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Date : 20220222

Dossier : IMM-2222-20

Référence : 2022 CF 240

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 22 février 2022

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

RAJINDER SINGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Survol

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée sur le fondement du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], de la décision du 25 février 2020 rendue par un agent des visas. L’agent a rejeté la demande de permis de travail que le demandeur avait présentée dans le cadre du programme des travailleurs étrangers temporaires, après avoir conclu que le demandeur n’avait pas démontré qu’il serait en mesure d’exercer adéquatement l’emploi pour lequel il avait demandé le permis de travail.

II. Le contexte

[2] Le demandeur, M. Rajinder Singh, est un citoyen de l’Inde âgé de 23 ans. En janvier 2020, il a demandé un permis de travail à titre de coiffeur, muni d’une offre d’emploi de « Best Look Hair & Beauty Salon Ltd. », une entreprise située à Surrey, en Colombie-Britannique.

[3] Le demandeur a présenté des copies des documents suivants à l’appui de sa demande :

un diplôme d’études supérieures en cosmétologie du « New Image Institute » obtenu au terme de la période allant du 10 juin 2016 au 9 juin 2017;

une « mention de distinction » pour son diplôme d’études supérieures en cosmétologie;

une lettre de recommandation de son employeur « New Image Institute (Academy and Salon) » pour l’emploi qu’il y a occupé du 5 août 2017 au 1er novembre 2019;

les fiches de paie mensuelles du « New Image Institute » de juin à octobre 2019;

des relevés bancaires montrant les paiements qu’il a reçus du New Image Institute d’octobre 2019 à janvier 2020;

un formulaire de rapport du IELTS, montrant un score global de 6,0 et un niveau B2 du CECR;

un diplôme d’études secondaires;

une offre d’emploi permanent à temps plein pour le poste de coiffeur chez Best Look Hair & Beauty Salon à Surrey, en Colombie-Britannique;

l’étude d’impact sur le marché du travail [l’EIMT] #8508396 délivrée à Best Look Hair & Beauty Salon concernant le demandeur.

A. La décision faisant l’objet du contrôle

[4] Dans la lettre de refus datée du 25 février 2020, l’agent des visas a motivé son refus dans les termes suivants : [traduction] « Vous n’avez pas été en mesure de démontrer que vous aurez la capacité d’exercer adéquatement l’emploi pour lequel vous avez demandé le permis de travail. »

[5] Dans les notes qu’il a consignées dans le système mondial de gestion des cas [le SMGC], l’agent explique le raisonnement suivant [décision, notes consignées dans le SMGC, p. 7] :

[traduction]
J’ai examiné la demande. Le demandeur l’a présentée à titre de coiffeur conformément à la CNP 6341. Permis de travail antérieurement refusé en décembre 2019. L’EIMT exige un programme d’apprentissage de deux ou trois ans, un diplôme d’études collégiales ou une formation spécialisée en coiffure, ainsi qu’une formation en cours d’emploi ou plusieurs années d’expérience pour suppléer aux exigences scolaires et à la formation. Le demandeur principal (le DP) déclare avoir accumulé de l’expérience à titre de coiffeur à partir de 2017 au New Image Institute, à Jalandhar, en Inde. Une attestation d’expérience datée du 24 janvier 2020, quelques fiches de paie de 2019, des copies de quelques chèques de paie émis par l’employeur pour 2019-2020, un relevé bancaire pour une période donnée entre 2019 et 2020 ont été fournis. Tous ces documents sont assez récents et aucun élément de preuve plus ancien n’a été fourni. La preuve étayant l’expérience et l’emploi déclarés est insuffisante. D’après mon examen, j’estime que le DP n’a pas suffisamment démontré qu’il est capable d’exercer l’emploi offert au Canada. Demande rejetée conformément à l’alinéa 200(3)a).

III. Les questions en litige

A. La décision de refuser la demande de permis de travail du demandeur était-elle raisonnable ?

IV. La norme de contrôle

[6] Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable.

V. Analyse

La décision de refuser la demande de permis de travail du demandeur était-elle raisonnable ?

[7] L’agent avait l’obligation, suivant l’article 200 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le RIPR], d’évaluer la capacité du demandeur à exercer l’emploi pour lequel il demandait le permis de travail. Il incombait au demandeur de convaincre l’agent qu’il avait la capacité de respecter les modalités de l’offre d’emploi, mais il ne l’a pas fait [Cruz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1283 aux para 7-8; Bautista c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 669 au para 15].

[8] En outre, l’agent des visas dispose d’un large pouvoir discrétionnaire et sa décision appelle un degré élevé de déférence [Sangha c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 95 au para 42; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 aux para 4, 46].

[9] Selon le demandeur, l’agent a indiqué dans le SMGC que l’EIMT exigeait [traduction] « un programme d’apprentissage de deux ou trois ans, un diplôme d’études collégiales ou une formation spécialisée en coiffure, ainsi qu’une formation en cours d’emploi ».

[10] Le demandeur dit qu’il a fourni des copies de son diplôme d’études supérieures en cosmétologie, de la « mention de distinction » qu’il a obtenue et de la lettre de recommandation du New Image Institute. Ces documents établissent qu’il a terminé un programme en coiffure et qu’il possède une expérience de travail. En particulier, l’auteur de la lettre de recommandation mentionne expressément que le demandeur a appris, dans le cadre de sa formation en cours d’emploi, à gérer les clients et à composer avec eux, un fait omis dans les motifs de l’agent. Selon le demandeur, il est difficile de savoir, à la lecture des motifs, à quelle formation supplémentaire l’agent pouvait s’attendre de la part d’un coiffeur qui travaillait depuis 2017.

[11] Selon le demandeur, le fait pour l’agent de ne pas avoir analysé le programme d’études en coiffure et de ne pas avoir mentionné la formation en gestion des clients rend sa décision déraisonnable étant donné que la preuve contredit carrément ses conclusions de fait.

[12] En réponse à la conclusion de l’agent selon laquelle les documents présentés pour établir l’expérience de travail du demandeur [traduction] « sont assez récents et aucun élément de preuve plus ancien n’a été fourni », le demandeur observe qu’il a acquis l’ensemble de son expérience de travail au cours de l’emploi qu’il a occupé du 5 août 2017 au 1er novembre 2019. Par conséquent, le dossier ne comporte aucun élément de preuve plus ancien établissant son expérience de travail.

[13] Le demandeur soutient qu’il est difficile de savoir, d’après les notes de l’agent, pourquoi les fiches de paie et les relevés bancaires datés consécutivement, ainsi que les chèques de paie datant de 2019 et de 2020, étaient insuffisants pour étayer sa demande. Il fait remarquer que l’agent n’a tiré aucune conclusion quant à la crédibilité ou à la validité de sa preuve et qu’il n’a pas eu d’entrevue avec l’agent.

[14] Le demandeur fait valoir que l’EIMT n’exigeait pas un programme de deux ou trois ans d’études. Au contraire, sous la rubrique [traduction] « Exigences scolaires », l’EIMT ne mentionne qu’un [traduction] « diplôme d’études secondaires ».

[15] Qui plus est, le demandeur n’était pas tenu de démontrer qu’il possédait plusieurs années d’expérience de travail – vu qu’il a fait des études et une formation dans le domaine –, mais il l’a tout de même fait.

[16] Enfin, le demandeur soutient qu’aucune explication et aucune analyse ne permet de savoir pourquoi il est important que son diplôme soit en « coiffure » plutôt qu’en « cosmétologie », comme le soulève le défendeur. De plus, on ne sait pas vraiment pourquoi le demandeur devait faire état du nombre d’heures consacrées à la formation en coiffure dans son programme de diplôme en cosmétologie. Selon lui, il s’agit d’une [TRADUCTION] « attente déraisonnable et/ou conjecturale ».

[17] Selon les notes consignées par l’agent dans le SMGC, l’EIMT exige un programme d’apprentissage de deux ou trois ans, un diplôme d’études collégiales ou une formation spécialisée en coiffure, ainsi qu’une formation en cours d’emploi, ou plusieurs années d’expérience pour suppléer aux exigences scolaires et à la formation. Le défendeur s’appuie également sur les énoncés suivants dans les notes consignées par l’agent dans le SMGC [décision, p. 7] :

[traduction]
Le DP déclare avoir accumulé de l’expérience à titre de coiffeur travaillant depuis 2017 au New Image Institute, à Jalandhar, en Inde. Il a fourni une attestation d’expérience datée du 24 janvier 2020 ainsi que quelques fiches de paie de 2019, des copies de quelques chèques de paie émis par l’employeur entre 2019 et 2020 et un relevé bancaire pour une période donnée entre 2019 et 2020. Tous ces documents sont récents et aucun élément de preuve plus ancien n’a été présenté. La preuve fournie est insuffisante pour étayer l’expérience et l’emploi déclarés.

[18] Le défendeur affirme que le programme de diplôme d’études supérieures en cosmétologie du demandeur – décerné par le New Image Institute au terme de la période comprise entre le 10 juin 2016 et le 9 juin 2017 – [traduction] « ne comportait pas suffisamment d’heures de formation en coiffure, laquelle correspond à la scolarité exigée par l’EIMT pour le poste visé par le permis de travail ». Le défendeur fait également remarquer que le demandeur a obtenu un diplôme en cosmétologie, et non expressément en coiffure. Par conséquent, le demandeur n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve convaincants démontrant qu’il pourra répondre aux exigences du poste et la crédibilité n’était pas en jeu [Chaykovskyy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 96 au para 43; Zang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 112 au para 57].

[19] Le défendeur soutient également qu’il était raisonnable pour l’agent d’examiner les chèques de paie et les relevés bancaires, étant donné que le demandeur – qui n’avait pas terminé une formation de deux ou trois ans – tentait d’établir qu’il avait obtenu les qualifications voulues au moyen d’un programme de coiffure, d’une formation en cours d’emploi et d’une expérience de travail. Selon le défendeur, le caractère minimal de la formation suivie par le demandeur lui imposait un plus lourd fardeau d’établir qu’il possédait plusieurs années d’expérience de travail ou de formation en cours d’emploi. Son attestation d’expérience, ses chèques de paie et relevés bancaires récents ne suffisaient pas, en l’absence d’éléments de preuve plus anciens, pour démontrer qu’il possédait l’expérience requise.

[20] Le demandeur a raison de dire que l’EIMT délivrée à Best Look Hair and Beauty Salon n’énonce aucune exigence particulière, en ce qui concerne les études ou l’expérience, autre qu’un [traduction] « diplôme d’études secondaires », mais on y indique sous la rubrique intitulée [traduction] « RENSEIGNEMENTS SUR LE POSTE », que le code et le titre de la CNP sont le [traduction] « 6341 – Coiffeurs/coiffeuses et barbiers » et que le titre du poste est celui de coiffeur.

[21] La page Web de Statistique Canada (du gouvernement du Canada) pour la CNP 6341 énumère les conditions d’accès à la profession pour les coiffeurs, notamment :

Un programme d’apprentissage de deux ou trois ans, ou un diplôme d’études collégiales ou une formation spécialisée en coiffure, ainsi qu’une formation en cours d’emploi, sont habituellement exigés.

Plusieurs années d’expérience peuvent suppléer aux exigences scolaires et à la formation.

[22] Bien que le demandeur affirme avoir travaillé comme coiffeur au New Image Institute du 5 août 2017 au 1er novembre 2019, seule la lettre de recommandation du New Image Institute preuve étaye son affirmation. Ses relevés bancaires remontent à juin 2019 et son premier chèque de paie remonte également à juin 2019. La lettre de recommandation, à elle seule, ne permet pas – en l’absence d’autres éléments de preuve à l’appui – de conclure que l’interprétation de l’agent était déraisonnable sur ce point [Ponican c Canada, 2020 CF 232 au para 18].

[23] Par ailleurs, bien que le demandeur affirme que l’agent n’a pas tenu compte de la preuve établissant qu’il a appris à gérer les clients et à composer avec eux dans le cadre de sa formation en cours d’emploi, la preuve dont il s’agit se résume à une seule phrase contenue dans la lettre de recommandation du New Image Institute, selon laquelle [traduction] « dans le cadre de sa formation, [le demandeur] a appris à composer avec les clients et à les gérer ».

[24] À mon avis, il était raisonnablement loisible à l’agent de conclure que le demandeur n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour étayer son expérience de travail.

[25] La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[26] Aucune question à certifier n’a été proposée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-2222-20

LA COUR STATUE :

  1. La demande est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM-2222-20

 

INTITULÉ :

RAJINDER SINGH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 fÉvrier 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 22 fÉVRIER 2022

 

COMPARUTIONS :

RICHARD KURLAND

 

POUR LE DEMANDEUR

 

BORIS KOZULIN

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

KURLAND, TOBE

VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

MINISTÈRE DE LA JUSTICE

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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