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Date : 20220202


Dossier : IMM‑6709‑20

Référence : 2022 CF 119

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 2 février 2022

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

ABIY MEZEMER HAILE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée au titre de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], d’une décision rendue par la Section d’appel des réfugiés (la SAR) le 20 décembre 2020. Dans cette décision, la SAR a confirmé la conclusion de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) selon laquelle le demandeur n’avait pas qualité de réfugié par application de la section E de l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés [la Convention sur les réfugiés], parce qu’il avait déjà obtenu l’asile et le statut de résident permanent en Italie.

II. Le contexte

[2] Le demandeur est un citoyen de l’Érythrée âgé de 36 ans qui a demandé l’asile au Canada le 28 octobre 2017.

[3] Le demandeur affirme qu’il est né en Éthiopie, mais que, en 2000, son père et lui ont été expulsés vers l’Érythrée, où ils ont par la suite été détenus pour avoir observé les rites de la religion protestante. Après lui avoir reconnu la qualité de réfugié, l’Italie lui a accordé le statut de résident permanent en 2014. Par la suite, il s’est rendu aux États‑Unis (É.‑U.) en 2015 et il a demandé l’asile sous une fausse identité de citoyen éthiopien. Il a été détenu pendant plus de deux ans, durant lesquels les autorités américaines ont enquêté sur son identité, pour finalement découvrir qu’il était un citoyen de l’Érythrée et qu’il avait le statut de résident permanent en Italie.

[4] Le 7 septembre 2017, le gouvernement des É.‑U. a libéré le demandeur, avec ordonnance de surveillance, parce que les autorités compétentes n’avaient pas encore été en mesure d’obtenir les documents nécessaires pour le renvoyer. Ses conditions de libération étaient les suivantes : (i) il devait rester dans l’État du Texas et (ii) il devait coopérer avec les autorités en vue de l’obtention de titres de voyage. Le 28 octobre 2017, le demandeur est entré au Canada et a présenté une demande d’asile.

[5] Le ministre de la Sécurité publique est intervenu dans la demande d’asile du demandeur devant la SPR et a présenté des éléments de preuve et des observations écrites qui justifiaient l’exclusion du demandeur par l’application de la section E de l’article premier de la Convention sur les réfugiés, qui est incorporée par renvoi à l’article 98 de la Loi. Qui plus est, le ministre a fait valoir que le demandeur avait le droit de retourner en Italie et d’y rester, puisqu’il avait le statut de résident permanent dans ce pays. La SPR était du même avis et, en s’appuyant sur la jurisprudence faisant autorité, elle a conclu que le demandeur avait un statut essentiellement semblable à celui des ressortissants italiens lorsqu’il a quitté volontairement l’Italie en 2015.

[6] La SPR a également fait remarquer que le demandeur avait déclaré qu’il avait obtenu différents emplois qui lui avaient permis de voyager, qu’il avait reçu des prestations d’assurance‑emploi en Italie lorsqu’il avait été mis à pied de ses emplois saisonniers, et qu’il avait acheté des documents frauduleux en Éthiopie. La SPR a souligné qu’aucun de ces faits n’avait été contesté et que le demandeur avait reconnu avoir utilisé une fausse identité lorsqu’il avait demandé l’asile aux É.‑U. afin de tenter d’empêcher les autorités américaines de découvrir le statut qu’il possédait en Italie.

[7] La SPR a reconnu que le demandeur avait affirmé qu’il avait depuis perdu son statut en Italie et que, pour étayer cette affirmation, il avait déclaré que l’Éthiopie, l’Érythrée et l’Italie n’appuieraient pas les efforts déployés par les autorités américaines pour le rapatrier. La SPR a toutefois fait remarquer que rien ne démontrait que le demandeur avait présenté une demande de retour officielle à laquelle il avait joint ses pièces d’identité italiennes valides, et que le demandeur n’avait pas respecté les conditions de son ordonnance de surveillance aux É.‑U., notamment parce qu’il n’avait pas demandé des titres de voyage aux autorités italiennes.

[8] La SPR a conclu que le demandeur n’avait pas établi qu’il avait perdu son statut et que celui‑ci ne pouvait pas être rétabli. La SPR a fait observer que, comme le demandeur avait renoncé à son statut en Italie pour prendre le risque de présenter une demande d’asile frauduleuse aux É.‑U., cette quête du meilleur pays d’asile [traduction] « pourrait bien refléter une réticence à prendre des mesures appropriées et authentiques pour rétablir son statut italien si celui‑ci [avait] effectivement [été] perdu » (au para 40).

[9] La SPR a aussi mentionné un courriel du consulat italien à Ottawa daté du 29 novembre 2018, dans lequel il était indiqué que, en règle générale, un réfugié ne perd pas son statut simplement parce qu’il a quitté le pays qui lui avait accordé l’asile; un processus officiel de révocation est nécessaire. Le consulat italien précisait dans ce courriel que même si les documents du demandeur étaient expirés, ce dernier pouvait retourner en Italie en demandant un visa de retour. La SPR a jugé que ce courriel contenait l’information la plus fiable et la plus à jour qui soit sur la situation du demandeur et y a accordé un grand poids.

[10] La SPR était également d’avis que le témoignage du demandeur au sujet des conversations qu’il avait eues avec des autorités consulaires italiennes à Toronto était vague. Bien que le demandeur soutienne que ces autorités l’avaient informé qu’un visa de retour pour l’Italie ne lui serait pas délivré s’il ne fournissait pas de titre de voyage, il n’a pas précisé quelles démarches il devrait suivre pour obtenir un tel document ou le remplacer. La SPR a plutôt conclu qu’il n’avait soumis aucun élément de preuve pour démontrer que son statut avait été révoqué et qu’il ne semblait pas non plus enclin à résoudre ce problème.

[11] Par conséquent, après avoir examiné la jurisprudence pertinente, la SPR a conclu que le demandeur ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombait de produire des éléments de preuve convaincants qui démontrent qu’il avait perdu son statut en Italie et que celui‑ci ne pouvait pas être rétabli. La SPR a souligné que le demandeur n’avait pas présenté de demande pour obtenir un nouveau titre de voyage, et qu’il avait attendu plus d’un an après son arrivée au Canada pour communiquer avec les autorités italiennes.

[12] La SPR a en outre tenu compte des éléments de preuve qui indiquaient que, après avoir obtenu l’asile en Italie, le demandeur avait tenté d’entrer illégalement au Royaume‑Uni en 2008 en passant par la France. Il avait alors été détenu en France et il avait été obligé de retourner en Italie. Ce comportement, jumelé au fait qu’il avait par la suite présenté une demande d’asile frauduleuse aux É.‑U., était volontaire et témoignait de son absence de crainte subjective de retourner dans son pays d’origine. Après avoir examiné la preuve et avoir déclaré qu’aucun élément de preuve crédible n’avait été présenté pour démontrer que le demandeur serait exposé à un risque s’il devait retourner en Italie, la SPR a conclu que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié et a rejeté sa demande d’asile.

III. La décision de la SAR faisant l’objet du contrôle

[13] En appel, la SAR a confirmé la décision de la SPR. La SAR a d’abord reconnu que son rôle consiste à examiner l’ensemble de la preuve afin de décider si la décision rendue par la SPR est correcte. Après avoir lu toutes les transcriptions et avoir examiné l’ensemble du dossier, le commissaire a conclu que la SPR ne disposait pas d’un avantage certain par rapport à la SAR lorsqu’elle a apprécié la preuve. La SAR a également décidé d’admettre en preuve les nouveaux éléments présentés par le demandeur, dont un affidavit et les courriels qu’il avait échangés avec le consulat italien, ainsi que des observations supplémentaires. La SAR a jugé que ces éléments de preuve avaient une valeur probante et qu’ils étaient crédibles, pertinents et nouveaux. Elle a aussi invité le demandeur à présenter des observations sur la dernière version du cartable national de documentation sur l’Italie dont elle disposait, ce que le demandeur a fait.

[14] Après avoir effectué sa propre analyse indépendante, la SAR a fait remarquer qu’aucune des conclusions de la SPR n’avait été contestée en ce qui concerne les expériences qu’avait vécues le demandeur en Italie, son départ volontaire en 2015, sa quête du meilleur pays d’asile aux É.‑U. sous une fausse identité, son absence d’efforts initiaux pour se renseigner sur son statut en Italie après son arrivée au Canada, ainsi que l’absence d’éléments de preuve au sujet d’un processus officiel de révocation du statut en Italie. La SAR a souscrit à ces conclusions et ne voyait aucune raison de les mettre en doute. De plus, la SAR était d’avis que le raisonnement de la SPR relativement à l’un ou l’autre des deux principaux motifs d’appel ne comportait aucune lacune.

[15] En réponse au premier argument, la SAR a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur en s’appuyant sur les éléments de preuve provenant du consulat à Toronto, car ces éléments décrivaient la situation particulière du demandeur, soit celle d’une personne protégée qui, malgré l’expiration de ses documents, ne perdrait pas son statut en Italie, sauf si un processus officiel de révocation était mené dans ce pays, ce qui n’avait pas eu lieu. La SAR a plutôt convenu que le demandeur pourrait renouveler ses documents expirés depuis l’Italie s’il obtenait un visa de retour.

[16] En outre, la SAR n’a pas accepté l’assertion du demandeur selon laquelle la SPR aurait dû s’appuyer sur les expériences plus particulières qu’il avait vécues aux É.‑U., notamment lorsque les autorités américaines n’avaient pas été en mesure de le renvoyer en Italie. La SAR n’était pas du même avis que le demandeur et ne croyait pas que le tribunal aurait dû présumer que les autorités américaines avaient reçu les renseignements dont elles avaient besoin pour renvoyer le demandeur, d’autant plus que ce dernier avait démontré qu’il n’était pas une source fiable sur laquelle les autorités pouvaient s’appuyer pour obtenir des renseignements véridiques. Ces renseignements comprenaient notamment son départ des É.‑U., ce qui constituait un manquement à ses conditions de mise en liberté.

[17] De plus, la SAR a conclu que, même si le permis de résidence permanente du demandeur avait expiré, ce qui, selon elle, n’avait pas été établi, le demandeur aurait tout de même le droit de retourner en Italie. La preuve dont disposait la SAR indiquait plutôt que le demandeur pourrait renouveler son permis de résidence permanente à partir de l’Italie. En ce qui concerne le visa de retour que devait obtenir le demandeur pour faire renouveler son permis, la SAR a conclu que, au vu des nouveaux éléments de preuve présentés, le demandeur avait déployé peu d’efforts pour retourner en Italie. Il avait en réalité rendu la tâche des autorités italiennes plus difficile, parce qu’il ne leur avait pas fourni assez d’information pour qu’elles lui délivrent une autorisation de voyage. Par exemple, il leur avait fourni des copies illisibles de documents et de ses empreintes digitales, et il avait été impossible pour les autorités de les faire correspondre aux empreintes qui figuraient dans leur dossier.

[18] Pour ces motifs et d’autres encore, notamment la perte alléguée des documents italiens qu’il avait envoyés par la poste et le fait qu’il n’avait pas coopéré par le passé avec les autorités, la SAR a également jugé que le demandeur n’avait pas épuisé tous ses recours ni donné suite aux suggestions que lui avaient faites les autorités consulaires lorsque des obstacles se sont présentés. Le tribunal a conclu que, s’il déployait des efforts véritables et faisait preuve de diligence, il pourrait fournir les éléments de preuve nécessaires aux autorités italiennes afin d’obtenir un visa de retour. Le demandeur conteste maintenant cette conclusion.

IV. Analyse

[19] Les parties conviennent que la norme de la décision raisonnable s’applique à la décision contestée. La cour qui contrôle une décision selon la norme de la décision raisonnable analyse celle‑ci en quête des caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, pour établir si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 99). Le raisonnement suivi et le résultat obtenu doivent être raisonnables et la décision dans son ensemble doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle (Vavilov, aux para 83‑85).

[20] Je suis d’avis que la décision de la SAR satisfait à tous les critères de la norme de la décision raisonnable. Le demandeur ne conteste pas les principes et critères juridiques sur lesquels la SAR s’est appuyée pour conclure qu’il est exclu de la protection en application de l’article 98 de la Loi, qui incorpore par renvoi la section E de l’article premier de la Convention sur les réfugiés. Il ne remet pas non plus en cause les directives données par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Zeng. Par conséquent, le seul point de désaccord en l’espèce concerne la question de savoir si la SAR a raisonnablement conclu que le demandeur n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’il avait perdu son statut en Italie ou son droit de retourner dans ce pays. Autrement dit, la présente affaire repose sur l’interprétation, par la SAR, des faits qui étaient étayés par les éléments de preuve que contenait le dossier dont elle disposait.

[21] Le demandeur affirme avoir soumis des éléments de preuve concernant deux situations différentes qu’il a vécues – l’une aux É.‑U. et l’autre au Canada – qui prouvent toutes deux qu’il ne peut pas retourner en Italie. Selon lui, ces circonstances rendent les conclusions de la SAR déraisonnables.

[22] En ce qui concerne l’instance aux É.‑U., le demandeur allègue que, dans sa décision, la SAR a déraisonnablement rejeté les conclusions d’un tribunal américain de l’immigration. Le demandeur prétend qu’on doit présumer que la décision du tribunal de le libérer était étayée par la preuve dont il disposait, et il cite à l’appui la décision Mahdi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 218, au paragraphe 12. Il soutient que la SAR s’est appuyée sur de pures conjectures pour tirer une tout autre conclusion.

[23] Cet argument ne me convainc pas. La jurisprudence citée par le demandeur comprenait la décision de la SPR, dans laquelle cette dernière avait conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles de l’identité du demandeur. Or, un tribunal américain s’était penché sur cette question et avait conclu que l’identité du demandeur avait été établie. En l’espèce, le tribunal américain s’était demandé s’il devait libérer le demandeur sous réserve de conditions après environ deux ans de détention, au cours desquels les autorités compétentes n’avaient pas été en mesure d’obtenir les documents nécessaires pour son renvoi, une démarche qui exigeait la coopération du demandeur.

[24] Bien que la possibilité prévisible du renvoi du demandeur en Italie ait été pertinente pour l’examen du tribunal de l’immigration, ce dernier n’avait pas tranché la question de savoir si le demandeur possédait un statut en Italie ou s’il avait le droit de retourner dans ce pays. La SAR a aussi déduit raisonnablement des conditions de l’ordonnance de surveillance du tribunal que des efforts continuaient d’être déployés pour renvoyer le demandeur.

[25] En outre, la décision de la SAR de ne pas tirer des conclusions hâtives sur l’importance de la décision d’un tribunal concernant une question de droit tout à fait différente, sans savoir quels éléments de preuve avaient été présentés à ce tribunal, était non seulement raisonnable à première vue, mais aussi justifiée, car la SAR avait fait observer que, par le passé, le demandeur n’avait pas été une source fiable sur laquelle les autorités avaient pu se fier pour obtenir des renseignements véridiques. En résumé, la SAR a eu raison de refuser de tirer des inférences concernant les éléments de preuve spécifiques dont disposaient les autorités italiennes lorsque le tribunal américain avait rendu sa décision, car ces éléments ne figuraient pas dans le dossier de la SAR.

[26] En ce qui concerne l’analyse qu’a faite la SAR de ses nouveaux éléments de preuve, le demandeur affirme que, avec l’aide de son ancien avocat canadien, il avait déployé des efforts diligents, mais infructueux, pour obtenir les autorisations nécessaires pour retourner en Italie, comme en témoignent ses échanges de courriels avec les autorités italiennes au Canada et le fait qu’il avait retenu les services d’un spécialiste en droit italien. Le demandeur fait valoir que les autorités italiennes avaient finalement refusé de l’aider et qu’elles lui avaient plutôt dit de s’adresser à l’Agence des services frontaliers du Canada pour obtenir de l’aide concernant ses empreintes digitales.

[27] Le demandeur avance que, même s’il conserve le droit de retourner en Italie en dépit de ses efforts, ce droit n’est que théorique, et il soutient que les efforts déployés par les autorités pour l’aider doivent aussi être appréciés. À l’appui de cet argument, il fait une analogie avec la jurisprudence de la Cour fédérale sur la protection de l’État, où il est établi qu’il faut prendre en considération la capacité, pas seulement les meilleurs efforts déployés. S’appuyant sur les paragraphes 28 et 29 de l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Zeng, 2010 CAF 118, le demandeur fait valoir que, comme les autorités italiennes avaient refusé de lui délivrer des titres de voyage pour qu’il puisse retourner en Italie et comme le consulat avait refusé de l’aider, il est évident que les éléments de preuve démontrent que ses droits ne sont pas semblables à ceux des ressortissants italiens et que la décision de la SAR est donc déraisonnable.

[28] Je constate que le demandeur n’a pas indiqué à la SAR qu’il avait essayé de respecter l’ordonnance de surveillance aux É.‑U., qui exigeait qu’il fasse des efforts pour retourner en Italie, et qu’il a attendu plus d’un an après avoir présenté une demande d’asile au Canada pour communiquer avec les autorités italiennes au Canada. Les motifs de la SAR et le dossier dont elle disposait démontrent qu’elle a amplement tenu compte de ces circonstances antérieures, ainsi que de nouveaux éléments de preuve provenant des autorités consulaires. La SAR explique que, même si le demandeur a tardé à communiquer avec le consulat, l’incapacité de ce dernier à aider le demandeur découlait entièrement du défaut du demandeur de fournir des documents justificatifs et des copies de ses empreintes digitales lisibles.

[29] Plus fondamentalement, comme le fait remarquer le défendeur, il n’en demeure pas moins que le demandeur n’a aucunement établi qu’il avait réellement présenté une demande pour obtenir des documents de retour; il a plutôt soumis les échanges de courriels qu’il avait eus avec les autorités consulaires en guise de preuve. En fait, son ancien avocat avait trouvé des fonctionnaires italiens au Canada qui pouvaient l’aider et avec qui il pouvait communiquer pour leur poser des questions, mais aucune des correspondances du demandeur avec ces personnes n’équivalait à une demande réelle de visa, ou de tout autre document italien lui permettant de voyager ou d’établir son statut.

[30] De plus, l’analogie faite par le demandeur concernant la protection de l’État et son application des critères énoncés dans l’arrêt Zeng, selon lesquels les droits [traduction] « véritables » doivent être pris en considération, pas seulement les meilleurs efforts déployés, ne sont pas des arguments convaincants, et ce, pour deux raisons. Premièrement, la Commission a conclu que le demandeur n’a jamais déployé tous les efforts nécessaires pour obtenir une autorisation de voyage ou récupérer les documents italiens faisant état de son statut qu’il avait « perdu[s] ». Il incombe au demandeur de démontrer qu’il a fait des efforts raisonnables pour obtenir la protection de l’État. Deuxièmement, l’avocat du demandeur a été incapable de citer un seul précédent à l’appui de son application, par analogie, des principes juridiques concernant la protection de l’État à un concept en droit différent.

V. Conclusion

[31] La SAR a raisonnablement conclu que le demandeur n’avait pas prouvé qu’il ne pouvait pas retourner en Italie et, bien qu’elle ait accepté de nouveaux éléments de preuve, elle a conclu à juste titre que ces éléments de preuve démontraient l’inverse, et donc que le demandeur ne s’était pas acquitté du fardeau juridique qui lui incombait. Pour ces motifs et tous les autres motifs exposés ci‑dessus, je suis d’avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire.


JUDGEMENT dans le dossier IMM‑6709‑20

LA COUR STATUE :

1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2. Aucune question n’est certifiée.

3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Manon Pouliot


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑6709‑20

 

INTITULÉ :

ABIY MEZEMER HAILE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 JANVIER 2022

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 FÉVRIER 2022

 

COMPARUTIONS :

Daniel Tilahun Kebede

 

POUR LE DEMANDEUR

 

James Todd

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Daniel Tilahun Kebede

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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