut de réfugié, qui a été tenue en octobre 1999. Elle est née musulmane et, à l'âge de 16 ans, dans le cadre d'un mariage arrangé, elle est devenue la troisième épouse d'un Musulman plus âgé. Elle est mère d'un fils et d'une fille qui demeurent au Nigeria.

[3]         Après plusieurs années de mariage paisibles, la demanderesse a décidé de renier la religion musulmane et de se convertir au christianisme, ce qui a donné lieu à des divergences sans issue entre elle et son mari. Elle a dit à la Commission que son mari l'a battue à deux occasions et qu'elle a été hospitalisée après chaque agression. Après l'une de ces agressions, elle est allée voir la police, mais un agent lui a dit qu'il s'agissait d'une affaire de famille et qu'elle devrait demander à des aînés de la collectivité de résoudre le différend. Après un autre incident, elle s'est enfuie en courant au poste de police, suivie de son mari. Le policier responsable lui a dit qu'elle devrait retourner à la maison et se conduire en épouse obéissante.

[4]         Le mari de la demanderesse l'empêchait d'aller à l'église. Cependant, la demanderesse s'est rendue jusqu'à un éventaire du marché, où elle a pu communiquer avec des membres de l'église. Le 2 avril 1998, avec l'aide de membres de l'église, elle s'est enfuie à Lagos, où des messagers de son mari se sont rendus à la résidence des membres de sa famille pour la trouver. Elle est demeurée cachée là-bas, dans la maison d'un cousin d'un membre de l'église, jusqu'au 22 mai 1998, date à laquelle elle s'est envolée vers le Canada grâce à l'aide financière offerte par des aînés de l'église.

[5]         La demanderesse a déposé sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention le 26 mai 1998, laquelle revendication a été entendue devant un seul membre de la Commission le 4 août 1999. Dans la décision qu'elle a rendue le 19 octobre 1999, la Commission a rejeté la revendication de la demanderesse.


Décision de la Commission et commentaires

[6]         La Commission a conclu qu'elle n'a été saisie d' [TRADUCTION] « aucun élément de preuve fiable, crédible ou digne de foi en ce qui a trait à la conversion de la revendicatrice au christianisme » . La Commission a souligné que la demanderesse (i) n'a fourni aucune lettre provenant de son église du Nigeria et confirmant sa conversion ou le fait que l'église (plutôt qu'un ami qui en était membre) l'a aidée à quitter le Nigeria, (ii) n'a pas été baptisée et n'avait aucun plan pour le moment quant au baptême, (iii) ignorait le sens des mots Noël ou Pâques. À cet égard, elle a d'abord dit au cours de son témoignage que Noël était un jour de repentir en souvenir de la mort du Christ. À mon avis, la transcription ne démontre pas que la demanderesse était mêlée, contrairement à ce que son avocat a laissé entendre, mais indique plutôt qu'elle ignorait les éléments fondamentaux de la religion chrétienne. Selon la Commission, le manque de connaissances de la demanderesse était incompatible avec son allégation selon laquelle elle avait été une chrétienne au Canada au cours de deux célébrations de chacune des fêtes de Noël et de Pâques.

[7]         J'en suis arrivée à la conclusion que la Commission a bien évalué cette preuve et pouvait, en se fondant uniquement sur celle-ci, conclure que la demanderesse n'était pas chrétienne. Je suis d'accord avec l'avocat de la demanderesse lorsqu'il dit que d'autres éléments de preuve sur lesquels la Commission s'est fondée pour en arriver à sa décision ne sont pas aussi convaincants que la preuve claire décrite plus haut; cependant, compte tenu de ma conclusion selon laquelle cette preuve à elle seule était suffisante, j'estime qu'il n'est pas important de savoir si la Commission a également tenu compte d'autres éléments de preuve moins convaincants.


[8]         L'avocat de la demanderesse a contesté l'allusion de la Commission à une lettre en date du 25 juillet 1999 de la Rhema Assemblies of God Inc., située à Etobicoke (Ontario), dans laquelle il n'est pas mentionné spécifiquement que la demanderesse était chrétienne. Cependant, la lettre indiquait que la demanderesse était [TRADUCTION] « entrée dans l'église » , qu'elle faisait partie de la chorale de l'église et qu'elle enseignait des « Gospel songs » aux jeunes enfants. Dans ces circonstances, la demanderesse soutient que la conclusion de la Commission selon laquelle elle n'était pas chrétienne était abusive.

[9]         Je reconnais que, habituellement, l'expression « entrer dans l'église » donnerait à penser que la personne en question est un chrétien baptisé qui est devenu membre d'une congrégation. Cependant, compte tenu de la preuve décrite au paragraphe [8] qui précède, je suis d'avis que la Commission pouvait conclure que la demanderesse n'avait pas droit à l'application de la déduction normale et pouvait considérer la lettre en question comme une simple preuve du fait que la demanderesse avait joint les rangs de l'église afin de participer à son programme musical.

[10]       N'ayant pas cru que la demanderesse était chrétienne, la Commission a également conclu que l'allégation de celle-ci, selon laquelle elle avait été battue par son mari en raison de sa conversion au christianisme n'était pas fondée. Toutefois, la Commission a également tenu compte des faits et souligné que le meilleur ami ainsi que la fille de la demanderesse (qui est médecin au Nigeria) n'ont pas corroboré la version qu'elle a donnée au sujet de sa seconde hospitalisation par suite de la seconde agression. La demanderesse a contesté la conclusion de la Commission au sujet de l'existence d'une contradiction importante entre la date qu'elle a mentionnée sur son formulaire de renseignements personnels (FRP) à l'égard de la seconde hospitalisation, soit la deuxième semaine de février 1998, et la date du 2 mars 1998 indiquée dans le rapport de la Jinya Medical Clinics Ltd., située à Kaduna (Nigeria) (le « rapport » ).


[11]       À mon avis, la Commission a mal compris le FRP de la demanderesse, sur lequel celle-ci a simplement déclaré qu'elle avait été hospitalisée au cours du mois de février sans donner de date précise au sujet des agressions et de l'hospitalisation. Ce qu'elle a mentionné, c'est que la seconde agression dont elle a été victime a été causée par son retour à l'église au cours de la deuxième semaine de février. La Commission a présumé que le FRP indiquait que l'agression en question était survenue immédiatement après le retour à l'église de la demanderesse au cours de la deuxième semaine de février alors que, tel qu'il est mentionné plus haut, il était simplement écrit sur le FRP que l'incident avait eu lieu en février, ce qui aurait pu signifier la fin de février, auquel cas aucune contradiction importante n'existait entre le FRP et le rapport.

[12]       Cependant, la contradiction a été confirmée lors du témoignage de la demanderesse, qui a déclaré à l'audience, à la page 27 de la transcription, qu'après avoir été battue la seconde fois, elle a cessé d'aller à l'église pendant huit mois à compter de la deuxième semaine de février. Cela signifiait que l'agression avait eu lieu à la mi-février, alors que le rapport indiquait le 2 mars 1998 comme date d'admission à la clinique. En conséquence, je suis convaincue que la Commission n'a pas commis d'erreur en concluant que l'allégation de la demanderesse quant aux actes de violence conjugale dont elle a été victime n'était pas crédible.

[13]       Par ces motifs, la demande sera rejetée.

(S) "Sandra J. Simpson"

Juge

Vancouver (C.-B.)

Le 6 novembre 2000

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                             AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         HABIBA FUSEINI, alias

HABIBA SARAH FUSEINI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

No DU GREFFE :                                           IMM-5747-99

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            5 octobre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE SIMPSON

EN DATE DU :                                               6 novembre 2000

ONT COMPARU :

Me Yiadom Atuobi-Danso                                 pour la demanderesse

Me Jeremiah Eastman                                         pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Yiadom Atuobi-Danso                                 pour la demanderesse

Toronto (Ontario)

Me Morris Rosenberg                                        pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.