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Date : 20220223


Dossier : IMM-2564-21

Référence : 2022 CF 250

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 23 février 2022

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

XIJIN SONG

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, Xijin Song, un citoyen chinois, sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) a rejeté sa demande d’asile. Il demande le statut de réfugié au motif qu’il est un véritable adepte du Falun Gong et qu’il risque donc d’être persécuté en Chine. La SAR a rejeté son appel parce qu’elle a conclu qu’il n’était pas crédible.

[2] Le demandeur soutient que la décision de la SAR est déraisonnable parce que la commissaire de la SAR a mal analysé son allégation selon laquelle il est un adepte du Falun Gong. Il affirme que la SAR n’a pas tenu compte du fait qu’il n’a accumulé que cinq années d’études et qu’il était agriculteur en Chine. Il ajoute que, puisque la SAR n’a pas accordé suffisamment de poids à ce facteur, son évaluation des connaissances du demandeur à l’égard de sa foi ne peut être confirmée.

[3] Je ne suis pas convaincu.

[4] La norme de contrôle qui s’applique est celle de la décision raisonnable, conformément à l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. Plusieurs principes découlent de l’application de cette norme : il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable (au para 100); et la cour de révision doit centrer son attention sur le raisonnement derrière la décision, évaluer s’il reflète les contraintes factuelles et juridiques qui ont une incidence sur celle-ci et déterminer si elle peut suivre le raisonnement sans buter sur des lacunes importantes (aux para 88, 101). Pour pouvoir intervenir, la cour de révision doit être convaincue par la partie qui conteste la décision que celle-ci « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (au para 100).

[5] Le paragraphe suivant résume bien la décision de la SAR :

[9] J’estime que les connaissances [du demandeur] à l’égard du Falun Gong étaient superficielles parce que ses éléments de preuve étaient vagues et parfois inexacts. Il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve attestant d’un lien spirituel ou émotionnel (ou un autre type de lien) et permettant de conclure que [le demandeur] est un adepte authentique du Falun Gong. De plus, les éléments de preuve documentaire présentés n’étaient pas suffisants pour l’emporter sur les préoccupations concernant les lacunes relevées dans les éléments de preuve.

[6] Le demandeur soutient que la conclusion de la SAR est déraisonnable parce qu’il a répondu aux questions portant sur ses croyances et sa pratique du Falun Gong et que ses réponses reflètent ses capacités personnelles. Il soutient que la SAR lui a imposé une norme élevée et injustifiée et qu’elle n’a pas tenu compte de la question centrale, à savoir la sincérité de ses croyances.

[7] La jurisprudence sur cette question fait ressortir plusieurs principes. Premièrement, pour évaluer si les croyances du demandeur d’asile sont authentiques, le décideur peut évaluer la sincérité de sa conviction religieuse « au regard de sa bonne connaissance du dogme ou de la croyance invoqué » (Zhu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1066 au para 17). Deuxièmement, il est loisible au décideur « de ne pas croire un demandeur dont les connaissances ne concordent pas avec la durée et l’ampleur de ses activités religieuses » (Jia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 33 au para 17; voir aussi Liang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 115 au para 31, citant Gao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 271). Troisièmement, lorsqu’on interroge un demandeur sur sa connaissance de sa foi, il est important de ne pas « poser des questions futiles », et l’accent doit rester sur la sincérité des croyances religieuses de la personne (Qi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 400 au para 19; voir aussi Wu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 591 au para 19).

[8] À mon avis, la SAR a suivi les directives énoncées dans la jurisprudence et n’a commis aucune des erreurs énumérées ci-dessus. Elle a évalué l’authenticité de l’allégation du demandeur selon laquelle il était un adepte du Falun Gong, au regard de sa connaissance des principes fondamentaux de la doctrine, des raisons pour lesquelles il a adhéré au Falun Gong, et de la preuve documentaire qu’il a produite à l’appui de sa demande. C’est ce qu’exige la jurisprudence.

[9] La SAR a reconnu que le demandeur était peu instruit et qu’il était nerveux lorsqu’il a témoigné, mais a conclu que cela n’expliquait pas les lacunes de son témoignage. Dans le cadre de son évaluation, la SAR a noté que le demandeur avait déclaré qu’il pratiquait le Falun Gong depuis environ deux ans et qu’il avait lu le Zhuan Falun ainsi que le Falun Dafa. Il a également déclaré que, lorsqu’il était en Chine, il étudiait le Zhuan Falun deux fois par mois et qu’il avait assisté à des exercices de groupe avec des adeptes du Falun Gong à plus de 30 reprises. La SAR a fondé son évaluation des connaissances du demandeur sur la preuve qu’il avait lui-même présentée relativement à la nature et à l’étendue de sa pratique, comme la norme de la décision raisonnable l’exige.

[10] De plus, la SAR n’a pas fondé cette conclusion uniquement sur les connaissances du demandeur à l’égard de la doctrine. La commissaire a également tenu compte du témoignage du demandeur concernant les raisons pour lesquelles il avait commencé à pratiquer le Falun Gong et ce que cela signifiait pour lui. La SAR a reconnu que le demandeur avait commencé à pratiquer le Falun Gong après qu’un ami l’avait initié à la pratique pour l’aider à guérir d’une brochite. La SAR a également reconnu que le demandeur avait participé à des exercices avec d’autres adeptes du Falun Gong. Elle a toutefois conclu qu’il n’avait pas démontré le type de lien émotionnel ou spirituel que l’on voit habituellement chez les adeptes du Falun Gong. Le demandeur a déclaré que le Falun Gong avait atténué sa maladie et qu’il avait procuré des avantages à d’autres personnes, mais il n’a pas démontré qu’il comprenait suffisamment bien ses aspects spirituels ou qu’il adhérait à ces croyances. Par conséquent, la SAR a raisonnablement conclu que le demandeur n’avait pas satisfait à l’exigence principale de ce motif de protection, qui se rapporte aux pratiques spirituelles.

[11] Par ailleurs, la SAR a examiné la preuve documentaire produite par le demandeur pour étayer son allégation selon laquelle il était un adepte du Falun Gong. Elle a conclu que le document qui, selon le demandeur, aurait été laissé chez lui par le Bureau de la sécurité publique après sa fuite, n’était qu’une simple demande de comparution devant le tribunal, et qu’il est fréquent que les citoyens chinois ne tiennent pas compte de ce type de document. La commissaire a également conclu qu’il y avait des raisons de douter de l’authenticité du document. De plus, la SAR a conclu que la lettre fournie par un adepte du Falun Gong et les photos déposées par le demandeur n’étaient pas suffisantes pour démontrer qu’il était un véritable adepte du Falun Gong. Le demandeur n’a pas sérieusement contesté ces conclusions.

[12] Dans l’ensemble, les objections du demandeur portent sur l’appréciation de la preuve par la SAR, mais il ressort clairement d’un long courant jurisprudentiel confirmé par l’arrêt Vavilov (au para 125) et par la jurisprudence subséquente qu’il n’appartient pas à la cour de révision d’apprécier à nouveau la preuve.

[13] La décision de la SAR est raisonnable. Elle est fondée sur les faits présentés par le demandeur et elle respecte les principes juridiques applicables. Le raisonnement de la SAR est clair et bien étayé par les motifs fournis. Voilà tout ce que la norme de décision raisonnable exige.

[14] Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[15] Il n’y a pas de question de portée générale à certifier.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-2564-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a pas de question de portée générale à certifier.

« William F. Pentney »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Vézina


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2564-21

INTITULÉ :

XIJIN SONG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 FÉVRIER 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PENTNEY

DATE DES MOTIFS :

LE 23 FÉVRIER 2022

COMPARUTIONS :

Leonard Borenstein

 

POUR LE DEMANDEUR

Alex Kam

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Leonard H. Borenstein

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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