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Date : 20220207

Dossier : IMM-526-21

Référence : 2022 CF 153

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 7 février 2022

En présence de madame la juge Rochester

ENTRE :

MARIA MONSERRAT GARCIA SERRANO

GUADALUPE SERRANO RAMIREZ

DIEGO MOISES GARCIA SERRANO

EDUARDO GUADALUPE MENDOZA GARCIA

CESAR RONALDO MENDOZA GARCIA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs, cinq membres d’une même famille, sont citoyens du Mexique. Ils sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 11 janvier 2021 [la décision contestée] par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] selon laquelle les demandeurs ne sont ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger au titre des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. La question déterminante dont la SAR et la SPR étaient saisies était la crédibilité.

[2] Les demandeurs affirment qu’ils craignent d’être persécutés par le Cartel Jalisco Nueva Generacion [le CJNG], une organisation criminelle au Mexique, au motif qu’ils ont refusé de faire passer de la drogue à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

II. Le contexte

[3] Le 13 septembre 2018, les demandeurs ont déposé des demandes d’asile. Ils ont présenté leurs allégations dans un exposé circonstancié conjoint qui accompagnait les formulaires Fondement de la demande d’asile [FDA]. Maria Monserrat Garcia Serrano est la demanderesse principale. Guadalupe Serrano Ramirez est sa mère et Diego Moises Garcia Serrano, son frère. Eduardo Guadalupe Mendoza Garcia et Cesar Ronaldo Mendoza Garcia sont les fils mineurs de Mme Garcia.

[4] Les demandeurs soutiennent qu’en janvier 2015, des membres d’une organisation criminelle ont commencé à approcher M. Garcia Serrano, le frère de la demanderesse principale, pour qu’il fasse du trafic de drogue à la frontière des États-Unis. Les membres de l’organisation l’ont invité à souper à plusieurs reprises, au cours desquelles ils lui ont expliqué ce qu’il devait faire. M. Garcia Serrano soutient que, pendant ces repas, il a toujours refusé de faire du trafic de drogue. Selon les demandeurs, pendant les premiers mois, les membres du cartel étaient amicaux et polis, mais, le 5 mai 2015, ils auraient kidnappé et battu M. Garcia Serrano qui, une fois libéré, a été hospitalisé pendant trois mois.

[5] Les demandeurs soutiennent qu’en mai 2017, deux ans plus tard, Mme Serrano Ramirez, la mère de la demanderesse principale, a été enlevée et torturée par le CJNG. L’organisation lui a dit qu’elle devrait a) transporter de la drogue à Tijuana et b) recruter des femmes âgées pour participer aux activités liées au trafic. À la suite de l’incident, le 9 mai 2017, Mme Serrano Ramirez s’est enfuie au Canada.

[6] En septembre 2017, M. Garcia Serrano affirme que le CJNG l’a retrouvé et l’a de nouveau menacé de le tuer s’il ne se rendait pas à Tijuana pour participer au trafic de la drogue vers les États-Unis. Il s’est enfui au Canada en 2017, à la suite de cet incident allégué.

[7] La demanderesse principale, Mme Garcia Serrano, prétend que vu que le CJNG n’a pas pu retrouver sa mère et son frère, des membres de ce cartel l’ont kidnappée, l’ont agressée et ont exigé qu’elle rassemble des femmes et des enfants pour faire du trafic de drogue pour eux. Elle soutient qu’ils lui ont également dit qu’ils prélèveraient et vendraient les organes de ses enfants.

[8] Les demandeurs soutiennent également que, fin septembre 2017, à la suite du prétendu enlèvement de Mme Garcia Serrano, deux hommes ont tenté d’enlever son fils aîné, mais que des passants ont déjoué cette tentative.

[9] Mme Garcia Serrano affirme qu’à la suite de la tentative d’enlèvement de son fils aîné, le CJNG l’a retrouvée, kidnappée et agressée de nouveau. En novembre 2017, elle s’est enfuie au Canada en compagnie de son mari et de ses deux fils. Son mari a depuis été renvoyé au Mexique.

[10] En septembre 2018, les demandeurs ont déposé une demande d’asile. La SPR a entendu la demande des demandeurs le 1er novembre 2019 et l’a rejetée le 10 janvier 2020. Elle a autorisé le dépôt d’observations et d’éléments de preuve après l’audience, parce que, pendant l’audience, les demandeurs avaient mentionné un message texte et d’autres éléments de preuve qui ne figuraient pas au dossier. Finalement, les demandeurs n’ont pas présenté les messages auxquels ils ont fait référence. Les lettres qui ont été produites en preuve, cependant, étaient toutes datées d’après l’audience et n’ont pas démontré, comme allégué lors de l’audience, qu’un membre de la famille avait été tué par le CJNG. Par conséquent, la SPR n’a pas admis en preuve les documents postérieurs à l’audience.

[11] La SPR n’a pas jugé crédible le témoignage des trois demandeurs adultes, Mme Garcia Serrano, son frère et sa mère, selon la prépondérance des probabilités, en raison [traduction] « d’omissions importantes, d’incohérences et d’un manque d’efforts raisonnables pour se procurer les pièces justificatives ».

[12] La SPR a jugé que la présomption de véracité était [traduction] « totalement réfutée », et que la preuve documentaire était insuffisante pour étayer la demande d’asile des demandeurs. De plus, elle a conclu que la documentation sur la situation du pays n’étayait pas les allégations des demandeurs selon lesquelles le CJNG fait le trafic d’organes et/ou utilise des personnes âgées pour faire passer de la drogue de Tijuana aux États-Unis.

[13] Les demandeurs ont interjeté appel de la décision de la SPR auprès de la SAR le 24 janvier 2020, mais leur demande a été rejetée le 4 janvier 2021.

III. La décision contestée

[14] La SAR a conclu que la question déterminante concernait la crédibilité. Au total, la SAR a tiré dix conclusions défavorables quant à la crédibilité fondées sur diverses incohérences, invraisemblances et omissions dans les éléments de preuve présentés par les demandeurs. Ces conclusions défavorables quant à la crédibilité sont examinées ci-après, dans la section « analyse » du présent jugement.

[15] La SAR a conclu que les demandes d’asile des demandeurs reposent collectivement sur l’allégation selon laquelle des membres du CJNG auraient exercé des pressions sur M. Garcia Serrano pour qu’il participe au trafic de drogue et l’auraient agressé et menacé lorsqu’il a refusé de le faire. Elle a jugé que M. Garcia Serrano n’avait pas établi ses allégations de manière crédible. Étant donné qu’il est allégué que le CJNG s’est tourné vers la mère et la sœur de M. Garcia Serrano uniquement parce que ce dernier a fui le Mexique, la SAR a conclu que le fondement des allégations de la sœur et de la mère de M. Garcia Serrano n’était pas non plus crédible.

[16] La SAR a convenu avec la SPR que les demandeurs adultes n’étaient pas des témoins crédibles compte tenu des nombreux problèmes de crédibilité dans le dossier. Elle a également souligné que M. Garcia Serrano et Mme Garcia Serrano ont prétendu avoir des éléments de preuve supplémentaires pertinents lors de l’audience de la SPR, mais qu’ils ont omis de les présenter lorsqu’ils ont eu l’occasion de le faire après l’audience.

[17] La SAR a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur et a rejeté l’appel, concluant que les demandeurs n’avaient ni qualité de réfugiés au sens de la Convention ni qualité de personnes à protéger.

IV. Les questions en litige et la norme de contrôle applicable

[18] La question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si la décision contestée est raisonnable. Les parties soutiennent, et je suis d’accord avec elles, que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable énoncée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov].

[19] Il incombe aux parties qui conteste la décision, en l’espèce les demandeurs, d’en démontrer le caractère déraisonnable (Vavilov, au para 100). Pour que la cour de révision intervienne, la partie qui conteste la décision doit la convaincre que la décision « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence », et que ces lacunes ou insuffisances reprochées ne sont pas « simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision » (Vavilov, au para 100).

[20] L’arrêt Vavilov prévoit que la cour de révision ne doit pas aborder la décision sous-jacente dans le but de mener une « chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » (au para 102), mais qu’elle doit s’assurer que « la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée » (au para 15).

[21] La norme de la décision raisonnable est une norme de contrôle fondée sur la déférence, mais elle est rigoureuse (Vavilov, aux para 12-13). Ainsi, il y a lieu de faire preuve de retenue, en particulier à l’égard des conclusions de fait et de l’appréciation de la preuve. À moins de circonstances exceptionnelles, les cours de révision ne devraient pas modifier les conclusions de fait, et il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur (Vavilov, au para 125).

V Analyse

[22] Comme il a été mentionné ci-dessus au paragraphe 14, la SAR a tiré de nombreuses conclusions défavorables quant à la crédibilité. Le défendeur soutient que dix conclusions défavorables ont été tirées, dont seulement quatre sont contestées par les demandeurs dans la présente demande de contrôle judiciaire. Le défendeur soutient que les six conclusions non contestées constituaient à elles seules une base suffisante pour que la SAR conclue raisonnablement que les demandeurs n’étaient pas crédibles.

[23] Les demandeurs soutiennent que les conclusions défavorables non contestées quant à la crédibilité concernent des incohérences et des omissions mineures. Ils soutiennent que si une ou plusieurs des conclusions défavorables quant à la crédibilité qui ont été contestées sont jugées déraisonnables, l’affaire doit être renvoyée à la SAR pour nouvelle décision. Les demandeurs affirment qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur ce que la SAR aurait fait si le nombre de conclusions défavorables en matière de crédibilité avait été moindre. En outre, ils soutiennent que plusieurs des conclusions défavorables quant à la crédibilité, contestées ou non, sont fondées sur des questions [traduction] « microscopiques ».

[24] Je suis consciente de la retenue qui s’impose à notre Cour lorsqu’elle est saisie d’un recours en contrôle judiciaire visant des décisions de la SAR, particulièrement en ce qui concerne les conclusions portant sur la crédibilité, qui sont des conclusions de fait (Vavilov, au para 125; Benavides c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 43 au para 60).

[25] Au vu du dossier devant la SAR et des observations des parties, je ne suis pas convaincue que la décision est déraisonnable.

[26] En ce qui concerne les six conclusions défavorables non contestées quant à la crédibilité, la SPR et la SAR ont relevé des incohérences, des invraisemblances et des omissions dans la preuve des demandeurs qui minaient leur crédibilité. Je ne suis pas d’accord pour dire que les conclusions non contestées sont mineures, secondaires ou périphériques. Au contraire, la plupart, sinon la totalité, se rapportent à des éléments essentiels de la demande d’asile des demandeurs. Elles portaient sur des incohérences entre le contenu du formulaire FDA et celui des témoignages des demandeurs adultes, ainsi que sur des invraisemblances et des omissions. Notamment, la SAR a trouvé invraisemblables les raisons pour lesquelles M. Garcia Serrano avait continué à souper avec le CJNG s’il pensait qu’ils étaient [traduction] « malfaisants » et pour lesquelles il avait attendu deux ans avant de quitter le Mexique après les prétendus enlèvement et agression. La SAR a conclu que le défaut des demandeurs de présenter les éléments de preuve documentaires mentionnés lors de leur témoignage, alors que la SPR leur en avait donné l’occasion, minait leur crédibilité.

[27] Quant aux conclusions contestées quant à la crédibilité, les demandeurs plaident que la SAR a commis une erreur en concluant que M. Garcia Serrano avait fourni des éléments de preuve incohérents à propos de ce que le CJNG lui avait demandé de faire. La SAR a fait remarquer qu’au début, M. Garcia Serrano n’avait pas nommé la frontière qu’il devait franchir, puis il avait mentionné Tijuana, et enfin il avait déclaré que le CJNG n’avait pas précisé de frontière. Les demandeurs soutiennent que la seule ambiguïté dans le témoignage de M. Garcia Serrano concernait la frontière qu’il lui avait été demandé de franchir. Ils appellent l’attention sur l’échange suivant entre le commissaire de la SPR et M. Garcia Serrano :

[traduction]
COMMISSAIRE : D’accord. Et ensuite, ou devrais-je dire en fait, vous avez dit qu’ils voulaient que vous passiez de la drogue à la frontière entre le Mexique et les États-Unis?

DEMANDEUR 3 : Oui.

COMMISSAIRE : De quel passage frontalier ont-ils parlé?

DEMANDEUR 3 : Ils n’ont pas précisé lequel exactement, mais ils ont parlé de la frontière entre le Mexique et les États-Unis.

COMMISSAIRE : Donc, vous étiez à Mexico au moment visé.

DEMANDEUR 3 : Oui.

COMMISSAIRE : Je suppose donc que la frontière la plus proche serait probablement celle avec le Texas.

DEMANDEUR 3 : Je pense que oui.

COMMISSAIRE : Ce serait probablement celle de Laredo, au Texas.

DEMANDEUR 3 : Oui. Tijuana.

COMMISSAIRE : Eh bien, Tijuana se trouvait à 31 heures de route ou 3000 kilomètres d’où vous étiez. Laredo, au Texas, était à 13 heures de route ou 1124 kilomètres. Bon, alors ils n’ont donc pas précisé quelle frontière?

DEMANDEUR 3 : Non.

COMMISSAIRE : Un instant, s’il vous plaît. Aviez-vous un passeport au moment visé?

DEMANDEUR 3 : Non.

COMMISSAIRE : Le passeport avec lequel vous êtes venu au Canada a été délivré en 2017.

DEMANDEUR 3 : Oui.

COMMISSAIRE : Très bien, alors comment alliez-vous traverser la frontière sans passeport?

DEMANDEUR 3 : Ils ont dit près de la frontière, pas de traverser la frontière, mais simplement d’aller jusqu’à la frontière.

[28] Les demandeurs soutiennent que M. Garcia Serrano a clairement indiqué qu’il ne savait pas quelle frontière il était censé franchir, et que c’est le commentaire de la SPR qui l’a amené à mentionner Tijuana. Ils font valoir que la SPR et la SAR ont déraisonnablement jugé que sa réponse était fautive.

[29] Après examen du dossier, je ne suis pas d’accord avec les demandeurs. Dans l’exposé circonstancié contenu dans les formulaires FDA, les demandeurs affirment qu’à plusieurs reprises, le CJNG leur a dit que le trafic de drogue se ferait à Tijuana. Mme Garcia Serrano et sa mère ont déclaré qu’il leur avait été dit à toutes les deux qu’elles devraient se rendre à Tijuana. Plus tard dans son témoignage, M. Garcia Serrano a soutenu ceci : [TRADUCTION] « Comme je l’ai mentionné, ils m’ont retrouvé. Ils ont dit qu’ils avaient une mission pour moi ou un travail, que je devais livrer de la drogue à Tijuana ». La SAR a conclu que la crédibilité de M. Garcia Serrano était minée par des détails incohérents et imprécis concernant ce que le CJNG lui avait demandé de faire. Cette conclusion ne justifie pas l’intervention de la Cour.

[30] Je passe maintenant à une deuxième conclusion défavorable quant à la crédibilité qui est contestée par les demandeurs. Ceux-ci contestent la conclusion de la SAR selon laquelle il y a clairement une incohérence en ce qui a trait à la chronologie du séjour de M. Garcia Serrano à l’hôpital. La SAR a constaté que M. Garcia Serrano avait déclaré qu’il avait été admis à l’hôpital le 19 mai 2015 à la suite de son agression; toutefois, le dossier de l’hôpital indique qu’il a été admis le 22 juin 2015. La SPR et la SAR ont conclu que sa chirurgie du pancréas qui a eu lieu en juin n’était pas liée à l’enlèvement et à l’agression prétendument commis par le CJNG.

[31] Les demandeurs signalent qu’une entrée dans le dossier de l’hôpital indique une date antérieure en juin 2015. Donc, selon eux, la SAR n’aurait pas dû se fonder sur le dossier médical de l’hôpital puisqu’il contenait lui-même une incohérence. Selon le défendeur, le fait que M. Garcia Serrano ait été admis plus tôt en juin 2015 ne rétablit pas sa crédibilité, étant donné les incohérences dans son témoignage en ce qui a trait à son séjour à l’hôpital, à savoir, qu’il avait été admis à l’hôpital le 19 mai 2015.

[32] J’estime que les demandeurs se livrent à une « une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » (Vavilov, au para 125). Bien que la SAR ait mentionné le 22 juin 2015 dans le contexte de son analyse, je ne considère pas qu’il s’agit d’un vice fatal. La SAR a examiné la question et a trouvé qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve qui démontraient que l’admission de M. Garcia Serrano à l’hôpital en juin 2015 pour une chirurgie du pancréas était liée à la prétendue agression de mai 2015. De plus, la SPR avait examiné en détail la question et avait soulevé les diverses dates en juin 2015 dont les demandeurs parlent maintenant. Elle avait fait remarquer que M. Garcia Serrano avait mentionné une agression qui aurait eu lieu en mai 2015 et qu’il était également question de cette agression dans une lettre déposée en preuve. L’exposé circonstancié contenu dans le formulaire FDA indique que l’agression a eu lieu le 5 mai 2015, tandis que, selon le témoignage de M Garcia Serrano, celui-ci a été enlevé, puis libéré le 19 mai 2015, et il s’est rendu à l’hôpital ce jour-là. Enfin, après avoir examiné les conclusions de la SPR, la SAR a souscrit à la position de celle-ci.

[33] La troisième conclusion défavorable contestée quant à la crédibilité est celle que la SAR a tirée au motif que les demandeurs n’avaient pas mentionné les agents de persécution avant l’audience devant la SPR. La SPR et la SAR ont constaté que le CJNG n’était pas nommé dans l’exposé circonstancié contenu dans le formulaire FDA, qui faisait plutôt mention d’une [traduction] « organisation criminelle puissante ». La SPR et la SAR ont toutes deux conclu que l’explication des demandeurs concernant cette omission n’était pas satisfaisante. Les demandeurs soutiennent qu’il s’agissait d’un détail accessoire et que, de toute manière, leur explication était adéquate. Le défendeur n’est pas de cet avis.

[34] Dans le contexte d’un contrôle judiciaire, le décideur administratif a la responsabilité première de tirer des conclusions de fait, et de telles conclusions commandent la retenue (Garces Canga c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 749 au para 58). La SAR a expliqué pourquoi elle avait jugé que l’explication de M. Garcia Serrano concernant l’omission était insuffisante et pourquoi elle tirait une conclusion défavorable du fait que le CJNG n’était pas mentionné dans l’exposé contenu dans le formulaire FDA. Cette conclusion commande la retenue, et je ne trouve aucune erreur grave dans le raisonnement de la SAR qui justifie l’intervention de la Cour.

[35] Le dernier motif soulevé par les demandeurs est la conclusion de la SAR selon laquelle les éléments cohérents de leurs récits ne l’emportaient pas sur les réserves quant à la crédibilité. La SAR a souligné que les demandeurs avaient « raconté certains éléments de leur récit de façon cohérente », mais que « cette cohérence ne l’emport[ait] pas sur les autres incohérences et problèmes de crédibilité importants dans le dossier ». La SAR a fait observer, « à titre d’exemple », que Mme Garcia Serrano avait fourni « des détails cohérents au sujet de son enlèvement et de l’agression sexuelle qu’elle a subie ».

[36] Au cours de l’audience devant notre Cour, l’avocat des demandeurs et le défendeur ont débattu de la question de savoir si la SAR avait cru que Mme Garcia Serrano avait vraiment été enlevée ou si la SAR avait simplement conclu que son témoignage était cohérent plutôt qu’incohérent. L’avocat a également soulevé la question de savoir s’il était raisonnable pour la SAR de conclure que l’incident n’était pas lié au CJNG.

[37] Je conclus que, d’après le dossier à sa disposition, il était loisible à la SAR de tirer une conclusion quant à la crédibilité globale. L’accumulation de contradictions, d’incohérences et d’omissions concernant des éléments cruciaux d’une demande d’asile peut appuyer une conclusion négative sur la crédibilité d’un demandeur (Lawani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 924 [Lawani] au para 22). De plus, le manque de crédibilité concernant des éléments centraux d’une demande d’asile peut s’étendre à d’autres éléments de la demande (Lawani, au para 24), comme c’était le cas en l’espèce. En fin de compte, la SAR a conclu que les demandeurs n’étaient pas crédibles et que certains éléments cohérents de leur récit n’étaient pas suffisants pour l’emporter sur les problèmes de crédibilité.

[38] Au vu de l’ensemble de la décision et du dossier sur lequel elle est fondée, je ne suis pas convaincue que la décision dans son ensemble soit déraisonnable compte tenu des conclusions défavorables quant à la crédibilité, y compris celles qui n’ont pas été contestées.

VI. Conclusion

[39] Pour les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale à certifier, et l’affaire n’en soulève aucune.


 

JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-526-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Vanessa Rochester »

Juge

Traduction certifiée conforme

Noémie Pellerin Desjarlais


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

IMM-526-21

INTITULÉ :

MARIA MONSERRAT GARCIA SERRANO

GUADALUPE SERRANO RAMIREZ

DIEGO MOISES GARCIA SERRANO

EDUARDO GUADALUPE MENDOZA GARCIA

CESAR RONALDO MENDOZA GARCIA

c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE SUR ZOOM À TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 JANVIER 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ROCHESTER

DATE DES MOTIFS :

LE 7 FÉVRIER 2022

COMPARUTIONS :

Ronald Poulton

POUR LES DEMANDEURS

Daniel Engel

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Poulton Law

Société professionnelle

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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